État islamique (organisation)
organisation terroriste, militaire et politique, d'idéologie salafiste djihadiste / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur État islamique (organisation)?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
L'État islamique (EI ; en arabe : الدولة الإسلامية, ad-dawla al-islāmiyya), aussi appelé Daech (également orthographié Daesh), est une organisation terroriste politico-militaire, d'idéologie salafiste djihadiste ayant proclamé le l'instauration d'un califat sur les territoires sous son contrôle. De l'été 2014 au printemps 2019, il forme un proto-État en Irak et en Syrie où il met en place un système totalitaire. Son essor est notamment lié aux déstabilisations géopolitiques causées par la guerre d'Irak et la guerre civile syrienne.
Cet article concerne l'organisation djihadiste. Pour le régime politique, voir État islamique.
Sa création remonte à 2006, lorsqu'Al-Qaïda en Irak forme, avec cinq autres groupes djihadistes, le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak. Le , le Conseil consultatif proclame l'État islamique d'Irak (EII ; en arabe : دولة العراق الإسلامية, dawlat al-ʿirāq al-islāmiyya), lequel se considère à partir de cette date comme le gouvernement légitime de l’Irak.
En 2012, l'EII commence à s'étendre en Syrie et, le , il devient l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL ; en arabe : الدولة الاسلامية في العراق والشام, ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām, littéralement « État islamique en Irak et dans le Cham »), souvent désigné par son acronyme anglais ISIS (Islamic State of Iraq and Sham) ou par son acronyme arabe داعش (Dāʿiš), prononcé [ˈdaːʕiʃ ] et transcrit Daʿech (en anglais Daʿesh), bien que cette dernière appellation soit rejetée par l'organisation.
Le , l'EIIL annonce le « rétablissement du califat » dans les territoires sous son contrôle, prend le nom d'« État islamique » et proclame son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, « calife et successeur de Mahomet », sous le nom d'Ibrahim. Désormais rival d'Al-Qaïda, avec qui il est en conflit depuis , l'État islamique voit son influence s'étendre à plusieurs pays du monde musulman avec l'allégeance de nombreux groupes djihadistes ; les plus importants étant le Boko Haram au Nigeria, Ansar Bait al-Maqdis dans le Sinaï égyptien et le Majilis Choura Chabab al-Islam en Libye. Il apparaît également en Afghanistan où il tente de supplanter les talibans. À partir de 2015, l'EIIL mène des attentats jusqu'en Europe et en Amérique du Nord.
En Irak et en Syrie, la surface du territoire de l'EI atteint son maximum en 2014 et 2015 avec la prise de nombreuses villes comme Falloujah, Raqqa, Manbij, Boukamal, Mossoul, Tall Afar, Al-Qaïm, Tikrit, Hit et Ramadi. À partir de 2015, avec une première défaite symbolique à Kobané, l'EI commence à perdre tout ou partie de ses conquêtes sous la pression de ses nombreux adversaires : les forces armées des gouvernements de l'Irak, de la Syrie et de la Turquie, les rebelles syriens, les milices chiites parrainées par l'Iran, les peshmergas du GRK, les groupes kurdes des YPG et du PKK et diverses autres milices. À partir d', une coalition internationale de vingt-deux pays menée par les États-Unis procède à une campagne de frappes aériennes contre l'EI. La Russie intervient à son tour en Syrie en . Mossoul, la plus grande ville contrôlée par l'État islamique, est reprise par l'armée irakienne en , tandis que Raqqa, sa « capitale » syrienne, est prise par les Forces démocratiques syriennes en octobre de la même année. L'EI perd ses derniers territoires en Irak en et en Syrie en . Le chef de l'organisation, Abou Bakr al-Baghdadi, trouve la mort lors d'une opération menée par les forces spéciales américaines à Baricha, en Syrie, le . En 2024, l'organisation continue de commettre de nombreux actes terroristes et la situation dans le désert syrien suscite des inquiétudes[51].
L'État islamique est classé comme organisation terroriste par de nombreux États et est accusé par les Nations unies, la Ligue arabe, les États-Unis et l'Union européenne d'être responsable de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de nettoyage ethnique et de génocide. Il pratique également la destruction de vestiges archéologiques millénaires dans les territoires qu'il contrôle.
Origine et création (2006)
Lors des guerres successives d'Irak depuis les années 1980 et notamment l'invasion de 2003, les États-Unis et leurs alliés ont détruit l'ensemble des infrastructures du pays engendrant un chaos aussi bien matériel que culturel. De plus, les fausses accusations d'armes de destruction massive et les scandales liés à la torture dans les prisons, notamment le scandale d'Abou Ghraib minent la confiance du peuple irakien envers les occidentaux. Cela créé un profond sentiment anti-américain notamment chez les anciens cadres de l'armée irakienne qui fournissent la structure de base de l'armée de l'État islamique[52],[53],[54],[55].
Selon le quotidien britannique The Guardian, citant une source anonyme, c'est derrière les murs de la prison américaine de Camp Bucca située près du port d'Umm Qasr, perdue dans le désert irakien, que les futurs leaders de l'organisation ont ébauché leur réseau à partir de 2004, en inscrivant les coordonnées de leurs codétenus sur l'élastique de leurs boxers aux fins de reprise de contact à leur sortie de prison en 2009[56],[57],[58]. Richard Barret, spécialiste du contre-terrorisme, analyse que l'enfermement favorisant la radicalisation, de hauts gradés baasistes de l’armée de Saddam Hussein se sont retrouvés aux côtés de terroristes chevronnés d’Al-Qaïda et les deux groupes, s’ils ont des méthodes différentes, se sont découvert une communauté d’intérêt et se sont échangé leurs compétences[59].
L' « État islamique d'Irak » est créé le [60],[61] par le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak (une alliance de groupes armés djihadistes dont fait partie Al-Qaïda en Irak) et cinq autres groupes djihadistes irakiens[62], avec une trentaine de tribus sunnites représentant environ 70 % de la population de la province d'al-Anbar (ouest de l'Irak)[63].
Progressivement, la branche irakienne d'Al-Qaïda est absorbée dans l'État islamique ; son chef, Abou Hamza al-Mouhajer, prête d'ailleurs serment d'allégeance à Abou Omar al-Baghdadi, émir de l'État islamique d'Irak. En 2007, Ayman al-Zaouahiri annonce qu'« Al-Qaïda en Irak n'existe plus ». Les combattants de ce mouvement ont rejoint pour la plupart l'État islamique d'Irak[64],[65].
Le , l'État islamique d'Irak prend le nom arabe de الدولة الاسلامية في العراق والشام, « ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām »)[66], dont un acronyme est داعش (transcrit Daʿech ou en anglais Daʿesh[67],[68],[69]), littéralement « État islamique en Irak et al-Sham » (EIIS)[70],[note 1], plus souvent traduit par « État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) et parfois désigné par l'acronyme anglais ISIS (Islamic State of Iraq and Syria)[66],[71].
Rupture avec Al-Qaïda en 2013 et 2014
Les relations entre l'État islamique et Al-Qaïda, dirigé depuis la mort d'Oussama ben Laden par Ayman al-Zawahiri, ont évolué depuis la création de l'organisation en 2006. Initialement liés, les deux mouvements sont devenus rivaux.
Le , Abou Bakr al-Baghdadi déclare que le Front al-Nosra est une branche de l'État islamique d'Irak en Syrie et annonce la fusion de l'EII et du Front al-Nosra pour former l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Cependant, le chef d'al-Nosra, Abou Mohammad al-Joulani, bien qu'il reconnaisse avoir combattu en Irak sous les ordres d'al-Baghdadi puis avoir bénéficié de son aide en Syrie, ne répond pas favorablement à l'appel de celui-ci et renouvelle son allégeance à Ayman al-Zawahiri, émir d'Al-Qaïda[64].
En et en , Ayman al-Zawahiri demande à l'EIIL de renoncer à ses prétentions sur la Syrie, estimant qu'Abou Bakr al-Baghdadi « a fait une erreur en établissant l'EIIL » sans lui en avoir demandé la permission ni même l'avoir informé. Il annonce que « l'État islamique en Irak et en Syrie va être supprimé, alors que l'État islamique en Irak reste opérationnel ». Pour al-Zawahiri, le Front al-Nosra demeure la seule branche d'Al-Qaïda en Syrie[72].
À son tour, al-Baghdadi rejette les déclarations d'al-Zawahiri[64]. En réalité, l'EIIL se considère comme un État indépendant et ne souhaite prêter aucune allégeance à Al-Qaïda, ni à aucune autre structure[65].
D'autres divergences opposent Al-Qaïda et l'EIIL : les premiers considèrent que le djihad doit être mené prioritairement contre les États-Unis, Israël, les pays occidentaux et leurs alliés régionaux, alors que de son côté, depuis le départ des Américains d'Irak, l'EIIL considère que l'ennemi principal est désormais l'Iran et les chiites[64].
En 2014, Al-Qaïda et l'EIIL entrent en conflit direct. Le , les rebelles syriens se révoltent contre l'EIIL, et le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, prend part à l'offensive, principalement à Raqqa. Abou Mohammed al-Joulani, le chef d'al-Nosra, estime que l'EIIL a une forte responsabilité dans le déclenchement du conflit mais appelle à un cessez-le-feu[73]. Cependant, le 11 ou le , à Raqqa, l'EIIL exécute 99 prisonniers membres du Front al-Nosra et d'Ahrar al-Sham selon l'OSDH[74],[75].
Le , Al-Qaïda publie un communiqué dans lequel il condamne les actions de l'EIIL et confirme que ce mouvement « n'est pas une branche d'Al-Qaïda, n'a aucun lien organisationnel » avec eux et qu'il « n'est pas responsable de ses actions »[76].
Le , Ayman al-Zaouahiri appelle à un « arbitrage indépendant en vertu de la loi islamique » afin de mettre fin aux combats qui opposent en Syrie l'État islamique en Irak au Levant et le Front al-Nosra. Selon Romain Caillet, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient et spécialiste de la mouvance salafiste, le projet soutenu par al-Zaouahiri aurait pour conséquence de former une seule instance juridique, placée au-dessus de toutes les autres. L'autorité de l'EIIL, sur les territoires qu'il contrôle, serait alors dissoute. C'est la principale raison pour laquelle l'EIIL, qui se voit comme un véritable État, refuse cette solution et préfère celle dite des « tribunaux conjoints », où le jury serait composé pour moitié de membres de l'EIIL et pour l'autre de la brigade plaignante[77].
Le , Ayman al-Zaouahiri donne l'ordre au Front al-Nosra de cesser de combattre d'autres groupes djihadistes et de « se consacrer au combat contre les ennemis de l'islam, en l'occurrence les baasistes, les chiites et leurs alliés ». Il appelle également Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EIIL, à se concentrer sur l'Irak[78]. Ces instructions ne sont pas suivies : à cette même période, la bataille d'Al-Busayrah s'engage entre Al-Nosra et l'EIIL, près de Deir ez-Zor[79].
Le , Abou Mohammed al-Adnani, chef de l'EIIL en Syrie, qualifie les messages de Ayman al-Zaouahiri de « déraisonnables, irréalistes et illégitimes ». Il déclare à ce dernier dans un enregistrement : « Vous avez provoqué la tristesse des moudjahidines et l'exultation de leur ennemi en soutenant le traître (Abou Mohammad al-Joulani, chef d'al-Nosra). Le cheikh Oussama (c'est-à-dire : Oussama ben Laden, ancien chef d'Al-Qaïda) avait rassemblé tous les moudjahidines avec une seule parole, mais vous les avez divisés et déchirés. […] Vous êtes à l'origine de la querelle, vous devez y mettre fin »[80].
Proclamation d'un califat (2014)
Le , premier jour du ramadan, l'État islamique en Irak et au Levant annonce l'établissement d'un califat sur les territoires syriens et irakiens qu'il contrôle. L'émir Abou Bakr al-Baghdadi est proclamé calife sous le nom d'Ibrahim et l'organisation prend le nom d'État islamique (EI)[81]. L'EI se revendique comme le successeur des précédents califats, le dernier calife, Abdülmecid II, ayant été déposé en 1924 lorsque la Grande assemblée nationale de Turquie abolit le califat[82]. Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l'EI, déclare qu'il est du « devoir » de tous les musulmans du monde de prêter allégeance au nouveau calife Ibrahim : « Musulmans (…) rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l'Occident. Revenez à votre religion »[83].
Selon Charles Lister, chercheur associé au Brookings Doha Centre : « D'un point de vue géographique, l'État islamique est déjà parfaitement opérationnel en Irak et en Syrie. Il est en outre présent — mais caché — dans le sud de la Turquie, semble avoir établi une présence au Liban, et a des partisans en Jordanie, à Gaza, dans le Sinaï, en Indonésie, en Arabie saoudite et ailleurs »[83]. Pour Shashank Joshi, du Royal United Services Institute à Londres, la proclamation du califat « ne change rien matériellement », mais « ce qui change réellement c'est (…) l'ambition » de l'État islamique, qui montre sa confiance dans sa force et défie Al-Qaïda[83].
Par cette proclamation l'EI tient à montrer sa puissance et menace le pouvoir d'Al-Qaïda sur les mouvements armés djihadistes salafistes. Pour Charles Lister : « Tous les groupes liés à Al-Qaïda et les mouvements djihadistes indépendants vont devoir décider s'ils soutiennent l'État islamique ou s'ils s'opposent à lui »[84]. Dans un communiqué, l'EI ordonne à Al-Qaïda et aux groupes armés islamistes de se soumettre à son autorité[82]. Plus généralement, l'EI déclare qu'Abou Bakr al-Baghdadi est devenu le « chef des musulmans partout » dans le monde[85].
Selon Henry Laurens, historien du monde arabe au Collège de France, ce califat est de l'ordre de l’« invention de la tradition » au sens où il « est aussi imaginaire que la façon dont Hollywood représente le Moyen Âge […] on est en plein imaginaire de seconde zone […] puisque ça n'a rien à voir avec la réalité historique du califat »[86].
Coalition contre l'État islamique en Irak et en Syrie (2014-2019)
Le , les États-Unis interviennent à nouveau en Irak en engageant leurs forces aériennes contre l'EI dans le Kurdistan irakien[87]. À partir de septembre, la France, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, le Maroc et l'Italie engagent leurs aviations et des forces spéciales en Irak.
La nuit du 22 au , soit quelques semaines après les premières frappes en Irak, les forces aériennes américaines, de l'Arabie saoudite, de la Jordanie des Émirats arabes unis, du Qatar et de Bahreïn commencent en urgence une campagne de bombardements contre l'État islamique en Syrie[88].
Par la suite, la Russie a dit vouloir monter une coalition contre Daech. Toutefois les États parties prenantes ont des intérêts divergents, notamment sur des points politiques tels que le départ de Bachar al-Assad.
À la suite des attentats de Paris du mais aussi de Beyrouth et d'autres, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte à l'unanimité le une résolution proposée par la France dans laquelle il appelle tous les États qui le peuvent à lutter contre Daech (EIIL).
Par cette résolution, le Conseil demande aux « États qui ont la capacité de le faire » de mettre un terme aux actes de terrorisme commis par Daech, Front al-Nosra et Al-Qaïda et d'éliminer le sanctuaire qu'ils ont créé ». Il invite les États à « intensifier leurs efforts pour endiguer le flux de combattants terroristes étrangers qui se rendent en Iraq et en Syrie et empêcher et éliminer le financement du terrorisme »[89].
Le , les Américains annoncent la mort du chef de l'État islamique, Abou-Bakr al-Baghdadi, à la suite du raid de Baricha, dans le nord-ouest de la Syrie.