Évêque
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Un évêque (Écouter) est le dignitaire d'une Église chrétienne particulière ou d'un diocèse.
La fonction d'évêque existe dans les Églises catholique et orthodoxe, ainsi que dans la Communion anglicane et dans certaines Églises protestantes. Dans chacune de ces Églises, l'évêque est consacré par un ou plusieurs évêques issus d'une chaîne d'ordonnateurs qui, théoriquement, remonte dans le temps jusqu'à l'un des apôtres du Christ. C'est ce que l'on appelle la succession apostolique, qui est revendiquée par l'ensemble de ces Églises.
Dans le protestantisme, le ministère d'évêque est présent dans toutes les dénominations, souvent avec d'autres noms comme président du conseil ou surveillant général.
Le mot évêque vient du mot gallo-roman *EPISCU[2], forme raccourcie du latin episcopus, lui-même issu du grec ἐπίσκοπος / epískopos qui, formé à partir de la préposition ἐπί / epí, « sur », et du verbe σκοπέω / skopéô, « observer », signifie littéralement « surveillant » ou « superviseur », le « pilote qui contrôle la situation et dirige le navire, le berger ou le gardien qui conduit et protège le troupeau »[3], c'est-à-dire responsable d'une organisation ou d'une communauté. Le mot episkopos est utilisé dans les Épîtres de Paul et les Actes des Apôtres, qui sont des textes parmi les plus anciens du christianisme.
Avant le christianisme, le terme désignait diverses fonctions d'administrateur dans les domaines civil, financier, militaire ou judiciaire.
Premiers siècles
Si l’histoire de la fonction épiscopale remonte à l’époque des premiers développements de l’institution ecclésiale, ses origines et son évolution durant les premiers temps du christianisme demeurent largement conjecturales[4]. En outre, la documentation fragmentaire a souvent laissé libre cours, dès l’Antiquité, aux surinterprétations dogmatiques ou confessionnelles dans le but de légitimer des institutions nouvelles en cherchant à les couvrir de l’autorité des Apôtres[4], ce qui en fait une question débattue de longue date[5].
Ainsi, les tentatives de proposer une vision évolutive de l'épiscopat sur base des éléments lacunaires conservés des trois premiers siècles du christianisme, constitués de l'histoire discontinue de certaines Églises locales aux réalités singulières et peu interconnectées, demeure autant de gageures[6]. On peut néanmoins dégager quelques grands traits de cette évolution : dès l’apparition des premières communautés d’adeptes de la foi chrétienne, des fonctions de services à ces communautés sont apparues, des services ou ministeria (« ministères ») qui se sont peu à peu spécialisés puis institutionnalisés, dans un processus sans uniformité répondant aux spécificités et besoins de communautés locales éparses et diversifiées avant de peu à peu converger au IVe siècle vers une structuration peu ou prou similaire qui caractérise certaines fonctions dans la plupart des communautés de la Grande Église[7], aboutissant notamment au principe d’« une communauté, un évêque »[8].
Les temps apostoliques
C'est terme grec ἐπίσκοπος / epískopos qui donne les termes « épiscope » puis « évêque ». Durant les premiers siècles de l'ère commune, son usage au sein de communautés chrétiennes locales différentes et dispersées dessine les contours de fonctions et de prérogatives variables — d'ailleurs souvent indistinctes de celles du « presbytre » — qui ne correspond plus guère à l'usage en cours dans l'Église actuelle[9].
Signifiant « surveillant », « gardien » ou encore « inspecteur », le terme episkopos est connu en grec classique dans le vocabulaire administratif et religieux, pour qualifier des tâches de direction plus ou moins importantes, ainsi que comme attribut divin[10], un usage que l'on retrouve également à deux reprises pour Dieu dans la Septante où douze autres occurrences concernent des fonctions déléguées de gardien du Temple, de cadre de l'armée ou de directeur de travaux[10].
Absent des Évangiles, il n'apparait qu'à quatre reprises dans le Nouveau Testament pour désigner un office ecclésial qu'il est difficile de distinguer de celui du presbyteros (« ancien »)[10]. On le trouve deux fois au singulier[11] et deux fois au pluriel[12], notamment dans un passage des Actes des apôtres où l'épiscope est présenté comme un berger qui « fait paître » les fidèles[10]. On trouve également un usage du terme comme titre christologique dans la Première Épitre de Pierre[13].
La littérature néotestamentaire atteste l'émergence au sein des premières communautés de disciples de Jésus de Nazareth — qui professent que ce dernier est le Messie — d'une certaine diversité de ministères qui plongent leurs racines dans le judaïsme tardif, tant pour le judéo-christianisme jérusalémite que pour le pagano-christianisme hellénistique de type paulinien[14]. Dans les différentes « assemblées » (ἐκκλησία / ekklêsía) du paléochristianisme, on rencontre des ministères de type « charismatiques » généralement itinérants[n 1]— apôtres, prophètes et docteurs, trois catégories bénéficiant de dons divins — aux côtés de ministères plus « institutionnels » — épiscopes, presbytres et diacres davantage liés à une communauté donnée[14] — qui relèvent, dans des groupes organisés ne connaissant pas encore de « clergé », de la catégorie des « hommes d'Église »[15] chargés de la gestion pratique, cultuelle, spirituelle, doctrinale… dans la vie quotidienne des fidèles[16].
Subordonnés aux apôtres, les episkopoi et presbyteroi semblent avoir joué le rôle de proche collaborateurs de ceux-ci dont ils sont parfois les délégués dans une communauté donnée[17]. Ils assument leur charge de l’episkopè — la « surintendance » ou la « vigilance » auprès des communautés — de manière collégiale sous l'autorité apostolique[18]. Les épîtres pauliniennes décrivent les qualités attendues des presbytres et épiscopes à la tête des communautés éphésiennes et crétoises[19] : ne pas être néophyte, être profondément croyant, être capable d'enseigner, diriger correctement sa maisonnée, avoir une seule épouse, bénéficier de l'estime de tous, être sobre, hospitalier… une sorte d'irréprochabilité qui sera régulièrement évoquée, une fois la fonction épiscopale établie, pour le choix des évêques au cours des siècles suivants[20].
Collégialités
Avec la disparition des apôtres qui, de leur vivant, jouissent assez naturellement de la principale autorité au sein des communautés[17], ainsi qu'avec l'estompement consécutif des attentes eschatologiques, une crise de l'autorité se fait jour[21]. L’autorité des charismatiques itinérants et celle des ministres locaux se trouvent bientôt en rivalité[22] et l'on observe assez rapidement une montée en puissance des seconds qui s'affirment peu à peu face à l'autorité des premiers[23], même si certains des charismatiques subsistent çà et là[n 2] : bien que cela suscite des résistances[24], les épiscopes/presbytres et diacres deviennent progressivement les détenteurs du pouvoir dans les communautés[25], dont ils assurent la direction spirituelle et matérielle sous une forme collégiale calquée sur la gestion des synagogues[26].
On observe les premières aspirations à l'épiscopat d'un seul ou « mono-épiscopat » dans les écrits d'Ignace d'Antioche — dont l'activité est généralement située dans les deux premières décennies du IIe siècle[n 3] — qui défend auprès des communautés d'Asie Mineure l'unité de l'Église par un système hiérarchique « conforme à la volonté de Dieu » où l'évêque unique est assisté d'un collège de presbytres (presbyterium) et des diacres[27], justifiant le primat par une approche théologique[n 4]. Mais sa défense polémique du modèle atteste que celui-ci est encore loin d'être la norme[21] dans des groupes de chrétiens toujours largement autonomes y compris au sein d'une cité comme Antioche[28].
A contrario, la documentation qui évoque les ministères paléochrétiens contemporaine d'Ignace ignore le mono-épiscopat et atteste diverses formes de direction collégiales : le Didachè recommande l'élection « d'évêques et de diacres », la Première épître de Clément évoque un collège de presbytres, le Pasteur d'Hermas mentionne des « ministres de l'Église », Polycarpe — lui-même qualifié de « presbytre apostolique »[29] — atteste seulement des presbytres et des diacres tandis qu'Ignace lui-même ne fait pas état de la présence d'un modèle mono-épiscopal à Rome ni ailleurs qu'en Asie Mineure[30]. Il faut cependant noter que les sources sont également muettes sur le fonctionnement de ces collégialités assurant l’episkopè, réduisant les chercheurs aux conjectures[31]. En outre, les fonctions des épiscopes et des presbytres ne se distinguent toujours pas nettement, les deux termes étant même parfois appliqués aux mêmes personnes[18] : on trouve ainsi, au tournant du IIe siècle, les communautés de Corinthe et de Rome dirigée par un collège de presbytres ou d'épiscopes assistés de diacres[32] tandis que dans le dernier quart du siècle ni Irénée de Lyon ni Clément d'Alexandrie ne font encore la distinction[33], bien que le premier semble bien connaître une structure mono-épiscopale[29]. Par ailleurs, on peut relever qu'Irénée considère alors les épiscopes non comme des successeurs des apôtres dans l'autorité[34], mais plutôt comme des « porte-paroles » de ces derniers, des maîtres qui, à l'instar des écoles antiques de philosophie ou de médecine, prolongent leur enseignement[35].
Ainsi, les étapes qui mènent vers l'installation du mono-épiscopat et de l'épiscope comme chef unique d'une église locale, distinct du presbyterium, ne sont pas claires, restent débattues et ont dû différer selon les emplacements[36]. Bien qu'elles restent là aussi conjecturales, plusieurs reconstructions ont néanmoins été proposées[30] : l'une voit dans le phénomène l'évolution de la présidence du collège « des anciens » initialement détenue par l'un des apôtres dont l'épiscope serait le délégué puis l'héritier[37] ; une autre envisage le besoin d'unité des églises domestiques des cités, jusque-là relativement indépendantes et dirigées par des chefs de familles ou anciens, rassemblés en conseils sous la pression de facteurs externes comme les innovations doctrinales, d'où aurait progressivement émergée la figure de l'évêque unique[38] ; une dernière enfin, plus théologique, veut que l'Église se ressente depuis ses origines comme une communauté eucharistique rassemblée autour d'un chef de communauté devenu le « superintendant » unique pour chaque ville, selon le modèle « pas d'Église sans eucharistie et pas d'eucharistie sans évêque »[18].
Quels qu'en soient les causes et facteurs, l'autorité de l'évêque sur les communautés locales semblent bien établie dès cette époque[3] et il est un fait que le mono-épiscopat tend à devenir le modèle commun à partir de la seconde moitié du IIe siècle[36], même si le contrôle de clergé par l'évêque ne va pas toujours de soi[39] et que sa prééminence en termes canoniques ne s'impose que plus tardivement[3].
Mono-épiscopat
Le christianisme apparaît dans l'Orient méditerranéen dont les cités sont l'articulation, et c'est vers la conversion des populations de celles-ci que la mission chrétienne se tourne naturellement : les communautés paléochrétiennes forment très tôt des réalités urbaines qui se définissent par leur appartenance à leur localité et se rassemblent autour d'évêques presque toujours implantés dans les villes, préfigurant l'organisation institutionnelle de l'Église autour de la cité[41] qui, dans le contexte juridique et administratif de l'Empire, correspond à la fois à un chef-lieu et au territoire sous son autorité[42].
Le IIIe siècle voit ainsi l'apparition d'un modèle d'organisation de l'Église inspiré des cités qui aboutit à l'apparition d'un ordre clérical et la formation d'un clergé qui se distingue du peuple, sacralisant progressivement les fonctions hiérarchisées sur un modèle vétérotestamentaire[43]. Depuis la seconde moitié du IIe siècle, le modèle mono-épiscopal s'est généralisé[31] et l'évêque prend bientôt la tête de cette hiérarchie ecclésiastique pour devenir le dispensateur sur terre de l’auctoritas — une notion jusque-là exclusivement civile — confiée par Dieu à l'Église[43].
On le retrouve désormais à la direction de chaque église, à la tête de laquelle il est proposé au peuple par le clergé local en collaboration avec les évêques des cités environnantes[44]. Une fois élu par le peuple et ordonné par un collège d'évêques, il cumule tous les pouvoirs[44] : en outre d'assurer la prédication, c'est l'évêque qui assure les fonctions liturgiques et sacrées, assurant l'administration du baptême, la célébration de l'eucharistie, la réconciliation des pénitents, la formation, l'ordination et le contrôle des clercs[45], la consécration des vierges et veuves ainsi que celle des édifices religieux[46] ; il assure la direction de la communauté et administre ses ressources ainsi que ses membres — qu'il a le pouvoir d'excommunier[46] — dont il arbitre les conflits et qu'il assiste dans les difficultés ou les épreuves, dans un rôle qui s'apparente à celui de pater familias[44].
Cependant, l'émergence de la structure mono-épiscopale ne signifie pas pour autant la disparition de la collégialité : la charge d'évêque n'est pas concevable sans un presbyterium d'anciens qui le conseille et qui peut d'ailleurs assurer la vie de la communauté en cas d'absence de l'évêque ou de vacance du siège épiscopal[47] ; par ailleurs les évêques eux-mêmes se considèrent entre eux comme membres d'un collège, ouvrant la voie aux pratiques synodales[48]. C'est ainsi en collège que les évêques veillent à l'orthodoxie de la doctrine et de la manière dont elle est dispensée par les clercs[44].
Si le mono-épiscopat implique la présence unique d'un évêque — auquel seul revient désormais l'appellation d’episkopos/episcopus[44] — pour chaque agglomération, il existe cependant une grande disparité dans la distribution des sièges épiscopaux : quand en Afrique romaine le moindre bourg est doté d'un évêque[48], l'Égypte et la Gaule ne connaissent qu'un unique siège métropolitain pendant longtemps — certaines cités sans chef-lieu se voient même refuser un siège épiscopal[49] —, favorisant alors le rôle des presbytres comme responsables pastoraux des communautés locales, préfigurant les paroisses[50]. Pour les campagnes, particulièrement en Orient et en Égypte, on note l'apparition de chorévêques[n 5], des auxiliaires de l'évêque dotés de certaines prérogatives épiscopales mais qui sont bientôt remplacés par des périodeutes[51], des « visiteurs » envoyés par l'évêque, sans statut propre[42].
Suivant le principe de stabilité épiscopale qui se développe alors[52], l'évêque est quant à lui désormais lié à son Église, qu'il ne peut en principe quitter pour une autre, et y reçoit parfois le titre d'affectueuse vénération de « pape »[53] que l'on retrouve à Carthage, Alexandrie ou Rome mais aussi dans des agglomérations plus modestes[44]. Rapidement, une hiérarchie entre les évêques finit cependant par apparaître : les évêques de villes importantes peuvent souvent se réclamer d'une origine apostolique plus directe et président aux affaires des évêques d'une région donnée.
Empire chrétien
Lorsque, à la fin du IIIe siècle, Eusèbe de Césarée rédige sont Histoire de l'Église, la figure de l'évêque est devenue incontournable dans les communautés chrétiennes désormais largement répandues autour de la Méditerranée, à telle enseigne qu'ils sont particulièrement visés lors des persécutions de Valérien (257-260) puis — après une période de quiétude voire d'expansion[54] à la suite de l'édit de tolérance promulgué en 260 par Gallien qui offre aux chrétiens une visibilité nouvelle dans les cités impériales et leur ouvre des perspectives de carrières administratives et militaires au sein de l'appareil d'État[55] — celle de Dioclétien (303-313)[8] qui intervient brutalement après quinze années d'un règne jusque-là marqué par une tolérance identique à ses prédécesseurs[56].
Précision du rôle
Néanmoins, malgré cette ultime vague de persécutions, lorsque Constantin s'empare de la tête de l'Empire, la physionomie de l'Église chrétienne est pour l'essentiel fixée[57] et le modèle épiscopal de direction des communautés chrétiennes, largement établi[8]. L'Église locale, rassemblée autour de la figure de l'évêque — idéalement natif de la ville et issu de son clergé[58] —, constitue ainsi la cellule fondamentale de l'Église[57] dont la structuration conduit à une progressive mais irrépressible cléricalisation[59].
À partir du IVe siècle, la charge pastorale de l'évêque envers les communautés de fidèles — citadines ou rurales — qui lui sont soumises est désignée sous terme latin de parochia, dont provient le mot « paroisse », qui prend progressivement un sens territoriale, désignant davantage le lieu où s'exerce la charge plutôt que la charge elle-même ou la communauté, préfigurant le diocèse, la « paroisse de l'évêque »[60] ; chacun de ces termes reste toutefois longtemps polysémique et leur usage dans les acceptions actuelles ne se généralise que tardivement, attestant que « durant de longs siècles, le pouvoir de l'évêque ne se décline pas prioritairement sur un mode territorial »[61].
Par ailleurs, les troubles causés par les différends théologiques qui se développent de manière critique et multiplient notamment les contestations d'élections épiscopales, occasionnent l'immixtion du pouvoir civil dans les affaires des communautés chrétiennes : en 325 l'empereur Constantin Ier convoque le concile de Nicée qui s'attache notamment à préciser le rôle des évêques afin d'éviter ces contestations[62] : le concile établit notamment l'obligation du recours aux synodes épiscopaux provinciaux pour le choix des évêques[63], l'approbation d'un évêque métropolitain pour valider ce choix, la nécessité de la présence d'au moins trois évêques pour la consécration ou encore l'interdiction de la translation d'un évêque d'un siège à un autre[64].
Cette dernière règle, comme d'autres, est régulièrement violée par la suite dans le cadre de l'âpre compétition qui règne particulièrement pour l'élection à la tête des grands sièges épiscopaux[65], voire pour de plus modestes, dans la mesure où la charge d'évêque — prestigieuse et généralement bien dotée — peut attiser une compétition animée par l'ambition ou la convoitise[66].
Notables
Constantin confère en outre aux évêques, déjà chargés d'arbitrer les conflits dans leurs communautés, une juridiction civile d'arbitrage — l’audientia episcopalis — à laquelle ont bientôt recours tant des chrétiens que des non-chrétiens, multipliant les régulations de conflits temporels, poussant les sièges importants à engager des clercs [67] pour épauler ces « intercesseurs particulièrement recherchés »[68].
Le pouvoir impérial trouvant en eux des relais stables et accessibles, les évêques se voient également confier d'importantes attributions civiles et édilitaires de la cité comme l'examen des comptes, la nomination et le contrôle des fonctionnaires, l'approvisionnement[66], la validation des poids et mesures utilisés sur les marchés[69], l'entretien des édifices publics et fortifications…[66] Enfin, les évêques reçoivent une immunité d'impôts et de charges curiales, le droit d'accorder l'asile et la capacité d'affranchir les esclaves[70].
Le règne de Constantin a également un impact important sur le développement de la richesse d'une Église qui a déjà engrangé de très importantes ressources au cours du IIIe siècle : l'empereur légalise les legs et donations dès 321, rémunère les clercs individuellement, dote généreusement les grands établissements de culte[70]… inaugurant une politique de soutien qui est suivie par ses successeurs et les élites fortunées[70]. En outre, apparues depuis le IIIe siècle, les maisons épiscopales (domus episcopi) où réside l'évêque et où sont conservés le mobilier et les livres liturgiques quittent les périphéries pour rejoindre le cœur des cités, dans une architecture de plus en plus majestative qui fait écho aux palais de gouverneurs ou aux villas des élites[71].
Par delà les différends christologiques qui traversent l'époque, il se forme bientôt un consensus sur le fait de considérer l'évêque en tant que « grand prêtre » de sa ville, auquel il incombe d'attirer la faveur de Dieu sur toute la communauté[72], notamment par la célébration de rites publics qui sanctifient la cité[73]. Dans la salle d'audience de son palais épiscopal, il y reçoit le conseil municipal et les représentants du gouvernement impérial ainsi qu'il préside régulièrement le conseil municipal, assisté des notables locaux[73].
L'évêque devient ainsi un personnage majeur de la cité dont le prestige est souvent augmenté par les évergésies auquel il se livre, qui, au-delà des édifices de cultes et autres établissements charitables, peuvent concerner des ouvrages d'art comme des aqueducs, des ponts ou des portiques[67]. Ce prestige lui confère un rôle de plus en plus temporel et politique[74] qui l'amène régulièrement à représenter ou défendre sa cité tant auprès du pouvoir impérial — auprès duquel il peut intercéder pour par exemple obtenir le pardon en cas de rébellion ou encore des exemptions d'impôts — que des chefs barbares qui s'imposent progressivement en Occident à partir du Ve siècle : l'évêque endosse alors régulièrement le rôle de defensor ciuitatis, tantôt en négociant avec ceux-ci, tantôt organisant la résistance ou encore obtenant des réductions d'impôts auprès des nouveaux dirigeants[67]. Ces recours aux autorités civiles ne sont pas rares dans la mesure où, jusqu'au milieu du Ve siècle, l'évêque n'a généralement pas de revenus permettant l'autonomie économique de sa charge, l'obligeant à obtenir des moyens auprès du pouvoir ou de généreux donateurs[75].
La généralisation du mono-épiscopat semble avoir pris plus de temps que cela a parfois été décrit et de nombreuses églises urbaines conservent tout au long des IVe et Ve siècles une direction assurée par les prêtres et les diacres plutôt que par l'évêque qui, monopolisé par ses charges ou ses devoirs de représentation, peut être souvent absent[39]. Les enjeux financiers n'étant en outre pas minces, il n'est pas rare que ce dernier se retrouve en conflit avec son propre clergé, dans des proportions parfois terribles ainsi que l'atteste la lutte opposant à Rome, au tournant du VIe siècle[39], les factions de Symmaque et de son concurrent à l'épiscopat, Laurentius[n 6]. Néanmoins, vers la fin de l'Antiquité, l'évêque se voit réserver divers rites et sacrements dont ceux de la confirmation des baptisés, de la consécration des autels et du chrême, l'onguent sanctifié utilisé pour de nombreux sacrements[76].
Dans l'Empire d'Orient, les prérogatives civiles de l'évêque se renforcent dans la mesure où, inamovible à la différence des autres édiles et magistrats, il participe largement de l'identité urbaine ; ainsi, c'est lui qui, à partir du règne de Justinien (527-565), préside le groupe de notables dirigeant la cité tandis qu'il obtient parfois jusqu'au droit de police sur les clercs, comme c'est le cas du patriarche d'Alexandrie au VIe siècle[77]. Par ailleurs, les agglomérations de toutes tailles y sont, au cours des Ve et VIe siècles, le théâtre d'une vague de constructions d'édifices religieux souvent richement ornés commandités par les évêques et leur clergé, qui — souvent placés au centre des villes — modifient le tissu urbain des villes du Moyen-Orient[78].
Lien entre sa ville et l'imposante administration impériale héritée de Dioclétien et Constantin, l'évêque oriental devient bientôt un rouage essentiel dans un système gouvernemental particulièrement intrusif et centralisé[78]. L'évêque devient ainsi le véritable représentant de l'empereur au sein de sa Cité, voire son « chien de garde »[69] : c'est souvent dans la salle d'audience épiscopale que les mandats impériaux sont désormais proclamés aux notables locaux et l'évêque a, au prétexte de sa « liberté sacerdotale », la latitude de dénoncer à l'empereur un gouverneur coupable de prévarication ou d'incompétence[69].
Néanmoins, si l'articulation entre le pouvoir impérial et l'autorité épiscopale est le gage d'une certaine unité et de stabilité sur le plan du gouvernement de l'Empire, il n'en va pas de même pour l'unité doctrinale du christianisme et sa prétention à l'universalité peine à être atteinte[69]. En effet, au lendemain du concile de Chalcédoine (451), les querelles christologiques se prolongent, qui divisent régulièrement le clergé sur telle ou telle confession de foi et pas plus le pouvoir impérial qu'épiscopal n'arrivent à développer une force coercitive ou une autorité morale suffisante pour imposer l'unité religieuse[79]. Ainsi la crise monophysite qui en découle voit un grand nombre de clercs rejoindre les positions du moine Jacob Baradée qui multiplie les ordinations sacerdotales[n 7] et propose un nouveau type d'organisation ecclésiale : à la verticalité de l'Église impériale où des communautés urbaines séparées s'empilent en une pyramide culminant à Constantinople, il oppose un ensemble de réseaux régionaux dans lequel cités et campagne sont égales, rassemblées par une identité religieuse commune[80] qui dépasse bientôt les limites de l'Empire[81].
Moyen Âge
Ordre épiscopal
De manière générale, au tournant vers le Haut Moyen Âge de l'aire gréco-romaine, l'évêque est devenu « le premier des notables d'une cité qui se reconnaît en lui et recourt volontiers à lui en cas de crise »[66]. Pour autant, et bien qu'il demeure avant tout le guide de sa communauté locale, il n'existe pas de modèle standardisé de la manière dont un évêque doit incarner sa fonction et répondre aux obligations ou défis de sa charge et chaque la situation de chaque épiscopat doit être examinée dans son contexte particulier[82]. En outre, la situation de l'Empire byzantin centralisé contraste avec celle qui prévaut en Occident, tributaire des divisions occasionnées par la multiplication des royaumes barbares.
En Occident, à partir du VIIe siècle, que ce soit en Gaule, en Espagne, en Italie ou en Angleterre, les évêques comme les abbés se recrutent essentiellement dans les familles aristocratiques franques, burgondes, wisigothiques, lombardes ou anglo-saxonnes qui s'efforcent par ailleurs d'obtenir de hautes charges civiles des autorités royales[83]. Néanmoins, si les souverains francs et wisigoths choisissent directement les évêques, ils ne peuvent toutefois pas les déposer après leur consécration sans le soutien d'un concile[84].
À l'époque carolingienne, les élites laïques et ecclésiastiques se confondent largement et participent d'une même culture qui les distingue du reste de la population[85] tandis que les souverains carolingiens, dans l'objectif de défendre la foi catholique et de réformer le clergé, se montrent interventionnistes dans le choix des évêques qu'ils n'hésitent pas à imposer[86]. Ainsi, au IXe siècle, l'apparition de l'« ordre épiscopal » (ordo episcoporum) témoigne de la reconnaissance par le pouvoir carolingien de la fonction épiscopale qui gagne bientôt une place éminente dans le gouvernement de l'empire[87].
C'est de cette époque que datent les premiers témoignages d'ordinations épiscopales spécifiques qui, se distinguant de l'ordination sacerdotale, sont célébrées par un métropolitain accompagné d'au moins deux évêques et voient le nouvel évêque recevoir les attributs de sa charge : l'anneau qui l'unit à l'Église qu'il est amené à gouverner et la crosse symbolisant sa charge pastorale[87]. « L'essence du pouvoir épiscopal réside [dès lors] dans le pouvoir d'ordre [qui fait] de l'évêque le « premier dispensateur du sacré »»[87].
C'est à cette époque également que prennent forme les chapitres de chanoines, héritiers du collège des clercs (clerici canonici) entourant l’évêque et chargés au sein de la cathédrale de le seconder dans l’accomplissement de la liturgie, réglementés en 816 par la Règle d'Aix et son Institutio canonicorum[88]. La seconde moitié du siècle IXe siècle voit l'apparition de sacramentaires propres aux évêques et distincts des recueils liturgiques habituellement utilisés par l'ensemble des prêtres, dont le Pontifical romano-germanique constitue un aboutissement[87].
Au tournant du Xe siècle, là où la royauté s'affaisse et où se développe la féodalité qui voit la montée en puissance des seigneurs qui se substituent à l'autorité royale défaillante, les évêques — responsables de terres bientôt assimilées aux fiefs — peuvent se trouver vassalisés[86]. A contrario, dans le Saint Empire germanique des ottoniens et dans le nord de l'Italie sous son influence, le « moment carolingien » se poursuit[87] du moins jusqu'à la fin du XIe siècle[89]: les empereurs y font de l'épiscopat un rouage de l'État, nommant directement les métropolitains et recrutant les évêques au sein de la chancellerie, quand ils n'imposent pas directement le titulaire du siège romain[90].
Néanmoins, du point de vue ecclésial et de manière générale, les évêques de l'Église latine « pré-grégorienne » se présentent ainsi, jusqu'au XIe siècle, comme autant de chefs quasi autonomes d'Églises locales liées entre elles dans une forme de « fédération »[91] présidée par le pape de manière honorifique[92].
Réforme grégorienne
Avec la réforme grégorienne, le statut de l'évêque connaît de profondes mutations en occident, l'épiscopat changeant à la fois de dimension et de signification[92] : si son pouvoir pastoral se renforce, l'évêque se transforme en un rouage local au sein d’une structure ecclésiale globale et centralisée, gouvernée par la papauté, dans laquelle il est soumis à un contrôle étroit[91] de sa hiérarchie[93]. En effet, le pape, outre le fait qu'il intervienne de plus en plus dans les nominations, dispose progressivement de la capacité à destituer ou à transférer les prélats[92] dont les décisions de justice sont désormais susceptibles de recours devant les tribunaux pontificaux[91]. En outre, sur le plan civil, l’émergence de gouvernements urbains empiètent sur les attributions militaires, fiscales et judiciaires des évêques, pouvant affaiblir notablement leur pouvoir politique[94] tandis que le siège romain, dans un processus de séparation des sphères ecclésiastique et laïque, entend soustraire la fonction épiscopale à la tutelle des puissants[95].
Si les évêques perdent de leur autorité en matière liturgique ou doctrinale[91], ils doivent néanmoins veiller à la diffusion et au respect local de la législation canonique, au bon déroulement des cérémonies liturgiques et à l'orthodoxie des croyants[92]. Et sur le plan fiscal, ils conservent l'administration de la dîme, dont ils récupèrent entre un tiers et un quart à leur profit, sommes auxquelles s'ajoutent la perception d'un cens épiscopal ainsi que diverses taxes prélevées auprès des prêtres à l'occasion des visites et synodes diocésains[96].
À partir du XIIe siècle, le droit romano-canonique revêt des formes de plus en plus rigoureuses[97] et, notamment avec la publication du Décret de Gratien — compilé entre 1140 et 1160[98] —, la nature du pouvoir épiscopal, l'officium episcopi, est clairement définie et classée en trois catégories distinctes : ordre[n 8], juridiction[n 9] et enseignement (ou magistère)[99].
L'ordre confère à l'épiscopat une dignité supérieure au sein de l'ordre des prêtres[n 10], établissant l'évêque comme un successeur des apôtres du fait de sa consécration par imposition des mains qui lui transmet l’Esprit Saint et le charisme du sacerdoce : en plus de pouvoir administrer les sacrements habituellement réservés aux prêtres, l'évêque dispense la confirmation, a le pouvoir de d'ordonner prêtres et diacres mais aussi de consacrer de nouveaux évêques, de distribuer le chrême ou encore de consacrer les lieux de culte… entre autres prérogatives[100]. L'aspect temporel de la juridiction, qui s’exerce tant sur les clercs que les laïcs et consiste initialement à la capacité de légiférer et d'arbitrer pour garantir la paix, tend à s'amenuiser au fil de l’affirmation des justices seigneuriales ou communales, pour se concentrer dans le domaine spirituel, doctrinal et ecclésiastique[101]. Enfin, avec le magistère, il incombe à l'évêque de diffuser et de défendre l’Évangile et la morale chrétienne, d'instruire les croyants par la catéchèse et le prêche, ainsi que de veiller à la formation des clercs : la formation intellectuelle de l'évêque devient un enjeu primordial[102].
Par ailleurs, afin de mettre un terme à l'appropriation dynastique de l'épiscopat par les familles aristocratiques, la réforme grégorienne confie le choix de l'évêque aux chapitres des chanoines — dont le Décret de Gratien fait les auxiliaires naturels du prélat[103] et qui, selon les diocèses, peuvent être entre une vingtaine et une centaine[93] — et son investiture à l'évêque métropolitain[104]. Ceci n'empêche toutefois pas l'aristocratie moyenne ou inférieure[93] de souvent conserver son emprise sur les chapitres eux-mêmes[104]. C'est également à cette époque que la gestion diocésaine se renforce avec le développement autour de l'évêque de fonctions confiées à certains membres du chapitre cathédral, où se recrutent archidiacres, trésoriers, chanceliers, écolâtres et autres chantres, ainsi que par la création de l'officialité épiscopale qui répond à la multiplication des affaires judiciaires soumises aux prélats, bientôt confiée à un décrétiste[93] auxiliaire de l'évêque : l'official[97].
Ainsi, à l'issue de la réforme grégorienne, la perte d'autonomie des évêques aux XIIe et XIIIe siècles est partiellement compensée par un meilleur contrôle du diocèse par son titulaire, désormais à la tête d'une petite administration locale[105] à la fois hiérarchique et territoriale[96], tandis que les évêques restent eux-mêmes souvent des hommes de cour, parfois proches des souverains ou leurs conseillers[94]. Même si la situation est très variable selon la taille, le peuplement et les activités économiques des diocèses[94], la charge épiscopale reste néanmoins souvent prestigieuse — souvent occupée par des représentants de la noblesse locale mais qui sont désormais pourvus d'une solide formation théologique ou juridique[93] — et tant les revenus que le pouvoir politique de son titulaire, qui en tant que pasteur conseille régulièrement princes ou seigneurs[91], restent importants[91].
En outre, les paroisses s'intègrent progressivement dans la structure diocésaine[96] tandis qu'aidés de leurs chapitres, les évêques s'efforcent vigoureusement de faire reconnaitre, notamment auprès des moines, leur autorité sur l'ensemble des lieux de cultes, églises ou chapelles, ainsi que sur leurs desservants présents dans des diocèses[97] devenus au XIIIe siècle « le cadre de pratiques administratives, fiscales et pastorales territorialisées [constituant] à ce titre l'échelon clé d'une institution, l'Église, qui se pense elle-même de manière globale comme un ensemble territorialisé dominé par une papauté impériale »[106].
Empire byzantin
En Orient, l'empire Byzantin ne connait pas d’équivalent à la réforme grégorienne dans la mesure où, si en Occident le pape est géographiquement éloigné des autorités temporelles, à Constantinople, le siège patriarcal est situé à quelques pas du palais impérial, dans une proximité rendant difficile toute velléité de politique personnelle dans le chef du patriarche[107]. En outre, l'organisation cléricale ne change plus fondamentalement à partir du VIIe siècle, dans la lignée des premiers canons conciliaires et de la législation justinienne[108].
Responsable des affaires spirituelles et temporelles de l'Église en son diocèse[109] et relais de l’autorité centrale dans les provinces de l'Empire[110], l'évêque oriental est généralement choisi par le métropolite — l’évêque du chef-lieu d’une province — dans une liste de trois candidats retenus parmi les clercs ou les moines de l'éparchie par les évêques suffragants réunis en un synode provincial convoqué et coordonné par le métropolite, qui se doit d'organiser une telle réunion une fois par an[111]. Le candidat, qui doit être baptisé et avoir été confirmé, doit faire preuve de compétences intellectuelles, psychologiques et culturelles ainsi que de bonnes capacités de gestion et d'administration[112].
À la différence des patriarches, presque exclusivement recrutés au sein des grandes familles de l’Empire qui fournissent à l’administration impériale ses plus hauts dignitaires[113], les évêques, bien qu'eux-mêmes souvent issus des rangs de l'aristocratie, particulièrement pour les métropolites[111], peuvent être issus des familles de notables, voire de familles plus modestes, des provinces de l’Empire[113]. Il acquièrent généralement les compétences nécessaires à la fonction en franchissant les divers degrés des ordres ainsi que le préconise le concile Prime-second (en) de 861[114] mais certains ont la possibilité ou la chance de se former à l'école patriarcale de Constantinople[113].
En outre des compétences théologiques et juridiques, une carrière ecclésiastique permet l'acquisition des qualités nécessaires de gestionnaire et d’administrateur, en prenant en charge l’économat, particulièrement au sein de monastères[115]. Ainsi le parcours monastique précède-t-il très généralement la carrière épiscopale[116], d'autant plus qu'à la différence des autres clercs qui peuvent garder leur épouse après la consécration cléricale[111], le candidat à l'épiscopat doit, s'il veut accéder à la fonction, abandonner celle-ci avec laquelle il ne peut plus cohabiter, devant toutefois subvenir à ses besoins[117] : de ce fait, les évêques sont bientôt essentiellement recrutés parmi les célibataires, et donc particulièrement dans les milieux monastiques dont la spiritualité influe de facto sur le milieu épiscopal[111].
Aux côtés des représentants du pouvoir civil, l'évêque, acteur religieux, politique et économique majeur de la société byzantine, constitue le second pôle de l'autorité provinciale[118]. Dans son diocèse, il a autorité sur l'ensemble du clergé et sur les monastères quand ils ne dépendent pas directement du patriarche ou ne sont pas indépendants[109]. Sur le plan temporel, l'évêque administre les biens de l'Église et de la cité dont il a la charge ainsi qu'il a juridiction sur les affaires entre clercs et laïcs, voire, s'il est sollicité, arbitre les différends entre laïcs[109]. Il lui incombe, par son autorité morale, de protéger les plus faibles, de nourrir les plus pauvres, de participer au rachat des prisonniers de guerre... ainsi d’intercéder en leur faveur face aux exigences et prétentions des agents du fisc[119] face auxquels il veille également à défendre les intérêts de son Église comme les siens propres[118].
Pasteur par excellence ainsi qu'en témoigne le port de l'omophorion[120], la prédication est l’un de ses principaux devoirs et son privilège exclusif dans son diocèse où nul ne peut prêcher sans son autorisation, pas même l'un de ses collègues[109]. Il a autorité pour trancher sur diverses questions canoniques et veille sur l’administration des sacrements[109] ; il est en outre le seul habilité à préparer le myron, une huile parfumée utilisée à l'occasion des baptêmes, pour consacrer les autels ou encore lors de la dédicace des églises[109].
L'Église byzantine ne prélevant pas de dîme[111], l'évêque, assimilé à une nouvelle catégorie de fonctionnaire, tire ses revenus d'une rémunération directement allouée par l’État ou provenant des dotations foncières de l’évêché, qui sont des terres publiques[121]. Ces revenus peuvent être complémentés par le bénéfice des biens possédés par l'Église ainsi que d'un kanonikon, un prélèvement en espèce ou en nature sur les redevances tarifées perçues par les clercs pour administrer aux laïcs des services liturgiques à leur intention ou celle de leur famille[122].
L’évêque doit parfois se substituer intégralement aux autorités laïques, particulièrement en cas de défaillance du pouvoir impérial, comme c'est le cas à la suite des invasions arabe et slave du VIIe siècle puis turque à partir du XIe siècle, isolant les cités dont ils ont la charge : il devient alors pour ses coreligionnaires l’unique juridiction et, pour les nouvelles autorités, l’unique interlocuteur légitime, responsable de tout ce qui concerne sa communauté, y compris pour la gestion au quotidien de la vie civile[119].