Alexis Ier Comnène
empereur byzantin de 1081 à 1118 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Alexis Ier Comnène (grec : Ἀλέξιος Αʹ Κομνηνός), né vers 1058[N 1] et mort le , est un empereur byzantin du au . Il est le troisième fils du curopalate Jean Comnène et d'Anne Dalassène, et le neveu de l'empereur Isaac Ier.
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Alexis Ier Comnène | |
Empereur byzantin | |
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Alexis Ier Comnène, détail d'une miniature d'un manuscrit de la Panoplie dogmatique d'Euthyme Zigabène, XIIe siècle, Bibliothèque apostolique vaticane, Vat.gr.666, f.2r. | |
Règne | |
- 37 ans, 4 mois et 14 jours |
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Période | Comnène |
Précédé par | Nicéphore III Botaniatès |
Co-empereur | Constantin Doukas (1074-1078 / 1081-1087) Jean II Comnène (1092-1143) |
Suivi de | Jean II Comnène |
Biographie | |
Naissance | vers 1058 |
Décès | (~ 60 ans) |
Père | Jean Comnène |
Mère | Anne Dalassène |
Épouse | Irène Doukas |
Descendance | Anne Comnène Marie Comnène Jean II Comnène Andronic Comnène Isaac Comnène Eudocie Comnène Theodora Comnène Manuel Comnène Zoé Comnène |
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Son règne de 37 ans est l'un des plus longs de l'Empire byzantin et aussi l'un des plus agités. Son arrivée au pouvoir marque la fin d'une période de guerres civiles qui ont mis à bas les structures impériales solides de l'ère macédonienne tandis que les menaces extérieures s'amoncellent, conduisant à des pertes territoriales importantes, allant jusqu'à menacer la survie même de l'Empire. De ce fait, les premières années du règne d'Alexis sont toutes entières consacrées à la lutte d'abord contre les Normands puis contre les Petchénègues et les Seldjoukides. Il parvient dans un premier temps à défendre efficacement les frontières de l'Empire avant de reconquérir une partie de l'Asie mineure dans le sillage de la première croisade, même si ses relations avec les Croisés sont ambivalentes. En parallèle de cette intense politique étrangère, il procède à des réformes de grande ampleur de toute l'administration de l'Empire, fondant la légitimité de sa famille sur un réseau d'alliances matrimoniales particulièrement dense. La famille impériale devient le cœur du pouvoir. Enfin, il est également très impliqué dans les affaires religieuses de son époque.
À sa mort, Alexis lègue à son fils un territoire consolidé et agrandi. Son œuvre restauratrice et réformatrice est l'une des plus importantes de l'histoire de l'Empire byzantin. Cependant, si à court et moyen terme le gouvernement d'Alexis Ier est un succès, son bilan reste contrasté. Il ne parvient qu'imparfaitement à rétablir la puissance byzantine, car la reconquête de l'Asie mineure reste partielle. En outre, l'économie de l'Empire commence à subir la concurrence des républiques italiennes. Il est aussi accusé d'avoir mis fin à un début de renaissance culturelle. Enfin, les bases sur lesquelles repose désormais l'autorité impériale, c'est-à-dire sur les liens familiaux, apparaissent comme fragiles à long terme.
Le règne d'Alexis Ier Comnène est particulièrement bien connu grâce aux sources différentes qui traitent de son règne. L'ouvrage fondamental reste l’Alexiade. Cet ouvrage est écrit par Anne Comnène, la fille aînée d'Alexis, qui reprend le texte écrit par son mari Nicéphore Bryenne. Elle lui donne un aspect littéraire bien plus affirmé, inspiré des textes des grands auteurs de la Grèce antique, qui en fait un ouvrage majeur de la littérature byzantine. Surtout, c'est une source primordiale à propos du règne d'Alexis Ier. Toutefois, il est nécessaire de prendre en considération l'admiration profonde d'Anne pour son père, ce qui l'amène à justifier systématiquement les actes de son père et de relativiser voire de mettre de côté ses erreurs[1]. De ce fait, il est utile de compléter l'analyse du règne d'Alexis avec la chronique (l'Épitomé historion) de Jean Zonaras qui, à la différence d'Anne Comnène, a un regard beaucoup plus critique envers l'empereur : « Il remplissait ses fonctions non comme s'il s'agissait d'une charge publique et lui-même ne se considérait pas comme un dirigeant, mais plutôt comme un maître, désignant l'Empire comme son propre bien et s'y référant comme tel »[2]. L'apparition du phénomène des croisades sous Alexis Ier Comnène rend particulièrement précieuse les chroniques occidentales qui éclairent sur les relations entre l'Empire byzantin et les Croisés. La Geste de Robert Guiscard de Guillaume de Pouille permet de disposer d'une vision occidentale de la guerre entre l'Empire byzantin et le royaume normand de Sicile[3]. La Gesta Francorum et aliorum Hierosolimitanorum offre la même perspective pour la première croisade[4]. D'autres sources d'époques apportent des compléments utiles. Ainsi, Alexis Ier rédige lui-même les Mousai à la fin de sa vie à l'intention de son fils et successeur Jean Comnène et qui éclairent sur sa vision du gouvernement de l'Empire.
Au XIe siècle l'Empire byzantin est marqué par l'ascension irrésistible d'une noblesse fondée sur la naissance et l'accès aux fonctions militaires. Alexis est membre d'une de ces familles, les Comnène. Elle est apparue relativement récemment, puisque son premier membre connu, Manuel Erotikos Comnène, contemporain de l'empereur Basile II, ne détient à l'époque que des postes relativement secondaires. Toutefois, à sa mort, ses fils sont encore très jeunes et bénéficient d'une éducation au sein même de la cour impériale[5]. Parmi les fils de Manuel Comnène figurent Isaac Comnène et Jean Comnène. Le premier obtient d'abord des postes importants (il est notamment duc d'Antioche) et il a de solides relations à Constantinople où il a grandi. Il parvient au pouvoir en 1057, à la tête d'une rébellion soutenue par une partie des armées d'Anatolie, accompagné de son frère Jean, le père d'Alexis. C'est à cette date que la famille Comnène devient un des clans majeurs de l'Empire byzantin[6]. Alexis est élevé, ainsi que ses frères, par sa mère Anne Dalassène en vue de monter un jour sur le trône. Celle-ci en effet n'a jamais accepté le refus de son mari, Jean Comnène, de succéder à son frère Isaac Ier lorsque celui-ci abdique en 1059 au profit de Constantin X[N 2]. Si, à la suite de l'éviction d'Isaac, les Comnène sont relégués dans l'ombre par Constantin X, Anne Dalassène pratique une stratégie matrimoniale qui unit les Comnène à toutes les grandes familles de l'Empire pour renforcer son influence. Alexis prend ainsi, de sa position de courtisan, connaissance des principaux clans aristocratiques et de l'estimation de leur importance[7].
Son premier contact avec l'armée remonte aux mois qui précèdent la défaite de Manzikert (1071) quand sa mère l'envoie rejoindre l'empereur Romain IV Diogène pour remplacer son frère aîné Manuel Comnène, mort de maladie au cours de la campagne. Alexis n'a que 13 ans. L'empereur lui ordonne cependant de retourner immédiatement à Constantinople en raison de son jeune âge[8].
La lutte contre Roussel de Bailleul
Au cours de la décennie de chaos qui suit la défaite de Manzikert, Alexis se montre un général capable. Vers 1073, alors âgé de 15 ans, il dirige sous les ordres de son frère Isaac une petite armée, qui affronte les Seldjoukides avec le mercenaire normand Roussel de Bailleul[9]. Cependant, la trahison du Normand entraîne la défaite d'Isaac, capturé par ses adversaires[10]. Alexis poursuit la lutte contre les Seldjoukides avec une armée inférieure en nombre, bat en retraite avec courage et regagne Constantinople à l'automne 1073. Le césar Jean Doukas, oncle de l'empereur, battu, est fait prisonnier par Roussel au pont du Sangarius (près d'Ancyre), ainsi que son fils Andronic[N 3]. Roussel proclame son illustre prisonnier empereur[11].
Le chef normand représente une menace telle pour l'Empire que Michel VII Doukas s'entend avec les Seldjoukides pour s'en débarrasser. Battu en Cappadoce par l'émir turc Artouch, Roussel est fait prisonnier. Rapidement libéré contre rançon, il se réfugie en Arménie, à Amasya, et se rend maître des principales villes du Pont. Alexis[N 4], qui a juste 17 ans, est alors nommé stratopédarque en 1075 et envoyé pour s'emparer du Normand. Il ne dispose guère de plus d'un millier d'hommes et pratique une campagne de harcèlement. Alexis utilise aussi la diplomatie (constante que l'on retrouve plus tard tout au long de son règne) et prend contact avec un chef turc nommé Toutach, sans doute envoyé par Malik Chah Ier. Celui-ci s'empare de Roussel et le livre à Alexis, qui se trouve alors confronté au mécontentement des habitants d'Amasya, sur qui il compte pour payer la somme promise aux Seldjoukides[N 5]. Il rentre alors sur Constantinople par mer, car la route terrestre est bloquée par des bandes turques, ce qui illustre l'affaiblissement de l'Empire[12].
Une période troublée
En novembre 1077, Nicéphore Bryenne, général issu d'une famille illustre[N 6], se révolte et s'empare de la Macédoine, tandis que son frère Jean Bryenne tente d'assiéger la capitale. Alexis en commande la défense avec l'aide de Roussel de Bailleul, sorti de sa prison sur ordre de l'empereur Michel VII Doukas. Les deux anciens adversaires remportent la victoire sur l'armée de Jean Bryenne en janvier 1078[13]. Cet exploit lève l'opposition de Michel VII au mariage d'Alexis avec Irène Doukas, petite-fille du césar Jean Doukas, oncle de l'empereur et véritable chef de la famille Doukas. Le fils unique de celui-ci, Andronic, est mourant et il paraît important à Jean Doukas et à sa bru, Marie de Bulgarie, d'assurer l'avenir de la famille à un protecteur à l'étoile montante d'autant que l'horizon politique du basileus semble incertain.
En effet, à peine cette victoire est-elle obtenue qu'une seconde révolte éclate, menée par le duc des Anatoliques, Nicéphore Botaniatès, en Asie mineure. Le , une émeute de ses partisans éclate dans Constantinople. Alexis, qui dirige les troupes de la capitale, est persuadé qu'il est possible de tenir tête aux insurgés, mais Michel VII Doukas préfère abdiquer ([14]). Alexis tente alors vainement de convaincre Constantin Doukas, le frère de Michel, de monter sur le trône ; devant le refus de ce dernier, il se rallie à Nicéphore Botaniatès. Celui-ci, trop heureux de ce soutien qui lui livre la capitale, accepte avec empressement et monte sur le trône sous le nom de Nicéphore III Botaniatès, épousant la femme de Michel VII Doukas, l'impératrice Marie d'Alanie[15]. Celle-ci espère cependant préserver les droits au trône de son fils Constantin Doukas et cherche un protecteur en la personne d'Alexis faisant de lui, en l'adoptant de façon officielle au printemps 1078, le frère de son fils âgé de 4 ans. Il est plus que probable qu'une liaison entre Alexis et Marie d'Alanie, réputée pour sa beauté, intervient vers 1078, d'autant que la femme d'Alexis n'a à l'époque qu'une douzaine d'années[16].
Alexis écrase définitivement l'insurrection de Nicéphore Bryenne (printemps 1078) grâce à l'utilisation de mercenaires seldjoukides[17]. Bryenne est conduit à Constantinople et aveuglé sur ordre de Nicéphore III Botaniatès[18]. Un troisième compétiteur, Nicéphore Basilakios, qui avait succédé à Nicéphore Bryenne comme duc de Dyrrachium, se soulève à son tour et s'empare de la Macédoine et de Thessalonique (printemps-été 1078). Alexis, aidé de Tatikios, est chargé par Nicéphore III de mettre fin à l'insurrection. Basilakios est vaincu par ruse et livré par ses propres hommes. Il est aveuglé lors de son transfert vers la capitale. Alexis est alors autorisé à rentrer dans la capitale avec ses troupes par Nicéphore III et obtient la dignité de sébaste[19].
La prise du pouvoir
Alexis Comnène est dans un premier temps considéré avec honneur par le nouvel empereur ainsi que sa famille. Le frère aîné d'Alexis, Isaac, de retour d'Antioche à l'été 1078, est nommé sébaste lui aussi. Marié à une cousine de l'impératrice Marie d'Alanie, il réside au Grand Palais et devient proche du basileus. L'âge avancé de Nicéphore III déclenche des ambitions : celles d'Alexis et de son frère Isaac, soutenus par leur mère Anne Dalassène, mais aussi celle de Jean Doukas qui a deux petits-fils, Michel Doukas et Jean Doukas, pouvant prétendre au trône. Marie d'Alanie, enfin, n'a pas renoncé à l'Empire pour son fils Constantin Doukas. Alexis reste cependant le prétendant le plus sérieux : il est à la fois allié aux Doukas par son mariage, adopté par Marie d'Alanie et surtout général prestigieux ayant des relais nombreux dans l'armée[20].
La situation devient extrêmement critique pour l’Empire avec l'installation du sultan seldjoukide Suleiman Ier à Nicée et une menace d'invasion de l'Empire par Robert Guiscard et ses Normands. Nicéphore III commet alors une première maladresse en dépouillant de ses attributs impériaux le jeune Constantin Doukas, s'attirant ainsi la haine de l'impératrice. Un complot se noue entre cette dernière et les frères Comnène. Alexis fait venir des troupes vers la capitale. Mis au courant, Nicéphore décide l'arrestation et l'aveuglement de ce dernier et de son frère, mais Marie d'Alanie prévient les Comnène[21].
Dans la nuit du , Alexis prend contact avec les généraux Grégoire Pakourianos et Constantin Humbertopoulos et reçoit leur soutien, puis il quitte la capitale et se rend à Schiza. Il reçoit alors l'appui, décisif sur le plan financier, du césar Jean Doukas, chef de cette famille. Pendant ce temps, à Constantinople, les femmes de la famille Comnène sont enfermées dans un monastère. À Schiza, Alexis est alors proclamé Empereur, après l'effacement de son frère aîné, Isaac, à son profit; cet effacement traduit aussi la volonté du clan Doukas dont est issue la femme d'Alexis. Finalement, Isaac lui-même chausse son frère des bottes pourpres, insigne impérial par excellence. Il le seconde avec efficacité jusqu'à sa mort[22] (vers 1104).
Alexis marche ensuite sur la capitale, dont il fait le siège. Cependant, Nicéphore III Botaniatès dispose de troupes non négligeables, en particulier les corps d'élite de mercenaires que sont les Varanges[N 7] et les Chomatènoi[N 8]. De plus, le Sénat et le peuple de Constantinople sont hostiles à Alexis. Enfin, la majeure partie des troupes d'Asie mineure soutient un autre prétendant au trône, Nicéphore Mélissène[N 9] ; celui-ci s'empare de Damalis[23], en face de la capitale. C'est surtout avec le soutien des troupes « européennes », ainsi que des auxiliaires turcs, qu'Alexis assiège la capitale. Quelques attaques infructueuses lui font prendre conscience que le plus simple est de circonvenir une partie des défenseurs, souvent des mercenaires étrangers. Alexis rallie à sa cause le chef des Némitzoi (mercenaires allemands), à la tête de la garde de la porte d'Andrinople[24], et pénètre le Jeudi saint () dans Constantinople. Une partie de la ville est alors livrée au pillage par les mercenaires d'Alexis[25] avant que ce dernier ne reprenne le contrôle de ses troupes. Nicéphore propose à Alexis un partage du pouvoir mais, sous l'influence du patriarche de Constantinople Cosmas Ier[N 10], il finit par abdiquer et se retire dans un monastère[26]. Alexis écarte rapidement le dernier prétendant, Nicéphore Mélissène, qui proposait un partage de l'Empire, en lui octroyant la dignité de césar et la ville de Thessalonique[27],[28].