Art nouveau
mouvement artistique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui s'appuie sur l'esthétique des lignes courbes / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L’Art nouveau est un mouvement artistique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui s'appuie sur l'esthétique des lignes courbes.
Art nouveau | |
Composition représentant les divers aspects de l'Art nouveau. | |
Période | 1890 - 1910 |
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Né en réaction contre les dérives de l'industrialisation et la reproduction des anciens styles, c'est un mouvement soudain et rapide qui connaît un développement international. Le mouvement a connu des dénominations diverses selon les régions : Tiffany (d'après Louis Comfort Tiffany) aux États-Unis, Jugendstil[Note 1] ou Art nouveau en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Art nouveau ou Nieuwe Kunst aux Pays-Bas, Art nouveau ou Stile Liberty en Italie[1], Art nouveau ou Modernismo en Espagne (pour le second terme, plus spécifiquement en Catalogne), style sapin en Suisse, Modern en Russie. Le terme français « Art nouveau » s’est imposé notamment dans le monde anglo-saxon et hispanique, en même temps que la France, en lien avec la vague d’anglomanie qu’elle connaissait alors, a brièvement utilisé le terme Modern Style[2] au début du XXe siècle[3].
Si l’Art nouveau comporte des nuances selon les pays, il se caractérise par l'inventivité, la présence de rythmes, de couleurs et d’ornementations inspirés de la faune et de la flore. C'est aussi un art total : il occupe tout l'espace disponible, y compris celui du quotidien, dans l'intention de favoriser l’épanouissement de l'homme moderne à l'aube du XXe siècle. En France, l'Art nouveau était appelé avec humour « style nouille », par ses détracteurs comme par l'homme de la rue, en raison de ses formes caractéristiques en arabesques, ou encore « style Guimard », en lien avec les entrées des stations du métro de Paris réalisées en 1900 par Hector Guimard.
On peut considérer que le mouvement Art nouveau, apparu au début des années 1890, atteint son apogée en 1905[4]. Quelques années avant la Première Guerre mondiale, ce mouvement évolue vers un style plus géométrique, caractéristique du mouvement artistique dominant des années 1910 jusqu'aux années 1940 : l'Art déco[5].
Au XIXe siècle, à l'innovation, l’Art académique privilégie l'imitation de la tradition picturale et sculpturale européenne depuis la Renaissance ainsi que les modèles gréco-romains. Naissent alors tout au long du siècle des réflexions sur la création d'un art « moderne » plus en phase avec la société contemporaine. L'apparition d’un « art nouveau » s'inscrit dans cette volonté de renouvellement de l'art et de l'émancipation des modèles anciens[6]. On observe ainsi au XIXe siècle des précurseurs de l'Art nouveau.
Ernst Haeckel, avec la publication de nombreux livres scientifiques richement illustrés sur la faune et la flore, est considéré comme une des sources d'inspiration de ce mouvement artistique. Son travail a par exemple inspiré les grands lustres en forme de méduse de Constant Roux, pour le musée océanographique de Monaco ou encore la porte monumentale de l'architecte français René Binet, à l'Exposition universelle de 1900. Les artistes de l’Art nouveau feront souvent référence à son œuvre qui, pour Haeckel, ne visait que la reproduction du réel[7].
Eugène Viollet-le-Duc est aussi un précurseur important de l'Art nouveau[8],[9],[10]. En effet, l'architecte combattait le classicisme antique qui monopolisait l’enseignement des beaux-arts à Paris. À l’instar de l'art gothique qu’il étudiait pendant ses restaurations, il milite pour que « la logique de la nature soit le modèle à suivre »[11] en architecture. Il appelle à l’unité des arts ainsi qu'à l’abolition de la distinction entre art « pur » (ou architecture) et art « décoratif »[12].
De 1863 à 1872, Viollet-le-Duc écrit les Entretiens sur l’architecture, un résumé de ses théories qu'il a voulu enseigner aux Beaux-Arts de Paris. Ces Entretiens, « considérés comme fondateurs de l'architecture moderne, seront presque une bible pour des architectes tels que Horta, Guimard, Gaudi »[13].
Les milliers de dessins, notamment naturalistes, qui illustrent les ouvrages de Viollet-le-Duc seront aussi une source d’inspiration pour la future génération de jeunes architectes partout en Europe : « Nous avons tous copié les modèles de Viollet-le-Duc, même si neuf acheteurs sur dix de ses livres ne lisaient pas le français[14]. »
Royaume-Uni
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Les prémices de cet art sont perceptibles dans la dimension onirique de l'œuvre des peintres préromantiques. Le style d'Augustus Pugin (Angleterre, 1812-1852), classé parmi les artistes de style néogothique, préfigure l’extraordinaire saturation décorative de l’Art nouveau, la liberté des formes, la puissance de la couleur, la lutte entre architecture et décor, qui est l’un des grands combats artistiques de la seconde moitié du XIXe siècle[6]. Par ailleurs, le préraphaélisme s'éveille dès 1850 aux courbes et aux couleurs, inspirées des maîtres italiens du XVe siècle ou de la Renaissance florentine (Botticelli) en réaction à la révolution industrielle[15].
Les fondements théoriques du mouvement Arts & Crafts, ainsi que les thèses de William Morris, de John Ruskin (lequel influence Arthur Heygate Mackmurdo) ou de Charles Rennie Mackintosh, architecte du nouveau bâtiment de la Glasgow School of Art conçu de 1897 à 1909, définissent un nouvel art décoratif au Royaume-Uni. Ces théories se positionnent contre les « dérives de l'industrialisation » et de « l'assèchement créatif » qu'elle entraîne et prônent un retour à l'esprit des guildes médiévales, à l'étude du motif naturel[15], à l'emploi de formes épurées. Pour ces théoriciens une régénération de la société ne peut advenir sans la vérité des formes qui l'entourent et dont elle use.
Mais l'héritage Arts and Crafts sera renié par la génération des artistes avant-gardistes qui prônent un art intégré à l'industrie. Dans le mouvement Arts and Crafts, l’influence de Ruskin est supplantée dès les années 1860 et 1870 par celle de Viollet-le-Duc. Si l'architecte Arts and Crafts Charles Eastlake admire son professeur, il est explicitement plus enthousiaste à l'égard de Viollet-le-Duc[16].
Espagne
En Espagne, et notamment en Catalogne, le mouvement que l'on appelle « modernisme catalan » s'élabore durant les années 1870. Les artistes de ce mouvement sont à la recherche de nouvelles expressions formelles et ont la volonté de se situer dans une modernité d’envergure européenne. Il s'agit pour l’écrivain Joan Fuster de transformer « une culture régionale traditionaliste en une culture nationale moderne ».
Les prémices de l'Art nouveau se retrouvent dès 1871 dans les cours de la nouvelle École provinciale d'architecture de Barcelone, alors dirigée par Elies Rogent (1821-1897). « Admirateur et exégète des théories de Viollet-le-Duc, il obligera ses élèves à le lire[17] » : Gaudi, Lluis Montaner et Puig i Cadafalch, futures figures emblématiques du modernisme catalan. « Pour Gaudi lui-même, l’œuvre de Viollet-le-Duc a été presque l’unique instrument de la théorie de l’architecture… c’était sa bible architectonique[18]. »
On considère généralement qu'en Catalogne, le mouvement de l'Art nouveau commence en 1888, lors de la première exposition universelle de Barcelone, à l'occasion de laquelle un grand nombre d'édifices modernistes sont construits. De cet évènement subsistent l'arc de triomphe de Barcelone et le château des trois dragons[19]. « Les architectes modernistes Catalans conservent une fidélité extraordinaire à Viollet-le-Duc[20]. »
Ce mouvement présente des similitudes conceptuelles et stylistiques avec diverses variantes de l’Art nouveau qui se développent en Europe à la même époque. Il se singularise toutefois par plusieurs aspects comme son développement dans la continuité de la renaissance catalane (1833-1880) ainsi que le pressant besoin d’évolution et de rénovation politique et sociale. De plus, la naissance du mouvement se fait dans un contexte d'accroissement de la plupart des villes de Catalogne à un rythme effréné inconnu depuis la Renaissance : Girone, Tarragone, Reus, Sabadell, Terrassa, Mataro et surtout Barcelone. Cette dernière, avec le plan Cerdà lancé en 1859, offrait 1 100 hectares de terrains nus à l'imagination des architectes[19]. L'Art nouveau espagnol cherchait à créer un art national alors que d'autres pays d’Europe cherchaient à dépasser leurs frontières[21]. Dès 1886, Antoni Gaudí est le principal représentant des nouvelles tendances de ce mouvement, avec notamment le Palais Güell (1886-1890) orné de ferronneries et pinacles ouvragés, qui succède à sa période orientalisante initiée en 1883 (El Capricho, Casa Vicens) et précède le Collège Sainte-Thérèse de Barcelone (1888-1889) aux accents déjà modernes, puis le plein épanouissement de sa période naturaliste à la fin du siècle.
Belgique et France
En France, le propos se veut plus rationnel, moins tourné vers le passé et moins fermé aux matériaux nouveaux. Dans ses écrits théoriques, marqués par le rationalisme (Entretiens sur l'architecture, 1863-1872[22]), Eugène Viollet-le-Duc ne rejette pas le matériau moderne (le fer notamment) et veut au contraire lui donner une fonction ornementale et esthétique, à la manière des structures gothiques du Moyen Âge. Paradoxalement, alors que Viollet-le-Duc est connu comme le chef de file français du mouvement néogothique, c’est son enseignement qui préfigure le mieux la pénétration de l’Art nouveau en France, notamment le mouvement L'Art dans Tout né vers 1896 auquel appartient Henri Sauvage, lequel avait été « nourri aux écrits de Viollet-le-Duc ». En ce qui concerne Hector Guimard, il était « profondément un adepte de Viollet-le-Duc dans l’utilisation de la nature pour la décoration »[23] et il utilisera directement des dessins de Viollet-le-Duc pour certaines de ses œuvres comme ses édicules du métro de Paris ou l'École du Sacré Cœur à Paris.
Par ailleurs, certaines des œuvres décoratives de Viollet-le-Duc, comme ses fresques de Notre-Dame de Paris ou celles du château de Roquetaillade, sont de parfaits exemples du lien de filiation entre le mouvement néogothique et l'Art nouveau.
Avant de se répandre en France, les principes formels d'une architecture spécifiquement dénommée « Art nouveau » sont définis à Bruxelles à partir de 1892 avec Victor Horta, Henry Van de Velde et Paul Hankar, tous trois disciples de Viollet-le-Duc : « Victor Horta et Paul Hankar étaient profondément inspirés par les écrits de Viollet-le-Duc[24][réf. incomplète]. »
L'influence considérable de Viollet-le-Duc s'étend aux architectures les plus divergentes telles que celles d'un Henry van de Velde… Ses écrits s'avèrent très marqués par les idées du maître français[25].
À Bruxelles, il existe un milieu d'avant-garde à la recherche de nouveauté capable de faire pièce à l'historicisme triomphant. Un ensemble de mécènes et d'artistes connu sous le nom de Groupe des XX qui « répondait aux théories de Viollet-le-Duc »[26] organise à partir de 1884 des expositions regroupant des artistes refusés par les salons officiels. Ce groupe est peut-être le premier à intégrer au sein d'une exposition de peinture et de sculpture des objets d'art décoratif. Ce mouvement est très influencé par des penseurs et artistes anglais, tels que William Morris, James Abbott McNeill Whistler ou Aubrey Beardsley ainsi que par l'art japonais. Il poursuit la même activité après 1894 sous le nom de La Libre Esthétique[27].
Le mouvement identifié en tant que tel est divisé en trois périodes, notamment par Paul Greenhalgh (en), historien de l'art britannique : une période d'apparition au grand public, très courte, entre 1893 et 1895 ; une période pendant laquelle le mouvement s'étend rapidement et prend place dans tous les milieux culturels, entre 1895 et 1900 et, enfin, un moment où le mouvement se stabilise, commence à faire des bilans sur lui-même et essuie de sévères critiques, avant de s'effacer durant la Première Guerre mondiale[28].
Débuts de l'Art nouveau (1890-1895)
« À chaque époque son art, à chaque art sa liberté ! »
— Devise de la Sécession viennoise inscrite sur le palais de la Sécession à Vienne, 1897.
Le mouvement en tant que tel naît et se développe dans toute l'Europe entre 1890 et 1895 avec une très grande rapidité. Il est ainsi très délicat d'identifier des initiateurs précis. Le fait que de très nombreuses disciplines s'emparent de ce nouveau catalogue de formes donne très rapidement l'impression aux contemporains qu'ils assistent à l'émergence d'un mouvement artistique à part entière englobant tous les aspects de la vie[29].
Paul Greenhalgh identifie la phase initiale du mouvement entre 1893 et 1895, autour de quatre évènements se déroulant surtout dans de grandes capitales, Londres, Bruxelles et Paris.
L'évènement initiateur est la publication dans le no 1 de la revue The Studio des dessins d'Aubrey Beardsley en 1893. Ce jeune illustrateur présente pour la première un style de dessin qui sera caractéristique de l'Art nouveau, et il devient instantanément le centre d'intérêt des avant-garde des deux côtés de l'Atlantique[30].
La même année, à Bruxelles, Victor Horta achève l'hôtel particulier d'Émile Tassel, première réalisation architecturale Art nouveau aboutie[31]. Horta exploite le premier la ligne courbe, symbole entre tous de ce mouvement. La fluidité des espaces fait écho aux courbes végétales qui investissent ferronneries, mosaïques, fresques et vitraux, éléments tant structures qu'ornements, dans la plus parfaite ligne d'Eugène Viollet-le-Duc. Horta conçoit un édifice inédit avec des meubles qui correspondent au rythme des murs et de l’architecture ; il dessine les motifs des tapis, conçoit les meubles : c'est la naissance d'un « art total ».
L'année suivante, toujours dans la capitale belge, Henry Van de Velde publie un pamphlet, Le Déblaiement d'Art, dans lequel il prend du recul sur les évolutions artistiques contemporaines et fustige avec fougue le monde de l'art institutionnalisé. Cette réflexion est la première intellectualisation de deux idées fortes de l'Art nouveau : la valeur des arts décoratifs aux côtés des arts dits nobles et l'importance de l'harmonie générale dans tout travail de décoration[31].
Le dernier évènement, qui clôt la phase initiale du mouvement, est l'ouverture à Paris en 1895 du magasin et centre d'exposition « Maison de l'Art nouveau » par Siegfried Bing qui popularise le style dans la capitale et le fait connaître au grand public[32],[33].
- Aubrey Beardsley, J'ai baisé ta bouche Iokanaan, illustration pour la pièce de théâtre Salomé d'Oscar Wilde.
- Nicola Perscheid, Portrait d'Henry Van de Velde (1904).
- Art nouveau, affiche de la galerie Siegfried Bing (1895).
À la fin du XIXe siècle, les échanges artistiques s’étant intensifiés, le mouvement se diffuse rapidement. Des albums et revues d’art et d’architecture sont abondamment illustrés et propagent les idées nouvelles, comme L'Estampe originale (1888-1895), The Studio (1893), Jugend (1896), Art et décoration (1897), etc. Le développement des moyens de communication permet aux architectes de voyager ; ainsi des connexions s'établissent entre Bruxelles et Paris : Hector Guimard sera très influencé au cours d’un voyage qu’il a fait en 1895 pour voir les architectures de Victor Horta, ce qui l’amènera à intégrer certaines de ses formes dans sa propre architecture[4]. De même, des liens très étroits se tissent entre Vienne et Glasgow, et un architecte comme Otto Wagner recevra la visite de Charles Rennie Mackintosh.
Dénomination
L'expression « Art nouveau » est employée pour la première fois par Edmond Picard, en 1894, dans la revue belge L'Art moderne, dans la lignée de La Jeune Belgique, pour qualifier la production artistique d'Henry van de Velde[34].
Cependant, le nom a été inventé par Van de Velde avec Victor Horta, Paul Hankar et Gustave Serrurier-Bovy[35]. Elle passe en France lorsque, le , elle devient l'enseigne de la galerie d'art de Siegfried Bing, sise 22, rue de Provence à Paris et baptisée Maison de l'Art nouveau.
En France, on utilise concurremment le terme Modern Style pour faire référence au rôle initiateur joué par l'Angleterre[32] ou style Nouille, dénomination populaire. Avec Art nouveau, il existe les expressions style Guimard[Note 2], style de Glasgow[Note 3],[36]. Les personnes critiques envers ce courant artistique emploient volontiers les termes style métro, style Maxim's, style ténia[37] ou Yachting style, comme le nomme Edmond de Goncourt en comparant les présentations de Bing à l'Exposition universelle de 1900 à des cabines de bateau[36].
En Angleterre, ce mouvement est également connu sous le terme de Arts and Crafts movements, même si les personnes qui emploient cette expression l'utilisent pour désigner un mouvement plus large[32].
En Allemagne, on emploie soit Studio-stil en référence à la revue The Studio qui a popularisé le mouvement soit Jugendstil, du nom d'une autre revue défendant l'Art nouveau Jugend. Les Allemands emploient également les termes Belgischestil ou Veldeschstil en référence à la Belgique ou à Henry Van de Velde[32]. Apparaissent également outre-Rhin les expressions Lilienstil (style lys) ou Wellenstil (style vague)[36].
En Italie, en Espagne ou en Amérique latine, le terme de style Liberty est employé en référence aux magasins du même nom qui importent des produits de ce mouvement[32].
Déploiements (1895-1900)
La phase d'extension et de maturité du mouvement se situe entre 1895 et 1900. Ce style se répand dans toute l'Europe, chaque ville ou pays adaptant le mouvement artistique à ses propres caractéristiques et considérations locales[38].
La Maison de l'Art nouveau de Bing est une des vitrines sur cette période de l'étendue de ce que propose le mouvement. Il expose ainsi des vitraux de Tiffany[Note 4], des réalisations de Van de Velde, de Beardsley, Lalique, Colonna, Gaillard ou De Feure[39].
Lors de l'exposition universelle de 1900 à Paris, le vitrail des apôtres de Józef Mehoffer a été récompensé par une médaille d'or. L'Art nouveau était ainsi arrivé dans l'art sacré.
Ruptures et déclin (1900-1920)
Entre 1900 et 1914, l'Art nouveau s'est imposé et il commence à faire l'objet de débats, de discussion, de critiques[38]. Dès 1900, de nombreux critiques d'art s'attaquent à ce mouvement. Ils reprochent notamment de laisser obstinément de côté l'un des principes des arts décoratifs qui veut que l'ornementation d'un objet doit être subordonné à sa fonction. Dès l'exposition universelle de 1900, Charles Genuys, critique à La revue des arts décoratifs soulève ce point entre autres[40]. L’Art nouveau est également violemment attaqué par les mouvements nationalistes, à partir des années 1904-1905 au cours desquelles les associations d’extrême droite française condamnent notamment Hector Guimard. Ces mouvances n'hésitent pas à employer la même rhétorique que pour les juifs, accusant ces artistes d'être contre la nation et de devoir être éliminés[6].
Par ailleurs, les créateurs authentiques sont vite rattrapés par le succès d'une mode dont ils sont les inspirateurs et qui triomphe à partir de l'exposition universelle en 1900, notamment dans une bimbeloterie envahissante qui ternit pendant longtemps la mémoire de l'Art nouveau. À partir de 1910, les salons des arts décoratifs sont inondés d'objets quelconques, reprenant des styles anciens et ne laissant plus de place aux objets Art nouveau, que le public délaisse[41]. De fait, la production d'objets Art nouveau après la Première guerre mondiale se poursuit avec un certain succès de nombreuses années, mais ceux-ci sont la plupart du temps de simples copies n'intégrant aucune nouveauté ni créativité[42].
Le déclin de l'Art nouveau se constate notamment par l'éloignement d'une partie de ses créateurs, lesquels se reportent vers d'autres styles (dès 1905-1906) qui, eux, se maintiennent. Par ailleurs, comme les représentants les plus influents de ce courant sont dispersés dans toute l'Europe, ils ne peuvent pas élaborer de système formel, ni s'inscrire au sein d'une institution officielle qui aurait légitimé et porté le mouvement[43].
Toutefois, cette vision est l'héritière d'une historiographie qui, pendant un temps très important, a peu étudié la fin de ce mouvement. La vulgate de l'histoire de l'art a longtemps considéré que les mouvements artistiques postérieurs ont rompu radicalement avec l'Art nouveau. Il ne faut toutefois pas omettre que de nombreux artistes pleinement membres du mouvement ont d'eux-mêmes et très progressivement fait évoluer leur pratique et que les nouveaux artistes s'inscrivent, la plupart du temps volontairement, dans la continuité des avant-gardes précédentes[42].
Les treize vitraux de Józef Mehoffer à Fribourg couvrent une période allant de 1896 à 1936. Ils ont une importance qui dépasse le simple intérêt local. Ils sont remarquables du fait que, entre autres, ils traduisent des tendances stylistiques qui vont de l'historicisme au réalisme, avec des signes du style moderne, en passant par l'Art nouveau. Le cycle fribourgeois se distingue également parce qu'il a influencé le développement de l'art du vitrail monumental qui – après avoir suscité un regain d'intérêt dans la première moitié du XIXe siècle – se trouvait encore au stade expérimental à l'époque de la création des vitraux de Mehoffer[44].
Devenir (depuis 1920)
L'utilitarisme généré par la Grande Guerre puis la reconstruction des régions dévastées portent un coup fatal au goût modern style, dès lors généralement déconsidéré. Ses détracteurs, qui ne désarment pas, l'ont toujours tenu pour futile ; il est désormais suranné aux yeux du grand public. L'Art déco lui avait succédé qui, dans sa version colossale des années 1930, en était devenu la négation.
Dès 1926, on commence même à en démonter les réalisations, à commencer par certaines stations de métro parisien, par exemple les stations Place de l'Étoile et Pereire. Par nécessité et manque d'intérêt pour ce style, les démolitions s'accélérent après la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1970, lors desquelles une prise de conscience en Belgique comme en France permet finalement d'épargner les constructions survivantes puis de les protéger et enfin de les restaurer.