Grève générale en Guyane et aux Antilles françaises en 2008-2009
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La grève générale de la Guyane et des Antilles françaises a commencé dans le département d'outre-mer de la Guyane le [1],[2], la Guadeloupe le , et s'est étendue à l'île voisine de la Martinique le [3]. Les trois DOM sont situés sur le plateau des Guyanes (au nord-Est de l'Amérique du Sud) et dans l’archipel des Antilles (mer des Caraïbes). Les revendications principales de cette « grève contre la vie chère » étaient une baisse des prix jugés abusifs de certains produits de base, comme le carburant et l'alimentation, ainsi qu'une demande de revalorisation des bas salaires. Le Monde diplomatique rapporte à cette époque « une situation de monopole, comme celui de la Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime (CMA-CGM), qui pratique des tarifs abusifs sur les conteneurs en provenance de la métropole. Huit familles békées contrôlent des chaînes de supermarchés et l’import-export. Le Groupe Bernard Hayot (GBH) par exemple est classé cent trente sixième fortune française. Entre 2007 et 2008, les produits de première nécessité se sont envolés : + 48 % pour le lait, + 87 % pour les pâtes, + 59 % pour le beurre, etc. »[4].
La grève a paralysé pendant plus d'un mois et demi tous les secteurs, privés et publics, notamment les stations-services, les petits et grands commerces, les hôtels et les industries liés au tourisme, les établissements scolaires et les transports publics.
Le , après 44 jours de conflit, un protocole d’accord pour la Guadeloupe a été signé par Élie Domota pour le LKP, le préfet Nicolas Desforges pour l’État et Victorin Lurel le président du conseil régional. Il a mis officiellement fin à la grève en satisfaisant les revendications populaires[5].
La grève de 2009 est un mouvement de grande ampleur qui sort du cadre traditionnel des luttes syndicales. Le mouvement obtient un fort soutien populaire, ce qui oblige les syndicats à unir leur action. Le groupe syndical LKP en chef de file érigera le terme pwofitasyon, un mot créole qui aura pour vocation d’englober tous les maux des sociétés antillaises, principalement la vie chère et le chômage jugés du fait de la responsabilité des exploiteurs. D’après Pierre Odin le terme pwofitasyon est un support contestataire, c’est un biais par lequel l’existence de l’exploitation généralisée est rendue visible en pointant du doigt une opposition entre exploiteurs et exploités. Il rajoute également à son analyse que la Guadeloupe et la Martinique sont considérées comme « dépendantes » de la France en raison de l’héritage colonial.
Les prémices de ce soulèvement s’observent en décembre 2008, une protestation se développe contre la hausse du prix de l’essence. Une manifestation se dirige en direction de la préfecture pour envoyer une délégation qui est aussitôt réprimée par la police devenue le seul moyen de réponse. Les syndicats lancent alors une date de grève générale pour le 20 janvier 2009. Une période durant laquelle le LKP rédige des revendications. Sur l’île voisine, la Martinique, la mobilisation semble moins importante et l’intersyndicale a peu d’écho. En 2009 l’unité syndicale prime et les organisations syndicales doivent s’accorder sur des revendications communes, malgré leurs divergences. Notamment, l’une des mesures phares de ces 44 jours de grèves qui était celle de la CGT relative à une augmentation des salaires de 200 euros. Le syndicat veut faire payer le patronat (l’exploitant), alors que l’UGTG vise surtout l’État. Elie Domota et l’UGTG, le syndicat majoritaire, animent la coalition du LKP.
Le 20 janvier 2009, l’appel à la mobilisation remporte un franc succès en Guadeloupe, 10 000 personnes se retrouvent pour défiler dans les rues de Pointe-à-Pitre. Rapidement rejoint par d’autres secteurs, hôtellerie, commerce, énergie et eau, les rangs de la lutte se gonflent. Et au-delà des espérances syndicales le mouvement dépasse de très loin la mobilisation initiée par l’extrême-gauche. La Martinique suit le pas, et 20 000 personnes défilent dans les rues de Fort-de-France le 5 février. De très grande ampleur le mouvement dépasse ses organisateurs. Des axes routiers sont bloqués et la contestation s’autonomise du giron syndical. À cela s’ajoute une grande diffusion d’images, slogans et de chants. Le LKP conduit à une vague de défiance à l’égard des élus mais aussi des autorités administratives. Les négociations sont diffusées sur Canal 10, chaine télévisée locale, où les syndicalistes évoquent les réalités méconnues de l’exploitation en Guadeloupe. Cela leur vaudra la qualité d’experts, puisqu’en face les élus locaux accompagnés de l’élite sociale locale sont inactifs : un manque de réaction qui ne passe pas inaperçu.
La rupture des négociations fait basculer la situation qui se rapproche de l’insurrection. Des barrages sur les routes et dans les quartiers sont érigés par la population et les confrontations avec les forces de l’ordre se multiplient. Devenus des espaces autonomes et hors d’atteintes, ils contribuent au développement de la politisation avec les discussions entre militants, auxquels se joignent des personnes extérieures. Cette politisation par le bas est en lien direct avec les problèmes matériels du quotidien, comme le ravitaillement de la population. La stratégie repose sur l’horizontalité et les réseaux d’interconnaissances, ce qui fait que le mouvement sort de la sphère des responsables syndicaux et devient porté par des gens ordinaires.
La tension monte et des affrontements avec les forces de l’ordre ont lieu sur les barrages, avec des barricades enflammées, munis de jets de pierre. Toute la population est au rendez-vous, en particulier la jeunesse des quartiers populaires. Mais le LKP se prononce à l’encontre d’une insurrection. Un refus surement dû à la mort du syndicaliste Jacques Binot et le souvenir de Mai 67, raisons pour lesquelles il y aura une demande pour lever les barrages. L’annonce est mal reçue par les jeunes qui n’apprécient pas les ordres du LKP. Les 44 jours de grèves s’achèveront par un appel au calme et à retourner au travail après avoir obtenu satisfaction des revendications[6].