John Churchill (1er duc de Marlborough)
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John Churchill, né le à Musbury en Angleterre et mort le à Cumberland Lodge en Angleterre, comte puis 1er duc de Marlborough, est un général et homme politique anglais dont la carrière s’étend sur le règne de cinq monarques du XVIIe au XVIIIe siècle.
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- L'Angleterre utilise le calendrier julien jusqu'en 1752 alors que la France adopte le calendrier grégorien à partir de 1582. Dans cet article, les dates du calendrier julien sont suivies de (*).
John Churchill 1er duc de Marlborough | ||
John Churchill, 1er duc de Marlborough, dans sa tenue de l'ordre de la Jarretière. | ||
Naissance | à Ashe House, Devon |
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Décès | (à 72 ans) au Cumberland Lodge |
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Origine | Royaume d'Angleterre | |
Allégeance | Royaume d'Angleterre (1667-1707) Grande-Bretagne (1707-1722) |
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Arme | British Army | |
Grade | Général | |
Commandement | Commander-in-chief of the Forces Master-General of the Ordnance |
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Conflits | Rébellion de Monmouth Guerre de la Ligue d'Augsbourg Guerre de Succession d'Espagne |
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Faits d'armes | Bataille de Sedgemoor Bataille de Walcourt Bataille de Schellenberg Bataille de Höchstädt Bataille d'Eliksem Bataille de Ramillies Bataille d'Audenarde Bataille de Malplaquet |
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Distinctions | Ordre de la Jarretière Membre du Conseil privé |
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Autres fonctions | Gouverneur de la Compagnie de la Baie d'Hudson | |
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D’abord page à la cour de la maison Stuart, il sert loyalement le duc d'York au cours des années 1670 et au début des années 1680, gagnant promotions militaires et politiques par son courage et son habileté diplomatique. Son rôle dans la défaite de la rébellion de Monmouth en 1685 contribue à l’accession de Jacques II au trône, mais Churchill abandonne trois ans plus tard son mentor catholique pour les protestants hollandais et Guillaume d'Orange. Récompensé pour son aide à l’accession au trône de Guillaume III avec le comté de Marlborough, il se distingue dans les premières années de la guerre de Neuf Ans ; cependant, la persistance du jacobitisme provoque sa chute et son emprisonnement temporaire à la tour de Londres. Ce n'est qu'à l’arrivée sur le trône de la reine Anne, en 1702, que Marlborough atteint l'apogée de ses pouvoirs et s'assure gloire et fortune.
Son mariage avec Sarah Jennings, amie intime de la reine, lui assure en premier lieu le poste de commandant en chef des forces britanniques, puis la transformation de son comté en duché. Devenu de facto chef de file des forces alliées pendant la guerre de Succession d'Espagne, ses victoires sur les champs de bataille de Blenheim (1704), Ramillies (1706) et Audenarde (1708) le font rentrer dans l'histoire comme l'un des grands généraux d'Europe. En , à cause de sa relation orageuse avec la reine, Sarah est mise à l'écart de la Cour. Quelques mois plus tard, même s'il a apporté gloire et succès au règne, Marlborough perd ses fonctions pour d'autres raisons. À son retour en Angleterre en 1714, il reprend de l'influence avec l'arrivée au pouvoir de la maison de Hanovre et l'avènement de George Ier à la couronne britannique en 1714, mais à la suite d'une série d'attaques cérébrales, sa santé se détériore progressivement et il meurt le .
L'ambition insatiable de Churchill l'a propulsé de l'obscurité au-devant de la scène dans les affaires britanniques et européennes, faisant de lui le plus riche de tous les sujets de la reine Anne. Ses liens familiaux lui ont apporté un réseau de relations sur la scène européenne (sa sœur Arabella est devenue la maîtresse de Jacques II et leur fils, le duc de Berwick, l’un des plus grands maréchaux de Louis XIV). Tout au long des dix campagnes consécutives de la guerre de Succession d'Espagne, Marlborough réussit à former et tenir une coalition discordante par la seule force de sa personnalité, permettant aux armées britanniques d'atteindre un niveau qu'elles n'avaient plus connu depuis le Moyen Âge. Même s'il ne peut obtenir la capitulation totale de ses ennemis, ses victoires font de la Grande-Bretagne une grande puissance européenne, lui assurant ainsi une prospérité croissante au cours du XVIIIe siècle.
Premières années
À la fin de la Première révolution anglaise en 1651, qui a vu arriver Cromwell au pouvoir, Lady Eleanor Drake reçoit à son domicile de Ashe House[note 1] sa troisième fille Élisabeth et son mari, Winston Churchill. Contrairement à sa belle-mère qui a soutenu la cause parlementaire, Winston a combattu du côté des perdants et il a, comme tant d'autres cavaliers, été contraint de s'acquitter d'un dédommagement de 446 £ et 18 shillings[note 2]. Même si Winston a payé l'amende dès 1651, le capitaine des Cavaliers, dont la devise Fiel pero desdichado (« fidèle, mais malheureux ») est encore utilisée aujourd'hui par ses descendants, reste très pauvre.
Winston Churchill et Élisabeth ont au moins neuf enfants, dont quatre meurent en bas âge[note 3]. Leur fille aînée Arabella naît le [note 4] ; le fils aîné John naît le (*). Ils ont deux petits frères : George (1654-1710), qui deviendra Admiral de la Royal Navy, et Charles (1656-1714), futur général qui sert avec John lors de la campagne en Europe. Peu de choses sont connues de l'enfance de John Churchill. Le fait de grandir dans des conditions difficiles à Ashe House, avec des tensions familiales, a peut-être laissé une marque durable sur le jeune Churchill. L'homonyme de son père, le biographe et descendant de John, et célèbre homme d'État britannique Winston Churchill, a affirmé : « [Les conditions de vie à Ashe House] pourraient bien avoir suscité deux notions qui restèrent gravées dans son esprit : d'abord la haine de la pauvreté, ensuite la nécessité de cacher ses pensées et ses sentiments à ceux que leur expression pourrait choquer »[4].
Après la restauration du roi Charles II en 1660, la situation financière de l'aîné des Churchill s'améliore même si elle reste loin de la prospérité[5]. En 1661, Winston devient député de Weymouth et, comme marque de la faveur royale, il est récompensé pour les pertes qu'il a subies lors de la lutte contre les « Parlementaires » pendant la guerre civile. Ainsi est-il nommé Commissaire aux revendications territoriales irlandaises à Dublin en 1661. Quand Winston part pour l'Irlande l'année suivante, son fils John est inscrit à l'école gratuite de The King's Hospital à Dublin mais, en 1664, à la suite du rappel de son père au poste de greffier subalterne affecté au contrôle de la maison du roi à Whitehall, John se retrouve à la St Paul's School de Londres. La mauvaise situation financière du roi fait que les anciens cavaliers reçoivent peu d'argent en récompense de leur fidélité, mais le monarque est prodigue avec ce qu'il peut offrir et qui ne lui coûte rien : des postes à la cour pour leur progéniture. C'est ainsi que, en 1665, Arabella devient dame d'honneur d'Anne Hyde, la duchesse de York, rejointe quelques mois plus tard par son frère John, en tant que page de son mari, Jacques, duc d'York[6].
Premières expériences militaires
La passion du duc d'York pour les armées terrestres et navales déteint sur le jeune Churchill. Il accompagne souvent le duc lors de ses inspections des troupes dans les parcs royaux et envisage très vite de devenir soldat[7]. Le (*), il obtient un poste d'enseigne dans la compagnie du roi, la 1re Garde qui deviendra plus tard les Grenadier Guards[8]. Sa carrière s'accélère quand, en 1668, Churchill s'embarque pour Tanger, avant-poste de l'Afrique du Nord récemment obtenu par la dot de Catherine de Bragance, épouse portugaise de Charles II. Loin des fastes de la Cour, Churchill y passe trois ans, effectuant ses premières classes de formation tactique et d'expérience du terrain lors d'escarmouches avec les Maures[note 5].
De retour à Londres en , ses traits et ses manières — décrits par Lord Chesterfield comme « irrésistibles pour un homme ou une femme » — attirent rapidement l'attention dévorante de l'une des maîtresses les plus célèbres du roi, Barbara Villiers, duchesse de Cleveland[note 6]. Sa liaison avec cette séductrice insatiable s'avère dangereuse. On raconte qu'une fois, à l'arrivée du roi, Churchill a juste le temps de sauter du lit de sa maîtresse et de se cacher dans un placard, mais le roi, expérimenté en la matière, découvre le jeune Churchill qui tombe rapidement à ses genoux ; « Vous êtes un coquin, lui dit Charles, mais je vous pardonne parce que vous le faites pour gagner votre pain »[10]. L'histoire est peut-être apocryphe (une autre version raconte que Churchill a sauté par la fenêtre), mais il est largement admis qu'il est le père de Barbara, la fille de la duchesse, née le (*)[note 7].
En 1672, Churchill prend à nouveau la mer et, le , lors de la bataille de Solebay contre la Marine néerlandaise au large du Suffolk, son comportement valeureux à bord du HMS Prince lui vaut d'être promu — au grand dam de plusieurs officiers supérieurs — capitaine du régiment de l'Amirauté[note 8]. L'année suivante, il gagne encore une citation élogieuse lors du siège de Maastricht après s'être distingué avec un commando de trente hommes qui vont, successivement, prendre et défendre avec succès une partie de la forteresse. Au cours de cette opération, on crédite Churchill d'avoir sauvé la vie du duc de Monmouth ; lui-même est légèrement blessé, mais gagne encore la reconnaissance de la maison Stuart, ainsi que celle de la maison de Bourbon. Le roi Louis XIV en personne salue l'acte. Churchill acquiert une réputation enviable de courage physique ainsi que l'estime des soldats[14].
Même si la majorité parlementaire britannique anti-française a forcé l'Angleterre à se retirer de la guerre franco-néerlandaise en 1674, quelques régiments anglais sont restés au service des Français. En avril, Churchill est nommé colonel d'un de ces régiments qui, par la suite, servent avec le maréchal de Turenne. Il est présent à la bataille de Sinsheim en et à celle d'Ensheim en octobre ; il semble aussi qu'il ait été présent à la bataille de Salzbach en , bataille où Turenne est tué[15]. Pendant ces campagnes, il perfectionne son art militaire au contact du maréchal français.
Mariage avec Sarah Jennings
À son retour au palais Saint James, Churchill a son attention attirée vers d'autres sujets et notamment un nouveau visage à la Cour. « Je vous prie de me laisser vous voir aussi souvent que vous le pouvez », plaide-t-il dans une lettre à Sarah Jennings, « je suis sûr que vous devez le faire si vous tenez à mon amour… »[16]. Les origines sociales de Sarah Jennings sont, à bien des égards, similaires à celles de Churchill : petite noblesse endettée et réduite à la pauvreté. Après la mort de son père alors qu'elle a huit ans, Sarah, avec sa mère et ses sœurs, s'installent à Londres. Les Jennings sont de fervents royalistes (même si le grand-oncle de Sarah, James Temple, a été reconnu coupable de régicide) et leur loyauté à la couronne, comme celle des Churchill, se voit récompensée par un emploi à la Cour : en 1673, Sarah a suivi sa sœur Frances à la résidence de la duchesse d'York, Marie de Modène, seconde épouse de Jacques, duc d'York[17].
Sarah a environ quinze ans quand Churchill revient du continent en 1675 et il semble avoir été presque immédiatement captivé par ses charmes et ses bonnes manières[16]. Elle reçoit, paraît-il, les lettres d'amour de Churchill avec beaucoup de méfiance. Comme sa première maîtresse, Barbara Villiers, a transféré sa résidence à Paris, Sarah nourrit des doutes sur les intentions de Churchill : il pourrait vouloir en faire sa maîtresse plutôt que sa fiancée[18]. Cependant, la cour persistante au cours des mois suivants lui permet de remporter le cœur de la belle et pauvre demoiselle d'honneur. Winston Churchill aurait désiré que son fils épouse la riche Catherine Sedley (probablement pour alléger la fardeau de sa dette), mais le colonel Churchill épouse discrètement Sarah dans le courant de l'hiver 1677-1678, peut-être dans les appartements de la duchesse d'York[19].
Au service diplomatique de la Couronne
Lorsque le gouvernement Cavalier du comte de Danby entreprend un changement politique, le pays se prépare à entrer en guerre avec la France. La nouvelle alliance avec les Néerlandais ainsi que l'expansion de l'armée anglaise, ouvrent d'importantes perspectives à Churchill dans les domaines militaire et diplomatique. En , accompagné de son ami et homme politique montant Sidney Godolphin, il part pour La Haye afin de négocier une convention sur le déploiement de l'armée anglaise en Flandre. La première intervention du jeune diplomate dans la gestion des affaires publiques est couronnée de succès. Cela lui permet d'entrer en contact avec Guillaume, prince d'Orange, qui est très impressionné par sa finesse, sa courtoisie et ses aptitudes à la négociation[20]. Cette mission aide Churchill à acquérir une vaste expérience que nombre d'autres militaires ne peuvent jamais réaliser[20]. Mais, en raison des tractations secrètes de Charles II avec Louis XIV (Charles n'a pas l'intention de faire la guerre à la France), la mission finit par avorter. En mai, Churchill est nommé au grade temporaire de général de brigade, mais les espoirs d'action sur le continent se révèlent illusoires, les factions belligérantes cherchant la paix et signant le traité de Nimègue[note 9].
Lorsque Churchill retourne en Angleterre à la fin de 1678, il constate des changements importants dans la société anglaise. Le pseudo complot papiste fabriqué par Titus Oates et visant à exclure le duc d'York, catholique, de l'accession au trône d'Angleterre, vaut un bannissement et un exil temporaire au futur Jacques II — exil qui va durer près de trois ans. Churchill est obligé de le suivre, d'abord à La Haye puis à Bruxelles, avant d'obtenir la permission de s'installer à Édimbourg. Ce n'est qu'en 1682, après la victoire complète de Charles II sur ses adversaires, que le duc d'York revient à Londres[note 10]. Pour ses services au cours de la crise, Churchill est fait Lord Churchill d'Eyemouth dans la pairie d'Écosse, le (*) et, l'année suivante, le (*), il est nommé colonel du régiment de la garde royale des dragons[23].
Les revenus combinés des Churchill leur assurent désormais un certain confort, leur permettant, entre autres, d'entretenir leur résidence à Londres avec sept serviteurs. Ils sont également en mesure d'acheter Holywell House à St Albans (maison de la famille de Sarah Jenning) où leur famille peut bénéficier des avantages de la vie rurale. Pendant leur séjour à Édimbourg, Sarah a donné naissance à Henriette le (*). Une autre fille, Anne, est arrivée en 1684, suivie par John en 1686, Élisabeth en 1687, Mary en 1689 et Charles en 1690, qui meurt à deux ans[24].
Churchill reprend la vie à la Cour avec enthousiasme. En , on l'envoie sur le continent pour conduire le prince Georges de Danemark en Angleterre pour son mariage arrangé avec la princesse Anne, âgée de dix-huit ans, la fille cadette du duc d'York. Anne ne perd pas de temps en nommant Sarah — dont elle est l'amie passionnée depuis l'enfance — parmi ses dames de compagnie. Leur relation continue à s'épanouir avec le temps, à tel point que Sarah écrira quelques années plus tard : « Me voir était pour elle une joie permanente et se séparer de moi ne serait-ce qu'un instant, une appréhension constante… Cela conduisait même à la jalousie d'un amant. »[25] Pour sa part, Churchill traite la princesse avec une affection respectueuse et s'attache véritablement à elle, assumant — avec le respect dû à la royauté — le rôle d'un champion chevaleresque[26]. À partir de ce moment-là, les Churchill se détachent de plus en plus du cercle catholique de Jacques et se rapprochent de la princesse[27].
Contre les rebelles de Monmouth
À la mort de Charles II en 1685, son frère, le catholique duc d'York, devient roi sous le nom de Jacques II. À la suite de cette succession, John Churchill est nommé gouverneur de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il est également confirmé gentilhomme de la chambre (Gentleman of the Bedchamber) en avril et admis à la pairie d'Angleterre en tant que baron Churchill de Sandridge dans le comté de Hertford, en mai, ce qui lui donne ainsi un siège à la Chambre des lords. Toutefois, le nouveau Parlement est dominé par la rébellion, menée en Écosse par le comte d'Argyll et en Angleterre par le fils illégitime de Charles II, le duc de Monmouth, qui, encouragé par les mécontents et divers conspirateurs whigs (exilés pour leur rôle dans le complot raté de Rye-House), est prêt à prendre ce qu'il considère être son bien : la couronne d'Angleterre[28].
Pour faire face aux rebelles de Monmouth, Churchill reçoit le commandement de l'infanterie de l'armée royale, mais l'honneur de diriger la campagne est confié au limité, mais très loyal, comte de Feversham. Monmouth débarque à Lyme Regis, le (*) mais à un mauvais moment, avec des troupes de paysans mal équipées, mal conseillées et finalement vaincues à la bataille de Sedgemoor dans le Somerset, le (*). Même si Churchill a été subordonné à Feversham, son organisation administrative, son habileté tactique et son courage au combat ont été déterminants dans la victoire. « Sedgemoor n'a peut-être pas été la victoire la plus spectaculaire de John Churchill, écrit l'historien John Tincey, mais elle doit à juste titre être considérée comme sa première »[29].
Churchill est promu au grade de major-général le (*) mais c'est Feversham qui reçoit la part du lion de la récompense. Churchill n'est pas complètement oublié et, en août, il se voit conféré le grade lucratif de colonel de la troisième troupe de gardes du corps[30]. Pourtant, selon l'historien David Chandler, il est possible que la bataille de Sedgemoor et les persécutions qui s'ensuivent, entraînées par le zèle sanguinaire du juge Jeffreys, aient mis en route chez lui un processus de désillusion qui aboutira à l'abandon de son roi, mécène et ami de longue date, à peine trois ans plus tard[31]. Son maître, cependant, lui a déjà donné des motifs d'inquiétude. « Si le roi doit tenter de changer de religion, est-il réputé avoir fait remarquer à lord Galway peu de temps après la succession de Jacques II, je quitterai immédiatement son service »[32].
La révolution anglaise
Churchill termine la campagne de Sedgemoor avec une excellente réputation mais il prend soin de ne pas être considéré comme un sympathisant de la croisade du roi contre les protestants[33]. Jacques II promeut des catholiques dans les institutions royales — comme l'armée — engendrant d'abord des doutes puis la sédition de ses sujets majoritairement protestants et même des membres de sa famille expriment leurs inquiétudes devant le zèle fanatique du roi pour la religion catholique[34]. Lorsque la reine donne naissance à un fils, James Francis Edward Stuart, s'ouvre la perspective d'une lignée de rois catholiques. Certains, comme le comte de Salisbury et le comte de Melfort, ont trahi leur religion pour gagner les faveurs du roi. Churchill est resté fidèle à sa religion et a dit au roi : « J'ai été élevé dans le protestantisme et mon intention est de vivre et de mourir dans cette religion. », et il est également motivé par son intérêt personnel. Aussi, estimant que la politique du monarque peut briser sa carrière ou provoquer une révolution, il ne veut pas envisager de faire comme son malheureux père et se retrouver du côté des vaincus[35].
Or, à cette époque, sept hommes décident d'inviter la fille aînée de Jacques II et son mari, le stathouder protestant néerlandais, Guillaume, prince d'Orange, à envahir l'Angleterre et prendre le trône. Les signataires de la lettre incluent des whigs, des tories et l'évêque de Londres, Henry Compton. Ils assurent le prince que, « Quatre-vingt quinze pour cent de la population (…) est désireuse de changement »[36]. Guillaume n'a pas besoin d'encouragement supplémentaire. Même si Churchill n'a pas signé l'invitation (il n'a pas, encore, un rang politique suffisant pour être l'un des signataires), il fait part de ses intentions à Guillaume par le biais de son principal contact anglais à La Haye : « Si vous pensez qu'il y a quelque chose que je doive faire, vous n'avez qu'à me commander »[37]. Churchill, comme beaucoup d'autres, recherche le moment opportun pour lâcher Jacques II.
Guillaume débarque à Torbay, le (*) et, de là, conduit son armée à Exeter. Les forces de Jacques II — une fois de plus commandées par Lord Feversham — s'installent à Salisbury, mais peu de ses officiers supérieurs cherchent à combattre ; même la princesse Anne, la fille de Jacques II, écrit à Guillaume pour lui souhaiter « bon succès dans cette si juste entreprise »[38]. Promu au grade de lieutenant-général le (*), Churchill lutte encore aux côtés du roi, mais en affichant de grands transports de joie en apprenant la désertion de lord Cornbury ; il conduit Feversham à demander son arrestation. Churchill encourage ouvertement à la désertion pour défendre la cause orangiste alors que Jacques II continue à hésiter[39]. Il est bientôt trop tard pour agir. Après la réunion du conseil de guerre dans la matinée du (*), Churchill, accompagné de quelque quatre cents officiers et soldats, se glisse hors du camp royal et se dirige vers Guillaume à Axminster. Il a laissé derrière lui une lettre d'excuses et d'auto-justification :
« J'espère que les grands avantages dont je bénéficie grâce à Votre Majesté et qui font que je possède ce que je n'aurais jamais pu attendre d'un autre gouvernement, vont raisonnablement convaincre Votre Majesté et le monde que je suis actionné par un principe supérieur[40]. »
Dans la nuit, la princesse Anne accompagnée de Sarah s'enfuit de Londres et va se réfugier à Nottingham.
Lorsque le roi voit qu'il n'a même pas pu retenir Churchill — depuis si longtemps, son serviteur fidèle et intime — il se désespère. Jacques II, qui, selon les paroles de l'archevêque de Reims, a « abandonné trois royaumes pour une messe », se réfugie en France, emmenant avec lui son fils héritier[41]. Sans coup de feu ou presque, Guillaume, l'époux de Mary, fille aînée de Jacques II, qui a refusé la couronne pour elle-même, devient roi après avoir dû accepter la Déclaration des droits.
Général de Guillaume III
Dans le cadre des promotions lors du couronnement de Guillaume et de Mary, Churchill est fait comte de Marlborough le , assermenté au Conseil privé et promu gentilhomme de la Chambre du roi. Cependant, ces promotions provoquent des rumeurs accusatrices de la part des partisans de Jacques II, qui reprochent à Marlborough d'avoir honteusement trahi son ancien roi à des fins personnelles ; Guillaume émet aussi quelques réserves sur l'homme qui a abandonné Jacques II[42]. Même ses défenseurs, comme son descendant le plus célèbre et son biographe, Winston Churchill, ont de la peine à trouver des motifs patriotiques, religieux ou moraux à son action. Selon les écrits de Chandler, il est difficile d'absoudre Marlborough de son absence de compassion, de sa cruauté, de son ingratitude, de son intrigue et de sa trahison envers un homme à qui il devait presque tout[43].
Le premier acte officiel de Marlborough est d'aider à la rénovation de l'armée. Le pouvoir de confirmer ou de mettre à la retraite des officiers et des hommes lui donne la possibilité de se construire un réseau de favoris qui lui sera utile au cours des deux décennies suivantes[44]. La tâche est urgente, car moins de six mois après le départ de Jacques II, l'Angleterre entre en guerre contre la France dans le cadre d'une puissante coalition visant à réduire les ambitions de Louis XIV. En raison de son expérience, on confie à Marlborough la charge des 8 000 soldats britanniques envoyés aux Pays-Bas au printemps de 1689 ; même si la guerre dure neuf ans (1688-1697), il n'y participe que trois ans et principalement à des postes de commandement subalternes. Toutefois, à la bataille de Walcourt, le , Marlborough reçoit les éloges du commandant allié, le prince de Waldeck : « (…) en dépit de sa jeunesse, il montre une capacité militaire supérieure à celle de la plupart des généraux ayant fait une longue série de guerres (…) C'est assurément un des hommes les plus braves que je connaisse[45]. » En reconnaissance de ses compétences et de sa valeur, Guillaume lui décerne le grade lucratif de colonel du 7e régiment d'infanterie (plus tard, les Royal Fusiliers).
Cependant après Walcourt, la popularité de Marlborough s'estompe[46]. Guillaume III et Mary se méfient de l'influence du couple Marlborough, confidents et partisans de la princesse Anne (dont les prétentions au trône sont plus justifiées que celles de Guillaume). Sarah soutient Anne dans une série de litiges judiciaires avec les souverains, ce qui rend folle de rage la reine Mary qui associe le duc, son mari, dans son animosité[note 11]. Pourtant, pour le moment, le choc des tempéraments est éclipsé par des événements plus pressants en Irlande où Jacques II a débarqué en pour tenter de retrouver son trône. Lorsque Guillaume part l'affronter en Irlande en , Marlborough est devenu commandant de toutes les troupes et milices en Angleterre et a été nommé membre du Conseil des Neuf, chargé de conseiller Mary sur les questions militaires en l'absence du roi, mais Mary fait peu d'effort pour dissimuler son dégoût à cette nomination. « Je ne peux avoir ni confiance ni estime pour lui », écrit-elle à Guillaume[46].
La victoire de Guillaume III à la bataille de la Boyne, le , oblige Jacques II à abandonner son armée et à fuir vers la France. En août, Marlborough part pour l'Irlande afin d'y conduire sa première expédition (opération menée par voie de terre et de mer sur les ports de Cork et Kinsale au sud de l'Irlande). C'est un projet hardi, novateur, visant à perturber les voies d'approvisionnement jacobite, un de ces projets que le comte conçoit et exécute avec un succès exceptionnel[47]. Cork tombe le et Kinsale suit à la mi-octobre. Si la campagne ne met pas fin à la guerre en Irlande, comme l'espérait Marlborough, elle lui enseigne l'importance de la précision, de la logistique, de la nécessité de coopération et de tact lorsqu'on travaille aux côtés d'autres hauts commandants alliés. Il lui faudra cependant dix ans avant de se retrouver chargé d'une mission équivalente[48].
Démission et disgrâce
Guillaume III reconnaît les qualités de Marlborough comme soldat et stratège mais refuse de lui attribuer l'ordre de la Jarretière et de le nommer commandant en chef de l'artillerie, ce qui ulcère l'ambitieux comte qui ne cache pas sa déception[49]. Profitant de son influence au Parlement et dans l'armée, Marlborough y attise le mécontentement contre le roi, lui reprochant ses préférences à nommer des commandants étrangers et voulant ainsi l'obliger à changer de comportement[50]. Mais, conscient de cela, Guillaume commence à son tour à faire part ouvertement de sa méfiance à l'égard de Marlborough ; l'envoyé de l'électeur de Brandebourg à Londres entendant par hasard comment Marlborough traite le roi fait remarquer que « si ignoblement dénigré par Marlborough, s'il n'avait pas été roi, il aurait dû le défier en duel »[51].
À partir de , Marlborough se met en relation avec les partisans de Jacques II exilé au château de Saint-Germain-en-Laye. Il est désireux d'obtenir le pardon de l'ancien roi qu'il a abandonné en 1688, pardon essentiel pour le succès de sa future carrière dans le cas, pas tout à fait impossible, d'une restauration jacobite[52]. De son côté, Jacques II a maintenu le contact avec ses partisans en Angleterre qui ont pour objectif principal de le rétablir sur le trône. Guillaume III est au courant des contacts de Marlborough et d'autres de ses sujets, comme Godolphin et le duc de Shrewsbury, mais il considère leurs doubles jeux davantage comme une politique de précaution que comme un soutien explicite à l'ancien Régime[53]. Marlborough ne souhaite pas une restauration jacobite, mais Guillaume, conscient de ses qualités militaires et politiques, sait le danger que peut représenter le comte : « Guillaume n'est pas enclin à la peur », écrit l'historien Thomas Macaulay, « mais, s'il y a quelqu'un sur la terre qu'il craint pardessus tout, c'est Marlborough »[54].
Au retour de Guillaume et Marlborough d'une campagne sans incident dans les Pays-Bas espagnols en , leur relation se détériore encore. En , la reine, irritée par les intrigues de Marlborough au Parlement, dans l'armée et même avec Jacques II à Saint-Germain-en-Laye, ordonne à Anne de congédier Sarah de sa maison, ce qu'Anne refuse. Ce conflit, mesquin des deux côtés, précipite la chute de Marlborough[55]. Le , le comte de Nottingham, secrétaire d'État, ordonne à Marlborough de rendre tous ses postes et sièges, tant civils que militaires, et lui demande de se considérer comme congédié et interdit à la Cour. Aucune raison ne lui est donnée, mais les sympathisants de Marlborough sont scandalisés : Shrewsbury exprime sa désapprobation à haute voix et Godolphin menace de se retirer du gouvernement. L'amiral Russell, devenu commandant en chef de la Marine, accuse le roi d'ingratitude envers l'homme qui « lui a mis la couronne sur la tête »[56].
Haute trahison
Le nadir de la fortune de Marlborough n'est pas encore atteint. Le printemps de 1692 apporte de nouvelles menaces d'une invasion française et de nouvelles accusations de trahison jacobite. Agissant sur le témoignage d'un certain Robert Young, la reine fait arrêter tous les signataires d'une lettre visant au rétablissement de Jacques II et à l'arrestation de Guillaume III. Marlborough, figurant parmi les signataires, est enfermé à la tour de Londres le (*). Il y reste pendant cinq semaines et son angoisse est aggravée par la nouvelle de la mort de son fils cadet Charles, le (*). Les lettres de Young se révèlent finalement être des faux et Marlborough est libéré le (*), mais il continue sa correspondance avec Jacques, ce qui conduit à l'incident de la lettre de « la baie de Camaret » de 1694[57].
Depuis plusieurs mois, les Alliés ont planifié une attaque sur Brest. Les Français ont reçu des renseignements sur un assaut imminent, ce qui permet au maréchal de Vauban de renforcer les défenses et la garnison de la ville. Inévitablement, l'attaque du , dirigée par Thomas Tollemache, s'achève par un désastre, la plupart de ses hommes sont tués ou capturés et Tollemache meurt de ses blessures peu après. Bien que les preuves manquent, les détracteurs de Marlborough affirment que c'est lui qui a alerté l'ennemi. Thomas Macaulay explique que c'est dans une lettre du que Marlborough révèle le plan des Alliés à Jacques II, étant ainsi sûr que le débarquement échouera et que Tollemache, rival de talent, sera tué ou discrédité. Des historiens comme John Paget et C. T. Atkinson concluent qu'il a probablement écrit la lettre, mais qu'il l'a fait seulement lorsqu'il a su qu'elle serait reçue trop tard pour que ses informations soient d'une quelconque utilité (les plans de l'attaque sur Brest étaient largement connus et les Français avaient déjà commencé à renforcer leurs défenses en avril). Pour le biographe Richard Holmes, la preuve liant Marlborough à la lettre de la baie de Camaret (lettre qui n'existe plus), est mince, et il conclut : « Il est très difficile d'imaginer un homme aussi prudent que Marlborough, récemment soupçonné de trahison, écrivant une lettre qui provoquera sa mort si elle tombe en de mauvaises mains »[58]. De son côté, l'historien David Chandler conjecture que « tout l'épisode est si obscur et si peu concluant qu'il n'est pas encore possible de rendre une décision définitive. On doit en somme attribuer à Marlborough le bénéfice du doute »[59].
Réconciliation
La mort de Mary, le (*) aboutit à une réconciliation officielle mais dépourvue de la moindre chaleur entre Guillaume III et Anne, désormais héritière du trône. Marlborough espère que le rapprochement aboutira à son propre retour en grâce mais, si lui et Lady Marlborough sont autorisés à revenir à la Cour, le comte ne reçoit pas d'affectation[59].
En 1696, Marlborough, avec Godolphin, Russell et Shrewsbury, se retrouve encore une fois impliqué dans un complot en faveur de Jacques II, cette fois lancé par le militant jacobite John Fenwick. Les accusations sont finalement rejetées comme pure fabrication de Fenwick qui est exécuté — le roi est resté incrédule aux accusations — mais ce n'est qu'en 1698, un an après le traité de Ryswick mettant fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg, que la page est définitivement tournée et que les relations entre Guillaume et Marlborough s'améliorent[59]. Sur recommandation de Lord Sunderland (dont la femme est une amie de Lady Marlborough), Guillaume finit par offrir à Marlborough un poste de gouverneur du duc de Gloucester, le fils aîné d'Anne. Il lui rend également son poste au Conseil privé, avec son grade militaire[note 12]. Lorsque Guillaume part pour la Hollande en juillet, Marlborough est l'un des membres de la Haute Cour de justice chargé de diriger le pays en son absence, mais il lui est difficile de concilier ses convictions conservatrices avec celles de serviteur dévoué du roi et il se plaint : « la froideur du roi me poursuit encore aujourd'hui »[61].