Kazakhs
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Cet article concerne le peuple kazakh. Pour la langue kazakhe, voir Kazakh.
Ne doit pas être confondu avec Cosaques, Khazars ou Kazakhstanais.
Les Kazakhs (en kazakh, écriture cyrillique : Қазақ Écouter ; alphabet arabe : قازاق ; alphabet latin : Qazaq ; on trouve aussi la dénomination Kazaktars, alphabet cyrillique : Қазақтар Écouter ; écriture arabo-turque : قازاقتار ; en mongol : ᠬᠠᠰᠠᠭ, VPMC : Qasag, cyrillique : Хасаг, MNS : Khasag ; en chinois : 哈萨克族 ; pinyin : hāsàkè zú) sont un peuple turcique habitant majoritairement le Kazakhstan (voir Démographie du Kazakhstan) et les régions frontalières des pays limitrophes, notamment la Russie (en particulier les oblasts d'Astrakhan et d'Orenbourg), la Mongolie (principalement l'aïmag de Bayan-Ölgii où ils forment environ 90 % de la population), l'Ouzbékistan, le Kirghizistan et la Chine (surtout la préfecture autonome kazakhe d'Ili). Les Kazakhs parlent le kazakh, ainsi que le russe.
(kk-Latn) Qazaq
(kk-Cyrl) Қазақ
(kk-Arab) قازاق
Langues | Kazakh |
---|---|
Religions | Islam sunnite majoritaire[D 1], tengrisme[D 1], christianisme très marginal[A 3] |
Ethnies liées | Karakalpaks, Nogaïs, autres peuples turcs |
L'ethnogenèse du peuple kazakh est complexe. Elle tire ses origines des peuples turciques et tribus mongoles médiévales, dont les Argyns, les Doulats, les Naïmans, les Djalayirs, les Khazars et les Karlouks, ainsi que des Coumans ; d'autres peuples ont pris part à la formation du peuple kazakh, comme les Huns, les Sarmates, les Sakas et les Scythes, qui vécurent sur les territoires compris entre la Sibérie et la mer Noire entre les Ve et XIIIe siècles. Le Khanat kazakh, première émanation politique du peuple kazakh, ne s'est véritablement formé qu'au XVe siècle. Sous domination russe à partir du XVIIIe siècle, les Kazakhs sont intégrés au XXe siècle à l'URSS, qui eut un impact considérable sur eux, leur imposant en particulier des transformations linguistiques et culturelles, mais affectant aussi leur démographie (voir famines de 1919-1922 et 1932-1933 au Kazakhstan). Le Kazakhstan indépendant, dont l'ethnie kazakhe compose la majeure partie des citoyens kazakhstanais, mène depuis 1991 une politique de renaissance des traditions kazakhes, et a rapatrié une partie de la diaspora kazakhe sur son territoire.
La culture kazakhe, d'origine turcique, a reçu l'influence de l'islam (religion majoritaire parmi les Kazakhs), puis de la culture mongole, russe et du soviétisme. Bien que cette spécificité ait tendance à s'éroder de nos jours, la structure de la société est clanique, et la plupart des Kazakhs appartiennent à une des trois jüz.
Autres appellations
Les Kazakhs ont porté d'autres appellations : ils étaient connus sous le nom de Kirghizes ou de Kirghiz-Kazakhs (ou Kirghiz-Kaïssaks[A 4]) par les Russes au XVIIIe siècle, puis de Kazaki vers 1920[cf 1].
Graphie
En français, diverses graphies du nom « Kazakh » sont rencontrées :
- Kazakh (féminin : Kazakhe ; masculin pluriel : Kazakhs ; féminin pluriel : Kazakhes) correspond à une transcription du russe Казах. C'est la graphie la plus souvent rencontrée en français. Certains auteurs ne marquent pas la différence entre le masculin et le féminin de Kazakh (ex : « une ville kazakh ») ;
- Kazak (féminin : Kazake ; masculin pluriel : Kazaks ; féminin pluriel : Kazakes) correspond à une transcription du kazakh Қазақ. On la trouve moins souvent en français, mais elle est assez fréquente en anglais. Cette graphie est utilisée au Kazakhstan dans les transcriptions en caractères latins (sur les timbres, par exemple) ;
- Qazaq (généralement invariable) est la moins usitée des graphies. C'est pourtant celle qui tente de se rapprocher le plus de la véritable prononciation du nom « Kazakh ». En effet, le Қ de Қазақ ne correspond pas exactement au phonème [k] mais plutôt au phonème [q] (que l'on retrouve en arabe dans qurʾān).
En France, « Kazakhs » est aussi la désignation officielle de tous les habitants du Kazakhstan, quelle que soit leur origine[B 12]. Cette désignation est néanmoins ambiguë et le gentilé « Kazakhstanais » lui est parfois préféré[Note 3].
Origine
Les Kazakhs (peuple turcique d'Asie centrale) ne peuvent être confondus avec les Cosaques (populations d'origine essentiellement slave). Il semble cependant que les deux noms de ces deux peuples cavaliers aient une origine commune et viendraient du turc.
Plusieurs théories s'opposent quant à la signification de ce terme :
- le terme de qazaq, originaire des langues turques signifierait « libre » ou « fuyard »[cf 1] ; il pourrait donc s'appliquer aussi bien aux Cosaques, populations ayant fui leurs terres d'origine pour s'organiser et vivre librement aux confins de l'empire russe, qu'aux Kazakhs, peuple nomade et indépendant ;
- qazaq désignerait, dans les langues turques toujours, une veste de cavalier. Ce mot a donné en français « casaque[A 5] » ; les Kazakhs étant, à l'origine, des cavaliers, il se peut que ce terme ait été utilisé pour les désigner.
Protohistoire
Il y a peu de sources sur l'origine ou la formation des Kazakhs. Les principales sources sont les légendes orales de ce peuple et les observations et enregistrements des émissaires et officiels russes qui ont voyagé parmi les Kazakhs au XVIIIe siècle[A 6].
Depuis l'Antiquité, la carte ethnique du territoire de ce qui représente le Kazakhstan actuel a eu une forme variable, les tribus et peuples la composant ont eu des origines variées et ont laissé leurs traces dans l'ethnogenèse des Kazakhs actuels. La bande steppique septentrionale d'Asie centrale a historiquement été témoin d'une des premières formes de civilisation au monde : l'économie pastorale nomade. Une des découvertes les plus significatives de l'époque du Néolithique dans la région d'Asie centrale a été la domestication du cheval[C 5]. L'âge du bronze y présente des restes de la culture d'Andronovo, qui date des XIIe – XVIIIe siècles av. J.-C.[A 7].
Les premiers témoignages écrits au sujet des peuples ayant occupé le territoire du Kazakhstan actuel remontent au Ier millénaire av. J.-C.. Hérodote, dans ses Histoires, décrit les Sakas (VIIe – IIIe siècles av. J.-C., des Scythes) et rappelle leur voisinage avec les Achéménides, mais aussi leur lutte avec l'envahisseur perse, en particulier les rois Cyrus le Grand et Darius Ier[A 8]. Tomyris, reine des Massagètes (Sakas du sud), mit fin au règne de Cyrus[E 1] en .
Du IIe siècle av. J.-C. à notre ère, les peuples des Wusun et de Kangju ont joué un rôle essentiel dans cette région. Vers [A 9], les peuples turcs[A 9],[A 10],[A 11],[A 12] Wusun ont migré depuis le Nord-Est du Turkestan sur les terres des Sakas au Jetyssou. C'est à peu près à ce moment-là, sur le cours inférieur et moyen du Syr-Daria, que s'est formé l'État Kangju[A 13]. Ces peuples ont laissé leurs traces dans l'ethnogenèse des Kazakhs, et leurs noms se trouvent encore de nos jours parmi les tribus de la grande jüz, par exemple les clans Kanly et Sary-ouïsyn.
Du IIe – Ier siècles av. J.-C., les peuples turcs Xiongnu se sont installés sur le territoire du Kazakhstan depuis les steppes septentrionales jusqu'à la Chine[A 14],[A 15],[E 2]. Selon les écrits de l'historien chinois Sima Qian[E 3], un changement radical de la situation générale en Asie centrale s'est produit pendant la période des Royaumes combattants, c'est-à-dire entre 403 et . Ce changement est lié à la formation du premier empire nomade d'Asie centrale, qui a été créé par l'alliance des Xiongnus ou des Huns. La première mention écrite historique des Xiongnus remonte à la fin du IIIe siècle avant notre ère, quand ce peuple a marché de façon spectaculaire sur la Chine[A 16]. Du IIIe siècle av. J.-C. à notre ère, ses attaques contre la Chine se sont intensifiées, ce qui a mené les empereurs chinois à édifier la Grande Muraille[B 13].
Vers , l'empire xiongnu a été divisé en deux parties : les Xiongnu du sud ont reconnu la souveraineté chinoise, et ceux du nord ont conservé leur indépendance, mais ont été refoulés en Asie centrale[A 17]. Par la suite, ce groupe de Xiongnu a formé son propre État[A 17], et vers 376, s'est étendu jusqu'aux frontières de l'Empire romain ; les sources occidentales les mentionnent alors sous le nom de « Huns ». L'hypothèse que les Huns proviennent au moins en partie des Xiongnu d'Asie centrale est controversée, mais semble malgré tout fondée[A 18].
Moyen Âge
Après la chute de l'empire des Huns, les Göktürks prirent place dans l'arène historique de l'Eurasie et fondèrent au milieu du VIe siècle l'un des plus grands empires d'Asie[A 19],[A 20] qui s'étendait de la mer Noire à la mer Jaune. Originaires de l'Altaï, les Göktürks étaient descendants des Huns[A 21]. Selon les chroniques chinoises, les Göktürks descendent directement des Xiongnu, qui s'étaient implantés dans l'Altaï pendant les invasions barbares, mais ce fait est contesté[A 22]. Les historiens chinois ont dressé un parallèle entre les coutumes et traditions des Xiongnus et des Göktürks[D 2], qui tend à confirmer cela. L'importance des Göktürks a commencé à se manifester à l'arrivée au pouvoir de Bumin en 545[A 22]. Au printemps 552, les Göktürks, alliés avec les Chinois, portèrent une attaque foudroyante contre les Ruanruan, mettant ainsi fin à la relation de vassalité qu'ils avaient envers eux, et donnant naissance au Khaganat turc[A 22]. En 603, le Khaganat turc fut divisé en deux : le Khaganat turc oriental et le Khaganat turc occidental[D 3]. Ce dernier s'étendait sur le territoire du Kazakhstan actuel, mais aussi sur l'Asie centrale, la Ciscaucasie, la Crimée, l'Oural, et la vallée de la Volga. Le noyau ethnopolitique du Khanagat était constitué des « dix flèches » composées de cinq peuples nouchibi (en) et de cinq peuples doulo[Note 4]. L'ethnonyme doulo est similaire à celui des Doulats, qui est connu de nos jours car faisant partie des tribus de la grande jüz[A 23]. Le Khaganat turgesh (704-756) issu du Khaganat turc est caractérisé par des guerres permanentes avec les Chinois, mais aussi par la conquête musulmane de l'Asie centrale[D 4].
Avec l'arrivée des Samanides, les populations sédentaires agraires d'Asie centrale s'islamisèrent au cours des IXe et Xe siècles[A 24], et un grand changement intervint dans la culture des Turcs[ta 1]. L'ancienne écriture turque fut remplacée par l'alphabet arabe, de nombreux mots arabes furent introduits dans le lexique, et la société utilisa le calendrier hégirien ; des fêtes religieuses s'inscrivirent dans les coutumes, et les funérailles furent accomplies selon les rites musulmans. Après sa chute, plusieurs États se disputèrent les restes du Khanagat turgesh : l'État oghouze, le Khanagat Karlouk et le Khaganat Kimek[D 4]. Au milieu du VIIIe siècle, une guerre eut lieu entre les Karlouks et les Oghouzes pour la succession des Turgeshs. Les Oghouzes perdirent et se replièrent le long du Syr-Daria, où ils formèrent l'État oghouze, et les Karlouks restèrent au Jetyssou où ils fondèrent un État protoféodal, le Khanagat karlouk[D 5]. Les peuples oghouzes ont laissé des traces significatives pour l'histoire ethnique des Kazakhs dans la vallée du Syr-Daria, au bord de la mer d'Aral et au nord de la mer Caspienne. Les Karlouks furent constamment en guerre contre les Arabes et les Samanides, qui menaient une « guerre sainte » contre les Turcs[D 5]. En 940, après que le dernier Khagan karlouk eut été renversé à Balasagun par Satuq Bughra Qara-Khan, la dynastie des Qarakhanides prit le pouvoir au Jetyssou[D 6]. Vers la fin du Xe siècle, Satuq Bughra Qara-Khan se convertit à l'islam[A 25] et prit le nom d'Abd al-Karim : les Qarakhanides furent la première dynastie turque à instituer l'islam comme religion d'État[A 26].
Au début du XIe siècle, les Coumans migrèrent depuis la vallée de la Volga jusque dans les steppes voisines de la mer Noire[A 27], chassant les Petchénègues et les Torks qui y résidaient. Ensuite, ils traversèrent le Dniepr et atteignirent le cours inférieur du Danube, se rendant maîtres de la steppe pontique du Danube à l'Irtych (voir Coumanie). Après l'invasion mongole de l'Europe de Batu en 1237, les Coumans cessèrent d'exister en tant qu'union politique indépendante, mais constituèrent la plus grande partie de la population turque de la Horde d'or[A 27], qui a contribué à la naissance des Kazakhs.
L'année 1218 voit le début de l'invasion des steppes, puis de la Transoxiane, par l'alliance des peuples turcs Khongirad, Naïmans[A 28], Merkit[D 7] et Khitans, dont provient Gengis Khan[Note 5] lui-même, sous la direction du fils de Gengis Khan Djötchi[A 29]. Les Coumans commencèrent par s'opposer à Djötchi, mais finirent par se joindre à lui, certains volontairement et d'autres après avoir été vaincus[A 30]. La steppe turque se retrouva sous la domination des trois oulous mongoles, à la tête desquelles se trouvaient les fils de Gengis Khan. Le petit-fils de Gengis Khan Batu fonda sur le cours inférieur de la Volga la Horde d'or[D 8]. Le petit groupe de dirigeants mongols fut vite assimilé au sein des peuples turcs locaux. La majeure partie de la Horde était composée de peuples turcs de différentes origines, surtout de Coumans[D 9], mais aussi de Kanglis (en)[A 31], de Naïmans, de Kéraït, de Khongirad et encore d'autres. L'ambassadeur du pape Guillaume de Rubrouck, en généralisant, les désigna tous sous le même nom : « Tatars ». Une grande partie des coutumes de la Horde décrites par Rubrouck en 1253[E 4] existent encore chez les Kazakhs de nos jours. Les lois de la vie nomade ont commencé à être régies par la Yassa de Gengis Khan adaptée aux spécificités du peuple. Par la suite, la Yassa a aussi servi de base pour élaborer le code de lois kazakh « Jeti Jargy » (qui signifie sept codes)[D 10]. Sous le règne d'Özbeg (1313-1341) et de son fils Djanibeg (1342-1357), la Horde d'or atteint son apogée[D 9]. Au début des années 1320, Özbeg fit de l'islam la religion d'État[D 9]. À partir de 1360, une série de changements politiques affaiblit la Horde d'or, qui finit par disparaître en 1502[D 9].
Khanat kazakh (1465-1847)
Après la mise en déroute de la Horde d'or en 1389 par Tamerlan[D 9], celle-ci se divisa en deux branches : la branche occidentale devint la Horde blanche, s'étendant entre la Volga et le Don, et la branche orientale la Horde bleue[Note 6], qui se divisèrent à leur tour, donnant naissance entre autres à la Horde Nogaï entre 1426 et 1460[A 32] sur les terres de l'actuel Kazakhstan occidental[D 11], et à l'éphémère Khanat ouzbèke (ru) dans la vallée du Syr-Daria en 1428[D 12]. En 1456, mécontents de la politique sévère du khan ouzbèke Abu-l-Khayr, les sultans Janibek et Kereï migrèrent avec leurs clans à l'ouest du Syr-Daria, au Mogholistan[A 33], où ils formèrent le Khanat kazakh en 1465, selon le chroniqueur Mirza Haidar[D 13]. La période qui suivit contribua à consolider l'unité des peuples turco-mongols en une nation kazakhe. Kassym Khan (en) (1445-1521) parvint à unifier sous son égide les peuples restants de la Coumanie orientale[A 34], et à étendre son territoire de l'Irtych à l'Oural en combattant les Ouzbeks de Transoxiane au Sud et la Horde Nogaï à l'ouest. Sous Kassym Khan, la population de Kazakhs atteint un million de personnes[D 14].
Au début des années 1530, une guerre interne au Khanat kazakh (ru) éclata entre les petits-fils de Janibek Khan. Khak-Nazar Khan (ru), fils de Kassym Khan, en sortit vainqueur[D 15]. Khak-Nazar (règne de 1538 à 1580) poursuivit la politique de consolidation du Khanat kazakh, et prit le Jetyssou au Mogholistan et les steppes de Saryarka (en) à la Horde Nogaï[D 16]. Vers la fin du XVIe siècle, Tachkent fut annexée au Khanat kazakh par Taouekel Khan[D 16], et devint sa capitale plus tard. Essim Khan mena une réforme cruciale du système politique du gouvernement kazakh ; au début du XVIIe siècle, à la place du système d'oulous, l'organisation en jüz fut mise en place[D 10].
Au début du XVIIe siècle, un nouvel État mongol, le Khanat dzoungar, se forma en Dzoungarie, entre le Tian shan et l'Altaï. À partir de ce moment, une guerre de plus de 100 ans opposa les Kazakhs à ce nouvel État[D 10]. Les Kazakhs perdirent au combat et au cours des invasions destructrices des Dzougars plus d'un million de personnes, et plus de deux cent mille Kazakhs furent faits captifs. Le raid dzoungar de 1723 est qualifié de « Grand désastre[D 10] » (kazakh : Актабан шубырынды). Jusqu'à un tiers de la population kazakhe en fut victime, et de nombreuses populations durent migrer pour fuir la guerre[D 10]. En 1726, le khan de la petite jüz Aboulkhair (1693-1748) s'adressa à l'Empire russe à Saint-Pétersbourg pour demander que la citoyenneté russe soit accordée aux Kazakhs[D 17]. En 1726, les Kazakhs se réunirent à Orlabassy et mobilisèrent une armée[D 17] sous la direction d'Aboulkhaïr, qui réussit à partir de 1727 à refouler les Dzoungars sur leurs terres[D 18]. Cependant, ce succès fut de courte durée, car les Dzoungars eurent à nouveau l'avantage à partir de 1729[D 17], envahissant à plusieurs reprises les terres kazakhes, jusqu'en 1734-1735, où les armées dzoungares consolidèrent leurs positions dans le Sud du Kazakhstan et au Kirghizistan. Les Kazakhs, voyant dans l'Empire russe un puissant allié, le sollicitèrent à plusieurs reprises pour que la citoyenneté russe leur soit accordée. En 1731, un accord de ralliement des Kazakhs à la Russie fut signé[D 17]. Cette étape fut bénéfique pour les Kazakhs, qui, n'ayant pas de gouvernement central, se trouvaient en position affaiblie vis-à-vis des agressions de leurs voisins et en particulier des Dzoungars.
Au cours de l'hiver 1741, une armée kalmouke[D 19] (dzoungare) de 20 000 hommes dirigée par Septen s'installa dans la steppe de Baraba et attaqua la jüz moyenne. Les Kazakhs subirent une défaite près de la rivière Ichim. Rapidement, les Kalmouks chassèrent les Kazakhs de la région entre l'Ichim et le Tobol, et attaquèrent également la petite jüz le long de la rivière Irguiz, poursuivant les Kazakhs presque jusqu'à l'Oural. Au printemps 1742, les Kalmouks reprirent les combats et descendirent jusqu'à la Syr-Daria. Ils consolidèrent leurs positions au Turkestan, et le Khanat dzoungar s'installa à Tachkent à la suite de la trahison de son gouverneur.
À la suite de la campagne de 1741-1742, les dirigeants de la jüz moyenne se reconnurent comme vassaux des Dzoungars[D 20] (ce qui impliquait de payer un tribut et de laisser des fils de notables en otage[D 19]). La grande jüz devint elle aussi vassale du Khanat dzoungar. Informé de cela, l'Empire russe intervint diplomatiquement auprès des Dzoungars[A 35] et obtint la restitution des otages et le retrait des troupes oïrates des terres kazakhes.
Les Kazakhs sous l'Empire russe et l'Union soviétique
L'expansion russe au Kazakhstan a été précédée par la construction d'une ligne de fortifications le long de la frontière russo-kazakhe, par l'incitation des paysans et commerçants russes à s'installer dans les régions frontalières du Kazakhstan, et par une pression politico-économique sur les dirigeants locaux[A 36].
Au total, au début du XIXe siècle, 46 forteresses et 96 redoutes ont été érigées sur quatre lignes[D 21]. En 1731, la petite jüz fut mise sous protectorat russe[A 36]. En 1732, le khan de la jüz moyenne Sameke Khan (ru) prêta serment à l'impératrice russe, et en 1740, Abylaï Khan confirma la mise sous protectorat russe de la jüz moyenne[A 36]. Le Khan de la grande jüz reconnut la suzeraineté russe en 1818. Vers 1847, la citoyenneté russe était partagée par presque tous les Kazakhs de la grande jüz. Le pouvoir suprême ayant été transféré à Saint-Pétersbourg, la fonction de khan devint de fait symbolique. En 1818, le titre de khan fut aboli au sein de la jüz moyenne, et en 1824 pour la petite jüz[A 36] ; il en résultat l'inclusion des terres de la jüz moyenne dans la Sibérie orientale sous le nom de « Steppe kirghize ». Toute la période d'assujettissement de la steppe kazakhe par l'Empire russe a été ponctuée de mouvements indépendantistes menés par les Kazakhs[A 36]. Depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu'en 1916, environ 300 guerres, révoltes et mouvements de libération nationale eurent lieu sur le territoire du Kazakhstan[A 37]. Les plus importants d'entre eux furent l'insurrection d'Issataï Taïmanouly (ru) au sein de la Horde Bokey (1836-1838), l'insurrection de Syrym Datouly (ru) (1783-1797), l'insurrection de Kenessary Kassymov (ru) (1802-1847) et aussi l'insurrection du Jetyssou de 1916 (ru).
Selon les données de 1890 publiées dans la « liste alphabétique des peuples habitant l'Empire russe », les Kirghiz-Kaïssaks (c'est-à-dire les Kazakhs) vivaient sur le territoire du gouvernement d'Orenbourg et du gouvernement d'Astrakhan, et dans les oblasts de Semipalatinsk, de Semiretchie, de Tourgaï et d'Ouralsk, et représentaient un total de 3 millions de personnes[C 6]. Afin d'affaiblir la petite jüz, la Horde intérieure ou Horde Bokey fut créée et approuvée par l'Empire russe en 1801[A 36].
Au début du XXe siècle, les Kazakhs comptaient plus de 40 tribus significatives[Note 7]. L'Encyclopédie Brockhaus et Efron mentionne à la fin du XIXe siècle que différentes personnalités des Kirghiz-kaïssaks (appellation russe des Kazakhs à l'époque) désignent parfois leur nationalité par le nom général de Kazakh, mais se définissent plus souvent par le nom du clan auquel elles considèrent appartenir[E 5]. Cependant, les ethnographes russes ne doutaient pas qu'il s'agissait d'une seule nation, remarquant qu'ils parlaient la même langue[Note 8].
La division formelle en jüz disparut de fait au début du XXe siècle[A 38], mais même de nos jours, les représentants de la Grande jüz sont majoritaires dans le Sud du Kazakhstan, ceux de la Moyenne jüz au nord et à l'est, et ceux de la Petite, à l'ouest du pays[A 39].
Après l'abdication de Nicolas II et la création du gouvernement provisoire, la vie politique reprit en marge de l'Empire russe. En décembre 1917, à Orenbourg, se tint le IIe congrès de tous les Kazakhs[D 22]. Le congrès proclama la création de l'autonomie d'Alash. Mais l'Autonomie d'Alash prit part à des mouvements contre les bolcheviks[A 40], et soutint en particulier les mencheviks, et pendant la période de guerre civile, conclut une alliance militaire avec le Comité des membres de l'Assemblée constituante. Au début des années 1920, les bolcheviks dissolurent l'autonomie d'Alash[A 40] et firent par la suite exécuter ses dirigeants.
Le 26 août 1920, à la suite de la signature du décret « De la formation de la République soviétique socialiste kirghize autonome » par Mikhaïl Kalinine et Lénine, les Kazakhs furent englobés dans la RSFSR, et leur capitale devint Orenbourg[D 22]. C'est seulement en 1936 que la République socialiste soviétique kazakhe fut formée[D 22].
Dans les années 1920 et 1930, les conséquences de la politique de dékoulakisation et de collectivisation[D 23] menèrent à des famines massives (voir Famine de 1919-1922 au Kazakhstan et Famine de 1932-1933 au Kazakhstan). Environ un million et demi de Kazakhs périrent de la famine, ce qui représentait environ 45 % de toute la population[C 7], et des centaines de milliers de personnes partirent dans le Nord-Ouest de la Chine, territoire qui fut partagé entre la province du Xinjiang et la Mongolie-Extérieure. Cette dernière forme en 1940, sous la République populaire mongole, l'aïmag d'Bayan-ölgii, province semi-autonome kazakhe[A 41]. Mais les épreuves du peuple kazakh n'étaient pas terminées : en 1937-1938[D 22], toute l'élite intellectuelle kazakhe fut condamnée et fusillée, dont des personnalités comme Alikhan Boukeïkhanov, Tourar Ryskoulov (en), Ilyas Jansougirov (en), etc.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Kazakhstan aurait été mobilisé à hauteur de 24 % de sa population. 1 300 000 Kazakhs auraient été envoyés au front, dont seulement 600 000 seraient revenus[C 8]. D'autres sources parlent plutôt d'un million de Kazakhs ethniques mobilisés[D 24], ou d'un peu plus d'un million, avec 410 000 victimes[D 22] (voire moins : 350 000[A 42]).
De 1942 à 1986, l'un des dirigeants du Parti communiste du Kazakhstan était Dinmoukhammed Kounaïev, natif du Kazakhstan. Sous sa direction, le processus de russification fut accentué[C 9] ; en particulier, il ne resta plus qu'une seule école kazakhe par oblast, et seulement pour les enfants de bergers. C'est aussi pendant cette période qu'une croissance économique remarquable a pu être observée au Kazakhstan, avec un développement significatif des moyens de production du pays[C 10], notamment dans l'exploitation minière, les industries primaires et l'énergie, la production agricole.
Après l'indépendance du Kazakhstan
Après la dislocation de l'URSS, le Kazakhstan proclame son indépendance le [D 22]. Les dures années suivantes voient une émigration importante de nombreux citoyens kazakhstanais qui, n'appartenant pas à l'ethnie kazakhe, se sentent écartés des situations à responsabilités ; mais progressivement la situation économique se stabilise ces dernières années, avec une croissance sensible, et un solde migratoire tendant à redevenir positif, notamment grâce au programme de rapatriement des Kazakhs ethniques (voir oralmans)[A 43].
Depuis le , le Kazakh Noursoultan Nazarbaïev est systématiquement réélu — à cinq reprises (1999, 2006, 2011, 2015) — président de la République ; il a engagé le pays dans un très important développement économique basé sur l'exploitation des importantes réserves d'hydrocarbures et de minerais[C 11].
En 1997, la capitale du Kazakhstan est déplacée d'Almaty (ancienne Alma-Ata) au sud-est du pays, à Akmola (Akmolinsk, Tselinograd), rebaptisée Astana[D 22] (« capitale » en kazakh) à cette occasion. Cette ville se situe dans les steppes du nord du pays (plus près de son centre géographique) et a été développée comme centre urbain principal pour la campagne des terres vierges. La raison invoquée par le gouvernement pour ce changement de capitale a été qu'Almaty ne se situait pas assez au centre du pays, que ses perspectives de développement urbain étaient limitées, et qu'elle se situait en zone sismique ; cependant, la raison effective de ce changement réside dans le fait que le Nord du pays, occupé en majorité par des populations d'origine russe, aurait pu être tenté de séparatisme. Dans les faits, l'implantation de la capitale à Tselinograd a entraîné une réoccupation des territoires du nord par les Kazakhs, ce qui a renforcé l'intégrité du territoire du Kazakhstan[C 12].
En 2019, la capitale change à nouveau de nom et est nommée Noursoultan, en hommage au premier président[1], changement annulé trois ans et demi plus tard[2].