Opéra Garnier
salle d'opéra française / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Opéra Garnier?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Pour les articles homonymes, voir Opéra de Paris et Garnier.
L'opéra Garnier[alpha 1], ou palais Garnier[alpha 1], est un théâtre national qui a la vocation d'être une académie de musique, de chorégraphie et de poésie lyrique ; il est un élément majeur du patrimoine du 9e arrondissement de Paris et de la capitale. Il est situé place de l'Opéra, à l'extrémité nord de l'avenue de l'Opéra et au carrefour de nombreuses voies[alpha 2].
Cet article ne s'appuie pas, ou pas assez, sur des sources secondaires ou tertiaires ().
Pour améliorer la vérifiabilité de l'article ainsi que son intérêt encyclopédique, il est nécessaire, quand des sources primaires sont citées, de les associer à des analyses faites par des sources secondaires.
Type | Opéra |
---|---|
Lieu | Paris 9e France |
Coordonnées | 48° 52′ 19″ nord, 2° 19′ 56″ est |
Architecte | Charles Garnier |
Inauguration | |
Capacité | 1 979 places |
Direction artistique | Alexander Neef (depuis 2019) |
Protection | Classé MH (1923) |
Site web | https://www.operadeparis.fr |
Résidence
Opéra de Paris, Orchestre de l'Opéra de Paris, Ballet de l'Opéra national de ParisL'édifice s'impose comme un monument particulièrement représentatif de l'architecture éclectique et du style historiciste de la seconde moitié du XIXe siècle. Sur une conception de l’architecte Charles Garnier retenue à la suite d’un concours, sa construction, décidée par Napoléon III dans le cadre des transformations de Paris menées par le préfet Haussmann et interrompue par la guerre de 1870, fut reprise au début de la Troisième République, après la destruction par incendie de l’opéra Le Peletier en 1873. Le bâtiment est inauguré le par le président Mac Mahon sous la IIIe République.
Cet opéra a été appelé « opéra de Paris » jusqu'en 1989, date à laquelle l'ouverture de l'opéra Bastille, également opéra de Paris, a influé sur son appellation. On le désigne désormais par le seul nom de son architecte : « opéra Garnier » ou « palais Garnier ». Les deux opéras sont aujourd'hui regroupés au sein de l'établissement public à caractère industriel et commercial « Opéra national de Paris », institution publique française dont la mission est de mettre en œuvre la représentation de spectacles lyriques ou de ballet, de haute qualité artistique.
L'opéra Garnier est classé monument historique depuis le . Il est accessible par le métro (station Opéra), par le RER (ligne A, gare d'Auber) et par le réseau de bus RATP.
Concours pour un nouvel opéra
Le , Napoléon III est visé par un attentat, rue Le Peletier où se situe la salle d'opéra Le Peletier. Des républicains italiens, dirigés par Felice Orsini, jettent plusieurs « machines infernales » dans le cortège et la foule qui l'entoure mais le couple impérial est miraculeusement épargné, malgré huit morts et près de cent quarante-deux blessés. La construction d'une nouvelle salle dans une grande rue moins propice aux attentats est décidée par l'empereur, au lendemain même du drame, pour la construction d'un nouveau grand théâtre digne de Paris. Le projet est déclaré d'utilité publique par arrêté impérial du [1]. Pour certains historiens, Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc semble à l'origine de l'idée d'un concours, craignant l'attribution du projet et la direction du chantier à Charles Rohault de Fleury, architecte ordinaire de l'Opéra et donc logiquement destiné à réaliser cette nouvelle commande. Selon l'avis d'autres spécialistes, ce sont Napoléon III et surtout son épouse, l'impératrice Eugénie, qui souhaitent écarter Rohault de Fleury pour favoriser Viollet-le-Duc[2].
Toujours est-il que le concours, pour l'édification d'une « Académie impériale de musique et de danse »[3] attendue depuis cinquante ans, est organisé et annoncé dans un second arrêté du de la même année 1860. L'usage voulait que l'on fasse appel à un architecte désigné. Le préfet de Paris, Haussmann, en urbaniste intransigeant, propose une parcelle exigüe et mal adaptée à ce projet[4].
L'événement est tel que les Parisiens et la province suivent le déroulement de la compétition et attendent impatiemment le résultat.
Charles Garnier (1825–1898) est premier grand prix de Rome en 1848. C'est toutefois un jeune architecte n'ayant pas encore fait véritablement ses preuves sur un projet de grande envergure. Ambitieux et secondé de confrères et nombreux amis de l'École des Beaux-Arts, pour partie d'entre eux qui sont également lauréats de la même distinction, il remet un projet innovant dont les châssis portent le numéro 38 et une devise — les projets devant rester anonymes — qui résume assez bien le caractère de son auteur : « J'aspire à beaucoup, j'attends peu ».
Le jury[6] est présidé par le prince Walewski, fils naturel de Napoléon Ier et de la comtesse Walewska. Ce serait Alexandre Colonna Walewski qui serait à l'initiative de ce concours selon Pierre Pinon[7]. Il est confié à ce groupe d'experts la lourde charge d'examiner, en cinq sessions éliminatoires, les dessins des cent soixante et onze candidats.
Le , Charles Garnier est proclamé vainqueur à l'unanimité : sa proposition esthétique et d'une haute technicité surprend et séduit le plus grand nombre. Il réunit plusieurs styles harmonieusement agencés qui agrémentent aussi bien élévations et décors intérieurs.
Les principales critiques vont porter d'abord sur l'extérieur et sa succession de volumes distincts qui expriment les emplacements de la salle de spectacle, de la cage de scène et des bâtiments administratifs qui se devinent aisément et le tout s'enchaîne en une composition aussi érudite qu'évidente. Plans, coupes et façades sont d'une grande clarté, et le rapport de grandeur inhabituel entre le volume de la salle et celui de la scène et de ses dispositifs scéniques étonne. A l'intérieur du théâtre, les pourfendeurs du projet s'emportent face aux abondantes dorures du grand foyer et de la salle, les jugeant dispendieuses : « Trop d'or ! Trop d'or ! » (il s'agit en fait la plupart du temps de peintures dorées et non d'or pur)[8] ; le restaurant du glacier n'existe pas, le pavillon de l'empereur déchu, ses rampes, écuries et remises n'ont plus d'usage, la bibliothèque musicale n'est pas aboutie ; les remarques désobligeantes ne manquent pas.
Charles Garnier, architecte et auteur, explique dès 1871 les tenants et motivations de son projet dans son livre Le théâtre[9]. Il publie également en 1878 ses conclusions après l'inauguration et répond aux nombreuses critiques : Le Nouvel Opéra de Paris 1878 (vol.1/2)[10] puis en 1881 Le Nouvel Opéra de Paris (vol. 2/2)[11]. Il publie également Le Nouvel Opéra de Paris - Estampe 1/2[12] et Le Nouvel Opéra de Paris - Estampe 2/2[13]. Quatre autres publications suivent : La sculpture ornementale[14], Les peintures décoratives[15], Statues décoratives[16] et Bronzes[17]. Précédemment, en 1869, Garnier avait publié A travers les arts[18]. Dès l'inauguration de l'Opéra a paru Le Nouvel Opéra de Paris Le monument - les artistes[19]. L'archiviste en titre, Charles Nuitter, a fait paraître en 1875 Le Nouvel Opéra[20].
Le jour de l'inauguration du Palais qui porte son nom, Charles Garnier est promu officier de la Légion d'honneur[21]. L'Académie des Beaux-Arts lui rend hommage[22] en 1899.
Site
Le choix de l'emplacement est proposé, pour la compétition, par le préfet Haussmann ; c'est un terrain destiné à être entouré de hauts immeubles de rapport. Ses dimensions et sa forme très particulière résultent des récents tracés voulus par l'urbaniste. D'importantes contraintes s'imposent ainsi aux différents concurrents puis à l'architecte lauréat.
La difficulté de concevoir un édifice d'une aussi grande envergure sur une surface en losange et dissymétrique[23] amène Garnier à demander divers aménagements et cela à plusieurs reprises. Mais Haussmann reste intraitable. L'architecte gardera malgré tout l'espoir que les bâtiments alentour seront remplacés par des jardins afin que les Parisiens puissent apprécier une œuvre se suffisant à elle-même.
Les immeubles voisins font l'objet d'une entorse aux stricts règlements[24] que le préfet Haussmann a lui-même fixés et dépassent la hauteur autorisée. Les façades de l'opéra risquent donc d'apparaître plus basses que leur environnement[25]. En réaction, le maître d'œuvre décide de modifier ses dessins au dernier moment et de modifier l'étage attique pour que le projet et ses élévations conservent l'aspect prestigieux indispensable à l'édifice. L'attentat de l'opéra Le Peletier incite à imaginer, pour les sorties au spectacle de l'empereur, un itinéraire rapide et sécurisé entre le Louvre et le nouvel Opéra. Le percement de l'avenue de l'Opéra parachèvera ce projet.
Chantier
Choix des artistes, artisans et entrepreneurs
L'architecte Garnier s'entoure de confrères rencontrés pendant ses études et notamment d'autres grands prix de Rome qui le seconderont dans les dessins du projet définitif (plans, coupes, façades, détails de construction et de décoration) et dans l'inspection régulière du chantier. C'est ainsi que Victor Louvet, premier grand Prix de Rome en 1850, devient son adjoint et bras droit.
Aidé de Louvet, le lauréat du concours supervise le choix des entreprises et des différents artistes[26] et artisans : peintres, sculpteurs, marbriers, staffeurs, stucateurs, mosaïstes, parqueteurs, ébénistes, ferronniers, doreurs, tapissiers et autres ornemanistes.
Installations préalables
Garnier fait construire un bâtiment provisoire dans la rue Neuve des Mathurins, au nord-est du chantier ; ce sera l'agence des travaux[27] qui comprend un rez-de-chaussée, un étage dont l'accès est permis par un escalier et une coursive extérieure. Des dizaines de constructions éphémères sont dressées ; ateliers, hangars, cantines, bureau de contrôle des matériaux, palissades, et logement des gardiens au portail d'entrée.
Construction de l'édifice
Le début des travaux[28] a lieu en 1861, mais officiellement la pose de la première pierre se déroule l'année suivante, le . Lors des fouilles et des excavations, destinées à la réalisation des massifs de fondations, les travaux doivent brusquement s'interrompre. Le niveau de la nappe phréatique[29] est rapidement atteint et la situation oblige à la mise en place[30] d'un batardeau[31] et de pompes à vapeur fonctionnant jour et nuit pendant huit mois, asséchant tous les puits des quartiers alentour.
Un cuvelage (ou radier) en béton[32] de grandes dimensions est créé. Bientôt rempli d'eau, ce dernier permet aux infrastructures de résister à la pression sous-jacente des eaux d'infiltration, estimée à 2000 tonnes, et de mieux répartir les charges d'une partie des bâtiments dans un sous-sol de qualité médiocre. Après la construction, il sert de réservoir pour les pompiers en cas de sinistre. Cette particularité donne naissance à la légende d'un lac souterrain alimenté par un cours d'eau portant le nom de « Grange-Batelière », exploité et entretenu par le célèbre roman de Gaston Leroux, le Fantôme de l'Opéra. En réalité, la rivière coule plus loin, sous le futur emplacement d'un grand magasin.
La construction s'étend sur près de quinze années, de 1861 à 1875. Elle est soigneusement cachée derrière des échafaudages recouverts de planches et de verrières qui masquent tout particulièrement la façade principale pour que l'effet de surprise soit total, jusqu'à l'inauguration provisoire et partielle de 1867. C'est l'entrepreneur de travaux publics Adolphe Violet[33] qui a la charge de la maçonnerie[34]. L'atelier des photographes Delmaet et Durandelle[35],[36] est attaché au chantier et réalise de nombreux clichés durant toutes les phases de la construction[37],[38]. Charles Marville[39], le photographe officiel de la Ville de Paris, photographia sur commande de celle-ci les travaux du percement de l'avenue de l'Opéra[40]. L'opéra Garnier constitue le prototype et la synthèse du « style Second Empire » (ou « style Napoléon III »), qui devient le style ultra-moderne de la période romantique à la fin du XIXe siècle.
Problèmes budgétaires
Pendant toute la durée du chantier, les fonds accordés ne cessent d'évoluer[41] selon les imprévus d'ordre technique, des aléas dus à des choix de politique intérieure, mais aussi des relations internationales[42].
Ainsi, le Conseil des bâtiments civils impose, très tôt, une forte réduction budgétaire en restreignant l'enveloppe globale de moitié : quinze millions de francs-or sont alloués au lieu des vingt-neuf annoncés initialement. Pourtant le chiffre de départ est bientôt dépassé ; les comptes, remis à jour en 1864, aboutissent à une facture nettement plus élevée atteignant la somme de vingt-quatre millions de francs.
Le chantier est ralenti, voire interrompu à plusieurs reprises. Les crédits indispensables sont parfois réaffectés à des projets jugés prioritaires ou plus populaires, tels que l'Hôtel-Dieu à Paris. Pendant la guerre contre la Prusse, la construction est complètement interrompue. Lors de la Commune de Paris, l'Opéra (comme d'autres monuments parisiens) subit des destructions et doit faire face à des réparations pour un montant de trois cent mille francs-or[42](un franc de 1850 est évalué à 3,27 euros[43]).
À l'avènement de la Troisième République, l'argent nécessaire à la reprise des travaux est attribué avec parcimonie. Ce n'est qu'à la suite de la destruction de la salle Le Peletier, incendiée en octobre 1873, que l'on réunit les sommes indispensables à l'achèvement du gros œuvre et de la décoration intérieure. L'architecte se voit attribuer une dernière rallonge de six millions neuf cent mille francs, sous condition expresse d'achever l'édifice dans un délai d'un an et demi.
La livraison de l'opéra a lieu le , pour un montant total de trente-six millions de francs-or. Certains lieux restent inachevés comme la rotonde du Glacier et la galerie du Fumoir.
Percement de l'avenue de l'Opéra
Napoléon III demande à Haussmann d'aménager une avenue reliant le palais des Tuileries, où il réside, au bâtiment de Garnier. Large et dotée d'un accès direct au pavillon de l'empereur, cette artère permettrait au souverain de circuler sans risque d'un nouvel attentat. L'architecte de l'Opéra, réjoui de voir son œuvre mise en valeur d'une façon aussi spectaculaire, dira que cette entreprise doit avoir l'effet « d'une trompette que l'on souffle dans la chambre d'un malade ».
Mais Garnier s'oppose violemment à l'urbaniste sur un point à ses yeux essentiel : la plantation d'arbres. Rien ne doit venir perturber la perspective et dissimuler son œuvre. Haussmann est obligé de céder. L'avenue de l'Opéra ne s'inscrit pas, à l'origine, dans le plan d'urbanisme devant remodeler Paris. Elle demeure comme le seul percement du baron Haussmann qui n'ait pas de réelle utilité, sinon de préserver la sécurité du prince et de permettre la réalisation d'immeubles de rapport ultra-modernes avec commodités et « gaz à tous les étages ».
Ce nouvel axe de circulation devait d'ailleurs être baptisé « avenue Napoléon III ». L'inauguration par le maréchal Patrice de Mac-Mahon, se déroule le 19 septembre 1877 au milieu d'échafaudages et des immeubles en construction[44].
Cette percée oblige à la démolition de tout un quartier, et à l'arasement définitif de la butte des Moulins. Les problèmes liés aux nombreuses expropriations gênent considérablement le bon déroulement des travaux et le respect des délais prévus. Ainsi, l'avenue de l'Opéra n'est achevée qu'en 1879, bien après la fin de l'édification du palais Garnier et la chute du Second Empire.
Inauguration provisoire de 1867
Une première inauguration a lieu le pour la seule façade principale, achevée jusqu'aux mascarons, guirlandes et bas-reliefs les plus délicats de la frise de l'attique. En effet, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1867 et à la demande de l'empereur, ce morceau de bravoure si attendu est inauguré bien avant que le reste de l'ouvrage ne soit terminé. L'impératrice Eugénie commenta : « Qu'est-ce que c'est que ce style-là ? Ce n'est pas un style !... Ce n'est ni du grec, ni du Louis XV, pas même du Louis XVI. » et Charles Garnier de répondre : « Non, ces styles-là ont fait leur temps... C'est du Napoléon III ! Et vous vous plaignez ! »
Inauguration de 1875
Les travaux sont interrompus en raison de la guerre franco-allemande de 1870. Les bâtiments inachevés sont réquisitionnés pour y entreposer des vivres pour les militaires et de la paille pour les chevaux. La défaite de Sedan, en 1870, provoque la chute de l'Empire, l'occupation militaire de la capitale et conduit à l'épisode de la Commune de Paris de 1871. L'avènement du gouvernement provisoire de Thiers, puis de la Troisième République, ne change rien à la situation. Si, dans un premier temps, les difficultés économiques de la France ne permettent pas de poursuivre les dépenses excessives engagées pour le futur opéra, c'est ensuite et surtout pour le symbole qu'il représente et l'embarras qu'il crée au sein des nouvelles élites que l'on hésite à prendre la décision d'achever la commande d'un régime discrédité. On ne sait que faire, sinon renvoyer Garnier et continuer à utiliser la salle de la rue Le Peletier.
Le , le vieil opéra de la rue Le Peletier — qui servait d'opéra provisoire à Paris depuis 1821 — est détruit dans un incendie. L'architecte est rappelé pour achever le chantier du nouvel Opéra ; mais il peine pour réunir ses collaborateurs dispersés, les entreprises et tous les artisans qui viennent de traverser une période d'incertitude. Des déconvenues surgiront : l'augmentation du coût des matières premières, la disparition d'artistes laissant des modèles inachevés, des plans non respectés entraînant des conséquences décoratives irréparables.
L'inauguration a lieu le mardi en présence du président de la République Mac Mahon, du lord-maire de Londres, du bourgmestre d'Amsterdam, de la famille royale d'Espagne et de près de deux mille invités venus de l'Europe entière et d'ailleurs. Le programme comprend :
- l'ouverture de La Muette de Portici d'Auber ;
- les deux premiers actes de La Juive de Halévy avec Gabrielle Krauss dans le rôle de Rachel ;
- l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini ;
- la scène de La Bénédiction des poignards des Huguenots de Giacomo Meyerbeer ;
- La Source, ballet de Léo Delibes.
Charles Garnier aurait été invité (les sources divergent sur ce point). Il doit payer sa place dans une seconde loge. Cet incident, particulièrement regrettable et d'ailleurs raillé par la presse de l'époque — « une administration faisant payer à l’architecte le droit d’assister à l’inauguration de son propre monument ! » —, exprime un rejet des nouveaux gouvernants envers ceux qui, de près ou de loin, ont servi l'empereur déchu, mort en 1873, et l'habituelle ingratitude des puissants envers les artistes.
Le , c'est le bal masqué et travesti de l'Opéra, événement annuel du Carnaval de Paris, il rassemble huit mille participants[45]. La dernière édition de ce bal, créé en 1715, s'y déroulera en 1903.
En octobre 1896, à l'occasion de leur visite en France, le tsar russe Nicolas II et son épouse Alexandra se rendent à l'opéra, où ils assistent à une représentation en compagnie du président de la République Félix Faure. À leur sortie place de l'Opéra, vers minuit quinze, une foule nombreuse acclame le couple impérial[46].
Direction
De 1875 à 1900
La direction du nouvel Opéra est assurée par :
- Olivier Halanzier Dufrenoy jusqu'en 1879 ;
- Auguste Vaucorbeil, de 1879 à 1884 ;
- Pedro Gailhard avec le co-directeur Eugène Ritt, de 1884 à 1891 ;
- Eugène Bertrand de 1891 à 1893, puis retour de Pedro Gailhard avec Eugène Bertrand ;
- Pedro Gailhard seul du décès d'Eugène Bertrand en 1899 jusqu'en 1908.
De 1900 à 1945
De 1900 à 1945, le palais Garnier connaît trois directeurs. Un statut spécial leur confère, depuis la création de l'Académie royale de musique par le roi Louis XIV en 1669, une gestion artistique et financière entièrement privée, dite « le privilège ». L'État n'apporte alors qu'une subvention relativement maigre pour la conservation du monument et non pour son fonctionnement ou sa programmation.
- Pedro Gailhard[47], chanteur lyrique réputé pour sa tessiture de basse-chantante, succéda à Auguste Vaucorbeil et fut le premier artiste à exercer cette fonction. Déjà aux commandes de l'Opéra depuis 1884, avec une brève interruption, il y restera au total durant 21 ans, jusqu'en 1907. Gailhard favorisera particulièrement les productions et créations lyriques au détriment du corps de ballet qu'il négligera. Claude Debussy[48] critiquera avec violence « un Opéra de Paris stagnant dans la routine », alors que lui-même préparait déjà des œuvres qui allaient, à l'instar de Garnier évoquant avec enthousiasme le percement de l'avenue de l'Opéra, « faire l'effet d'une trompette qu'on souffle dans la chambre d'un malade ». Durant sa direction, une innovation technique majeure est réalisée en 1903 : la centrale thermique et ses générateurs[49], qui assuraient depuis 1887, l'autonomie de la production d'électricité[50] en sous-sol, cédèrent la place au modernisme en recevant la fourniture du réseau parisien (bientôt géré par la Compagnie parisienne de distribution d'électricité) devenu apte à délivrer toute la puissance nécessaire à un théâtre si vaste. Ayant quitté l'Opéra et l'Europe, Pedro Gailhard se rendra aux États-Unis pour assurer la direction du Conservatoire national de musique à New-York[51].
- André Messager, Célèbre compositeur et chef d'orchestre, administre l'Opéra à partir de 1907. Dès son arrivée, il rénove[52] entièrement la salle de spectacle, les sols, les fauteuils, les peintures et agrandit la fosse d'orchestre. Il dirige pendant sept ans, jusqu'au début de la Première Guerre mondiale en 1914. Durant cette période, il a pour co-directeur Leimistin Broussan. Le journal de régie de Paul Stuart, régisseur général et metteur en scène, révèle le détail de l'organisation[53]. Messager nomme maître de ballet le danseur et chorégraphe russe Ivan Clustine qui rénovera le corps de ballet. Messager et Broussan devront gérer les dégâts matériels de la crue centennale de la Seine, l'inondation totale des gigantesques caves du théâtre dès le , noyant les nombreux calorifères, les réseaux électriques et les machineries des dessous de la cage de scène. Durant sa direction, Léo Staats sera le maître de ballet et enseignant (jusqu'en 1939) qui redonnera à la danse masculine une importance perdue dans le romantisme du siècle précédent.
Sous la direction de Messager, l'Opéra accueillera les concerts russes de Serge Diaghilev dès 1907, ce qui n'ira pas sans mal avec les musiciens titulaires de l'orchestre. Messager, épris de modernisme, négocie en 1909 avec Diaghilev une représentation extraordinaire des Ballets russes ; le succès est de grande ampleur. L'année suivante, c'est toute la deuxième saison de la troupe du ballet de Diaghilev qui s'est déroulée à l'opéra Garnier, où eurent lieu une dizaine de créations chorégraphiques dont L'Oiseau de feu en 1910 avec la musique de Stravinsky et Tamara Karsavina dans le rôle-titre. La plupart des ballets sont toujours au répertoire de l'opéra Garnier. Le succès public phénoménal de la première saison des Ballets russes au théâtre du Châtelet avait apporté un souffle neuf dans les mondes de la chorégraphie, la musique, la peinture des décors et les costumes. Le public d'alors était avide d'art contemporain.
- Jacques Rouché est nommé le à la tête de l'Opéra qui, fermé pour cause de guerre, ne rouvrira partiellement qu'en décembre. Cela lui donne du temps pour élaborer des projets, des programmes et une modernisation de cette Académie. Il obtient le statut de MH[54] pour le Palais Garnier par décision du de la Commission supérieure des monuments historiques : l'architecture, les décorations intérieures et extérieures sont classées, quarante-huit ans après l'inauguration du monument de Garnier. Son livre L'art théâtral moderne[55],[56] publié en 1910, réédité en 1924 avec traduction en anglais, contient les propositions qu'il met en œuvre. Rouché est le premier directeur à organiser la retransmission radiophonique en direct des spectacles de l'Opéra quand la radio apparaît en 1924. Durant son mandat a lieu la création en 1928 du ballet contemporain Boléro composé la même année par le compositeur Maurice Ravel. Créé par Ida Rubinstein, c'est un succès considérable qui sera interprété durant des décennies.
Rouché se lie d'amitié avec Diaghilev ; après la mort de ce dernier (1929) et la fin des Ballets russes, il retient les talents de George Balanchine, Serge Lifar et bien d'autres qui apportent à l'Opéra, son corps de ballet et son école, une notoriété mondiale mais aussi des recettes de billetterie qui triplent lors des créations. Les décorateurs Léon Bakst, Alexandre Benois et Natalia Gontcharova inspirent les générations suivantes. Le directeur est un ardent promoteur de la création contemporaine, tant lyrique que chorégraphique. Il connaît une année 1936 difficile : le 6 mars, le rideau de fer ne peut être ouvert car sa machinerie est bloquée avant le début du spectacle, la représentation de Castor et Pollux est annulée. Le théâtre est fermé le 30 juin pour effectuer des travaux de rénovation de la salle de spectacle et surtout des modifications structurelles de la cage de scène (installation du gigantesque panorama par l'architecte Joseph Marrast). Les représentations reprennent le au théâtre Sarah Bernhardt (aujourd'hui Théâtre de la Ville), mais un incendie se déclare dans le palais Garnier le 13 septembre vers minuit dans la cage de scène, toutefois maîtrisé en deux heures par les pompiers. Les travaux de réfection se prolongent et l'Opéra se délocalise le 30 novembre au théâtre des Champs-Élysées, où il reste jusqu'au , date de la réouverture du palais avec une représentation de Lohengrin. En 1938, l'Opéra est l'objet de grands travaux souterrains pour l'installation de son raccordement au réseau de chauffage de la CPCU. Un nouveau système de climatisation est mis en place dans la salle de spectacle.
Dans le domaine lyrique, Jacques Rouché convie une génération de compositeurs français contemporains[57] à créer pour l'Opéra tout en ouvrant le répertoire aux œuvres étrangères, avec 160 créations, dont : Padmâvatî d'Albert Roussel, Le Jardin du Paradis d'Alfred Bruneau, Le Chevalier à la rose et Elektra de Richard Strauss, Mârouf, savetier du Caire d'Henri Rabaud, Turandot de Giacomo Puccini, La Tour de feu de Vittorio Rieti, Œdipe de Georges Enesco, L'Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel, Le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn, Médée de Darius Milhaud[58]. Cela représente également la création de plus de 700 décors et 5000 costumes. L'Opéra emploie alors plus de mille personnes.
En raison de la faillite de l'Opéra-Comique en 1932, l'État créa la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN) pour assurer la gestion artistique et financière des deux salles, l'Opéra-Comique devenant une succursale de l'Opéra. Jacques Rouché en est le président de 1939 à 1944. Après avoir pris le chemin de l'exode selon les directives gouvernementales, avec une partie de l'orchestre au début de la Seconde Guerre mondiale, Rouché est obligé par le gouvernement de Vichy de revenir à Paris pour se soumettre à l'occupation allemande et, poussé par le nombreux personnel, à garder la direction de l'Opéra. À l'automne 1940, les lois d'exclusion à l'encontre des Juifs l'obligent à se séparer d'une cinquantaine de personnes, mais il maintient leur rémunération jusqu'en décembre 1942. Bien que la Charte du travail d'octobre 1941 ait dissous les syndicats, Jacques Rouché continue à négocier avec eux des indemnités de vie chère, des secours pour les salariés mobilisés, il obtient des cartes de travailleurs de force pour les machinistes afin de leur éviter le S.T.O. Enfin, il aide financièrement plusieurs artistes juifs à quitter l'Europe, notamment Darius Milhaud et Ernest Klausz. Rouché doit se plier à certaines exigences artistiques imposées par les autorités allemandes, comme des concerts donnés par l'orchestre philharmonique de Berlin, mais le théâtre reste en état de marche, dans des conditions très difficiles, comme le rapporte la danseuse Claude Bessy, jeune ballerine, dans ses Mémoires[59] : « le théâtre n'était pas chauffé en hiver ». En cette période troublée, le chef-tapissier Jean Rieussec s'investit au sein du palais à organiser discrètement une section de la Résistance qui s'étendra aux musiciens de l'orchestre et dans le 9e arrondissement.
À la Libération, les Chambres civiques, instaurées pour mettre en œuvre l'épuration voulue par le gouvernement provisoire, reprochent à Rouché d'avoir entretenu une collaboration avec l'ennemi pendant l'Occupation[60] ; par conséquent, le président de la RTLN et administrateur de l'Opéra est alors révoqué par l'État, bien que les syndicats, tout le personnel et les artistes (avec en tête la danseuse étoile Yvette Chauviré) témoignèrent en sa faveur. Lavé des soupçons de collaboration, il est acquitté par la Justice, mais préfère se retirer définitivement de la vie artistique à Paris. Rouché est resté directeur pendant trente ans[61] en apportant son mécénat personnel qui a été estimé, selon les archives, à 23 millions de francs-or (environ 12 millions d'euros). Jean Cocteau dira : « S'il fallait faire la liste des artistes que Jacques Rouché a aidés, encouragés, propulsés sur le devant de la scène, un dictionnaire n'y suffirait pas »[62]. En 1971, la Mairie de Paris a décidé d'honorer ce directeur par la création d'une Place Jacques Rouché à la croisée des rues Halévy, Gluck et Meyerbeer. Ses deux prédécesseurs n'avaient été honorés que par deux salles de répétition portant leur nom.
Depuis 1945
À partir de 1945, une vingtaine de directeurs se succèdent à la tête de l'Opéra :
- 1945 : Maurice Lehmann - Reynaldo Hahn
- 1946 : Georges Hirsch
- 1951 : Maurice Lehmann
- 1955 : Jacques Ibert
- 1956 : Georges Hirsch
- 1959 : A.-M. Julien
- 1962 : Georges Auric
- 1968 : André Chabaud
- 1969 : René Nicoly
- 1971 : Jean-Yves Daniel-Lesur et Bernard Lefort
- 1973 : Rolf Liebermann et Gérard Mulys
- 1977: Rolf Liebermann
- 1980 : Bernard Lefort
- 1983 : Massimo Bogianckino
- 1986: Jean-Louis Martinoty
- 1989 : Georges Hirsch
- 1990 : Jean-Albert Cartier
- 1991 : Georges Hirsch
- 1992 : Jean-Marie Blanchard & Brigitte Lefèvre
- 1994 : Jean-Paul Cluzel
- 1995-2004 : Hugues Gall