Psychologie de l'enfant
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La psychologie de l'enfant est une discipline de la psychologie qui a pour objet d'étude les processus de pensée et des comportements de l'enfant, son développement psychologique et ses problèmes éventuels. Elle prend en compte son environnement.
Partie de |
Psychologie du développement, développement de l'enfant (en) |
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Pratiqué par |
Pédopsychologue (d) |
Objet |
Développement de l'enfant (en) |
L'enfance est une période d'intenses changements. Ces changements affectent le développement physique (et les habiletés motrices), le cerveau, la cognition (mémoire, raisonnement, compréhension du monde...), le langage et la capacité à communiquer, les apprentissages (lecture, mathématiques), les émotions et leur gestion, les relations sociales, la santé en général.
Plusieurs facteurs de risque sur la santé physique et mentale sont répertoriés. L'environnement de l'enfant, sa famille, ses pairs, son environnement préscolaire et scolaire, et son environnement général influencent grandement son développement. Ces facteurs aident l'enfant à développer ses compétences (exemple : bilinguisme, résilience) mais peuvent aussi nuire à son développement normal et à son bien-être (exemples : manque de confiance en soi, retard intellectuel, anxiété...).
La psychologie de l'enfant (ou de l'enfance) est voisine de la psychologie du développement qui s'attache à comprendre le pourquoi et le comment du développement humain (de sa conception à sa mort) et construit des modèles théoriques qui permettent de comprendre et de prédire les changements et les périodes de stabilité au cours de la vie humaine. Les deux disciplines ont les mêmes racines historiques et les mêmes fondements théoriques.
La psychologie de l'enfant est une discipline voisine de disciplines médicales et de sciences humaines centrées sur l'enfance : l'histoire de l'enfance, les neurosciences cognitives du développement, la pédagogie, la psychologie clinique de l'enfant, la psychopathologie de l'enfant, la pédiatrie, la pédopsychiatrie. La discipline emprunte et partage ses méthodes et concepts avec les autres branches de la psychologie, comme la psychologie cognitive, la psychométrie, la psychologie sociale, la psychologie interculturelle et la psychanalyse.
Les psychologues spécialistes de l'enfance utilisent des techniques spécifiques (entretiens cliniques, tests projectifs, jeux, dessins en interaction, tests standardisés, etc.) et proposent des prises en charge spécialisées (psychothérapie de l'enfant, ou psychanalyse de l'enfant).
Cet article n'inclut pas la période de l'enfance postérieure à la puberté (voir psychologie de l'adolescent).
Les âges des acquisitions ou compétences psychomotrices ou psychologiques varient d'un enfant à l'autre. Cependant, pour des raisons pratiques et théoriques, les psychologues praticiens et chercheurs distinguent différentes phases de l'enfance. Les limites d'âge correspondantes sont données à titre indicatif.
- La vie prénatale concerne l'enfant avant la naissance (embryon ; fœtus)
- Juste après la naissance, l'enfant est appelé le nouveau-né jusqu'à environ deux semaines ou un mois. En médecine, on parle aussi de période périnatale (de quelques semaines avant la naissance à quelques jours après).
- Avant l'acquisition de la marche, l'enfant est un bébé ou nourrisson (en anglais, infant)[1]. C'est la période du stade sensori-moteur selon le modèle de développement de l'intelligence de Jean Piaget (de 0 à 2 ans), de la période d'affiliation (modèle du développement socioculturel de l'intelligence de Lev Vygotsky) et des stades oral, puis anal et phallique (selon le modèle de développement sexuel et affectif développé par Sigmund Freud)[1].
- Lorsqu'il marche et avant sa scolarisation, l'enfant est un jeune enfant. C'est la petite enfance (environ 2 ans à 6 ans, selon les auteurs et les institutions). On parle d'enfant d'âge préscolaire de 3 à 6 ans environ lorsque l'enfant entre en maternelle (France) ou équivalent (kindergartens, etc). C'est la période préopératoire (modèle de Piaget, de 2 à 7 ans environ), de la période du jeu (modèle de Vygotsky), et la période œdipienne (modèle de Freud)[1].
- L'enfant d'âge scolaire réfère généralement à l'enfant de 6 ans à la puberté ou environ 12 ans. En anglais on parle de Middle Childhood (7 ans à 12 ans)[1]. C'est la période des opérations concrètes (Piaget), de l'apprentissage conscient (Vygotsky), de la latence (Freud).
- Vers l'âge de 12 ans et jusqu'à la puberté, le jeune est préadolescent.
- L'entrée dans l'adolescence est marquée par la puberté. Dans les pays anglophones, le terme adolescence existe, mais également le terme « teenager » ou « teen » qui désigne un jeune de 13 à 19 ans[2] car le terme « -teen » apparaît dans l'âge (thirteen, fourteen... nineteen). L'adolescence marque la fin de l'enfance au sens strict, sur le plan psychologique et médical. Sur le plan du développement psychologique, c'est l'entrée dans la période des opérations formelles (modèle de Piaget), de résolution de problèmes à l'aide des pairs (Vygotsky), et le début du stade génital (Freud)[1].
Le développement du cerveau ne se termine pas à l'âge de l'adolescence. Il se termine par la myélinisation des lobes frontaux (fonctions exécutives) qui a été observée vers l'âge de 20 ans voire 25 ans (voir ci-dessous, développement du cerveau). Les psychologues et chercheurs parlent alors de jeune adulte. La psychologie du développement considère que le développement ne s'achève pas à la fin de l'enfance ou de l'adolescence, mais est un processus qui ne s'achève qu'à la mort.
Sens
Le nouveau-né naît avec un ensemble de réflexes, dits réflexes archaïques. Les réflexes sont des comportements innés et automatiques en réponse à des stimulations spécifiques, qui disparaissent au bout de plusieurs mois : le réflexe de succion ; le réflexe des points cardinaux ; le réflexe d'agrippement ; le réflexe tonique du cou ; le réflexe de Moro ; le réflexe de Babinsky ; le réflexe de marche ; le réflexe de nage[3]. Gabbard (1996) estime qu'il existe 27 principaux réflexes, dont beaucoup sont observables chez les nouveau-nés[3]. Ces réflexes jouent un rôle important dans le développement du système nerveux central et de la motricité dans les premiers mois de la vie. Ils disparaissent pour laisser place aux mouvements volontaires lorsque le système nerveux est suffisamment mature, quelques mois après la naissance[3].
Tous ses sens fonctionnent, même s'ils sont encore immatures. Ces capacités sensorielles se développent très rapidement, plus rapidement que les habiletés motrices. Ainsi, la peau du nourrisson est sensible aux stimulations (sens tactile) : la sensation d'humidité dans sa couche ; la caresse d'un proche[4]. Le nouveau-né est sensible à la douleur, c'est pourquoi les organisations nationales de pédiatrie au Canada et aux États-Unis recommandent (depuis 2000) de soulager la douleur prolongée des nouveau-nés pour éviter des effets néfastes à long terme[4]. Le goût et l'odorat semblent fonctionner avant la naissance. À la naissance, des bébés ont des préférences pour les goûts sucrés et ont tendance à rejeter les goûts amer[5].
L'ouïe ou l'audition sont fonctionnelles également avant la naissance[4]. Des expériences ont montré que les nouveau-nés peuvent différencier des sons assez proches (paradigmes d'habituation sur des enfants de trois jours qui montrent des réactions différentes en présence de sons nouveaux). Cette capacité leur permettrait de différencier la voix maternelle. La capacité à distinguer des phonèmes nouveaux ou une prosodie nouvelle est observée très tôt chez le nourrisson dans des expériences sur l'acquisition du langage : les réactions physiologiques de l'enfant indiquent qu'il détecte la différence entre certaines langues par des méthodes relevant de la psychologie expérimentale[4],[6].
La vue ou vision est le sens le moins développé à la naissance[4]. Cependant, un nouveau-né peut voir, même si sa vision est encore immature. Il peut ainsi suivre des yeux un objet qui se déplace. Sa vision est la meilleure à environ 20 ou 30 cm de ses yeux. À cette distance, il peut voir le visage de la mère qui l'allaite ce qui pourrait avoir une valeur adaptative[4]. Vers 4 ou 5 mois, la convergence des yeux est établie et lui permet de voir la profondeur. Vers le huitième mois, l'acuité visuelle du nourrisson est bonne[4].
Perception
La sensation et la perception sont deux phénomènes neurologiquement et psychologiquement différents. La perception implique une relation entre le cortex et les appareils sensoriels : la sensation est comprise, ou interprétée par le cerveau. La psychologue américaine Eleanor Gibson a été une pionnière dans l'étude de la perception des bébés. Vers 1960, Gibson et Richard D. Walk ont mis au point un dispositif expérimental donnant l'illusion d'un vide (une « falaise visuelle (en) »). Les nourrissons sont posés sur une table en plexiglas dont une moitié est pleine, et dont l'autre moitié reste transparente. La mère du nourrisson appelle l'enfant de telle sorte que pour rejoindre sa mère, l'enfant devra traverser la partie qui semble vide (sur le plexiglas transparent). Gibson et Walk ont précisément observé les comportements de nourrissons et jeunes enfants face à cette illusion et en ont tiré de nombreuses observations et plusieurs conclusions théoriques. Placés dans cette situation, en effet, bon nombre de nourrissons refusent d'avancer dans ce qui leur apparaît comme un vide (une falaise visuelle). Gibson et Walk en ont conclu que la perception de la profondeur n'était pas innée mais acquise selon un procédé d'apprentissage en interaction avec l'environnement[7],[8]. La perception se développe graduellement, au fil des mois et des années.
Capacités motrices et développement psychomoteur
Chez les nourrissons et jeunes enfants (jusqu'à l'âge d'environ deux ans), le psychologue observe le développement psychomoteur (on ne parle pas encore de développement intellectuel proprement dit). Des psychomotriciens sont des professionnels du secteur paramédical spécialisés dans la rééducation des troubles de la psychomotricité. Le pionnier de la psychologie du développement Jean Piaget a beaucoup observé les comportements moteurs du nourrisson, dont il pensait qu'ils étaient à l'origine du développement de l'intelligence (stade sensori-moteur de sa théorie des Paliers d'acquisition).
Le développement psychomoteur suit certains principes généraux. Ce développement suit une progression céphalo-caudale (de la tête vers les pieds) : un nourrisson peut tourner la tête avant de pouvoir tourner son torse, par exemple. Le développement suit une progression proximo-distale (du centre vers les extrémités) : le nourrisson est capable de prendre des objets d'abord avec la main entière avant de pouvoir pincer entre le pouce et l'index pour attraper un objet, par exemple[9],[10].
L'âge auquel les enfants peuvent effectuer certains mouvements (s'asseoir sans soutien, se tenir debout avec appui, marche debout, manger avec une cuiller...) varie beaucoup d'un enfant à un autre. Cette variabilité s'explique par le fait que le développement moteur (par exemple la marche, étudiée par la psychologue Esther Thelen) repose non seulement sur la maturation (réflexes présents à la naissance, croissance du cerveau, génétique) mais aussi en interaction avec l'environnement qui influence la motivation de l'enfant et favorise (ou non) les actions de l'enfant en créant des conditions physiques favorables (une aide pour marcher ou au contraire une absence d'aide)[10],[11].
En raison des grandes différences individuelles, les psychologues décrivent les acquisitions motrice et psychomotrices sous forme de moyenne et de statistiques. La psychologie du développement est l'étude systématique de ces jalons ou paliers de développement qu'elle cherche à mesurer et à comprendre. En psychologie de l'enfant, on cherche à décrire ces acquisitions précisément en utilisant des statistiques faites sur de larges échantillons ou cohortes. Ainsi on sait qu'en moyenne, un nourrisson (fille ou garçon) peut s'asseoir sans soutien à 5,9 mois dans 50 % des cas et à 6,8 mois pour 90 % de la population[10]. Un enfant marche bien dans 50 % des cas à 12,3 mois, dans 90 % des cas à 14,9 mois[10]. C'est le principe qui permet la mise au point d'échelles de développement (voir test de psychologie) dont la construction et la validation sont du domaine de la psychométrie.
Sommeil et troubles du sommeil
Rythmes de sommeil
Le cycle du sommeil et d'éveil est en majeure partie réglé par une horloge biologique ou rythme biologique qui régule le sommeil, la faim, l'élimination. Les rythmes circadiens (rythmes biologiques sur 24 h) de l'enfant sont bien différents de ceux de l'adulte. Ainsi, dès la naissance, le nouveau-né passe la plus grande partie de son temps (environ 18h par jour) à dormir. Vers trois mois, le bébé se réveille toutes les deux ou trois heures (jour et nuit) pour être nourri. Vers environ six mois, un nourrisson est capable de passer plusieurs heures par nuit (cinq ou six) sans se réveiller : on dit qu'il fait ses nuits[12]. Ce sommeil du bébé est composé de périodes de sommeil calme et de périodes de sommeil actif (environ 50 %). Le sommeil actif est comparé au sommeil paradoxal chez l'adulte. Ce type de sommeil décroît tout au long de la vie pour atteindre environ 20 % du temps de sommeil total[12].
Vers deux ans, un enfant dort en moyenne 13 heures par jour (principalement la nuit et un peu en journée sous forme de sieste)[13]. Cette moyenne varie d'un pays à l'autre en fonction de facteurs culturels qui influencent les éthno-théories parentales (théories implicites des parents) et des pratiques parentales qui leur sont associées[14]. À mesure que l'enfant grandit, il passe moins de temps à dormir. Les enfants de cinq ans en moyenne dorment 12 heures durant la nuit et ne font plus la sieste. Les enfants de six ans ont, en moyenne, un besoin de sommeil de 11 heures ; ceux de douze ans, un besoin de sommeil d'environ 9 heures[15].
Rituels du coucher de l'enfant
L'heure du coucher peut provoquer des angoisses de séparation chez l'enfant qui peut parfois vouloir y résister. Les parents peuvent aider l'enfant en établissant une routine ou rituel de coucher permettant de rendre le moment agréable et moins anxiogène. Il est recommandé que la routine soit simple et stable, ce qui « comprend une heure fixe pour le coucher et des rituels de mise au lit qui s'effectuent dans le calme et ne s'éternisent pas »[16]. Les routines peuvent inclure de la lecture à voix haute de livres pour enfants, les comptines. La présence d'un tissu doux ou d'un jouet de texture douce aide l'enfant à se sentir plus apaisé[16]. Ainsi le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott décrivait des objets d'attachement comme des objets transitionnels, aidant l'enfant à mieux vivre les séparations (un doudou, une peluche).
Troubles du sommeil de l'enfant
Les enfants peuvent souffrir de troubles du sommeil. Les cauchemars sont courants. Ils surviennent surtout à la fin de la nuit et l'enfant en garde le souvenir. Ils sont plus fréquents chez les filles que chez les garçons. Des cauchemars fréquents qui rendent l'enfant anxieux pendant les périodes d'éveil signalent un stress excessif[13].
Les terreurs nocturnes sont différentes du cauchemar. L'enfant semble se réveiller soudain d'un sommeil profond dans un état de panique (il peut crier ou regarder fixement devant lui) mais n'a pas souvenir d'un rêve. Il se rendort puis se réveille sans souvenir de l'épisode. Les terreurs nocturnes surviennent plus souvent chez les garçons et sont observées plus fréquemment entre 3 et 13 ans[13],[16].
Le somnambulisme (le fait de marcher en dormant) et la somniloquie (le fait de parler en dormant) sont également fréquents chez l'enfant. Hoban (2004[13]) recommande de ne pas réveiller un enfant somnambule ou un enfant qui a fait une terreur nocturne pour ne pas l'effrayer. Ces troubles du sommeil disparaissent généralement avec le temps[16].
L'énurésie nocturne (uriner pendant le sommeil) est un problème également fréquent chez les enfants. L'énurésie touche environ 10 à 15 % des enfants de 5 ans puis diminue avec l'âge[16].
Cognition et apprentissage
Le nouveau-né est équipé de sens fonctionnels et de réflexes archaïques qui lui permettent de percevoir et d'agir sur son milieu. Ainsi un nouveau-né peut téter ou crier. Ces comportements sont involontaires mais provoquent des réactions dans l'environnement que le nouveau-né perçoit et qu'il commence à mémoriser (ce que Piaget décrit comme des réactions circulaires qui vont se complexifier). C'est cette interaction entre des facteurs génétiques (innés) et l'apprentissage qui va permettre le développement psychologique de l'enfant puis de l'adolescent et de l'adulte qu'il deviendra. L'apprentissage est « une modification relativement durable du comportement qui résulte habituellement de l'expérience »[17] (l'apprentissage, en psychologie, n'engage pas forcément la pensée consciente).
Les apprentissages, leurs causes, leur impact sur la pensée de l'enfant, ont fait l'objet de beaucoup de recherches dans les diverses branches de la psychologie. Les théories du béhaviorisme et le constructivisme de Jean Piaget ont d'ailleurs pour principal sujet d'étude les apprentissages bien que leurs approches théoriques et expérimentales soient fort différentes.Les cognitivistes (psychologie cognitive) ont beaucoup étudié les processus d'apprentissage, chez l'adulte d'abord, puis chez les enfants. Leurs méthodes expérimentales sont couramment utilisées pour mener des recherches sur les apprentissages et la mémorisation chez les enfants. Les recherches en psychologie cognitive sur l'enfant portent souvent sur des processus très spécifiques pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les apprentissages, acquisitions, compétences et performances cognitives (détails ci-dessous). Les neurosciences cognitives du développement utilisent des techniques d'imagerie cérébrale et les méthodes de la psychologie expérimentale pour comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans les processus cognitifs de l'enfant.
Apprentissage de la lecture et écriture
L'apprentissage de la lecture s'appuie sur des habiletés linguistiques qui se développent durant la période préscolaire. La conscience phonologique est l'une des compétences qui prédit l'acquisition du décodage, mise en place des correspondances grapho-phonologiques ou correspondances graphème-phonème, essentielle à l'acquisition d'un bon niveau de compétences en lecture[18].
La conscience phonologique est une habileté métalinguistique que possède l'enfant quand il est conscient qu'un mot est composé d'unité linguistiques plus petites. Elle se développe progressivement, lorsque l'enfant commence à prendre conscience des syllabes, des rimes, puis de certains phonèmes ou groupes de phonèmes dans le mot (par exemple, l'enfant saisit que des mots commencent par le même son, ou phonème). Cette conscience phonologique est précédée de la sensibilité phonologique. Jean Emile Gombert, chercheur spécialiste de l'apprentissage de la lecture, a décrit cette habilité comme épilinguistique, pour la différencier du terme métalinguistique qui suppose une manipulation consciente et réfléchie du langage[19].
L'enfant est capable de décoder une syllabe ou un mot écrit lorsqu'il comprend que l'association d'un phonème consonantique (exemple /p/) avec un phonème vocalique (/a/) résulte en une syllabe, un mot ou partie de mot (/pa/). Cette habileté est essentielle à l'apprentissage de la lecture dans les langues alphabétiques (c'est-à-dire qui utilisent un alphabet où les phonèmes sont représentés)[20],[21]. Elle est progressivement automatisée, ce que les psychologues cognitivistes appellent la « lecture experte » (le moment où la reconnaissance du mot écrit familier s'est automatisée et se fait sans décodage). Le passage du décodage de mot à sa lecture experte et les processus qui sous-tendent ce processus d'apprentissage est l'objet de nombreuses études en psychologie du développement et en psycholinguistique.
La lecture est également un acteur fondamental dans le processus de développement. Comme le souligne Véronique Maréchal[22] “Jouer, c'est se développer, utiliser son intelligence, ses potentialités, sa créativité, son langage, sa sociabilité. Le jeu est source d'apprentissages. Le livre, comme le jouet, est l'outil de la lecture et du jeu avec l'autre. ”
Les troubles de la lecture peuvent avoir plusieurs origines. Un simple retard d'acquisition de la lecture peut être observé. Des troubles plus durables et plus graves peuvent être secondaires à des affections générales, état de santé physique et mentale de l'enfant : déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement.
Un retard de lecture peut accompagner un retard scolaire et peut être le résultat d'un manque de stimulation de l'environnement (illettrisme parental).
Des difficultés d'apprentissage de la lecture apparaissent aussi quand l'enfant maîtrise peu la langue orale correspondante, c'est le cas en particulier des enfants sourds[23].
La dyslexie est un trouble spécifique et durable de la lecture, observé alors que le développement de l'enfant reste normal par ailleurs (l'intelligence et le développement cognitifs sont normaux ; l'enfant ne souffre pas de troubles psychiatriques, émotionnels ou sensoriels qui seraient la cause de cette difficulté). Ses origines et sa rééducation font l'objet de nombreuses recherches car leur origine semblerait être due à plusieurs facteurs. Il n'existe pas de moyens de remédier à ce trouble, mais une prise en charge par un orthophoniste permet au dyslexique d'apprendre à compenser cette difficulté. Ce trouble affecterait environ 5 à 6 % des enfants, soit environ un enfant par classe, selon une information distribuée par le ministère de la Santé en France[24].
Apprentissage des mathématiques
Mémoire
Mémoire implicite et apprentissage implicite
La mémoire implicite se met en œuvre sans effort conscient. La mémoire implicite est le résultat de processus d'apprentissages nombreux et complexes, décrit par plusieurs théories. Du fait de sa complexité, il n'y a pas de théorie unique qui en rende compte de manière exhaustive dans tous ses aspects et qui ferait l'unanimité dans le milieu scientifique. Les scientifiques étudient avec des paradigmes différents, différents types de mémoire implicite, engageant la perception, comme la reconnaissance de certains sons du langage, ou la motricité ou encore les relations avec l'environnement.
La mémoire implicite est à l’œuvre, par exemple, lorsque des comportements sont renforcés (théories béhavioristes, dites aussi comportementalistes)[17]. Par exemple, le bébé pleure, sa mère arrive pour le prendre dans ses bras. À une autre occasion, le bébé pleure à nouveau, sa mère le prend à nouveau. Le bébé apprend ainsi (mais de manière implicite) que son action provoque un comportement extérieur, comportement qu'il trouve agréable. Il va le répéter plus souvent, c'est le principe du conditionnement opérant. Dans une approche purement béhavioriste, le scientifique étudie les lois mathématiques qui régissent ces relations stimuli - réponses sans élaborer de théories ou de modèles sur les mécanismes qui sous-tendent ces apprentissages implicites. Cette position est désormais très minoritaire en psychologie[17]: la plupart des experts cherchent à comprendre et modéliser les processus sous-jacents, processus cognitifs (approche de la psychologie du développement) et biologiques (approche des neurosciences cognitives du développement).
La mémoire implicite sous-tend tous les apprentissages moteurs, comme attraper un jouet, monter des escaliers, nouer ses lacets ou jouer du piano[17],[1]. Ce type de mémoire a été modélisé par Esther Thelen, dans ses recherches sur l'acquisition de la marche chez le jeune enfant, et Paul van Geert, dans ses recherches sur l'acquisition du langage. Leurs approches forment la théorie développementale des systèmes dynamiques (en) proposées dans les années 1990[25],[1],[11].
La mémoire implicite explique aussi le phénomène de l'habituation, phénomène très précoce observé chez les nouveau-nés. L'habituation est une forme d'apprentissage implicite, élémentaire, révélée par le fait que le bébé montre de moins en moins d'intérêt à un stimulus qui se répète. L'habituation est très fréquente et facile à utiliser dans la recherche sur les bébés. Les paradigmes d'habituation permettent d'observer les réactions des bébés aux stimuli nouveaux et permet de faire des hypothèses sur leurs habiletés perceptives et leurs premiers apprentissages.
Les paradigmes d'habituation ont des applications intéressantes: ils permettent de détecter précocement des troubles psychomoteurs, sensoriels, ou des troubles du développement. La mémoire implicite se développe en effet dès les premiers mois de la vie (et certainement avant les autres types de mémoire et d'apprentissage)[17]. Jean Colombo, dans un ouvrage consacré à la cognition infantile, défend l'idée que des troubles précoces dans la mémoire implicite (durant la période néonatale) peuvent être des précurseurs ou indicateurs de difficultés d'apprentissage ultérieures (1993)[26]. L'habituation est défectueuse chez les nourrissons ayant un faible score d'Apgar et chez des enfants présentant des lésions neurologiques ou certains troubles de développement comme le syndrome de Trisomie 21 (cf. numéro spécial sur le sujet par le journal Neurobiology of Learning and Memory en 2009 regroupant les experts de l'habituation chez les humains et les animaux[27]).
Mémoire de travail
La mémoire de travail est une forme de mémoire à court-terme. C'est la mémoire qui permet à un enfant (ou un adulte) de penser : les informations sensorielles ou les souvenirs sont traités par la mémoire de travail à court-terme pour que l'enfant « travaille » activement sur ces informations mentalement.
La mémoire de travail chez l'enfant semble apparaître vers le milieu de la première année de la vie avec le développement du cortex préfrontal, région du cerveau très impliqué dans la mémoire de travail et les fonctions exécutives[17]. Il est possible que l'apparition de la permanence de l'objet vers cet âge soit liée à l'apparition de la mémoire de travail vers le même âge (Nelson, 1995, cité par[17]).
La croissance de la mémoire de travail chez l'enfant permet le développement de ses fonctions exécutives : planification d'une action orientée vers un but, attention dirigée vers un stimulus, inhibition de certains comportements. Selon le modèle théorique de Alan Baddeley, les informations en mémoire de travail sont contrôlées par un système exécutif central et renvoyées en mémoire à long terme, une mémoire qui permet la rétention des informations pour de très longues périodes de temps (heures puis années) et permet aussi leur récupération, ou rappel.
Mémoire à long terme et mémoire déclarative (formation et rappel des souvenirs d'enfance)
Vers l'âge de trois ans et demi, les enfants commencent à former des souvenirs dont ils se souviennent plusieurs mois après, voire plusieurs années après. C'est le début de la formation de la mémoire à long terme. Sur le plan cérébral, l'hippocampe est une structure jouant un rôle clef dans la formation de ce type de mémoire.
La mémoire épisodique est une forme de mémoire à long terme. La mémoire épisodique correspond à la mémoire des événements qui se sont produits dans un lieu particulier et à un moment particulier. Par exemple, un enfant de trois ans peut se souvenir pendant plusieurs semaines d'un tour de manège qu'il a fait lors d'une sortie. On la distingue de la mémoire générique, qui est la mémoire des événements journaliers (comme la sortie de l'école et le chemin de retour de l'école à l'appartement familial, événements journaliers dont l'adulte peut se souvenir sans qu'ils soient associés à aucun épisode particulier dans le temps)[17]. La mémoire épisodique est limitée chez les jeunes enfants : ces premiers souvenirs s'estompent et disparaissent[17].
La mémoire autobiographique est une forme de mémoire épisodique qui réfère aux souvenirs qui forment l'histoire d'une personne[17],[28]. Elle apparaît vers l'âge de trois ou quatre ans[29].
La mémoire à long terme de l'enfant est un sujet très discuté et très étudié en psychologie de l'enfant en raison de ses implications importantes dans les témoignages d'enfants et en particulier pour les enfants victimes d'abus sexuels. Elizabeth Loftus est une spécialiste mondiale du sujet. Elle a consacré de nombreuses études à étudier les biais dans la mémoire et les témoignages des adultes et des enfants, la fabrication et le fonctionnement des faux souvenirs[30], y compris des souvenirs retrouvés (en) d'abus sexuel durant l'enfance[31]. La mémoire d'un enfant est plus fragile que celle d'un adulte (il encode moins et oublie plus) ; l'enfant est également beaucoup plus influençable aux attentes des adultes (ou aux menaces) ; enfin, l'enfant a moins de maîtrise du langage pour comprendre certaines questions qui lui sont posées ou pour y répondre de manière spécifique. C'est pourquoi ses témoignages sont plus difficiles à interpréter. Elizabeth Loftus a mis au point des techniques de recherche permettant de découvrir et étudier les souvenirs reconstruits[32]. Beaucoup de chercheurs utilisent les méthodes de la psychologie expérimentale pour approfondir les recherches dans ce domaine important[33]. Ils tentent de mettre au point des entrevues types qui éviteraient au maximum les biais dans les témoignages d'enfants et permettent de recueillir les témoignages des enfants de manière fiable pour permettre aux enfants de pouvoir dénoncer leurs agresseurs tout en évitant les accusations infondées d'abus sexuel[33].
Intelligence et mesures standardisées de l'intelligence
La création et la standardisation de tests d'intelligence relève de la psychométrie. Le premier test dit d'intelligence, a été créé en France par Alfred Binet et Théodore Simon en 1908 (le test Binet-Simon), non pas pour mesurer l'intelligence mais pour prédire quels individus allaient avoir des difficultés à suivre une scolarisation normale. Aux États-Unis, David Wechsler s'est inspiré de cette approche pour créer une nouvelle génération de tests de performance intellectuelle. Les tests de Wechsler sont les plus utilisés dans le monde entier. Ils sont révisés et actualisés tous les dix ans environ pour compenser l'effet Flynn. Les tests de Wechsler pour les enfants sont :
- la batterie WPPSI (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence) qui est utilisée pour les jeunes enfants d'environ 2 à 7 ans (selon les versions),
- la batterie WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) qui est utilisée pour les enfants et adolescents, d'environ 6 à 16 ans (selon les versions).
Les tests d'intelligence sont d'excellents indicateurs de la réussite scolaire de l'enfant[17].
Ils sont également fréquemment utilisés en psychologie expérimentale pour permettre de composer des groupes dont les habiletés cognitives générales (évaluées par le QI général) sont comparables[1].
De nombreuses études en psychologie du développement cherchent à approfondir les liens entre les habiletés cognitives précoces, telles qu'observées chez le nourrisson (en particulier la vitesse d'apprentissage dans un test d'habituation) et les performances aux tests d'intelligence quelques années plus tard[34]: cette question est importante pour comprendre les facteurs qui influencent le développement cognitif et intellectuel de l'enfant le plus précocement possible, y compris les facteurs de risque.
Si le chercheur ou le psychologue scolaire ne s'intéresse qu'à certaines habiletés spécifiques, il est possible d'administrer seulement certains des tests de la batterie ; ainsi, un psychologue peut utiliser un test comme le WISC-4 (le numéro final indique la version) pour ne mesurer que l'intelligence non-verbale (par exemple, quand l'enfant a des troubles du langage)[1].
D'autres tests d'intelligence ont été développés. L'échelle dite du « K-ABC » (Kaufman Assessment Battery for Children) a été développée pour tenter de répondre à une demande de tests moins dépendants des différences culturelles et des habiletés verbales des enfants[35].
Les tests de Wechsler et la K-ABC sont utilisés comme des outils d'information mais non comme des outils de diagnostic ; ils doivent être utilisés et interprétés par des psychologues homologués, dans le cadre de bilans ou examens psychologiques de l'enfant.
Définir et mesurer l'intelligence est un sujet très débattu dans le domaine de la psychologie de l'enfant et de la psychologie générale et a fait l'objet d'études extrêmement nombreuses. John B. Carroll a réanalysé toutes les données publiées avant lui sur les mesures de quotient intellectuel : sa méta-analyse publiée en 1993 se base sur plus de 1 500 études[36] et a donné naissance à un modèle en trois strates (voir image ci-contre).
Controverses sur l'utilisation des tests de QI ou d'intelligence pour enfants
Les controverses sur l'intelligence de l'enfant et sur les tests qui sont supposés la mesurer sont nombreuses, sur le plan théorique mais surtout sur les applications pratiques de ces tests.
Sur le plan théorique, les débats portent sur l'existence d'une intelligence générale (facteur g) et sa signification et sa composition. Wechsler proposait de distinguer l'intelligence verbale et non-verbale. Les modèles de Raymond Cattell, John L. Horn et John Carroll (ou modèle CHC) ont permis de mettre en évidence plusieurs types d'habiletés cognitives relativement indépendantes (cf. intelligence fluide et cristallisée) qui prédisent le facteur g.
La nature de l'intelligence et son origine (la part de l'inné et la part de l'acquis) ont fait l'objet de débats parfois passionnés car certaines conclusions ont eu des portées politiques et ont alimenté certaines thèses racistes (Cf. Race et intelligence). Les tests dits d'intelligence sont dépendants des connaissances transmises et apprises à l'école[17]. Les résultats aux tests d'intelligence sont fortement influencés par le milieu culturel dans lequel l'enfant évolue[17],[37]. Un groupe de spécialistes dirigé par Ulric Neisser a travaillé sur une revue de question complète sur l'intelligence et ses mesures, en 1996 pour l'APA (American Psychological Association) et a conclu que les différences entre groupes ethniques (observations faites aux États-Unis) ne sont pas d'origine innée, mais sont attribuables a des facteurs culturels et environnementaux[37].
L'utilisation de tests d'intelligence dans le milieu éducatif est parfois controversée. Les détracteurs de ces tests mettent en avant plusieurs arguments contre l'utilisation de ces tests, ou mettent en garde contre le fait qu'une importance trop grande leur est donnée parfois dans le milieu éducatif et pour l'orientation scolaire de l'enfant. Ces tests privilégient en effet les enfants ayant de bonne habiletés verbales et une plus grande vitesse d'exécution[17]. Ces tests ne mesurent ni l'intelligence sociale, ni l'intelligence émotionnelle ou d'autres compétences très importantes pour la réussite professionnelle et personnelle.
Howard Gardner, en 1983, a fortement critiqué l'utilisation de tests d'intelligence dans les milieux éducatifs (aux États-Unis) et a défendu une théorie des intelligences multiples qui a eu beaucoup d'influence dans les milieux éducatifs[38]. Robert Sternberg a également critiqué ces tests et tenté de modéliser une théorie de l'intelligence (la théorie triarchique de l'intelligence) prenant en compte les aspects non académiques de l'intelligence[39],[40].
Développement de la communication et acquisition du langage
Le développement du langage chez le nourrisson et chez l'enfant est un domaine d'étude qui ne relève pas proprement dit du domaine de la psychologie de l'enfant mais relève plutôt du domaine de la psycholinguistique. La psycholinguistique est une approche multidisciplinaire qui engage la psychologie cognitive (chez l'enfant, la psychologie du développement ou psychologie cognitive du développement), la linguistique (science du langage qui en analyse les propriétés), les neurosciences du langage, la psychopathologie et psychopathologie cognitive (sciences des troubles du langage et troubles de la communication), l'orthophonie (appelée aussi logopédie en Belgique et en Suisse).
Une grande majorité d'études suggèrent que le développement du langage commence avant la naissance[41]: le fœtus peut entendre la voix de sa mère et réagir à certaines rimes et comptines que sa mère a lues à voix haute régulièrement à la fin de sa grossesse[1]. À la naissance, un bébé montre une préférence pour la voix humaine comparé à d'autres sons, et à 4 semaines, il montre une préférence pour la voix de sa mère[1]. Plusieurs études dans plusieurs langues suggèrent que le nourrisson de plusieurs jours ou plusieurs semaines pourrait distinguer la langue familière qui l'entoure d'une langue étrangère (qui n'a jamais été présente dans son environnement)[1]. Ce type d'habileté témoigne d'une compétence phonologique : les informations non pertinentes de la langue sont filtrées au niveau cérébral grâce à un apprentissage des régularités de la langue environnante (allophones)[41].
La latéralisation cérébrale de la perception du langage a été observée chez des nouveau-nés de 4 jours[1]. Ces observations précoces suggèrent que l'acquisition du langage humain n'est pas seulement le fruit d'un apprentissage mais qu'il repose également sur plusieurs habiletés innées dont le bébé est équipé des sa naissance[1],[42].
Plusieurs études initiées dans les années 1970 ont montré que les nouveau-nés peuvent discriminer tous les sons (ou phonèmes) de toutes les langues. Cette habileté est perdue entre six mois et environ neuf mois : les enfants d'un an peuvent discriminer les phonèmes de la langue parlée autour d'eux, mais pas ceux des langues étrangères (qui n'ont pas été parlées autour d'eux)[1]. Le nourrisson est sensible aux intonations, au débit, intensité et mélodie de la parole et utilise ces indices pour ressentir les intentions de l'adulte, s'il est enclin à jouer ou est fâché[41].
D. Kimbrough Oller a décrit cinq étapes du langage prélinguistique reprises par Shirley Vinter pour décrire les premières étapes du développement du langage enfantin[41],[43],[44]. Les premiers sons produits par l'enfant sont les vocalisations (pleurs, sons végétatifs). Entre 1 et 4 mois sont produits les syllabes archaïques. Un babillage rudimentaire apparaît entre 3 mois et 8 mois lorsque le nourrisson produit des sons plus graves et plus aigus et commence à combiner consonnes et voyelles. Le stade du babillage canonique (5-10 mois) commence avec des syllabes bien formées qui se répètent ("mamamama...") et se diversifient ("badata..."). Vers 12 ou 13 mois, c'est le stade de l'allongement final lorsque, progressivement, les syllabes finales des mots s'allongent et donnent un rythme à la parole. Entre 9 et 18 mois les enfants commencent à produire des mots à l'intérieur du babillage, c'est le babillage mixte[41].
Alors qu'ils babillent encore, les nourrissons sont capables de reconnaître et comprendre un nombre de mots de plus en plus important : ils développent leur vocabulaire (ou lexique mental), ainsi que des habiletés sémantiques et capacités pragmatiques. Les premiers mots semblent être compris vers sept ou huit mois (les noms des membres de la famille, l'animal domestique, et les objets très familiers : le doudou, le pain, le lait par exemple)[17].
Les enfants développent spontanément des gestes expressifs qui précèdent puis accompagnent le développement de son vocabulaire : la richesse de la gamme de gestes expressifs est corrélée positivement à la diversité du vocabulaire chez les jeunes enfants[45].
Le nombre de mots produits augmente très rapidement après la première année et particulièrement de deux ans à trois ans, ce que les spécialistes décrivent comme une « explosion de vocabulaire »[1],[17].
L'enfant commence à produire des phrases en combinant des mots en « langage télégraphique »[17]. L'âge d'apparition de ces premières « phrases » varie beaucoup (entre 18 mois et 24 mois). Des enfants qui commencent à parler relativement tard rattrapent souvent leur retard apparent[17]. Les phrases se complexifient avec le temps : une syntaxe rudimentaires apparaît entre 20 et 30 mois[17]. Vers trois ans, un jeune enfant arrive à bien se faire comprendre. Son vocabulaire et la complexité de ses phrases continuent de s'accroître[17] (le vocabulaire peut continuer de s'accroître pendant toute la vie).
Le fait que l'enfant prenne conscience de la façon dont il manipule la langue correspond au développement de ses capacités métalinguistiques et dépend des différentes composantes du système langagier (phonétique, sémantique, morphosyntaxique, pragmatique)[41].
L'acquisition du langage est un apprentissage social, bien que des composants génétiques préparent les enfants à développer cette habileté cognitive. Les parents et autres personnes qui s'occupent de l'enfant ont un grand impact sur les moments d'apparition des grandes étapes du langage, sur la richesse du vocabulaire de l'enfant. C'est surtout la sensibilité des parents et leurs réactions appropriées (leur attention conjointe)[46]ainsi que leurs interactions (jeux, langage bébé) qui permet un bon apprentissage du langage, bien plus que l'exposition à un grand nombre de mots[17]. Les nourrissons sont sensibles aux expressions d'émotions perçues sur les visages (expressions faciales) ainsi que dans les intonations du langage (recherches menées par Mechthild Papoušek et collaborateurs)[41],[47].
Les enfants qui sont exposés et interagissent en plusieurs langues dans leur environnement deviennent bilingues ou plurilingues (ou multilingues). Les enfants bilingues diffèrent des enfants monolingues non seulement sur un plan linguistique, mais également sur un plan neuropsychologique ; ils évoluent souvent dans un contexte social et cultural différent de leurs paires monolingues ce qui influence leurs apprentissages[41].
Les enfants dont un parent est Sourd peut devenir bilingue en Langue des signes et langue orale environnante. De nombreuses études menées depuis la fin des années 1970 indiquent que l'acquisition d'une Langue des signes suit un processus parallèle à celui de l'acquisition des langues parlées[48],[49].
Compréhension du monde et des intentions d'autrui
La compréhension du monde par l'enfant est étudiée par la théorie de la théorie (en) qui s'attache à comprendre les théories intuitives, ou implicites, que les enfants forment sur le monde qui les entoure.
La compréhension des intentions des autres est fondamentale à la socialisation et au développement affectif du jeune humain. Cette capacité est très étudiée par la psychologie du développement et par les neurosciences cognitives du développement. L'étude de la compréhension des intentions des autres (les pensées des autres) a été décrite par la théorie de l'esprit[50].Piaget a été le premier chercheur à étudier chez les jeunes enfants leur prise de conscience de leurs propres processus mentaux et ceux des autres en leur posant des questions : « D'où viennent les rêves ? », « que penses-tu? ».
Des recherches ultérieures ont mis en place des paradigmes expérimentaux adaptés aux jeunes enfants qui ont démontré que c'est surtout entre deux et cinq ans que la prise de conscience des processus mentaux et ceux des autres se développe[17]. Vers l'âge de 3 ans, un enfant peut faire la distinction entre événements réels et imaginaires. À cet âge, l'enfant peut commencer à jouer à faire semblant et comprend la différence entre faire une chose et faire semblant de la faire.
Un enfant de 3 ans n'a pas encore la notion des fausses croyances, c'est-à-dire la compréhension que la représentation de la réalité peut parfois être erronée. La cognition sociale, la capacité de reconnaître et anticiper l'état émotionnel des autres, se met en place vers trois ans. Ainsi, si l'enfant se crée un ami imaginaire, il peut jouer et parler avec lui, mais est conscient que l'ami est le fruit de son imagination[17].
Les liens entre habiletés à comprendre les intentions d'autrui (théorie de l'esprit) et la socialisation sont complexes. Dans une étude de psychologie expérimentale menée en Angleterre sur une centaine d'enfants, des enfants de 4 ans qui ont de bonnes compétences en théorie de l'esprit montrent également plus de jeux de « faire-semblant » et d'interactions avec leurs pairs, que ceux dont les mesures aux scores en théorie de l'esprit sont plus faibles[1]. Dans une autre étude, des enfants de 4 ans, qualifiés de « difficiles à gérer » par leurs parents, ont des performances en compréhension des intentions d'autrui plus faibles que des enfants d'un échantillon apparié[1]. On pourrait en conclure que de bonnes compétences en cognition sociale sont la base de relations sociales de meilleure qualité, mais ce n'est pas forcément le cas. Une autre étude menée par une autre équipe, portant sur 193 enfants, montre que chez des enfants de 7 à 10 ans, des comportements de harcèlement sont observés chez les enfants très compétents en cognition sociale (« manipulateurs experts » selon les auteurs). Les harceleurs, dans l'étude, étaient plus compétents dans les tâches de cognition sociale que leurs victimes et que les enfants qui suivaient le harceleur[1].
Aspect cognitif du jeu
Les jeux contribuent au développement cognitif et social de l'enfant. Sara Smilansky (en) (1963)[51] a identifié des catégories de jeux dont la complexité cognitive va en augmentant, et a défendu l'idée que ces jeux contribuent au développement cognitif de l'enfant. Elle a distingué 4 catégories de jeux dont la complexité cognitive augmente.
- Le jeu fonctionnel est un comportement répétitif qui implique des mouvements musculaires et une coordination motrice : faire rouler un balle, faire tourner une toupie, etc.
- Le jeu constructif est l'utilisation d'objets pour construire autre chose : jeu de construction, dessin, peinture, bricolage, etc.
- Le jeu symbolique est également appelé le jeu dramatique, ou jeu de faire-semblant. Il apparaît à la fin du stade sensori-moteur et est à son apogée entre 2 et 6 ans. Il remplit une fonction importante dans le développement de la personnalité est dans le développement social et affectif du jeune enfant. Le jeu symbolique comporte des jeux de rôle qui mettent en jeu la représentation et le développement de ce que les autres pensent et ressentent (théorie de l'esprit décrite plus haut).
- Le jeu formel ou jeu de règles : marelle, balle au prisonnier, jeu des petits chevaux, échecs, etc. Ces jeux se jouent avec d'autres joueurs et ont des règles qui doivent être connues et respectées de tous les joueurs.
Les jeux contribuent tous au développement cognitif de l'enfant : ils mettent en jeu des compétences motrices ou langagières, sociales, ainsi que des compétences en résolution de problèmes (cf. ci-dessous pour l'aspect social et affectif du jeu).