Révolution mexicaine
série de soulèvements armés, de coups d'État au Mexique (1910–1920) / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La révolution mexicaine (en espagnol : Revolución mexicana) est la série de soulèvements armés, de coups d'État et de conflits militaires entre factions qui se produisent au Mexique entre 1910 et 1920.
Date |
– (9 ans, 6 mois et 1 jour) |
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Lieu | Mexique |
Casus belli |
Élections fédérales de 1910 Plan de San Luis |
Issue |
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La révolution commence le par l'appel de Francisco I. Madero à une insurrection contre la réélection à la présidence du général Porfirio Díaz, qui gouverne le pays depuis 1876, et met ainsi fin à une période de l'histoire mexicaine nommée Porfiriat[3].
Après des débuts difficiles, le soulèvement, qui connaît ses premiers succès dans le nord du pays, s'étend à d'autres régions, notamment dans le petit État de Morelos, où Emiliano Zapata rejoint la révolution le et promulgue le le Plan de Ayala (es), plan qui réclame la restitution des terres collectives villageoises, mais aussi, la destitution de Francisco I. Madero.
L'absence de démocratie mécontente les classes éduquées et une grande partie de la bourgeoisie (Francisco I. Madero, dont la famille est l'une des plus riches du Mexique[4] s'en fait l'interprète en publiant le Plan de San Luis) et son livre La sucesión presidencial en 1910 (es) dans lequel il exprime sa volonté de faire du Mexique un pays démocratique moderne (élections libres, liberté d'expression, droit d'association)[5] ainsi que la question agraire sont les principales causes qui menèrent à la révolution[6],[7],[8],[9],[10].
La Ley Lerdo (es) (loi Lerdo), promulguée en 1856, qui en nationalisant les terres appartenant à l'Église et aux communautés villageoises visait à l'origine à bâtir un modèle agricole fondé sur la petite et moyenne propriété. Elle est ensuite détournée de ce but car les terres nationalisée sont vendues par l'État a des spéculateurs et aux grands propriétaires dès son entrée en vigueur, les seuls qui avaient alors les moyens de les acquérir et durant la période gouvernementale de Porfirio Díaz en application de la Constitution mexicaine de 1857 ce qui favorisa l'apparition de grandes propriétés. Près de 11 000 propriétaires terriens contrôlent alors 57 % du territoire national, tandis que 95 % des habitants des campagnes ne possèdent aucune terre[réf. nécessaire] La loi fut abrogée le 6 juin 1915[11].
Après avoir été élu président, Madero doit faire face tant à la désillusion de certains de ses partisans, dont celle d'Emiliano Zapata, qu'à l'opposition des conservateurs et d'anciens porfiristes. En , il est assassiné après un coup d'État militaire orchestré par le général Victoriano Huerta.
Ce dernier, après être devenu président, doit rapidement faire face à l'opposition déterminée de Venustiano Carranza, ancien député fédéral et sénateur porfiriste, gouverneur provisoire (1908) de l'État de Coahuila, Pancho Villa dans l'État de Chihuahua et Emiliano Zapata au Morelos. Après plusieurs défaites de l'armée fédérale au printemps 1914, Huerta quitta le pays au mois de juillet. Des dissensions apparaissent rapidement entre les différentes factions révolutionnaires, carrancistes, villistes et zapatistes.
Réunies lors de la Convention d'Aguascalientes en , ces factions n'arrivent pas à un accord durable et les combats reprennent. En 1915, le meilleur général carranciste, Álvaro Obregón, affronte et défait Francisco Villa au cours de plusieurs batailles dans le centre puis le nord du pays. Emiliano Zapata est également réduit à la défensive.
En 1916, Venustiano Carranza auto proclamé primer jefe est le seul à pouvoir prétendre au pouvoir suprême, même s'il ne contrôle pas l'ensemble du pays et qu'il doit faire face à d'énormes problèmes socio-économiques. Après la promulgation d'une nouvelle constitution en 1917, Carranza est élu président. Devenu progressivement impopulaire, il est renversé en 1920 par le dernier coup d'État de la révolution, organisé par les partisans d'Obregón, ensuite élu président.
À partir de 1876, la vie politique mexicaine est dominée par Porfirio Díaz, qui arrive à la tête d'un pays exsangue conséquence de la guerre d'indépendance et de la période d'instabilité qui la suivit, de la perte du Texas, de la Guerre américano-mexicaine qui fit perdre au pays la moitié de son territoire, de la Guerre de Réforme, de l'intervention française : (Expédition du Mexique), et du Second Empire mexicain, il gouverne de 1876 à 1911 (sauf quelques mois entre 1876 et 1877, puis de 1880 à 1884, période durant laquelle il cède la présidence au général Manuel González).
Au cours de cette longue période de stabilité politique, dont la base légale de l'organisation politique est la constitution de 1857, connue sous le nom de « Porfiriat » (« Porfiriato » en espagnol). Durant cette période le pays se modernise (es) sous la direction d'un groupe de technocrates positivistes disciples d'Auguste Comte, comme ce fut le cas notamment au Brésil durant le règne de Pedro II connus sous le nom de científicos, la situation économique du pays (es) s'améliore.
En 1894 pour la première fois de son histoire de nation indépendante le Mexique présente un budget excédentaire, il en sera ainsi jusqu'en 1910, l'excédent total durant les seize dernières années du porfiriat fut de 116 millions[12].
La Ley Lerdo (es) (loi Lerdo), promulguée en 1856, visait à l'origine à bâtir un modèle agricole fondé sur la petite et moyenne propriété mais seuls les grands propriétaires ont les moyens d'acheter à l'État les terres nationalisées ce qui favorisera la concentration extrême de la propriété, la détournant de son but originel. Près de 11 000 propriétaires terriens contrôlent alors 57 % du territoire national, tandis que 95 % des paysans ne possèdent aucune terre[13],[14],[15]. La loi fut abrogée le 6 juin 1915[11].
Le gouvernement accorde un traitement préférentiel à l'agriculture latifundiaire et à l'extraction minière, tant en ce qui concerne la propriété du sol et du sous-sol que les conditions d'exploitation et la faible taxation à la production et à l'exportation. Ces deux secteurs sont essentiellement dirigés vers l'exportation. Le capitalisme mexicain est traversé par des intérêts divergents. La bourgeoisie manufacturière réclame des mesures protectionnistes visant à restreindre les importations et à favoriser sa propre production (ce qui risque de gêner sensiblement le commerce extérieur, dans lequel l'agriculture latifundiaire et l'industrie minière ont des intérêts) et la libération de la main-d’œuvre de l'hacienda pour renforcer le marché du travail[16].
Le système porfirien n'a pas résolu les inégalités de développement, ce qui provoque des tensions : inégalités de secteur (les exportations de produits miniers et de matières premières se développent considérablement, alors que les produits alimentaires et de consommation courante se font plus rares), ainsi que les inégalités entre les régions. À la suite de sécheresses persistantes[17] la production de maïs passe de 2,5 millions en 1877 à 2 millions en 1910 alors que la population a augmenté, ce qui oblige le pays a importer du maïs au prix des cours mondiaux, ce qui a une répercussion directe sur les aliments de base dont la tortilla[18]. La concentration de la terre se fait au détriment des communautés villageoises dont la propriété collective en vigueur depuis l'époque coloniale n'est plus reconnue par les lois de Réforme, en particulier la Loi Lerdo, et dont les membres sont réduits au péonage ou prolétarisés.
Les effectifs de l'armée fédérale (es) ont baissé régulièrement depuis 1867, en 1900 elle ne comptait officiellement plus que 25 000 hommes de troupe pour dans les faits 18000 et 9000 officiers, la plupart des généraux étaient âgés et avaient servi durant l'intervention française.
En 1911, il y avait 1 833 soldats par million d'habitants au Mexique, a titre de comparaison la même année le Brésil en comptait 2250, l'Argentine 3000, la France 15308[19]. L'armée fédérale sera dissoute le 12 août 1914, elle comptait alors 24 800 hommes de troupe.
Certaines communautés se révoltent et sont écrasées. Des yaquis sont déportés par milliers dans la péninsule du Yucatan en 1905[16].
Le salaire du journalier rural peut descendre à 20 ou 25 centavos par jour dans les cas extrêmes, et 10 ou 15 centavos pour les femmes et les enfants[réf. nécessaire]. Le problème de la pauvreté en milieu rural est toujours d'actualité. En 2023, selon les chiffres publiés par la CEPAL neuf habitants sur dix des campagnes vivent dans pauvreté, 62 % dans la pauvreté extrême [20].
À la fin du XIXe siècle la proportion d'enfants parmi les ouvriers d'usine est de un huitième.[réf. nécessaire]
Le psychiatre Julio Guerrero explique dans son livre "La Génesis del Crímen en Mèxico"[21] publié en 1901 le pourquoi du faible usage des bains publics ("jaboneras") par les classes les plus pauvres par le fait que leur coût absorberait jusqu'à 25 % de leur revenu quotidien, pour pallier cela le gouvernement ouvre , principalement dans la capitale des bains publics gratuits[22],[23],[24].
Le taux d'analphabétisme est de 74 % % en 1910[25].
À ces difficultés s'ajoutent la crise de Wall Street de 1907 dont les répercussions sur l'économie mexicaine provoquent une vague de licenciements dans le secteur minier et des hausses des prix.
Pour le président Calvin Coolidge : « pendant les plus de 30 années du président Diaz, nous fumes spécialement encouragés à faire des investissements », ajoutant que le « désordre » s'était par la suite installé[16].
L'opposition contre Díaz se rencontre dans toutes les classes de la société, les opposants les plus connus sont surtout des intellectuels, pour la plupart d'entre eux issus de la haute bourgeoisie : Lázaro Gutiérrez de Lara et Práxedis Guerrero[26] avec ses journaux édités à El Paso Alba Roja 1905, Revolución 1908, Punto Rojo 1909 et qui collabora au journal El Hijo del Ahuizote, fondé en 1885 par Daniel Cabrera Rivera, Juan Sarabia, l'un des fondateurs du parti libéral mexicain, et Filomeno Mata (es) et sa publication (qui en fait n'était constitué que d'une ou parfois deux pages) Diario del Hogar (es) fondé en 1881 dont le tirage quotidien était de 800 exemplaires[27].
En 1887, Heraclio Bernal (es) fomente une révolte contre le régime porfiriste et prend le port de Mazatlán il en est chassé par le général Bernardo Reyes et s'exile aux États-Unis. Il sera finalement tué lors d'un combat par les troupes gouvernementales en 1888[28].
En 1888 et 1892, Emilio Vázquez Gómez (es) publie le manifeste La reelección indefinida, contre la réélection de Diaz. Le le même manifeste est publié dans le journal El Tiempo. Il est l'auteur de deux livres où il exprime son opposition au porfiriat : Las Aguas de la Nación (1906) et El Pensamiento de la Revolucíon (1908).
En 1891 la Rebelión de Tomóchic (es) contre l'application la Loi Lerdo qui ne reconnait pas les propriétés collectives des villages, en 1892 rébellion des indigènes mayos. Accusée formellement et personnellement par Diaz d'être à l'origine de ces révoltes sanglantes et d'être l'instigatrice de troubles contre son gouvernement Teresa Urrea (es) dite la Santa de Cabora s'exila aux États-Unis[29].
Entre 1896 et 1901 Lauro Aguirre publie depuis son exil aux États-Unis plusieurs journaux : El Independiente, La Reforma Social, El Precursor, Voz de la Mujer.
Le le révolutionnaire Lauro Aguirre (en) lance un appel à la révolte contre le régime de Porfirio Díaz, qui selon lui, a violé les termes de la constitution de 1857, il est vaincu par les troupes gouvernementales placées sous le commandement du colonel Emilio Kosterlitzky (en).
Le eut lieu la Batalla de Mazocoba (es) contre les yaquis, insurgés menés par Juan Maldonado Waswechia (es), un chef indigène connu sous le nom de « Tetabiate » qui mourra dans des combats contre l'armée en . Ce dernier luttait pour des raisons et des causes similaires à celles de Zapata[30] et est considéré au Mexique comme l'un des précurseurs de la révolution[31].
Le , les frères Jesús et Ricardo Flores Magón fondent l'hebdomadaire d'opposition modérée Regeneración.
Le prince Agustín de Iturbide y Green petit-fils d'Agustín de Iturbide émit en 1890 des critiques portant sur l'administration porfiriste, accusé de sédition il fut condamné à quatorze mois (certaines sources disent onze) de prison et une fois sa peine terminée expulsé du pays.
Il faut relativiser l'impact de ces articles dans les journaux ou des publications imprimées à l'étranger. Les journaux dont le plus grand tirage était celui de El Imparcial édité à Mexico n'était que de 36 000 exemplaires quotidiens[32] quels qu'ils soient, n'étaient lus que par une infime minorité de la population, leur public se limitant principalement à la bourgeoisie et aux classes moyennes éduquées, qui avaient un pouvoir d'achat leur permettant de les acquérir et surtout par le fait qu'en 1895 82,5 % des Mexicains étaient analphabètes[33],[34].
Des causes économiques sont aussi à considérer car au début du XXe siècle la situation se dégrade :
- L'expropriation avec indemnisation du plus grand propriétaire terrien du pays : l'Église. Le but de cette loi était de mettre à disposition de l'économie mexicaine des terres mal exploitées ou inutilisées. Les propriétés de l'Église sont vendues par le gouvernement principalement a des spéculateurs et des grands propriétaires au profit de l'État mexicain, au détriment des petits propriétaires acculés à la ruine car ils n'ont pas les moyens d'acquérir de nouvelles terres pour rendre leurs exploitations rentables et concurrentielles,. La nouvelle loi en vigueur, celle des libéraux, ne reconnaissant pas les propriétés collectives des villages qui sont peu à peu absorbées par les plus grandes entreprises agricoles.
- L'effondrement du cours de l'argent métal qui passe du rapport à l'or de 16 à 1 en avant 1870 à 39 à 1 en 1904, ce qui fait perdre plus de la moitié du pouvoir d'achat aux salariés payés en pesos argent.
- La panique bancaire américaine de 1907 et la crise qui s'ensuivit en Europe provoquèrent une diminution des exportations, le renchérissement des importations, la suppression des crédits industriels et la baisse des revenus en général.
- Le manque de pluies dès l'année 1900 et les sécheresses des années 1908 et 1909[35] qui obligea le gouvernement à importer pour 27 millions de pesos (soit près de 13,5 millions de dollars or) de maïs aux prix des cours mondiaux affecta 85 % de la population dont c'était l'aliment principal. tortilla.
- La diminution de l'activité économique réduisit les revenus de l'État, le gouvernement chercha à diminuer les salaires des fonctionnaires et augmenta les impôts ainsi que la base fiscale, ce qui affecta de plein fouet la classe moyenne rurale, mais aussi la bourgeoisie et la haute société.
Au début du XXe siècle, des compagnies américaines en l'absence d'investisseurs locaux, contrôlent la plupart des mines et plus de la moitié des gisements pétroliers, domaines où sont aussi actifs les Anglais et les Néerlandais (voir : (Mexican Eagle Petroleum Company (en)).
Au début du XXe siècle, les Cercles libéraux anti-cléricaux constituent la seule opposition politique quelque peu organisée au pouvoir en place[36], bien que le clergé et l'Église catholique n'y avaient plus guère d'influence politique après la promulgation de la Constitution de 1857 instituant notamment la séparation de l'Église et de l'État, le mariage civil et la mise en vente des terres en sa possession.
Le , Camilo Arriaga convoque les délégués du premier Congrès libéral, dans un théâtre de San Luis Potosi, à une assemblée pour dénoncer les abus du gouvernement et lutter contre le régime porfiriste. Ce congrès est à l'origine de la Confédération libérale mexicaine.
Arriaga sera exilé aux États-Unis en 1903, et participera, avec Dolores Jiménez Muro (es), le 31 octobre 1911, au Plan de Tacubaya (es) destiné à renverser Francisco Madero, à la suite de la distanciation de celui-ci avec le Parti national anti-réélectionniste et le remplacer à la présidence par Emilio Vázquez Gómez (es)..
Un autre congrès a lieu en 1902. Simplement anticléricaux au départ, les Libéraux commencent à critiquer les pratiques de Díaz et se radicalisent[37]. La répression s'abat alors sur eux et leurs organes de presse. Leurs principaux dirigeants vont s'établir aux États-Unis, où ils se radicalisent davantage au contact des anarchistes américains.
Le , ont lieu à Puebla des manifestations commémorant la victoire sur les Français. Les libéraux y participent et sortent des pancartes reprenant le slogan de Porfirio Díaz à ses débuts : « Suffrage effectif - Pas de réélection ». Cela dégénère en manifestation contre le gouvernement[38].
Le , les libéraux fondent le Parti libéral mexicain et, le , publient à Saint-Louis dans le Missouri leur « manifeste-programme »[39].
La majorité des membres du gouvernement est âgée de plus de 60 ans et la rupture est marquante entre la jeunesse de la population et l'âge de l'équipe gouvernementale[40]. De plus, Díaz ayant démilitarisé le pays, il ne reste que dix-huit mille soldats avec des généraux de plus de 70 ans, pour une population de 15,2 millions d'habitants en 1910.
Alors que les diplômés se multiplient, les débouchés sont de moins en moins présents. Les petits fonctionnaires mécontents mettent leurs espoirs dans une révolution[41], un renouvellement des cadres, mais pas dans un changement social. Leur espoir réside surtout dans un avancement de leur carrière.
Malgré l'industrialisation, les ouvriers restent peu nombreux (195 000 en 1910) par rapport à l'ensemble de la population, qui compte onze millions de ruraux sur quinze millions d'habitants.
Le , un mouvement de grève qui dura deux jours et fit un total 23 morts (10 parmi les gardes de la mine) éclate à Cananea (es) dans les mines de cuivre, les ouvriers mexicains réclamant 2 pesos d'augmentation ce qui fixerait ainsi leur salaire quotidien a cinq pesos.
En janvier 1907[42], c'est dans l'industrie textile (États de Tlaxcala et de Puebla) et à Río Blanco (es) (État de Veracruz), ces grèves sont durement réprimées.
Dans la nuit du 24 au , Benito Ibarra Cuéllar suivi de quelques hommes se soulève à Viesca Coahuila qu'il occupe un jour et demi, puis deux jours plus tard c'est le tour d'Araujo a la Vacas, dans le même État. Le , les frères Flores Magón, José Inés Salazar, Praxedis Guerrero, et Francisco Manrique prennent les armes dans le Chihuahua. Ces mouvements obéissaient aux principes du manifeste de Saint-Louis publié en 1906 et aux plans du Parti libéral mexicain, ces mouvements furent très rapidement étouffés par les troupes du gouvernement[43].
En 1908, alors qu'aucun mouvement d'opposition ne le menace, Diaz accorde une interview à James Creelman[44], l'un des rédacteurs du mensuel Pearson's Magazine. Dans cette interview, destinée à l'opinion publique américaine, il affirme qu'il ne compte pas se présenter pour les élections de 1910 et qu'il envisage favorablement la création d'un parti d'opposition[45]: Que Diaz soit sincère ou qu'il s'agisse d'une manœuvre de sa part, cette interview contribua à agiter les esprits au Mexique.
Après l'interview, plusieurs formations politiques naissent en 1909[46]:
- le Parti démocratique, formé d'intellectuels bourgeois, qui souhaitent voir respectée la Constitution de 1857, n'est pas opposé à la réélection de Díaz, mais verrait d'un mauvais œil la vice-présidence aller à Ramón Corral et, sans pourtant citer de candidat, considère le général Bernardo Reyes comme le plus apte à exercer cette fonction,
- les clubs « reyistes », c'est-à-dire partisans de Bernardo Reyes, dont le principal était le Club de Soberanía Popular (club de souveraineté populaire), qui souhaitent ouvertement que Reyes soit le vice-président de Diaz,
- Le Centre antiréélectionniste, puis le Parti national anti-réélectionniste (l'un des précurseurs de ce parti est Toribio Esquivel Lobato), fondé le , qui œuvre pour l'élection de Francisco I. Madero comme président et de Francisco Vázquez Gómez (es) comme vice-président.
- le Parti national réelectionniste, qui œuvre pour la réélection du tandem Diaz-Ramón Corral.
- Le Partido Nacional Unionista avec pour candidat à la présidence Teodoro Dehesa (es)
- Le Parti indépendant avec pour candidat à la présidence Valentín Reséndis.
C'est Reyes lui-même qui déçoit ses partisans. Produit du porfirisme, il garde le silence, ne déclarant jamais ouvertement sa candidature, et, lorsque Díaz lance contre lui les Cientificos et l'envoie en Europe pour une mission, il s'incline. La vice-présidence devrait donc revenir à Corral, une nullité qui est déjà à ce poste depuis 1904[47]. L'affaire semble entendue, mais les mécontents reportent leurs espoirs sur celui qui semblait n'avoir aucune chance au départ, Francisco Madero.
En , un livre intitulé : La sucesión présidencial en 1910 paraît avec comme sous-titre : « El Partido Nacional Democrático ». L’auteur de ce livre est Francisco Ignacio Madero, dont la famille est l'une des plus riches et puissantes du pays. L’idée centrale de ce livre est la non-réélection du président[48]. C'est l'affaire Creelman qui l'encourage à publier son livre[49]. Le , Francisco Madero fonde le Parti anti-réélectionniste à Mexico[50]. Le , l’Assemblée nationale anti-réélectionniste se réunit et élit candidat à la présidence Madero et à la vice-présidence, Francisco Vásquez Gómez. Dix jours plus tard, leur programme sort avec le slogan « Suffrage effectif, pas de réélection »[50], reprenant très habilement le slogan de Diaz en 1871[51]. Il se lance alors dans une grande campagne contre Díaz. Il récolte un réel succès.
Le gouvernement réprime cette campagne en l’accusant de monter l’opinion publique contre le président en place et l’arrête à Monterrey dans la soirée du [52] 1910, quelques jours avant le vote[53]. Madero est détenu à San Luis Potosí.
Le résultat des élections fédérales du donne la victoire à Díaz[53] et Corral à la vice-présidence[54], avec respectivement 97,93 % et 91,35 % des suffrages en leur faveur.
Après 45 jours de détention, Madero est libéré sous caution et assigné à une résidence surveillée[55]. Mais durant la nuit du 5 au , il s’enfuit à San Antonio, au Texas, où il rejoint ses partisans. Là-bas, il rédige le Plan de San Luis Potosí, daté pourtant du [55]. Dans ce plan de San Luis Potosí, Madero[56] proclame la nullité des élections, la non-réélection et sa présidence provisoire[57]. Ce plan devient vite le programme de la révolution. Il fixe la date de l’insurrection au . Dans son plan, Madero fait des promesses concernent la restitution des terres collectives appartenant aux villages du Morelos. Ce sont ces promesses qui, selon Silva Herzog, vont décider Zapata à s’engager dans la révolution[55].
Le , des maderistes connus sont arrêtés à Mexico[58] Cinq jours plus tard, la police encercle la maison d’Aquiles Serdán à Puebla. Le bâtiment abrite un important dépôt d’armes et de munitions afin de préparer la révolution. Après une vaine résistance de plusieurs heures, ses amis et lui sont tués[59]. Sa mort semble marquer l'arrêt de la révolution en ville mais le mouvement a plus de succès dans les campagnes[60],[61]. À la date prévue, le , dans l'État de Chihuahua, dominé par un grand propriétaire terrien, Luis Terrazas, et son gendre Enrique Creel, Pascual Orozco prend les armes avec un groupe principalement formé de mineurs, tandis que Francisco Villa, un voleur de bétail et chef de bandits recherché par la police, qui a été recruté par le maderiste Abraham González - en échange d'une promesse d'amnistie et d'un grade de colonel dans l'armée fédérale[62] -, rejoint un groupe de maderistes dirigés par Castulo Herrera qu'il éclipse rapidement, lors de la prise de la petite ville de San Andrès[63]. Le matin du , Madero lui-même, qui a passé en territoire mexicain, s'attendant à être accueilli par plusieurs centaines d'hommes, n'est rejoint que par une poignée de partisans et retourne bredouille aux États-Unis. Alors que, désespéré, il s'apprête à partir pour l'Europe, l'annonce des événements du Chihuahua lui redonne espoir[64].
Le , Villa se joint à Orozco pour attaquer la ville de Cerro Prieto. L'assaut est un échec. Le président Díaz sous-estime les révolutionnaires incapables de remporter une bataille rangée, mais ceux-ci se réfugient dans les sierras et adoptent une tactique de guérilla. Au début de l'année 1911, la révolte reste néanmoins sporadique[65]. Villa, qui opère maintenant indépendamment d'Orozco, alterne succès et échecs, mais ses hommes lui restent loyaux.
Le , Madero rentre au Mexique. Malgré un échec militaire initial à Casas Grandes, son retour suscite l'émergence de groupes révolutionnaires dans d'autres régions du pays.
Au Morelos, Emiliano Zapata se soulève pour obtenir la restitution des propriétés collectives villageoises nationalisées en vertu de la Loi Lerdo et vendues par le gouvernement aux grands propriétaires terriens.
Madero a du mal à fédérer les groupes qui luttent contre Diaz de manière autonome, en particulier les partisans des frères Magón, qui refusent de reconnaître son autorité. Contrairement à Orozco, qui reste réticent, Villa embrasse avec enthousiasme la cause de Madero et parvient par une ruse à désarmer les magonistes. En signe de reconnaissance, Madero le nomme major, tout en prenant soin de nommer Orozco colonel pour ne pas se l'aliéner[66].
En avril, les forces maderistes (3 500 hommes) placées sous le commandement de Peppino Garibaldi, de José de la Luz Blanco (es) et de Pascual Orozco se portent vers Ciudad Juárez. Madero hésite à attaquer la ville, qui se trouve à la frontière, à quelques mètres de la ville américaine d'El Paso : un assaut pourrait entraîner une intervention des États-Unis.
Il conclut un cessez-le-feu avec le général Navarro qui commande la garnison composée de 650 hommes et entame des négociations avec Diaz. Comme elles ne débouchent sur rien, des tensions apparaissent entre Madero, Pascual Orozco et Francisco Villa. qui estiment que Madero est trop conciliant.
Le , après la rupture des négociations, des combats sporadiques éclatent, puis s'étendent. Irrités par les hésitations de Madero, Orozco et Villa le mettent devant le fait accompli. Ils lancent un assaut général contre Ciudad Juárez, puis lorsque Madero les appelle à arrêter les combats, ils l'ignorent.
Le , au terme de trois jours de combats, la ville tombe aux mains des partisans de Madero (es)[67].
C’est une victoire purement symbolique car cette ville n’est qu’une petite bourgade (10 621 habitants en 1910) au Nord, à la frontière des États-Unis et à des milliers de kilomètres de la capitale[68]. C’est avant tout une défaite morale[59]. Selon Jean Meyer, la décision de Díaz était déjà prise. En effet, selon lui, Díaz avait peur de l’intervention des États-Unis qui avaient apporté leur soutien à Madero[69].
Tandis que les soulèvements se multiplient dans le pays, le , un accord est signé entre les maderistes et les fédéraux dans l’Hôtel des Douanes de Ciudad Juárez. Cet accord, qui est un compromis, met fin aux combats, prévoit la démission de Porfirio Díaz et la constitution d’un gouvernement provisoire. Tant les porfiristes que les classes moyennes qui soutiennent Madero, redoutent de voir la révolution échapper à tout contrôle[70]. Madero lui-même est plus soucieux de voir rétablir la légalité par un transfert du pouvoir politique que de satisfaire les revendications économiques de la population. L'accord laisse intacte l'armée fédérale, tandis que les troupes révolutionnaires doivent être licenciées. Madero mécontente ainsi bon nombre de ses partisans, tout en devenant dépendant de l'armée fédérale pour maintenir l'ordre.
En de nombreux endroits, l'effondrement du régime porfiriste donne lieu à des manifestations et des émeutes. Le , lors de la prise de la ville de Torreón, des émeutes prennent pour cible les habitants d'origine chinoise, soupçonnés d'avoir aidé l'armée fédérale, et plus de 250 d'entre eux sont assassinés[71]. Le , à Mexico, lorsqu'une foule qui converge vers le Palais national est fauchée par les tirs de mitrailleuses de l'armée fédérale, 250 personnes sont tuées.
Le , Porfirio Díaz et Corral démissionnent après avoir signé les traités de Ciudad Juárez (es) qui nommaient le secrétaire aux relations extérieures du gouvernement porfiriste, Francisco León de la Barra, au poste de président intérimaire et le , Díaz embarque à Veracruz pour Le Havre à bord de l’Ypiranga[59]. Díaz voulait en quittant le pays lui éviter une guerre civile ainsi que l'intervention militaire des États-Unis, favorables à Madero.
En attendant les élections, un cabinet provisoire est formé et Francisco León de la Barra, ancien gouverneur de l'État de Mexico et ancien porfiriste, assure la présidence par intérim, du au , afin de convoquer des élections[72]. Après une marche triomphale, Francisco I. Madero arrive le à Mexico[67]. L'ambassadeur américain Harry Lane Wilson, ayant joué un grand rôle dans la chute de Díaz, écrivait à son arrivée « La révolution n'est pas terminée, Madero tombera bientôt. »[73]. Une fracture apparaît entre Madero et son colistier de 1910 à la vice-présidence, Francisco Vázquez Gómez (es), qui le trouve trop conciliant envers les porfiristes. Le , Madero décide de dissoudre le Parti anti-réélectionniste et de créer le Parti constitutionnel progressiste. L'assemblée de ce parti décide de désigner Madero comme candidat à la présidence et Pino Suárez à la vice-présidence, en remplacement de Francisco Vázquez Gómez[74].
Le [74], il est élu avec 90 % des voix (sur un total de 18 826 votants soit 69,73% des inscrits[75]) tandis que José María Pino Suárez récolte les deux tiers des voix, le reste allant à de la Barra, le candidat du parti Catholique[76].
Dès son accession à la présidence, Madero doit faire face à des menaces provenant de tous côtés. Il réprime facilement un soulèvement en Basse-Californie des anarchistes, dont de nombreux étrangers appartenant à l'Industrial Workers of the World, partisans des frères Magon - commencé sous la présidence de Diaz -, qui s'étaient emparés de Tijuana qui n'était pas défendue et ne comptait alors que 100 habitants.
Certains anciens partisans du régime porfiriste n'ont pas désarmé. En décembre, le général Reyes, rentré au pays, tente de provoquer un soulèvement, mais, sans aucun soutien, il doit se rendre rapidement. Le , dans le port de Veracruz, le neveu de Porfirio Díaz, Félix Díaz, parvient à soulever le 21e bataillon contre le gouvernement, mais Madero envoie contre lui des troupes placées sous les ordres du général Joaquín Beltrán Castañares (es) qui en vient à bout en quelques heures sans combats. Félix Díaz est arrêté et aurait été condamné à mort par fusillade, mais Madero se contente de le faire emprisonner[77].
Les principales menaces pour Madero viennent de ses anciens partisans. Fin novembre, Zapata, irrité par le licenciement sans indemnité des troupes révolutionnaires et déçu par les lenteurs de l'administration du gouvernement maderiste à faire rendre aux villageois les terres communales vendues par le gouvernement en vertu de la Loi Lerdo aux grands propriétaires terriens, se soulève en proclamant le Plan de Ayala (es).
Madero envoie alors le général Victoriano Huerta dans l'État de Morelos réprimer les partisans de Zapata. Huerta mène une guerre de dévastation mais ne parvient pas à vaincre Zapata, Madero le remplace par le général Felipe Ángeles.
Dans le nord, Orozco et ses partisans, les colorados, prennent les armes en mars 1912. Publiquement, Pascual Orozco reproche à Madero de ne pas appliquer le plan de San Luis et lance son propre plan. Plus prosaïquement, l'homme a besoin d'argent pour entretenir et solder ses troupes et se compromet avec les Terrazas, la famille de grands propriétaires qui dominaient le Chihuahua sous Díaz[78]. Le général Sala, qui est envoyé réprimer le mouvement, subit une défaite écrasante et se suicide. Madero confie alors le commandement au général Victoriano Huerta, qui écrase la rébellion en .
La présidence de Madero tourne court pour plusieurs raisons. Madero est un idéaliste qui croit que le rétablissement de la légalité républicaine résoudra les problèmes et se préoccupe peu des problèmes économiques et sociaux. La classe moyenne qu'il a portée au pouvoir est presque ignorante au point de vue politique tandis que la plupart des cadres porfiristes sont toujours en place. On reproche [Qui ?] à Madero d'avoir été trop modéré à l'égard des porfiristes[73]. Les rébellions auxquelles il doit faire face, l'obligent à s'appuyer de plus en plus sur l'armée fédérale.
Après une présidence de 16 mois, Madero est confronté au général Victoriano Huerta qui, pour le renverser, complote avec Henry Lane Wilson. La fin de Madero s’étend sur ce qu’on appelle la decena trágica.
Un coup d’État est déclenché le par un groupe de militaires[79]. Le , le président est arrêté dans le palais présidentiel. Dans la nuit du , il est assassiné par balle avec son vice-président[49]. Selon la version officielle, ils ont été tués lors d’une tentative d’évasion[80].
Quelques jours plus tôt son frère Gustavo A. Madero avait été assassiné de façon particulièrement ignoble et cruelle[81].
L'accession au pouvoir de Huerta est saluée par l'ancienne classe dirigeante porfiriste, l'Église catholique et les militaires[82] mais ne résout rien, une répression impitoyable s'abat sur les maderistes. L'un des principaux dirigeants maderistes, Abraham González, est arrêté et assassiné le . Le Congrès se tient coi et lorsqu'un sénateur modéré, Belisario Domínguez Palencia (es), rédige un discours[83] virulent contre le nouveau président, il est enlevé à son domicile le et assassiné. Le seul ralliement notable au dictateur est celui de Pascual Orozco.
Zapata et ses partisans étaient ouvertement catholiques et étaient en bon termes avec l'Église, les villistes entretenaient de bonnes relations avec elle, seuls les partisans de Carranza, étaient clairement anti cléricaux[84].
Opposition de Venustiano Carranza
Ancien sénateur porfiriste de l'État septentrional de Coahuila et gouverneur au moment de l'éviction de Madero, Venustiano Carranza est un admirateur de Benito Juarez et un partisan de l'application stricte de la Constitution libérale de 1857. Le , il forme l'armée constitutionnaliste (Ejército Constitucionalista), qui tire son nom de cette volonté affichée de respecter la légalité constitutionnelle. Le , il publie le plan de Guadalupe, suivi de plusieurs décrets :
- décret no 1 du : reconnaît les grades de tous ceux ayant combattu dans les armées maderistes, ainsi que ceux des militaires de l'armée fédérale, sauf ceux qui ont participé au soulèvement de Felix Díaz à Veracruz en octobre 1912 et au coup d'État de février 1913 ;
- décret no 2 du : désavoue toutes les dispositions et actes qui auraient émané ou qui émaneraient du gouvernement de Victoriano Huerta, de même que des gouvernements locaux ;
- décret no 3 du : autorise l'émission de 5 millions de pesos en papier monnaie ayant cours légal et de circulation forcée ;
- décret no 4 du : ressuscite la terriclova, reconnaît aux propriétaires tant mexicains qu'étrangers le droit de réclamer, après victoire des révolutionnaires, des indemnités correspondant aux dommages occasionnés pendant la révolution maderiste ainsi que de la lutte qui commence ;
- décret no 5 du : ressuscite la loi Juárez du contre les traîtres à la patrie, dans le but de l'appliquer aux auteurs du coup d'État de la Ciudadela. Cette loi ne prévoit que deux peines : huit ans de prison ou la mort et permet d'abattre tout prisonnier tentant de s'enfuir [85]
- décret no 6 du : organise l'armée constitutionnaliste en sept corps avec chacun leur nom et leur zone d'opérations.
Doué de flair politique, Carranza n'a aucun talent militaire. Il est bientôt obligé de quitter le Coahuila et de gagner l'État de Sonora où il établit un gouvernement. Il y fait alliance avec Álvaro Obregón, qui se révèle un brillant stratège doublé d'un politicien froid et dissimulateur. Obregón parvient à discréditer le général Felipe Ángeles, son rival parmi les carrancistes. À la tête de 6 000 hommes, dont 2 000 Yaquis, il mène la vie dure aux troupes fédérales dans la région. À la fin de l'hiver 1913-14, il contrôle la plus grande partie de l'État de Sonora.
Retour de Francisco Villa
Lorsque Francisco Villa, exilé au Texas, apprend la mort de Madero, il décide de rentrer au Mexique. Le , il franchit le Rio Grande à la tête de seulement huit hommes[86],[87]. Il se lance dans les premiers combats dans l'État de Chihuahua, dans le nord du pays, tout en évitant soigneusement de s'en prendre aux citoyens et intérêts étrangers, en particulier américains, pour ne pas s'aliéner le soutien matériel et politique du président Woodrow Wilson[88]. Des groupes de guérilleros, d'aventuriers, et d'anciens militaires fédéraux se joignent à lui et, à la fin du mois de , il est à la tête d'une nouvelle armée, très bien organisée et équipée de matériel moderne, la División del Norte (México) (es), encadrée par des militaires de carrière et menée par des généraux ayant appartenu à l'armée régulière.
Sa nouvelle armée est devenue suffisamment puissante pour s'attaquer à la ville de Torreón, un nœud ferroviaire[89].
La prise de la ville consacre sa renommée[90],[91]. Il a mis la main sur d'importantes quantités d'armement, mais surtout du matériel ferroviaire, qui lui permet de se déplacer rapidement dans le nord du pays. Il impose à ses troupes une discipline stricte, qui rassure la population et les résidents américains. Après un échec devant Chihuahua, il s'empare de la ville de Ciudad Juárez au moyen d'une ruse[92]. Huerta, qui prend maintenant la menace au sérieux, envoie contre lui une force supérieure. Du 24 au , Villa remporte cependant la bataille de Tierra Blanca. Après cette victoire particulièrement sanglante - des 12 000 soldats fédéraux engagés, quelque 6 000 sont tués[93] -, il est maître de l'État de Chihuaha et le , il est désigné comme gouverneur par les constitutionnalistes.
Au printemps 1914, l'Ejército del Norte est une machine de guerre bien rodée. Villa attaque la ville de Torreón, que les troupes de Huerta doivent évacuer le . Les premières frictions se produisent entre Villa et Carranza, deux hommes que beaucoup de choses séparent : l'âge mais aussi le tempérament. Carranza est froid et calculateur, tandis que Villa est impulsif et émotionnel[94]. Par ailleurs, les manifestations d'indépendance de Villa irritent Carranza, qui le considère comme un rival potentiel.
Guérilla d'Emiliano Zapata
Zapata n'a aucune raison de renoncer à son objectif de récupération des terres villageoises selon le Plan de Ayala (es) et le réaffirme dans deux communiqués, le 2 et le . Il poursuit la guérilla dans le Morelos et fait exécuter les émissaires que lui envoie Victoriano Huerta. Ce dernier confie la répression au Morelos au général Juvencio Robles. Robles sème la terreur, regroupant les villageois dans les grandes villes et incorporant de force dans l'armée fédérale les hommes en âge de porter les armes[95]. Le seul résultat est de gonfler les rangs des zapatistes. Le , Zapata institue une junte de six membres, dont il est le président et le commandant en chef. En , face à une offensive de Robles qui s'empare de son quartier-général à Huautla, Zapata poursuit la lutte dans les États voisins de Puebla et du Guerrero. Le limogeage de Robles n'améliore pas la situation de Huerta. Le , Zapata s'empare de la ville de Chilpancingo, capitale de l'État de Guerrero[96].
Intervention des États-Unis à Veracruz
Le , des soldats fédéraux arrêtent des marins d'un navire de guerre américain dans le port de Tampico (incident de Tampico). Cet incident dégénère rapidement. L'amiral américain Henry Mayo exige des excuses, mais le président Huerta lui oppose une fin de non-recevoir. Les États-Unis se servirent alors de cet incident pour intervenir dans le conflit entre les troupes constitutionnalistes de Venustiano Carranza et le gouvernement de Huerta. La nouvelle administration de Woodrow Wilson n'est pas favorable à Huerta et a momentanément cessé d'approvisionner en armes les belligérants. Pour contourner cela, le gouvernement huertiste cherche d'autres fournisseurs et doit recevoir des armes et des munitions achetées par l'intermédiaire du vice-consul de Russie Léon Rast, celles-ci arrivant à Veracruz depuis Odessa via Hambourg, sur le paquebot allemand SS Ypiranga (en)[97].
Pour empêcher la livraison d'armes, une flotte de 44 navires des États-Unis[98],[99] (dont les cuirassés Florida, Utah, Rochester, New York, Texas, Montana, Indianapolis, Dakota et la canonnière Prairie)[100] placée sous le commandement du contre-amiral Frank Friday Fletcher [98],[101] cerne le port de Veracruz ; les marines y débarquent le et l'occupent après un bref combat qui fera entre 152 et 172 morts et entre 195 et 250 blessés du côté mexicain, et 17 morts et 61 blessés du côté des marines[102]. 150 civils mexicains auraient été tués[103] et de nombreux blessés chez les civils non comptabilisés.
Le SS Ypiranga sera brièvement bloqué, avant que la Navy des États-Unis ne laisse partir le navire pour respecter les lois internationales, après les protestations de l'ambassadeur d'Allemagne à Washington[104]. L'Ypiranga finit par décharger sa cargaison d'armes à Puerto México, l'actuelle Coatzacoalcos, le [105]. La cargaison, consistant selon un rapport du département de la Justice des États-Unis[106] en 15 770 caisses contenant entre autres des munitions de divers calibres, 250 000 fusils, 20 mitrailleuses, et d'une valeur totale de 607 000 dollars or, est acheminée par train jusqu'à la capitale[107] et finalement livrée au gouvernement de Huerta.
L'occupation du port de Veracruz (Veracruz) dure jusqu'au [97], plusieurs mois après le départ de Huerta.
Chute de Huerta
Le président Wilson veut exploiter l'affaire de Veracruz pour obtenir le départ de Huerta par des voies diplomatiques. Avec trois autres pays (l'Argentine, le Brésil et le Chili) qui ont offert leurs bons offices, il entame le à Niagara Falls en territoire canadien, des négociations avec Huerta en l'absence des constitutionnalistes. Elles n'aboutissent finalement pas, vu l'évolution de la situation militaire sur le terrain.
Sur le terrain, l'étau s'est resserré autour de Huerta, Carranza s'efforce d'éviter que Villa ne soit le premier à entrer dans Mexico. Dans un premier temps, il lui ordonne de s'emparer de Saltillo, la capitale du Coahuila. Villa renâcle mais obtempère, puis se dirige à nouveau vers le sud. Le , après plusieurs jours de combat, lui et les généraux Pánfilo Natera (es) et Felipe Ángeles prennent Zacatecas, une victoire décisive qui ouvre la route de Mexico et donne a Villa l'accès aux mines d'argent de la ville.
Carranza coupe alors l'approvisionnement de Villa en charbon, indispensable pour mener ses troupes à Mexico par le train. Les envoyés de Carranza et Villa se rencontrent à Torreón. Le , ils conviennent que Villa reconnaît Carranza comme « Primer Jefe » de la révolution tandis que Villa garde le commandement de la division del Norte, que Carranza est président intérimaire après la victoire et qu'aucun chef révolutionnaire n'est candidat aux élections présidentielles à venir. C'est le « pacte de Torreón. »
En , Obregón commence à progresser vers le sud le long de l'océan Pacifique. Il évite les assauts frontaux, laissant de côté les villes occupées par des garnisons fédérales, qu'il se contente d'encercler. Au début du mois de juillet, il obtient une victoire significative à Orendain, puis occupe la ville de Guadalajara, évacuée par les troupes fédérales.
Le , Huerta, aux abois, abandonne la présidence. Il quitte le Mexique à destination de la Jamaïque, puis de Barcelone. Francisco Carbajal assure la présidence par intérim. Il essaie de négocier un transfert de pouvoir avec Pancho Villa, qui refuse, puis avec Emiliano Zapata, en échange de la reconnaissance du plan d'Ayala, mais Zapata, qui a atteint les faubourgs de Mexico, rejette également cette proposition[108]. Le , Carbajal quitte le Mexique à son tour. Le 13, à Teoloyucan, Obregón rencontre Eduardo Iturbide, le gouverneur de Mexico et accepte la reddition de la ville. Une des clauses de l'accord prévoit que les troupes fédérales occuperont leurs positions face aux zapatistes jusqu'à l'arrivée des troupes constitutionnalistes[109]. Obregón fait son entrée à Mexico le 15.