Rupture de ligament croisé
rupture complète ou partielle de l'un ou des deux ligaments croisés d'un genou / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Une rupture de ligament croisé (LC), ou déchirure de ligament croisé, est une rupture complète ou partielle de l'un ou des deux LC d'un genou. Dans la plupart des cas, c'est le ligament croisé antérieur (ligamentum cruciatum anterius, LCA) qui est concerné. La cause d'une rupture de LC est le dépassement de la limite de la tension maximale du ligament.
Médicament | Kreuzbanderhalt und Kreuzbandheilung (d) |
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Spécialité | Orthopédie |
CIM-10 | S83.5 |
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CIM-9 | 844.2 |
eMedicine | 307161 |
Les ruptures de LC apparaissent la plupart du temps sans cause extérieure, mais par un changement soudain de direction pendant la course ou le saut. Ce sont les blessures les plus courantes cliniquement concernant l'articulation du genou. La rupture des LC peut être diagnostiquée par une étude des symptômes (tiroir antérieur ou extérieur) lors d'un examen clinique et par la description des conditions de survenue de la déchirure. Ce diagnostic peut être confirmé par IRM et arthroscopie. Les ruptures de LC non soignées peuvent conduire à d'importants dommages dégénératifs du genou. Le traitement peut être d'ordre conservatoire ou chirurgical (microchirurgical par arthroscopie). Le choix du traitement, sa date et la méthode à utiliser, font encore l'objet de discussions très controversées. Il est par contre reconnu généralement qu'aucun traitement ne peut actuellement rétablir l'état d'un LC sain. Les suites à long terme d'une rupture de LC comprennent un risque augmenté de formation d'arthrose du genou, indépendamment du traitement effectué.
Des exercices préventifs peuvent diminuer substantiellement le risque de rupture de LC.
Le genou naturel est composé de trois parties osseuses :
- l’extrémité inférieure du fémur qui a la forme de deux roues accolées : les condyles ;
- l’extrémité supérieure du tibia, encore appelé plateau tibial ;
- la patella (ou rotule) : petit bouclier situé sur l’avant du fémur.
À ceci s'ajoutent d'autres éléments, favorisant le fonctionnement parfois très contraignant de l'articulation (voir schéma) :
- Une couche de cartilage recouvrant chaque partie osseuse en regard d'une autre : condyles fémoraux, partie antérieure du fémur, face postérieure de la patella et plateau tibial.
- Deux petits coussins de cartilage fibreux, les ménisques, disposés entre le fémur et le tibia. En forme de croissant mobile — seules les cornes s'insèrent sur le plateau tibial —, ils augmentent la congruence articulaire et amortissent le contact entre le cartilage du fémur et celui du tibia. Ils sont situés l'un vers l’intérieur (ménisque médial ou interne, qui répond au condyle médial du fémur) et l'autre vers l’extérieur du genou (ménisque latéral ou externe, en regard du condyle latéral).
- Des ligaments assurant la stabilité de l’articulation, et dont les principaux sont :
- deux ligaments croisés :
- le ligament croisé antérieur (LCA) — ligament croisé antéro-externe (LCAE), dans l'ancienne nomenclature —, son origine se trouve sur la surface pré-spinale de l'espace intercondylaire du plateau tibial, entre les cornes méniscales. Il se dirige en haut, en arrière et en dehors pour venir s'insérer sur la surface intercondylienne du condyle fémoral latéral. Le LCA croise en dehors le :
- ligament croisé postérieur (LCP) — ou ligament croisé postéro-interne (LCPI) de l'ancienne nomenclature —, de son origine, sur la surface rétrospinale de l'aire intercondylaire, il se dirige en haut, un peu en avant et en dedans, pour s'insérer sur la surface intercondylienne du condyle fémoral médial.
- Deux ligaments collatéraux : ligament collatéral tibial (ou interne) et ligament collatéral fibulaire (ou externe) maintenant le genou en dedans et en dehors. Les ligaments collatéraux sont également croisés, permettant une bonne stabilité du genou.
- Les ligaments maintenant la patella : le tendon patellaire (rotulien), reliant la patella au tibia et les tendons du muscle quadriceps reliant la patella à la cuisse. Ils assurent la transmission de la traction du quadriceps sur le tibia même en position de forte flexion du genou, la patella agissant comme poulie.
- deux ligaments croisés :
- Une capsule articulaire contenant le liquide synovial qui baigne l'intérieur de l’articulation et y favorise les glissements.
Schématiquement, le LCP est tendu genou fléchi, alors que le LCA est tendu quand la jambe est tendue. Ils sont soumis à de très fortes contraintes, en particulier lors des sports de stop-and-go (démarrage-arrêt) — comme le tennis ou le squash — et de pivot — le football, le ski, le judo… —, ainsi que lors d'activités nécessitant une position à genoux ou accroupie ou dans certains travaux de force.
Les ruptures de LC ne sont des lésions isolées que dans une minorité des cas. Elles sont généralement accompagnées de lésions d'autres tendons et des ménisques[1]. On peut distinguer deux types de ruptures de LC :
- Rupture de LCA ou LCP, avec instabilité sagittale (c'est-à-dire avant / arrière), et test de tiroir positif[2] :
- Instabilité de rotation antéromédiale (AMPI, instabilité de rotation à l'avant, moyenne) : rupture du LCA, fracture du ménisque interne et de la capsule médiodorsale, souvent accompagnée d'une rupture du ligament collatéral médial (nommée unhappy triad, « trio malheureux »)[3].
- Instabilité de rotation antérolatérale (ALRI, instabilité de rotation avant / de côté) : rupture du LCP, du ligament collatéral fibulaire, et de la capsule dorsolatérale[4].
- Instabilité de rotation postérolatérale (PLRI, instabilité de rotation arrière / de côté) : rupture du tendon externe et du LCP, avec instabilité de rotation arrière / moyenne ou arrière / de côté[3].
Le décollement ou l'arrachement du LCA de l'os est substantiellement plus rare que la rupture intraligamentaire[5] et n'est pas une rupture de ligament. Ce cas particulier survient plus fréquemment chez les enfants, particulièrement dans le domaine du tubercule intercondylaire du tibia, et possède en général, par refixation de l'arrachement par exemple avec des vis ou des fils métalliques, de bonnes chances de guérison complète.
Ligament croisé antérieur
Une blessure du LCA arrive typiquement à la suite d'un changement de direction. Souvent, on a affaire à une rotation de la jambe vers l'extérieur, le corps se tournant vers l'intérieur, ou inversement. Le déclencheur peut également être un mouvement d'extension ou de flexion exagéré (respectivement hyperextension ou hyperflexion). Elle arrive également souvent pendant la réception d'un saut lourdement ou sur une jambe tendue, surtout quand l'atterrissage se fait sur les talons, le genou en rotation interne (pied en dedans). Ceci provoque un choc direct sur le tibia, alors que le condyle latéral du fémur est situé sur la partie inclinée vers l'arrière du plateau tibial. Ceci entraîne une force de glissement vers l'avant du tibia, essentiellement encaissée par le LCA.
Dans la plupart des cas, il s'agit de blessures de sport. Ce type de blessures survient surtout dans les sports qualifiés de « stop-and-go » : tennis ou squash, ou dans les sports d'équipe : football, football américain, handball ou basket – souvent par contact. Les ruptures du LCA sont également fréquentes au ski – notamment quand le ski aval se tourne vers l'extérieur, entraînant une rotation du corps alors que la jambe reste fixée sur le ski amont. Ce mécanisme de blessure par rotation vers l'intérieur de la cuisse par rapport à la jambe est aussi désigné par l'expression « mécanisme du pied fantôme »[1],[8]. Une rupture peut aussi faire suite à une luxation de la patella, avec perte soudaine de stabilité de l'articulation du genou.
La perte du LCA perturbe la fonction d'un des deux éléments passifs centraux de guidage (stabilisateurs primaires[9]) du genou. Il en résulte une liberté de mouvement pathologique de la tête du tibia vers l'avant (ventrale), ce que l'on appelle « glissement vers l'avant du tibia ». La capsule articulaire, les ligaments latéraux, le LCP et les ménisques sont sollicités en excès pour freiner ce glissement vers l'avant du tibia. Ceci aboutit à une surextension des structures ligamentaires. Un accroissement de ce glissement aboutit à des lésions des cartilages. Celles-ci sont entre autres conditionnées par la surcharge du cartilage. Une surcharge additionnelle conduit dans ce cas à une usure prématurée, et à une arthrose. Les lésions des ménisques et du cartilage accompagnant une rupture du LCA favorisent le risque d'arthrose[10].
Ligament croisé postérieur
Les ruptures du LCP, plus solide que le LCA, sont plus rares. Elles font suite à un dépassement de l'extension maximale possible du LCP ; ceci arrive en général par une violence externe. La rupture du LCP ne concerne en général pas seulement le LCP. Les blessures sont donc bien plus complexes et touchent généralement l'ensemble de l'articulation du genou. La cause principale d'une rupture du LCP sont les accidents de la route ou ce que l'on appelle plus généralement les accidents de vitesse[11]. Ceci se rapporte au fait que dans la position assise en voiture, le genou est plié. La collision de la jambe avec le tableau de bord conduit à une rupture du LCP. Ce mécanisme est de ce fait désigné par dashboard-injury (« blessure de tableau de bord »)[12],[13]. Cette forme de blessure est d'ailleurs assez rare, et sa prévalence diminue au cours des années. C'est ainsi que dans une étude conduite en Allemagne sur plus de 20 000 victimes d'accident de voiture, on ne note que 5 cas de dashboard-injury[14].
Dans les sports marqués par le contact, comme le football américain, une force agissant de devant-milieu peut conduire à une blessure du LCP. Souvent cette blessure est accompagnée de blessures du LCA, ainsi que de la capsule articulaire arrière[11].
Parmi toutes les blessures au genou nécessitant une intervention clinique, la proportion de blessures des ligaments tourne autour de 40 %[19]. Parmi ces 40 %, deux tiers sont des ruptures de LC : 46 % pour le LCA seul, 13 % pour le LCA et le tendon interne, 4 % pour le LCP seul. Les blessures complexes comprenant des blessures des LC forment une fraction de 19 %. Statistiquement, le LCA subit 10 fois plus de ruptures que les LCP. Aux États-Unis, le rapport des ruptures de LCA à celles de LCP se situe entre 9 et 10 fois, tandis qu'en Allemagne il est de 14 fois. La cause principale de l'incidence significativement plus faible des ruptures du LCP sont d'une part son plus grand diamètre, et donc sa résistance plus élevée, et d'autre part sa fonction de nature différente[20].
La rupture du LCA est non seulement la blessure ligamentaire la plus courante du genou, mais aussi la blessure du genou nécessitant le plus couramment un traitement clinique[15],[21]. En fait, sa fréquence se situe entre 0,5 et 1[22] pour 1 000 habitants, par an (États-Unis, Europe). Les États-Unis totalisent par an de 80 000[23] à 100 000[24] ruptures du LCA. L'incidence culmine dans l'intervalle d'âges de 15 à 25 ans. Les coûts annuels ainsi engendrés s'élèvent environ à 1 milliard de US$[23],[25]. En France, on dénombre, par an, 15 000 ruptures du LCA sur les pistes de ski, dont une grande partie pourrait être évitée par deux semaines de préparation physique par la natation ou le vélo. Pour une raison inconnue, cette lésion est plus fréquente chez la femme que chez l'homme[26]. En Allemagne les coûts des soins dans les hôpitaux pour les « dommages internes au genou » ont représenté en 2002 359,3 millions d'€[27],[28]. Statistiquement, il y a en Allemagne une rupture de LC toutes les 6,5 minutes. Dans un cas sur trois, un ménisque est en outre lésé[29]. En Suisse, les estimations de coûts annuels pour des ruptures de LC se situent entre 200 et 250 millions de francs. Cette somme se décompose en 40 % de soins, 47 % d'indemnités d'arrêt de travail, 2 % en capital par exemple les compensations d'intégrité (une indemnité de pretium doloris prévue par le régime de sécurité sociale suisse), et 12 % de pension d'invalidité (valeurs capitalisées). Ceci s'élève pour chaque rupture de LC à presque 21 000 francs, dont en moyenne 8 350 francs pour les soins[16].
La statistique suisse des accidents (UVG), qui se fonde sur environ la moitié de tous les citoyens suisses, donne 6 350 blessures au LCA par an (1997-2001). Ceci constitue pour l'ensemble de la Suisse de 10 000 à 12 000 cas. Parmi les 6 350 blessures répertoriées, 73 % sont causées par « sports et jeux », 10 % sont des accidents du travail, les 17 % sont répartis entre diverses activités, comme les accidents de la route, accidents domestiques ou autres activités de temps libre[16].
Les femmes ont un taux de blessures supérieur de 2 à 8 fois supérieur à celui des hommes qui pratiquent le même sport. Diverses études montrent que ces blessures arrivent pour l'essentiel sans contact[30]. Selon une étude, les joueuses de basket ont une probabilité 4 fois plus élevée que les joueurs d'avoir une blessure au genou, une opération au genou ou au LCA. Pour les joueuses de football, ce facteur est de 3,41[31],[32]. La raison de l'incidence plus élevée chez les femmes est encore largement ignorée. Les différences anatomiques, comme un jeu mécanique plus grand du genou, une plus grande largeur du pelvis nécessitant de maintenir le fémur oblique, une différence substantielle en coordination et contrôle neuromusculaire (les femmes fléchiraient moins les hanches et les genoux à l'atterrissage), les hormones[33] et les méthodes d'entraînement sont en discussion[24],[34],[35].
La fraction en fréquence des divers sports sur les ruptures de LC dépend très fort des préférences locales pour chaque sport. Aux États-Unis par exemple, les proportions les plus élevées de rupture de LC sont chez les joueurs de basket 20 %, football 17 %, football américain 14 %, tandis qu'en Norvège la séquence est football 42 %, handball 26 %, ski alpin 10 %[36],[37]. En Allemagne, le trio de tête est le même qu'en Norvège[36] ; puis suivent les accidents de la route, et les accidents du travail[38]. Plus de 70 % des ruptures du LCA arrivent sans influence externe, par réception après un saut, par freinage ou changement de direction soudains[39],[40].
Le nombre des ruptures de LC diagnostiquées par an augmente constamment depuis des années. Outre les possibilités de diagnostic améliorées – par lesquelles un nombre croissant de ruptures de LC sont reconnues comme telles – l'augmentation des activités sportives dans la société de temps libre, sont responsables de cette tendance. Sans certaines formes de sport, les ruptures de LC seraient une blessure relativement rares[20].
Outre les facteurs déjà décrits du sport et du sexe, la rupture de LC dépend encore d'autres facteurs de risque. En raison de la fréquence de cette blessure, on dispose de données statistiques abondantes, et d'un grand nombre d'études faites sur ces données. L'étiologie de la rupture du LCA sans contact externe est complexe, et une série de facteurs très différents influent sur le risque d'une rupture. À l'heure actuelle, on ne peut pas expliquer complètement pourquoi certaines personnes ont un risque plus élevé que d'autres à l'égard de cette blessure[41]. Par exemple, on ne comprend pas pourquoi après une blessure du LCA d'un genou, la probabilité de subir la même blessure sur l'autre genou dans l'année qui suit est plus élevée[42],[43],[44],[45],[46],[47]. Ainsi, les joueuses allemandes de football qui ont déjà eu une rupture de LC ont une probabilité plus de cinq fois plus grande d'avoir une nouvelle rupture de LC que les joueuses qui n'ont pas encore subi cette blessure[48]. On distingue les facteurs de risque entre « facteurs intrinsèques » (liés à la personne) et « extrinsèques » (externes). Parmi les facteurs intrinsèques, on compte par exemple la prédisposition génétique ou anatomique, l'état d'entraînement, des effets neuromusculaires ou hormonaux. Du côté des risques extrinsèques, on peut compter la consistance du sol, le temps qu'il fait ou la conception des chaussures.
La connaissance des facteurs de risque de rupture de LC est un point important pour les mesures préventives.
Facteurs de risque intrinsèques
Les facteurs anatomiques sont soupçonnés déjà depuis longtemps. La résistance à la rupture d'un LC dépend directement de sa largeur, qui varie d'un individu à l'autre. Dans une étude anthropométrique, les LCA du genou controlatéral intact de patients victimes d'une rupture de LCA ont été comparés avec ceux d'individus de même poids corporel. Les volumes des LC ont été déterminés par IRM. Dans le groupe des blessés, le volume des LCA contralatéraux était en moyenne 1 921 mm3, tandis que dans le groupe de contrôle, il était de 2 151 mm3. Les auteurs de l'étude en concluent que les différences anthropométriques des volumes – et de la largeur qu'on en déduit – des LC ont une influence directe sur la probabilité d'une rupture de LC sans agression externe[49]. Déjà dans des études précédentes, on a établi une corrélation entre cavité ligamentaire du fémur (notch intercondylaire : voir figure) étroite, liée à des ligaments plus étroits, et un risque plus élevé de rupture de LC[50],[51],[52],[53],[54],[55]. Cependant on n'est pas arrivé à un consensus scientifique, parce que d'autres études aboutissent à des résultats opposés[43],[56],[57]. Par rapport aux hommes, les femmes ont une cavité ligamentaire plus étroite, ce qui pourrait expliquer une incidence plus élevée des ruptures de LC chez les femmes[58],[59].
Les déficits de proprioception[60], c'est-à-dire de la perception de ses propres mouvements corporels et de sa situation dans l'espace, ainsi que les manifestations de fatigue neuromusculaire dans les membres inférieurs[61] et le système nerveux central[62] paraissent être des facteurs de risque de rupture du LCA à la réception après un saut[43]. Dans une étude, il a été établi que les patients présentant une rupture de LC ont des déficits significatifs dans leurs possibilités neurocognitives[63].
Facteurs de risque extrinsèques
Le coefficient de frottement entre la chaussure et le sol est un facteur étiologique de rupture de LC. Un coefficient de frottement élevé est corrélé avec un risque augmenté de blessure[64]. Dans une étude couvrant deux saisons des trois ligues supérieures de Norvège en handball, le coefficient de frottement chaussure/sol a joué un rôle dans les ruptures de LC dans 55 % des cas[65]. Dans les mois les plus froids, il y a moins de joueurs de football américain blessés par rupture de LC que dans les mois d'été. Une cause possible en discussion est la moindre prise au sol pendant les mois les plus froids[66].
Dans une étude sur les ruptures de LCA en football australien, il a également été constaté une relation entre le temps qu'il fait et le taux de blessure. Ainsi, le taux de blessure sur des terrains secs est significativement plus élevé que sur les terrains humides[45]. La cause en est attribuée à un sol plus mou après les averses, ce qui diminue la force de frottement entre chaussure et sol[67].
Également, en Australie, le rapport avec la consistance du sol a été établi. Ainsi, il y a en ligue de football australien moins de ruptures de LC sur du ray-grass que sur le chiendent. Ici encore on suppose une cohésion moindre de la chaussure avec le ray-grass qu'avec le chiendent, ce qui entraîne un transfert de forces moins nocif pour le LC[68].
Symptômes immédiats
La rupture d'un LC s’accompagne généralement d’un ensemble de symptômes parmi lesquels figurent un craquement, une douleur, une sensation d’instabilité ou de dérobement du genou, et un gonflement dans les heures qui suivent[69],[70],[71],[72].
La rupture est souvent accompagnée d'un craquement sec, audible ou perçu, décrit comme un « Plop ! », éventuellement suivi d'une brève douleur[73]. Ce signe est l'un de ceux ayant une forte valeur de prédictive de rupture de LCA, atteignant 100% chez les enfants et adolescents[70],[74].
Une instabilité du genou ou une sensation de dérobement se font souvent remarquer immédiatement, et imposent généralement l'interruption de l'activité sportive. Cette instabilité est toutefois variable selon les individus, et certains skieurs peuvent par exemple terminer leur descente sans gène ni douleur notable.
Le gonflement survient généralement dans les 4 à 24 h suivantes, dû à un saignement interne (hémarthrose). Il survient dans 95 % des cas, limite alors la mobilité du genou, et provoque une douleur due à l'extension de la capsule articulaire. Le plus souvent, le blessé ne peut plus étendre complètement le genou et le tient en position de légère flexion (position la moins désagréable). Avec l'instabilité du genou, l'hémarthrose est un symptôme majeur de rupture de LC[75]. À l'inverse, une rupture de LC est la cause de 50 à 75 % des cas d'hémarthrose[76].
Ces symptômes ont déjà été décrits en 1879 par le Français Paul Segond (1851–1912) : forte douleur dans l'intérieur du genou et saignement intérieur rapide avec enflure correspondante de l'articulation[77]. La cause de ces symptômes est la lésion des fibres nerveuses et des vaisseaux qui courent le long des ligaments. Les premières déclenchent une douleur lors de la déchirure, et les secondes créent l'hémorragie interne de l'articulation.
Quand tous les symptômes sont présents, il s'agit à 90 % de probabilité d'une rupture du LCA (ou des deux LC). En revanche, ces signes ne sont pas systématiques : certaines ruptures partielles ou complètes de LCA peuvent ne s’accompagner que d’une douleur minime, d’un gonflement discret, ne pas provoquer d’instabilité perçue, ou ne pas entraver immédiatement la poursuite d’une activité sportive[78],[71],[72],[79].
Au bout d'une à deux semaine, les symptômes de rupture du LCA s'atténuent généralement[71]. Beaucoup de patients recommencent le sport déjà après deux semaines. Le degré d'instabilité du genou dépend fortement des stabilisateurs secondaires de l'articulation, et de l'état d'entraînement du blessé. Les stabilisateurs secondaires de genou sont d'autres ligaments et faisceaux musculaires périphériques[80]. Ils peuvent en partie reprendre la fonction du LCA pour stabiliser le genou. Beaucoup de patients sont alors largement satisfaits pendant trois à six mois.
Symptômes tardifs
Quand une rupture de LC n'est pas diagnostiquée et n'est pas soignée, il arrive généralement un moment où les stabilisateurs secondaires ne peuvent plus résister aux forces agissant sur le genou, provoquant une altération significative de la biomécanique. De plus, la proprioception et l'équilibre unipodal sont durablement altérée, non seulement du côté du genou atteint, mais également du côté sain[81].
De nouveaux symptômes peuvent alors apparaitre. D'une part, la sensation de giving way ou dérobement (le patient a l'impression, par exemple, qu'en descendant un escalier, la jambe échappe à son contrôle): cela peut aller de la simple gène à des chutes répétées[82],[83]. D'autre part, des douleurs et des œdèmes récidivants, pouvant être causés par des hémorragies internes, ou par des dommages croissants causés aux ménisques, cartilage, et tendons latéraux, notamment lors d'efforts sportifs avec rotation du genou. De tels gestes deviennent difficiles voire impossibles : seuls 10% des patients parviennent à continuer une pratique sportive au même niveau[82],[83].
Lésions complexes
Les ruptures de LCA isolées sont plutôt une exception: jusqu'à 80 % de toutes les ruptures de LC s'accompagnent d'autres lésions. Chez les adolescents, le cas de la lésion isolée du LCA – avant la fermeture des cartilages de croissance (chez les adolescents) – est devenu en quelques années une éventualité de moins en moins exceptionnelle avec l'engouement pour les sports de pivot[38]. Les lésions de ménisques en représentent une partie notable. Dans une étude étendue, on a diagnostiqué pour des ruptures aigües de LC dans 42 % des cas une rupture du ménisque interne et 62 % des cas celle du ménisque externe. Dans une autre étude, on a constaté pour des ruptures de LC, dans l'intervalle chronique (pendant la réparation d'un ligament), dans 60 % des cas une rupture du ménisque interne, et dans 49 % celle du ménisque externe[84]. Si l'on extrait le ménisque blessé, l'instabilité du genou concerné augmente encore. La forte diminution de l'amortissement des chocs conduit en outre à un accroissement des arthroses secondaires[10],[85]. Les ménisques intacts ont une influence positive sur l'opération du LC[86]. C'est pourquoi il est recommandé – quand la rupture de ménisque le permet – de procéder à une consolidation de ce ménisque[87]. Idéalement, cette refixation a lieu en même temps que la reconstruction du LC[88],[89].
Une autre lésion collatérale courante est la rupture du ligament collatéral tibial ou fibulaire du genou. Quand le tendon interne, le ménisque interne et le LCA sont concernés, on parle de unhappy triad (« trio malheureux »). L'arrachement antérolatéral (vers l'avant et de côté) de la capsule osseuse du plateau du tibia, appelé « fracture de Segond » est plutôt rare[1].
Les blessures du cartilage articulaire (chondropathie traumatique) accompagnent de 16 à 46 % de toutes les ruptures du LCA[90].
Plus rare, mais passant souvent inaperçue, est la rupture de l'enveloppe capsulaire arrière externe, avant tout du tendon du muscle poplité (muscle profond du mollet). Cette blessure, si elle n'est pas soignée, conduit à une instabilité du genou, et à une marche visiblement déséquilibrée.
Lésions secondaires tardives
En cas de lésion isolée mais non traitée du LCA, d'autres lésions secondaire apparaissent fréquemment, causées par la modification de la biomécanique de l'articulation (en l'absence du frein ligamentaire, le plateau tibial part vers l’avant lors de certains mouvements, et le genou tient moins bien lors des efforts en rotation).
De nouvelles lésions méniscales s'additionnent généralement à celles causées par le traumatisme initial. Dans les années 1980, la fréquence du recours à une chirurgie méniscales après une rupture de LCA non traitée a pu atteindre 42% à moins de 5 ans du traumatisme, et 68% à plus de 5 ans[83],[91],[92].
Des lésions cartilagineuses semblent également progresser plus rapidement que sur un genou sain, et l'imagerie révèle une augmentation de signes dégénérescence du cartilage hyalin[83],[93]. Toutefois, cela ne s'accompagne pas systématiquement d'une aggravation de symptômes à 10 ou 15 ans par rapport à un groupe témoin[94]. (Les mêmes conclusions ont d'ailleurs été faites à propos de genoux opérés: la présence de lésions cartilagineuses avancées est n'est pas corrélée à de moins bons résultats 10 ans après une ligamentoplastie[95])
Le diagnostic a lieu dans bien des cas avec un retard notable, même quand le patient a consulté un médecin immédiatement après la blessure. Il est observé donnent un retard moyen de 6 semaines à 2 ans[96],[97],[71],[98] entre l'instant de la blessure et la position d'un diagnostic correct. Dans bien des cas en outre, il faut consulter plusieurs médecins avant d'obtenir ce diagnostic. Les diagnostics faux sont la rupture du ménisque ou une entorse[99]. Il s'ensuit que les ruptures de LC sont sous-diagnostiquées[96].
Ces retards sont d’autant plus regrettables que certaines stratégies thérapeutiques développées récemment, comme les réparations sans greffe ou les protocoles ortho-fonctionnels visant la cicatrisation, ne peuvent s’appliquer que dans une courte fenêtre temporelle suivant la lésion[100],[101],[102].
Étude clinique
Trois tests majeurs sont pratiqués sans instrumentation particulière pour un diagnostic initial de la rupture du LCA :
- le phénomène de tiroir vers l'avant : quand le genou est plié, on peut faire glisser la jambe de l'arrière vers l'avant. En cas de rupture du LCP, le phénomène de tiroir vers l'arrière se produit : quand le genou est plié, on peut faire glisser la jambe de l'avant vers l'arrière ;
- Le test de Lachman : Avec un genou légèrement fléchi, on peut tirer le tibia à la main de 5 à 10 mm vers l'avant par rapport au fémur sans sentir de résistance, tandis que dans pour un genou sain, seulement 2 à 3 mm sont possibles sans sentir de blocage ;
- le test de glissement pivotant[103] :
- Le patient est couché sur le côté du genou sain,
- Le genou est étendu et tourné vers l'intérieur (pied en dedans),
- Le médecin appuie sur le côté externe du genou, tout en le fléchissant,
- Un craquement ressenti à une flexion de 30° indique un test positif.
En raison de l'anatomie du LCA, (tendon en deux faisceaux), le diagnostic clinique est souvent compliqué quand une seule partie est déchirée. On peut ainsi avoir par exemple un phénomène de tiroir négatif à 90° de flexion, mais un test de Lachman positif à 15°.
Une insuffisance du LCP peut dans certains cas être jugée par une observation du genou plié à 90° par le côté chez le patient couché. Un abaissement vers l'arrière de la tête du tibia devrait faire penser à une blessure du ligament. En tendant un peu plus les muscles ischio-jambiers (musculature arrière de la cuisse) on peut renforcer ce phénomène. Inversement, en contractant le quadriceps, le tiroir arrière est relevé.
La perte de stabilité augmente avec la flexion du genou et est absente pour la jambe étendue. Ceci explique les douleurs étonnamment faibles d'une rupture isolée. Les douleurs se font sentir avant tout derrière la patella à la montée des escaliers ou à la levée de poids (pression augmentée du fémur sur la patella).
L'instabilité due à une rupture de LC a comme conséquence la surcharge du cartilage et des ménisques interne et externe. Quand l'instabilité n'est pas compensée par la musculature ou éliminée par une opération, il arrive souvent une rupture de ménisque et/ou une usure du cartilage accompagnée d'arthrose.
Procédés d'imagerie
Le diagnostic peut être confirmé par imagerie (IRM). Mais il faut noter que l'interprétation de l'IRM seule pour le diagnostic de rupture de LC conduit à 20 % de faux diagnostics. Cela dépend des images de coupe et de la position appropriée du genou pendant l'IRM. Le radiologue doit connaître avec précision les circonstances qui ont conduit à la blessure, et avoir aussi une bonne expérience de l'étude d'une articulation blessée, pour éviter les faux diagnostics. Pour comparer avec l'IRM, le taux d'erreur du test de Lachman, bien plus simple à accomplir, n'est que de 10 %[104],[105],[106],[107]. L'IRM est donc généralement moins sensible et moins spécifique que l'examen clinique par un orthopédiste qualifié[108]. Le résultat de l'IRM n'a que relativement rarement une influence sur la formulation finale du diagnostic[109] et ne devrait pas servir de remplacement pour une anamnèse soigneuse et la palpation[15]. Plusieurs études arrivent à la conclusion que l'IRM n'a de sens que pour des blessures complexes difficiles à expliquer, et là, pour éviter de poser un diagnostic négatif[110],[111],[112].
Les radios n'apportent aucune contribution immédiate au diagnostic de rupture de LC. Les deux LC sont invisibles à la radio, déchirés ou non. La seule utilité de la radio ne peut servir qu'au diagnostic des complications osseuses possibles.
Arthroscopie diagnostique
La sécurité diagnostique la meilleure est obtenue par arthroscopie diagnostique. Ce procédé représente l'étalon-or pour le diagnostic de la rupture de LC. Ce procédé relève d'une chirurgie invasive au minimum, mais comporte certains risques, comme toute intervention chirurgicale dans le genou du patient[113]. Comme cependant le traitement chirurgical d'une rupture de LC sera conduit par chirurgie arthroscopique, il est possible d'enchaîner celle-ci immédiatement après l'arthroscopie diagnostique, par la résection partielle du ligament (pour une déchirure) ou la reconstruction en cas d'arrachement. Avec l'accroissement de la facilité de l'IRM, le nombre d'arthroscopies purement diagnostiques a nettement diminué ces dernières années[114],[115]. L'arthroscopie diagnostique est quand même utilisée comme précédemment comme procédé de choix pour une compréhension certaine du diagnostic de rupture de LC, en cas d'examen clinique confus et d'IRM difficile à interpréter[113].