Schizophrénie
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La schizophrénie est un spectre de troubles mentaux plus ou moins sévères, chroniques, dans le groupe des troubles psychotiques[1]. Elle apparaît généralement au début de l'âge adulte et affecterait près de 0,72 % de la population, à un moment donné de la vie[2],[3],[4]. Comme les autres psychoses, la schizophrénie se manifeste par une perte de contact avec la réalité et une anosognosie, c'est-à-dire que la personne ne se considère pas comme réellement malade ou considère qu'il n'est pas nécessaire qu'elle soit soignée au long cours, ce qui rend difficile l'adhésion et l'observance médicamenteuse[5].
Symptômes | Psychose, dysfonctionnement cognitif (d), maladie et hallucination |
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Traitement | Psychothérapie |
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Médicament | Armodafinil (en), olanzapine, ziprasidone (en), acétophénazine (en), bexarotène, aripiprazole, thioridazine, fluphénazine, loxapine, (±)-molindone (en), chlorpromazine, halopéridol, rispéridone, brexpiprazole, iloperidone (en), pimozide, chlorprothixène, réserpine, (Z)-thiothixene (en), clozapine, trifluopérazine, clonazépam, carbamazépine, mesoridazine (en), paliperidone, iloperidone (en), (Z)-thiothixene (en), zotepine (en), cariprazine, transclopenthixol (d), perphénazine, (R,R)-asénapine (d), carphenazine (en), Flupentixol, (RS)-amisulpride, pipotiazine et levosulpiride (en) |
Spécialité | Psychiatrie et psychologie clinique |
CISP-2 | P72 |
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CIM-10 | F20 |
CIM-9 | 295 |
OMIM | 181500 |
DiseasesDB | 11890 |
MedlinePlus | 000928 |
eMedicine | 288259 |
MeSH | D012559 |
Patient UK | Schizophrenia-pro |
Les premiers symptômes repérés par l'entourage concernent l'altération du processus sensoriel (hallucinations pouvant se manifester dans tous les domaines sensoriels) et du fonctionnement de la pensée (délire ou idées délirantes, par exemple des idées de référence, de grandeur, de persécution, etc., ou une désorganisation de la pensée), souvent accompagnés par des troubles du comportement. La personne peut entendre des voix qui la critiquent ou qui commentent ses actions (hallucinations auditives). Elle peut voir des objets ou des entités en réalité absents (hallucinations visuelles). Elle peut accorder à des éléments de l'environnement des significations excentriques ou croire qu'ils ciblent sa personne, hors de tout lien logique. Typiquement, la personne schizophrène a l'impression d’être contrôlée par une force extérieure, de ne plus être maîtresse de sa pensée ou d'être la cible d'un complot à la finalité mal circonscrite. Moins évidents mais également invalidants sont les symptômes de type négatif, surtout l'avolition et la réduction de l'expression émotionnelle.
Le DSM V, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, demande aussi pour un diagnostic de schizophrénie une fonctionnalité significativement diminuée en lien avec les symptômes, au niveau personnel ou professionnel (par exemple le travail, l'école, les relations aux autres, la capacité de s'autogérer)[6]. C'est une maladie complexe par le nombre de ses symptômes possibles, et par sa variabilité interindividuelle. Il existe des méthodes rigoureuses de diagnostic, mais elles ne permettent pas d'éviter toutes les incertitudes.
La schizophrénie s'accompagne généralement d'une altération du fonctionnement cognitif (troubles de l'attention, de la mémoire de travail, des fonctions exécutives), affectif et social (réduction des émotions, inversion affective ou labilité émotionnelle avec fort impact dans les relations aux autres). Les troubles atteignent le rapport à son corps, la régulation des émotions, la capacité à entreprendre ou planifier des actions centrées sur des buts, la volonté.
L'espérance de vie des personnes touchées est estimée inférieure à l'espérance de vie moyenne, à cause du risque plus élevé de problèmes de santé (lié à la pathologie ou à son traitement) et d'un plus fort taux de suicide (risque absolu de 5 %[7],[8],[9],[10]).
Les sous-types reconnus sont : la schizophrénie simple, hébéphrénique ou désorganisée, héboïdophrénique, paranoïde (forme la plus fréquente[11]), catatonique, résiduelle, non différenciée.
Les causes de la schizophrénie et les facteurs provoquant ou précipitant les phases aiguës restent mal compris. Outre une prédisposition génétique documentée, d'autres facteurs doivent interagir avec cette prédisposition pour faire éclore la maladie. Par exemple de nombreuses infections sont significativement plus présentes chez les patients schizophrènes et d'autres dérèglements du système immunitaire comme un lien avec des maladies auto-immunes[12] laisse supposer que le système immunitaire et peut-être les infections ont un rôle dans la maladie. Chez le schizophrène, la consommation de drogues, d'alcool et l'exposition à des stimulations sociales ou émotionnelles invasives précipitent les phases aiguës de la maladie.
La schizophrénie est couramment traitée par des médicaments antipsychotiques (neuroleptiques) prévenant les phases aiguës ou diminuant l'intensité des symptômes. Certaines formes de psychothérapie et de soutien éducatif sont prodiguées car elles favorisent le maintien de la personne dans la communauté et au travail. Dans les cas les plus sévères — lorsque l'individu présente un risque pour lui-même ou pour les autres —, une hospitalisation sans consentement peut être nécessaire. Cependant, seule une petite minorité de personnes souffrant de troubles mentaux adopte un comportement dangereux pour les autres.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, les personnes atteintes de schizophrénie sont sujettes à des violations des droits humains, tant dans les établissements de santé mentale que dans les communautés. La stigmatisation de ce trouble est élevée. Cela contribue à la discrimination, qui peut à son tour limiter l'accès aux soins de santé généraux, à l'éducation, au logement et à l'emploi[13].
Historiquement, le psychiatre Emil Kraepelin est le premier, en 1898, à distinguer la démence précoce décrite cinquante ans avant lui par Bénédict Augustin Morel, des autres formes de folie. En 1911, elle est renommée schizophrénie par le psychiatre Eugen Bleuler, description plus adéquate de la maladie que la désignation de Kraepelin.
Ainsi, en 1898, Emil Kraepelin, parlant de la démence précoce, l'ancêtre théorique de la schizophrénie, lui trouve trois variations : la première est l'hébéphrénie (hébé = adolescence, phrên = esprit) qui qualifie une intense désagrégation de la personnalité ; la deuxième est la catatonie, la forme la plus grave ; et la troisième et dernière est la forme paranoïde, la forme la moins grave, s'appuyant sur des hallucinations. En 1911, Eugen Bleuler utilise le terme de schizophrénie, et met en avant cinq symptômes : le trouble de l'association des idées, le trouble de l'affectivité, la perte de contact avec la réalité, l'autisme (mot créé par Bleuler pour désigner un repli extrême sur soi-même) et le syndrome dissociatif.
Selon Roudinesco et Plon, Bleuler s'insurgea « contre le nihilisme thérapeutique de l'école allemande, plus soucieuse de classer que de soigner » ; il créa « le mot schizophrénie pour intégrer la pensée freudienne au savoir psychiatrique ». Freud ne reprit pas la définition de Bleuler, « préférant penser le domaine de la psychose sous la catégorie de la paranoïa » (cf. son étude sur Daniel Paul Schreber)[14].
En 1950, la psychanalyste suisse Marguerite Sechehaye est l'une des premières à adapter la technique freudienne pour traiter une patiente schizophrène, Renée[15].
L’un des premiers traitements de la schizophrénie a été la lobotomie frontale (isolation chirurgicale des lobes frontaux) qui permettait de réduire les hallucinations et les délires mais au prix de lourds effets secondaires (graves troubles cognitifs et du comportement). Elle a progressivement disparu avec l'apparition des traitements médicamenteux.
En 1952, la chlorpromazine est le premier médicament à agir efficacement sur plusieurs des symptômes de la schizophrénie. Découvert par Henri Laborit, Jean Delay et Pierre Deniker, il s'agit du premier neuroleptique, qui marqua un tournant dans l'histoire du traitement de la schizophrénie et des autres psychoses, comme premier succès de la psychopharmacologie. En 1958, l'halopéridol est inventé en Belgique. Il se montre plus efficace et surtout moins sédatif que le chlorpromazine. L'introduction des neuroleptiques s'est étalée sur plusieurs années - voire décennies - car elle suscitait de nombreuses et farouches résistances chez certains psychiatres, entre autres Henri Baruk et Henri Ey en France[16]. En 1956, Gregory Bateson, Donald D. Jackson, Jay Haley et John Weakland publient leur article commun Vers une théorie de la schizophrénie qui introduit le concept de « double contrainte » ou « injonction paradoxale » (double bind). Le rôle du contexte dans l'apparition de la schizophrénie ne vient pas s'opposer aux autres causes possibles : « Là où prédomine la double contrainte comme modèle de communication, si l'attention diagnostique se concentre sur l'individu ouvertement le plus malade, il est constaté que le comportement de cet individu répond aux critères de la schizophrénie. C'est en ce sens seulement qui puisse être accordé à la double contrainte une valeur étiologique »[17].
Le terme « schizophrénie »
Étymologie
Le terme provient du grec σχίζω / skhízô, signifiant « séparer, partager » et φρήν / phrến, « l’esprit ». Il a été proposé pour la première fois, en 1911, par Eugen Bleuler, un psychiatre zurichois qui contestait le terme de démence précoce.
Confusion avec le sens commun
La schizophrénie se traduit par des contours incertains de la personnalité, voire une incertitude pour délimiter son corps physiquement. Il s'agit d'une approximation dans le discernement des contours identitaires, cernés avec difficulté, et non pas d'une dissociation de l'esprit en plusieurs parties.
Ainsi, la schizophrénie ne doit pas être confondue avec le phénomène de personnalités multiples, qui peut concerner plutôt les troubles dissociatifs de l'identité. L'amalgame est pourtant courant, et le terme schizophrénie (ou ses dérivés) est souvent utilisé familièrement à tort, notamment dans les médias ou le cinéma, pour désigner une entité aux facettes multiples, parfois antagonistes, ou un tiraillement entre des propos contradictoires.
Ce mot schizophrène, créé en 1913 comme nom et adjectif, bien qu’expressément scientifique, est entré dans le langage commun, et a été abrégé péjorativement en « schizo », nom et adjectif, vers 1960[18].
Paranoïde et paranoïaque
Le terme paranoïde est souvent associé au nom de schizophrénie et décrit un délire riche, voire créatif[19], illogique et le plus souvent incompréhensible. Il ne faut pas le confondre avec un délire paranoïaque, plus organisé et plus construit.
Débat terminologique
Le terme « schizophrène » est associé à des représentations sociales négatives, à des stéréotypes erronés, et est parfois utilisé comme insulte[20]. En février 2024, un collectif de chercheurs estime qu'un débat terminologique semble inévitable pour faire évoluer le terme « shizophrène » vers un ou plusieurs autres termes plus adaptés, qui permettraient de mieux appréhender les pathologies variées dont sont victimes les patients[21]. Ces chercheurs, inquiets d'une « inconstance scientifique du concept », assortie à la stigmatisation véhiculée par le terme, appellent à ouvrir ce débat en France, espérant en faire un moteur international.
Au Japon, le mot « schizophrénie » (« seishin bunretsu byo » pour « maladie déchirée de l’esprit ») a été officiellement remplacé par « togo shitcho sho » (« trouble de l’intégration ») en 2002 à la suite d'une démarche initiée par des familles de patients. L'expérience japonaise montre par ailleurs que cette nouvelle terminologie, combinée à l'évolution de la société et à l'action des pouvoirs publics de santé, a permis de faire progresser nettement la proportion de patients informés de leur diagnostic, passée de 36 % en 2002 à 70 % en 2004 dans le pays.
L'enquête épidémiologique dite « Enquête de Lausanne » de 1976, sur l'évolution à long terme de la schizophrénie, a été une étude princeps et reste souvent citée même si certains des résultats ont été affinés, modifiés voire infirmés par des recherches plus récentes et plus modernes du point de vue méthodologique.[réf. souhaitée]
L’incidence de la schizophrénie semble équivalente à travers le globe et ne semble pas avoir évolué durant le dernier demi-siècle[22]. La schizophrénie affecterait 0,3-0,7 % de la population, à un moment donné de la vie[2]. En 2019, elle touchait 23 millions de personnes à travers le monde[23]. Chaque année, une personne sur 10 000, âgée de 12 à 60 ans, développe cette pathologie. Elle touche plus fréquemment les hommes que les femmes (1,4 fois plus environ).
En France, 500 000 personnes sont concernées et 300 000 sont prises en charge[24], ce qui en fait un des troubles psychiatriques les plus importants de l'Hexagone.
Le pic de déclaration de la maladie se situe entre 20 et 28 ans chez l’homme et entre 26 et 32 ans chez la femme[25]. Le développement d’une schizophrénie durant l’enfance est beaucoup plus rare que durant la vie adulte[26]. Paradoxalement, la schizophrénie semble avoir une prévalence hétérogène au niveau des cultures, des pays, des régions et parfois des villes. Néanmoins, il semble y avoir des variations d’estimation dues à la subjectivité de sa définition et de son diagnostic[2]. En général, l’âge moyen d’une admission pour schizophrénie se situe entre 25 et 35 ans. Des études ont montré que les personnes à faibles revenus avaient tendance à être diagnostiquées plus tardivement que celles aux revenus plus élevés. Elles sont donc plus susceptibles de vivre sans recevoir de traitement adapté[22].