Seconde guerre italo-éthiopienne
conflit militaire, en 1935 et 1936 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Campagne d'Abyssinie
Pour l’article homonyme, voir Première guerre italo-éthiopienne.
Date |
- (7 mois et 6 jours) |
---|---|
Lieu | Empire d'Éthiopie |
Casus belli | Incident de Welwel |
Issue |
• Victoire italienne • Fondation de l'Afrique orientale italienne • Début de la résistance éthiopienne |
Changements territoriaux | Début de l'occupation italienne de l'Éthiopie |
Soutien logistique : |
500 000[2] à 800 000[3] hommes 3 avions 125 mitrailleuses[4] 3 blindés |
600 000 hommes[5] 549 avions[6] 795 blindés[6] |
150 000 morts | 3 800 militaires, 619 civils morts |
Batailles
Front septentrional
- Invasion de l’Abyssinie
- Offensive de Noël
- 1re Tembén
- Amba Aradom
- 2e Tembén
- Shiré
- Maychew
- Marche de la volonté de fer
Front méridional
La seconde guerre italo-éthiopienne ou campagne d'Abyssinie est un conflit opposant l'Italie fasciste de Benito Mussolini à l'empire d'Éthiopie de Haïlé Sélassié Ier du au . Elle constitue la seconde tentative de l'Italie de s'emparer du pays après la victoire éthiopienne d'Adoua de 1896 lors de la première tentative italienne, victoire non seulement militaire mais aussi politique et diplomatique puisqu'elle avait garanti à cet État africain son indépendance et sa reconnaissance internationale. L'Éthiopie et l'Italie appartiennent à la Société des Nations, qui, selon sa charte, a pour mission d'assurer la prévention des guerres au travers du principe de sécurité collective.
Le déclenchement de cette guerre entraîne ainsi le retrait de l'Italie de la Société des Nations et son rapprochement avec l'Allemagne nazie. Parallèlement, l'incapacité de la Société des Nations à empêcher l'invasion la discrédite sur le plan international, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Malgré la supériorité technologique et logistique des Italiens et l'emploi massif d'armes chimiques, une résistance armée à l'occupation italienne, jamais totalement annihilée, persiste jusqu'au , date de la libération d'Addis-Abeba à l'issue de la campagne d'Afrique de l'Est, menée depuis le nord du pays par les forces britanniques et la 1re division française libre ainsi que par les forces belges au sud du pays.
Contextes nationaux
Au cours des premières décennies du XXe siècle, l'Éthiopie et l'Italie connaissent d'importants bouleversements politiques et économiques, créant les conditions d'une montée des tensions entre les deux États, voisins depuis les conquêtes italiennes en Afrique de l'Est.
Depuis le milieu du XIXe siècle, l'Éthiopie est entrée dans une période de centralisation et de modernisation, accélérée à partir de la fin du règne de Menelik II (r. 1889-1913). Le décès de ce dernier est suivi par une crise politique et l'arrivée au pouvoir de son petit-fils, Ledj Iyasu, dans une atmosphère tendue. Conditions de succession critiquées, politique religieuse remise en cause et antagonisme envers les puissances coloniales voisines (Italie, France et Royaume-Uni) marquent ce court règne de trois années[7]. Il s'achève à la suite d'un coup d'État soutenu par l'Église orthodoxe éthiopienne et une partie de la noblesse, le [8] et qui porte Zewditou Ire à la tête de l'Empire. La souveraine doit néanmoins composer avec Teferi Mekonnen, futur Haïlé Sélassié Ier. La cour éthiopienne des années 1920 devient alors le théâtre d'oppositions entre le parti dit conservateur, représenté par Zewditou, et celui des progressistes, mené par Teferi[9]. Les deux personnalités parviennent malgré tout à cohabiter et diverses réformes, soutenues par les progressistes, sont adoptées : abolition de l'esclavage, modernisations socio-économiques et ouverture au monde extérieur symbolisée par l'adhésion du pays à la Société des Nations en 1923. Ce processus se poursuit après le , date de l'arrivée au pouvoir de Haïlé Sélassié Ier. Ces efforts de centralisation[4] vont toutefois se heurter à la politique plus offensive des Italiens et notamment dans la région de l'Ogaden, province dans laquelle l'incident de Welwel a lieu en 1934.
En Italie, l'arrivée au pouvoir des fascistes en 1922 a relancé idéologiquement les aspirations coloniales de Rome[10]. L'idée de la restauration de la gloire de l'Empire romain constitue une menace évidente pour l'Éthiopie, « symbole permanent et insultant de la frustration coloniale italienne »[10]. Divers arguments sont avancés pour justifier les nécessités de coloniser une nouvelle terre, une opinion qui apparaît dès la fin du XIXe siècle[11]. La rhétorique de Benito Mussolini s'articule autour du thème d'une « Italie prolétaire », « pauvre de capitaux » face aux « nations capitalistes »[11]. L'Éthiopie offre aussi bien de vastes terres agricoles adaptées au « paysan italien » que des richesses naturelles, nécessaires à la politique d'industrialisation voulue par Mussolini[11].
Un autre argument est celui des injustices que subirait l'Italie. Ainsi, lorsque les Alliés discutent au cours de la Première Guerre mondiale de la redistribution des colonies ennemies après le conflit, le gouvernement de Rome en profite pour rappeler ses aspirations dans la corne de l'Afrique[10]. Toutefois, ses demandes ne peuvent être satisfaites. L'Italie demande la cession en sa faveur de la Côte française des Somalis et du Somaliland britannique, une perte bien trop lourde pour les deux États européens[10].
Enfin, les difficultés politiques des fascistes sur la scène italienne auraient poussé, d'après Bahru Zewde, le Duce sur le terrain international, une sorte de « tactique de diversion »[12]. Il explique que « la guerre devient impérative non seulement pour la relance de l'économie mais également comme un moyen de psychothérapie collective »[12]. Un conflit est par conséquent l'occasion de « renforcer la fierté italienne » et démontrer que le fascisme peut permettre au pays de jouer un rôle dans le monde[13].
Face à une Éthiopie à peine relevée d'une phase de vive agitation politique et en pleine réforme centralisatrice, l'Italie prépare méthodiquement l'invasion d'un pays affaibli et mal équipé pour résister à une armée moderne.
Les tumultueuses relations italo-éthiopiennes
Adoua, origine première de la guerre
Les contacts poussés entre l'Italie et l'Éthiopie s'établissent au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle. L'Italie s'installe à Metsewa en 1885, d'où elle lance son projet d'expansion coloniale dans la corne de l'Afrique. Plusieurs affrontements vont s'ensuivre au cours de la première guerre italo-éthiopienne qui s'achève par la victoire de l'Empire éthiopien lors de la bataille d'Adoua le . Malgré leur défaite, les Italiens ont conservé la colonie d'Érythrée qu'ils ont établie en 1890.
L'origine la plus ancienne de la guerre semble bien être la bataille d'Adoua[14]. C'est du moins le point de départ choisi par la littérature politique[14]. Adoua est amplement « exploitée » par le pouvoir politique italien comme le lieu d'humiliation appelant à une « revanche » de la « civilisation » sur la « barbarie »[14]. Cette remarque de Berhanou Abebe est appuyée par l'avis de Paul Henze qui estime que de nombreux Italiens « brûlaient de venger la défaite d'Adoua de 1896 »[13], un élément parfaitement saisi par Mussolini et dont il se sert pour soulever la population italienne en faveur d'une conquête de l'Éthiopie[13].
Adoua n'a toutefois pas mis un terme aux contacts entre les deux États puisqu'une année après la bataille, les rapports diplomatiques sont rétablis[15]. Rome ne pouvant ignorer ce voisin, elle coordonne d'abord sa politique vis-à-vis de l'empire africain avec la France et le Royaume-Uni. Ce rapprochement est marqué par l'accord tripartite de 1906, signé par les trois puissances européennes[15]. Le texte leur reconnaît des intérêts spécifiques en Éthiopie[10]. Seulement, les Italiens, à la différence des Britanniques et des Français, évitent de décrire avec précision les zones d'influences qu'ils revendiquent[10]. L'Italie précise, vaguement, qu'elle désire sous son hégémonie l'hinterland érythréen et somalien, soit le nord et le sud-est de l'Éthiopie[10].
Une politique italienne plus offensive à l'égard de l'Éthiopie
Les ambitions impérialistes italiennes ne sont pas ouvertement dévoilées ; au contraire, il semble y avoir dans les années 1920 un rapprochement entre les deux pays[10].
Ainsi, en 1924, Teferi Mekonnen est accueilli en Italie par une foule enthousiaste clamant « Vive l'Éthiopie ! Vive Teferi ! »[10]. Par ailleurs, les Italiens proposent la cession du port d'Asseb en échange de concessions économiques, un arrangement refusé par l'Éthiopie[10]. Le , les deux pays signent le Traité de Paix et d'amitié censé durer vingt ans[10]. L'annexe, prévoyant la construction d'une route Asseb - Dessé, constitue l'un des principaux objets du traité[16].
Cet accord se révèle plutôt symbolique, aucun des deux pays n'ayant véritablement assuré la mise en œuvre des travaux[16]. Le texte ne parvient pas à cacher la politique plus offensive menée par Rome[16]. Elle se fonde sur deux axes : la politique de subversion, appelée « politique tigréenne »[Note 1] et la politique de persuasion, ou « politique Choane »[16]. La première consiste à monter les populations du Tigré, du Godjam, du Bégemeder et du Wello contre le pouvoir central Choa[16]. Elle est menée par Corrado Zoli, gouverneur d'Érythrée de 1928 à 1930[16]. En même temps, à Addis-Abeba, la légation italienne dirigée par Giuliano Cora mène la politique de persuasion[16]. Plusieurs consulats sont ouverts au début du XXe siècle, à Adoua, Gonder, Debre Marqos et Dessé[16]. Les agents y travaillant récoltent de nombreuses informations politiques et militaires[16],[13].
Bahru Zewde compare cette période des années 1920 à celle pré-Adoua, d'autant plus que les Britanniques, tout comme dans les années 1890, approuvent implicitement[16]. En 1925, un accord est signé entre ces deux puissances européennes dans lequel ils définissent leurs priorités économiques en Éthiopie. Bahru Zewde remarque l' « ironie » d'un accord conclu concernant un pays ayant rejoint la Société des Nations, il y a à peine deux ans, se « moquant » ainsi du statut d'égalité supposé[16]. Il souligne également qu'il y a là « un avant-goût de ce qui allait advenir : l'impuissance de la Société des Nations (SDN) à arrêter l'invasion italienne »[16]. Celle-ci est d'ailleurs le lieu où l'Italie s'oppose le plus ouvertement à l'Éthiopie. Elle y dénonce l'aspect « primitif » d'un pays où l'esclavage n'est toujours pas éradiqué[13]. Il s'agit de présenter cet État comme un membre illégitime[11]. La chanson de propagande Faccetta nera illustre la mentalité de l'époque.
Tensions dans l'Ogaden
À partir de 1924, les Italiens prennent possession de nombreuses localités stratégiques de l'Ogaden en raison des puits s'y trouvant[17]. Parmi celles-ci : Geregube, Welwel, Werder et Geladi[17],[18]. À la fin du mois d', l'Éthiopie, ayant constaté de nombreuses patrouilles italiennes dans la province, décide de réagir[17]. En , une expédition est envoyée dans la région mais elle prend rapidement fin en raison des discussions autour du traité de 1928[17]. Durant ces débats, Mussolini va d'ailleurs refuser d'ajouter au traité une quelconque référence aux frontières et à leur délimitation et ce afin d'entretenir la confusion et y maintenir la présence italienne[17]. La pénétration italienne se poursuit et les soldats parviennent à effectuer la construction d'une route de Damot à Geladi, une zone en territoire éthiopien[17].
Au cours des années 1931 - 1932, l'Italie planifie clairement une invasion et crée, d'après Harold Marcus : un « environnement dans lequel ils [les Italiens] seraient capables de détruire l'indépendance de l'Éthiopie »[17]. 1932 semble être l'année clé puisqu'elle marque le début de l'accumulation du matériel de guerre italien en Érythrée[13] ainsi qu'à l'envoi de forces gouvernementales éthiopiennes dans la région de l'Ogaden afin de prévenir une intrusion[17]. Cette date est également considérée par Bahru Zewde comme le début de la préparation de l'offensive italienne[16]. En fait, il y voit le rôle du contexte européen et note que la décision de Mussolini semble « irréversible » après l'échec de ses ambitions irrédentistes en Autriche, à la suite de la confrontation avec Hitler dans le col du Brenner[12]. John Spencer est plus précis et évoque le mois de , comme point de départ développement du plan d'invasion des Italiens qui prévoient d'utiliser aussi bien l'Érythrée que la Somalie comme base d'opérations[19].
La pénétration italienne se fait en pleine phase de centralisation et consolidation de l'autorité gouvernementale éthiopienne[20]. Haïlé Sélassié Ier souhaite ouvrir des bureaux administratifs et des marchés près des points d'eau et des puits[20]. Dans ces conditions, l'inévitable incident a lieu à Welwel en 1934. Il va constituer pour Mussolini le « casus belli »[12] justifiant l'invasion.
L'incident de Welwel
Au cours des années 1930, le gouvernement éthiopien renforce sa présence militaire dans l'Ogaden où les troupes impériales se font harceler par les Italiens[12]. Au début 1934, les Éthiopiens s'approchent des avant-postes italiens[20]. Rome proteste, arguant que son territoire a été violé, mais refuse de clairement définir les limites de ses possessions[20]. Haïlé Sélassié Ier décide d'envoyer une commission anglo-éthiopienne chargée de démarquer, elle arrive le 22- à Welwel[20]. Après presque deux semaines de tensions, des combats éclatent le [12] et après deux jours, les Éthiopiens, ayant perdu 130 hommes[21], se retirent face à l'aviation et aux blindés des Italiens, qui ont subi des pertes moins importantes : 30 morts et 100 blessés[21]. Pour Harold Marcus, il n'y a pas de doute sur le fait que les troupes italiennes aient « manifestement » agi « d'après des ordres »[20].
Du côté italien, on rejette la responsabilité sur l'Éthiopie et on refuse tout d'abord de soumettre le différend à un arbitrage[21]. En effet, le gouvernement de Rome considère qu'en acceptant cette procédure « il se trouverait sur un pied d'égalité avec l'Éthiopie », ce qu'il juge « inconcevable et impensable »[21]. Par ailleurs, il serait en tort du point de vue légal puisque Welwel se situe en territoire éthiopien[22],[12] en vertu du traité de délimitation signé en 1928 par les deux pays. Or cet argument n'est pas valable selon Rome qui considère que l'agression est éthiopienne[20]. En plus du refus de l'arbitrage, l'Italie exige des excuses de la part du gouvernement éthiopien[22]. Cette nouvelle attitude, plus offensive, de la part de Rome est évoquée par Paul Henze qui déclare qu'après Welwel : « l'Italie fut saisie d'un délire nationaliste qui étouffa la voix de la prudence et les craintes d'un échec »[23].
Quant à Haïlé Sélassié Ier, il décide de saisir la Société des Nations (SDN) le [21]. Les deux communiqués de l'Éthiopie restent sans réponse[24] et dès cette époque, Fitawrari Takele Hawariat, représentant du pays à la SDN, demande au Negusse Negest l'autorisation de préparer la résistance[24], plusieurs mois avant le conflit. En 1935, l'Éthiopie fait à nouveau appel à la SDN lançant ainsi une phase « vaines délibérations », largement influencée par le contexte européen de l'époque qui voit la montée en puissance des revendications allemandes.
La « crise abyssinienne », vers le déclenchement de la guerre
Les discussions post-Welwel de l'époque ont placé la « crise abyssinienne » au centre des débats diplomatiques de l'époque. Toutefois, divers facteurs politiques ont fortement influencé le cours des évènements.
Le poids de la question allemande
L'observation du contexte politique de l'époque permet de comprendre le cadre ayant orienté les discussions, aussi bien au sein qu'en-dehors de la Société des Nations (SDN). À cette époque, deux grandes puissances dominent le globe : la France et le Royaume-Uni[25]. Toutes deux font face à la montée des ambitions allemandes en Europe et la priorité de l'époque est de ne pas s'aliéner l'Italie afin d'éviter la création d'une coalition Rome-Berlin[26]. La question allemande a donc été capitale lors des discussions visant à régler la crise[27]. Les relations italo-allemandes sont à l'époque plutôt tendues notamment après l'assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss en Autriche[28],[29]. L'objectif est donc de ne pas « pousser Mussolini dans les bras de Hitler »[27] en risquant une alliance avec Haïlé Sélassié Ier. Afin d'y parvenir, le Royaume-Uni et la France sont prêts à « sacrifier »[12] l'Éthiopie. La nécessité de ne pas contrarier Mussolini est mentionnée par Berhanou Abebe, celui-ci cite l'historien Max Gallo qui évoque le « problème crucial de l'époque »[30].
La tendance est confirmée par la conférence de Stresa, le , lors de laquelle, « à la grande surprise de Mussolini »[31], la crise éthiopienne n'a aucune importance dans les discussions. Cette rencontre va sceller le destin de l'Éthiopie qui ne peut attendre beaucoup des deux grandes puissances[19].
Les prises de position des deux puissances majeures
Dans la corne de l'Afrique, le Royaume-Uni a été l'allié de l'Italie durant les cinquante dernières années, depuis la cession de Metsewa[Note 2],[19]. Aussi bien Ramsay MacDonald, alors Premier ministre du Royaume-Uni, que Sir Austen Chamberlain sont des admirateurs de Benito Mussolini ; de nombreux officiels anglais ont affiché un certain engouement pour le fascisme[19]. Pour Londres, l'absence d'intérêts en Éthiopie ne justifie aucune intervention[26]. Néanmoins, une autre partie des politiques craint un possible expansionnisme italo-allemand[32]. De plus, la conquête de l'Éthiopie pourrait éventuellement menacer l'empire britannique en Afrique orientale[32]. Ceux en faveur d'une intervention militaire sont rattrapés par la question du coût d'une telle opération[32].
L'Italie, certaine d'avoir neutralisé le Royaume-Uni, veut faire de même avec la France, traditionnellement alliée à l'Éthiopie[3]. Or dans les années 1930, le gouvernement d'Addis-Abeba accélère le basculement d'alliance déjà annoncé par la question allemande et auquel de nombreux Français sont favorables[27]. L'Éthiopie a brusquement augmenté les taxes sur les produits de luxe, venant majoritairement de France[17]. Le , un pacte est conclu entre le Premier Ministre français Pierre Laval et Benito Mussolini[3]. Les Italiens remportent ainsi une victoire diplomatique puisqu'ils obtiennent la non-intervention de Paris lors de l'invasion planifiée en échange d'une coopération contre Adolf Hitler[12]. Cet accord a convaincu Haïlé Sélassié Ier qu'il lui est désormais impossible de compter sur un soutien de la France[33]. Celle-ci va confirmer l'avis du Negusse Negest puisqu'en , en violation de tous les traités en vigueur[3], elle bloque le trafic de matériel militaire à Djibouti[3].
Le rôle des autres États
Une communauté internationale impuissante
Pour de nombreux gouvernements, la guerre est déjà remportée par l'Italie[34]. Aucun État ou même aucune coalition de pays ne semble pouvoir arrêter Benito Mussolini[3]. En fait, la majorité des observateurs pensent même que l'Éthiopie préférerait accepter des concessions plutôt que d'affronter une nation européenne[3]. Haïlé Sélassié ne peut pas compter sur les États-Unis qui ne sont pas membres de la Société des Nations[35] (SDN) et qui sont sur le point de voter une loi isolationniste[25]. En fait, il n'y a pas de véritable raison d'intervention ; le commerce entre l'Éthiopie et les États-Unis s'élève chaque année à moins d'un demi million de dollars[36]. Le rôle des États-Unis reste limité face aux puissances que représentent le Royaume-Uni et la France[37] ; un manque d'influence partagée au sein de la SDN par l'URSS, à peine sortie d'une révolution[25].
En réalité, deux pays gardent de bonnes relations avec l'Éthiopie[38] : le Japon et l'Allemagne. Les deux nations ont des ambitions territoriales et la cause éthiopienne constitue une occasion de distraire la Société des Nations et ses membres[38]. Malgré la détérioration de la situation, le Japon continue à investir en Éthiopie et au printemps 1936, il ouvre une légation[24].
Les contacts entre l'Éthiopie et l'Allemagne
L'Allemagne se montre enthousiaste à l'idée d'une possible défaite de l'Italie, pays opposé à ses ambitions en Autriche[39]. Le scénario de la victoire éthiopienne n'est en effet pas entièrement écarté ; d'après Berhanou Abebe, beaucoup d'experts, de soldats et de voyageurs affirment que le climat rude et le relief difficile peuvent conduire à une défaite italienne ou tout au moins à une guerre longue[39]. Les Allemands veulent neutraliser la Société des Nations et John Spencer note que les décisions importantes d'Adolf Hitler se font à des moments importants de la crise et du conflit[24]. Le service militaire obligatoire est annoncé en mars 1935 alors même que les discussions liées à la crise éthiopienne sont particulièrement intenses à la SDN[24]. Plus tard, la remilitarisation de la Rhénanie se fait à un moment clé du conflit, en [24].
La possibilité d'un rapprochement avec l'Allemagne n'échappe pas à Haïlé Sélassié Ier. Il envoie en , David Hall, un Allemand, à Berlin afin de négocier un soutien militaire[29],[24]. Hitler se saisit de l'occasion et permet à l'envoyé de recevoir, sur un fonds spécial du ministère des Affaires étrangères d'Allemagne, une somme afin d'acquérir : 10 000 fusils Mausers, 10 millions de cartouches, des mitrailleuses et mitraillettes, grenades et médicaments[29]. S'ajoutent 36 canons Oerlikon achetés en Suisse et 30 canons antichars de 37 mm ainsi que des munitions[29]. L'échange est tenu secret tout comme le parachutage du matériel durant le conflit qui sera révélé par Haïlé Sélassié Ier lui-même vingt ans plus tard[39].
Les débats et négociations
Un cadre inapproprié au bon déroulement du processus
Les débats ayant suivi l'incident de Welwel sont influencés par plusieurs éléments. Tout d'abord le manque de collaboration du gouvernement italien qui ralentit et retarde le processus[3]. Publiquement, Rome entretient la confusion entre des annonces de volonté de paix et les préparatifs militaires dans le but d'envahir l'Éthiopie[3]. Haïlé Sélassié Ier espère toujours que les grandes puissances, le Royaume-Uni et la France, « reprennent leurs esprits et interviennent, réalisant que la destruction de l'Éthiopie anéantirait la Société des Nations (SDN) »[26]. C'est d'ailleurs le poids de ces deux États qui conduit la SDN à apporter des solutions tendant à favoriser l'Italie[26]. Les États soutenant l'Éthiopie sont principalement ceux qui tiennent à la survie de la Société[40]. Il s'agit par exemple des « petites nations »[40] telles que les Pays-Bas ou les pays scandinaves.
Premières procédures
Le , Haïlé Sélassié Ier envoie à la Société des Nations (SDN) une requête afin de permettre l'analyse de la situation[24]. Le , la SDN annonce que les deux gouvernements doivent résoudre le différend par un arbitrage[22]. En parallèle à ses débats, le gouvernement de Rome prépare l'invasion[30], une attitude dénoncée le , par l'Éthiopie. Le lendemain, Haïlé Sélassié Ier décide d'initier une procédure, basée sur les articles 10 et 15 du Pacte[21]. La date « ne pouvait être plus malencontreuse »[21] puisque le , Adolf Hitler annonce la remilitarisation. La crainte de Haïlé Sélassié d'une imminente invasion paraît fondée puisque le , Benito Mussolini se dit prêt à « renverser tous les obstacles »[30].
En , la SDN se saisit de l'affaire alors qu'entre-temps, les incidents frontaliers se sont multipliés[41]. L'attitude de Mussolini est résumée par une de ses déclarations : « même si l'Éthiopie m'était apportée sur un plat d'argent, je la veux avec une guerre »[41]. Toujours en mai, les grandes puissances interdisent les ventes d'armes aux deux belligérants, mais la mesure n'a touché que l'Éthiopie[31]. L'Italie disposant d'un accès à la mer, les livraisons peuvent se faire, bien que secrètement. L'Éthiopie est quant à elle entourée par les colonies italiennes, françaises et britanniques, bloquant ainsi la voie maritime[42].
L'échec des discussions
Le , la Société des Nations (SDN) qui renvoie les parties « dos à dos »[43] en se déclarant incompétente sur le traitement de la question de la souveraineté et de la localisation de Welwel. Lors de ce mois, les discussions sont tendues[44]. Pompeo Aloisi, délégué italien décide, en pleine séance, de quitter la salle après quoi il annonce son refus de siéger tant que l'Éthiopie est membre de la SDN[44]. Le , Pierre Laval obtient la mise en place du comité des Cinq qui rédige un plan prévoyant une assistance à l'Éthiopie mais également une participation poussée d'une commission de la SDN dans le gouvernement d'Addis-Abeba dans divers domaines : la police, les finances, la justice et l'éducation[44]. Par ailleurs, il reconnaît un intérêt à l'Italie dans le développement économique du pays[44]. Haïlé Sélassié Ier hésite car il peut difficilement refuser les propositions de l'institution sur laquelle il fonde beaucoup d'espoirs mais le , l'Italie rejette la proposition[44].
Benito Mussolini tient à soulever les forces militaires en insistant sur la conquête militaire de l'Empire éthiopien[45]. Face à l'échec du Comité des Cinq, le Conseil de la SDN confie, le , la préparation d'un rapport en vue de l'application de l'article 15[Note 3] à un Comité des Treize qui poursuit son travail pendant la guerre[45] qui, en cette fin de mois, semble inévitable[46]. Haïlé Sélassié a tenté d'utiliser tous les moyens juridiques[46]. La lenteur de la procédure de la SDN et les réticences des États à freiner l'Italie, ont permis à Mussolini et ses troupes de se préparer et d'être en position pour la fin de la saison des pluies[47]. Pour Samuel Hoare, les discussions ont échoué justement en raison de cette attitude belliqueuse italienne qu'il évoque dans un discours, le , en la qualifiant de « nouvelle éthique de la guerre pour la guerre »[45].