Témoins de Jéhovah
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Les Témoins de Jéhovah forment un mouvement prémillénariste et restaurationniste se réclamant du christianisme. Ils sont issus d'un groupe né aux États-Unis dans les années 1870, connu sous le nom d'Étudiants de la Bible.
Témoins de Jéhovah | ||
Logo du site officiel des Témoins de Jehovah. | ||
Repères historiques | ||
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Fondation | Années 1870 | |
Fondateur(s) | Charles Taze Russell | |
Lieu de fondation | Pittsburgh | |
Siège | Warwick (New York) | |
Fiche d'identité | ||
Courant religieux | pré-millénariste et restaurationniste | |
Dirigeant | Collège central | |
Membres | 8 699 048 « proclamateurs » (2022) | |
Localisation | Monde | |
Site internet | www.jw.org/fr | |
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Les Témoins de Jéhovah sont connus principalement pour leur prédication de porte-à-porte et l'importance qu'ils donnent à la Bible, qu'ils considèrent comme la parole de Dieu. De tendance pré-millénariste, ils annoncent depuis les années 1870 l'intervention imminente de Dieu dans les affaires humaines lors de la bataille d'Armageddon, et ont pour objectif l'établissement du Royaume de Dieu sur Terre, seule solution aux maux de l'Humanité selon eux. Selon leur doctrine, Jéhovah[N 1] est le nom personnel de Dieu, et faire connaître ce nom est primordial pour eux. Ils sont aussi restaurationnistes, c'est-à-dire qu'ils croient que Dieu a restauré le véritable christianisme par leur intermédiaire. De ce fait, ils sont très critiques envers les autres religions, qui pour eux font partie de « Babylone la Grande ». Ils se veulent aussi politiquement neutres et refusent d'accomplir un service militaire.
En 2020, le mouvement revendique près de 8,42 millions de membres actifs dans le monde entier. Par ailleurs, plus de 17,84 millions de personnes, pratiquants et sympathisants confondus, ont assisté à leur célébration annuelle, le « Mémorial de la mort du Christ ». La direction du mouvement est exercée par le Collège central, garant de l'ordre théocratique et de l'enseignement. Il fait éditer à cet effet par la société Watchtower de nombreuses publications, telles que les revues La Tour de garde et Réveillez-vous !
Les Témoins de Jéhovah sont régulièrement accusés d'être une secte, dans le sens d'organisation à dérives sectaires, par les associations anti-sectes et les médias. Ils sont aussi qualifiés comme tels par les sociologues, mais selon des critères moins polémiques. Ils sont l'objet de controverses autour de leur refus des transfusions sanguines, même lorsqu'un pronostic vital est engagé, de leur isolement social, de leur politique d'exclusion et de leur gestion des affaires de pédophilie en interne.
Création du mouvement par Russell
Les Témoins de Jéhovah sont issus d'un mouvement connu sous le nom d'« Étudiants de la Bible », qui a lentement pris forme à partir des années 1870 sous l'impulsion de Charles Taze Russell. Celui-ci est d'abord influencé par le prêcheur adventiste Jonas Wendell, qui ravive sa foi perdue[1]. Ensuite, il entre en contact avec les idées de George Storrs, qui devient l'un de ses principaux maîtres[2], puis (en 1876) avec Nelson Barbour, un prêcheur adventiste indépendant. De ce dernier, Russell reprend les théories annonçant la fin des temps : le Christ est de retour de façon invisible depuis 1874[3],[4], et la destruction de toutes les institutions de ce monde, suivie de l'établissement du Royaume de Dieu, est prévue pour 1914[1],[5],[6],[7].
En 1879, à la suite de différends éditoriaux avec Barbour, Russell commence à publier son propre mensuel : la Watch Tower (La Tour de garde). En 1881, il fonde sa propre société d'édition, la Watch Tower Society, pour diffuser sa doctrine[8]. En plus de La Tour de garde, celle-ci édite aussi entre 1886 et 1904 une série de six livres intitulés L'Aurore du Millénium, qui seront rebaptisés Études des Écritures en 1904[9],[W 1].
Se basant sur les calculs de Barbour, la Watch Tower annonce entre décembre 1880 et mai 1881 que les Étudiants de la Bible pourraient être enlevés au ciel en octobre[10],[11],[12]. Avant la date fatidique, Russell commence toutefois à nuancer ses propos. S'ensuit une rupture avec deux de ses principaux collaborateurs : Jones et Paton, qui fondent des publications concurrentes et entraînent avec eux une partie des lecteurs de La Tour de Garde[13]. D'autres conflits éclatent ensuite. En 1894, des critiques internes au mouvement accusent Russell d'être impudique et d'accaparer les biens de ses fidèles[14]. Pour contrer cette révolte, Maria, sa femme, élabore la doctrine de l' « Esclave fidèle et avisé » , attribuant à son mari ce rôle d'une parabole de Jésus, et légitimant ainsi son autorité spirituelle[15]. Pourtant, en 1897, elle quitte le foyer conjugal à la suite d'un conflit avec son mari. Après de nombreux rebondissements, la séparation de corps est décidée par le tribunal en 1906[14]. Entre 1908 et 1911, une controverse éclate encore sur des points de doctrines[16]. En 1911, le journal The Brooklyn Daily Eagle accuse Russell d'escroquerie à la suite de la vente d'un « blé miraculeux », vendu par ce dernier bien plus cher que le blé normal. Une caricature publiée par ce journal conduit Russell à le poursuivre en justice jusque devant la Cour suprême de New York, mais il perd son procès en 1915[17].
Malgré ces conflits, le zèle de Russell reste intact tout au long de sa carrière. En 1881, il lance un appel pour trouver 1000 évangélisateurs[18]. En 1903, il décide de publier ses sermons dans les journaux et arrive quelques années plus tard, à le faire dans un maximum de 2024 journaux dans cinq pays anglophones[19]. Il fait de nombreux voyages dans le but de prononcer des discours. Il loue d'abord un wagon, puis un train entier. Déplaçant jusqu'à 240 personnes, il fait le tour du monde entre 1911 et 1912[20]. En 1914, il fait réaliser le « Photo-Drame de la création », une projection de diapositives synchronisées manuellement avec des enregistrements phonographiques, qui attirent plus de 10 millions de spectateurs dans les premières années de la Première Guerre mondiale[21].
En 1914, le groupe des Étudiants de la Bible dépasse les 13 000 membres, sans compter les sympathisants[22]. Cette année-là, Russell interprète le déclenchement de la Première Guerre mondiale comme étant le début de l'accomplissement des prédictions. Il annonce alors Harmaguédon pour 1918, mais décède deux ans avant, en 1916. Sa mort laisse ses disciples dans le désarroi[23],[24].
Restructurations sous Rutherford
En janvier 1917, Joseph Franklin Rutherford est élu en tant que nouveau président de la Watch Tower Bible and Tract Society[25]. Dès le début de sa présidence, il doit faire face à une crise de succession initiée par Johnson, un proche collaborateur de Russell, et par quatre autres directeurs de la Société. Le conflit devient public le jour de l'annonce par Rutherford de la publication d'un livre intitulé Le Mystère accompli, qu'il présente comme le septième volume des Études des Écritures de Russell[26],[27]. Rutherford démet de leurs fonctions les quatre directeurs et expulse aussi Johnson des quartiers généraux[28]. Les contestataires tentent de faire nommer Menta Sturgeon, ancien secrétaire de Russell, à la place de Rutherford lors de l'élection de janvier 1918, mais leur tentative échoue[29], ce qui entraîne un schisme[30].
Dans le nouveau livre Le Mystère accompli, diffusé notamment au Canada et aux États-Unis, le mouvement condamne le patriotisme et le militarisme alors que la Première Guerre mondiale fait rage[31],[32]. La répression ne se fait pas attendre. En janvier 1918, la diffusion du livre est interdite au Canada. Le 8 mai 1918, Rutherford et sept des dirigeants du mouvement sont incarcérés. Ils ne sont libérés qu'après le retour de la paix, soit le 25 mars 1919[33], et les poursuites sont finalement abandonnées en 1920[34].
À peine libéré, Rutherford entame une réorganisation complète du mouvement. Il centralise l'autorité en transformant, en à peine treize ans, les églises ou ecclésias indépendantes en congrégations sous les ordres de la société Watchtower[35], et fait de la diffusion de son message l'activité principale des ecclésias. En 1919, à l'occasion de la publication d'un nouveau périodique nommé le Golden Age (L’âge d'or), Rutherford met en place dans chaque ecclésia un représentant de la société Watchtower, chargé de superviser sa diffusion de porte-à-porte. Petit à petit, ce représentant va superviser les nouvelles activités réclamées par Rutherford[36],[37]. À partir de 1920, les ecclesias doivent couvrir un territoire donné[38] et les fidèles doivent remettre un rapport d'activité[39]. En 1932, Rutherford modifie l'élection locale des dirigeants : les nouveaux élus doivent être approuvés par lui avant d'être nommés[40]. Toutefois, ce n'est qu'en 1938 que tout vestige de démocratie est aboli et que le mouvement est appelé une « théocratie » (l'ensemble de l'organisation est officiellement dirigée par Jésus-Christ, mais dans la pratique Rutherford est le seul dirigeant visible)[41],[40].
Le livre de 1917, Le Mystère Accompli, annonce la destruction des religions pour 1918[42], suivie d'une période d'anarchie généralisée pour 1920[43]. En 1920, la brochure Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais met en avant, comme cela avait été déjà fait en 1917[44], la résurrection des prophètes comme Abraham, Isaac et Jacob, ainsi que le début du millénium pour 1925[45],[46],[47],[W 2]. Ce livre est traduit en onze langues et devient rapidement un best-seller, ce qui marque le début d'une importante campagne de prosélytisme[45]. Toutefois, l'année 1925 passe sans que les évènements annoncés se produisent.
La doctrine du mouvement subit des changements encore plus radicaux, Rutherford s’efforçant d'effacer progressivement le souvenir de Russell et de ses enseignements. Ainsi, les années 1874-1914, qui représentent pour Russell la transition entre le présent monde et le millénium, ne sont désormais considérées que comme un temps de préparation, ravalant ainsi le Pasteur au rang d'un simple précurseur du Juge[48]. En plus de cela, Rutherford défend une interprétation de la Bible qui contribue à couper ses fidèles des autres chrétiens et de leur environnement[49]. Durant sa présidence, il interdit de nombreuses pratiques : la célébration de Noël (1928), les anniversaires, la fête des Mères, le salut au drapeau et les vaccinations[W 3] (mesure abolie par son successeur)[50]. De plus, toute participation à la vie politique est prohibée[51]. En 1931, le mouvement prend le nom de « Témoins de Jéhovah » pour se démarquer des autres « Étudiants de la Bible »[52],[53]. Il se démarque encore un peu plus du reste de la chrétienté lorsqu'en 1936, la croix est considérée comme un symbole païen, Rutherford déclarant alors que Jésus est mort sur un poteau[50]. L'important travail de restructuration du mouvement, la non-réalisation des prophéties et le durcissement de la doctrine, donnent lieu à de multiples schismes avec des Étudiants de la Bible restés plus fidèles aux enseignements de Russell[54],[55].
Tout au long de sa présidence, Rutherford est critiqué pour son mode de vie. En pleine crise des années 1920, il possède deux Cadillac et de nombreux logements luxueux, dont une villa du nom de « Beth Sarim »[56], ce qui fait contraste avec le mode de vie de sacrifices encouragé chez les fidèles[57],[W 4]. Walter Salter, le responsable de la filiale canadienne lui en fait le reproche[58] ainsi que l'avocat du mouvement Olin R. Moyle. Ces derniers, ainsi que d'autres Témoins de Jéhovah, lui reprochent en outre ce qu'ils considèrent comme une consommation excessive de boissons alcoolisées[59].
Sous le régime nazi
En 1933, avec l'arrivée des nazis au pouvoir, les Témoins de Jéhovah sont interdits en Allemagne. Pour faire lever cette interdiction, ils envoient une « déclaration de faits » rédigée tant par les dirigeants américains qu'allemands, au chancelier du Reich Adolf Hitler[60],[61]. Pour l'historien James Penton, cette déclaration est ouvertement « antisémite », et s'accompagne d'une lettre « flagorneuse » directement adressée à Hitler[62]. Vivien Perrec précise que cette lettre, si elle est très connue par l'historiographie externe au mouvement des Témoins de Jéhovah, est en revanche passée sous silence par l'organisation[63]. Cette tentative de conciliation est un échec, et durant les années qui suivent, les persécutions envers les Bibelforscher prennent différentes formes : interdictions, arrestations, internements, emprisonnements et déportations[64]. Les Témoins de Jéhovah allemands sont au nombre d'environ 20 000 en 1933[65]. Avant la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, 6 262 d'entre eux sont arrêtés et, sur ce nombre, 2 074 sont envoyés dans des camps de concentration[W 5],[66],[67]. Parmi les Témoins de Jéhovah allemands, environ 1 200 perdent la vie dans les camps, dont 250 par exécution[68].
En cette période de montée des nationalismes, puis de guerre mondiale, l'antipatriotisme des Témoins de Jéhovah leur vaut d'être réprimés non seulement dans les pays de l'Axe, mais également, dans une autre mesure, dans les pays alliés[69],[W 5],[N 2].
Organisation et accroissement sous Knorr
Lorsque Rutherford décède en 1942, il est remplacé à la tête de l'organisation par deux hommes qui se partagent les fonctions principales : le président Nathan Knorr, qui s'occupe de l'organisation et du prosélytisme, et Frederick Franz, l'écrivain et idéologue[70]. Knorr met en place de nouveaux moyens de formation pour améliorer l'efficacité de la prédication[71]. Il fonde à cet effet l'« École de Guiléad », où sont formés les missionnaires qui sont envoyés dans le monde entier. Puis il réorganise les congrégations dans ce même but, instaurant des « écoles du ministère théocratique » pour y entraîner les prédicateurs à l'art de convaincre[72]. Les résultats sont importants : durant la présidence de Knorr, entre 1942 et 1977, le nombre de Témoins passe de 108 000 à plus de 2 millions[73].
Dès le début de sa présidence, Knorr décide que toute la littérature de la société Watchtower sera publiée anonymement, mettant ainsi en avant l' « Organisation de Jéhovah » plutôt que des hommes[74]. Cette logique est appliquée lorsqu'en 1961, elle publie pour la première fois sa propre version complète de la Bible : La Bible : Traduction du monde nouveau. Dès sa parution, cette traduction suscite la polémique, étant considérée comme biaisée par nombre de spécialistes[70].
À partir de 1945, le mouvement interdit les transfusions sanguines, mais autorise les vaccinations à partir de 1952[75]. Les principes d'exclusion (renommée plus tard « excommunication ») sont précisés dès 1967[76].
La crise de 1975 et ses conséquences
En 1966, l'organisation, qui a toujours enseigné l'imminence de Harmaguédon, se risque à nouveau à annoncer une date : 1975[77],[78],[W 6]. La ferveur des fidèles redouble, amenant un prosélytisme accru[79]. Ainsi, le nombre de baptêmes, qui stagne entre 1960 et 1966 autour d'une moyenne de 65 153 par an, ne cesse de croître ensuite, passant de 58 904 en 1966 à 295 073 en 1975[80].
Après 1975, il faut bien constater qu'Harmaguédon n'est pas arrivé comme prévu. L'échec de cette prédiction amène une nouvelle crise, qui est amplifiée d'une part par une tentative du Collège central de régenter la vie sexuelle des couples mariés, d'autre part par l'interdiction de consommer du tabac[81]. Sur un total de plus de 2 millions de Témoins de Jéhovah, 551 000 quittent le mouvement entre 1975 et 1979, alors qu'ils n'étaient que 95 000 à le faire en 1973-1974[82],[83].
Cette crise touche également les instances dirigeantes. Une réforme interne donne en 1976 l'essentiel des pouvoirs au Collège central, le président n'ayant plus qu'un rôle administratif sur la société Watchtower, elle-même ramenée à son rôle d'entité commerciale[84]. Quand Knorr meurt en 1977, Frederick Franz lui succède avec un pouvoir limité. C'est dans ce contexte que Raymond Franz, neveu du président et lui-même membre du Collège central, se trouve en désaccord avec une partie de l'enseignement et des pratiques de ses coreligionnaires, et démissionne avant d'être exclu en 1981[85],[86]. Raymond Franz écrit par la suite deux livres décrivant les rouages internes du Collège central et ses dérives : Crise de Conscience et À la recherche de la liberté chrétienne.
Histoire récente
En 1986, le mouvement met en rapport la proclamation cette année-là par l'ONU de l'« année internationale de la paix » avec le texte de 1 Thessaloniciens 5 : 2, 3 prédisant « une destruction soudaine » à ceux qui diront « paix et sécurité »[87]. En 1992, ils s'affilient pourtant secrètement en tant qu'ONG à cette organisation[88]. En 2001, lorsque l'affaire est rendue publique par le journal anglais The Guardian, les dirigeants Témoins de Jéhovah demandent immédiatement leur désaffectation, ce qui leur vaut d'être qualifiés d'hypocrites par le journal[89].
En 1995, ils abandonnent l'idée que bon nombre de ceux qui étaient nés avant 1914 verraient nécessairement la guerre d'Armageddon de leur vivant. Le mouvement continue toutefois de présenter cet évènement comme étant très proche[90],[91].
En 2000, le Collège central se sépare de la gestion matérielle de l'organisation. Ses membres démissionnent de leur position au sein des conseils d'administration des différentes entités juridiques internationales, pour se consacrer en priorité à l'enseignement religieux. Ils continuent néanmoins d'être consultés sur les projets du mouvement[92].
En 2004, alors que la valeur de l'immobilier flambe à New York, les témoins de Jéhovah commencent à déménager leur siège mondial de Brooklyn. Entre 2004 et 2018, ils y vendent une trentaine de propriétés, pour un total de près de 2,2 milliards de dollars[93]. En 2009, ils achètent un terrain à Warwick[94] pour y reloger leur siège mondial. Le coût de construction du nouveau siège est estimé à 11,5 millions de dollars[95].
En avril 2017, la Cour suprême de la fédération de Russie interdit les Témoins de Jéhovah pour extrémisme, ordonnant la fermeture de la filiale du pays et la dissolution de toutes les associations locales. Le mouvement, qui compte alors 175 000 adeptes en Russie, est accusé de détruire les familles, de promouvoir la haine et de représenter un danger pour la vie humaine[96]. Cette interdiction est largement condamnée en Europe et aux États-Unis[97]. À la suite de cette interdiction, des Témoins de Jéhovah sont condamnés et emprisonnés en Russie[98].
En mars 2020, lors de la pandémie du Covid-19, les réunions se sont déroulées en visioconférence et l’évangélisation s’est faite par courrier postal, téléphone ou courrier électronique[99].
En 2021, le collège central a pris position en faveur de la vaccination expérimentale anti Covid-19, tout d’abord en disant que les vaccins disponibles en Europe ne contenaient pas de sang, puis en indiquant que plus de 90% des personnes travaillant au siège mondial et dans les filiales étaient vaccinées[100].
En avril 2022, les réunions ont repris dans les salles du Royaume. Elles ont été organisées dans un format hybride : en présence et en visioconférence[101].
En 2023, les formations pour les anciens et les pionniers se font uniquement en présentiel et ne sont pas autorisées aux personnes non vaccinées contre la Covid-19[102]. La pression du collège central des Témoins de Jéhovah pour se faire vacciner contre la Covid-19 a suscité de nombreuses divisions au sein des assemblées[103]. Depuis octobre 2023, les Témoins de Jéhovah ne sont plus contraints à rapporter leur prédication mais seulement dire s'ils ont prêché au cours du mois ou pas. Cette mesure ne concerne pas les pionniers qui continuent à rendre un rapport d'activité mensuel[104].
Structure organisationnelle
La direction spirituelle des Témoins de Jéhovah est exercée par un directoire d'hommes âgés[105], nommé le Collège central, seul compétent pour définir la doctrine[106]. C'est de là que sont pilotés le fonctionnement, l’enseignement et les nominations des responsables[107].
Le monde est divisé en « zones », qui rassemblent plusieurs filiales[107]. Une filiale, appelée aussi « béthel »[N 3], est animée par un comité composé de trois à sept membres[108]. Elle est chargée d'organiser l'activité des Témoins dans le pays où elle se trouve[109] et parfois dans certains pays limitrophes. Son champ d'action est lui-même subdivisé en un ensemble de territoires appelés « districts », qui sont eux-mêmes subdivisés en « circonscriptions »[107].
En 2009, la société Watchtower dénombrait 118 filiales[W 7]. Toutefois, des regroupements ont fait chuter ce chiffre à 87 en 2020[W 8].
Dirigé par la filiale, un « surveillant de circonscription » supervise des groupes d'une vingtaine de congrégations et les visite deux fois par an[110]. Les membres de chaque congrégation, dont le nombre peut parfois dépasser la centaine, sont sous la responsabilité d'un « collège d'anciens ». Ce dernier est responsable d'organiser les réunions et la prédication, de conduire les « comités judiciaires » et de gérer les finances de la congrégation[111].
Dans les congrégations, les assistants ministériels secondent les anciens dans leurs tâches d'enseignement et de gestion matérielle. Ils peuvent diriger des parties subalternes des réunions, et aussi gérer des activités sans responsabilités lourdes, comme la sonorisation et l'approvisionnement en revues[112].
Parallèlement à cette hiérarchie, des fonctions spéciales d'évangélisateurs existent. Elles sont accessibles également aux femmes. Le siège mondial envoie aussi des missionnaires, seuls ou en couple, dans les pays qui manquent de Témoins[113]. Au niveau local, des pionniers s'engagent à « prêcher », c'est-à-dire tenter de convaincre autrui du bien-fondé de leurs croyances, durant un certain nombre d'heures par mois. Selon le Nouvel Observateur, l'apprentissage du démarchage, qui est régi par le protocole imaginé par la Watchtower, est « une vraie préparation commerciale »[114]. En 1984, un pionnier spécial devait faire 120 heures de « prédication » par mois, un pionnier permanent 90, et un pionnier auxiliaire 60 heures[115]. Cela a baissé au cours des années. En 2018, un pionnier spécial doit toujours faire 120 heures, mais un pionnier permanent ne doit plus en faire que 70 et un pionnier auxiliaire 50. Ce dernier a même la possibilité de voir ce nombre d'heures réduits jusqu'à 30 au cours de certains mois, notamment lors des visites du surveillant de circonscription et le mois du mémorial. Le but de cette démarche est d'encourager plus de fidèles à opter pour ces formes de services.
La généralisation des digicodes et les nombreux refus des démarchés à domicile, refus qui finissent par atteindre le moral des prosélytes, est peut-être à l’origine du changement de stratégie qui voit actuellement les Témoins de Jéhovah aborder désormais les gens sur les lieux publics[114].
Effectifs
La société Watchtower utilise plusieurs statistiques pour rendre compte du nombre de ses membres. Le nombre de « proclamateurs » rend compte de ceux qui rendent un rapport d'activité de porte-à-porte. Ils étaient 8 424 185 dans le monde en 2020. L'assistance à la commémoration de la mort du Christ, leur célébration annuelle, est également un indicateur important. En 2020, plus de 17,84 millions de personnes, pratiquants et sympathisants confondus, y assistaient[W 8].
À quelques exceptions près, les Témoins de Jéhovah sont présents dans le monde entier. Parmi les pays qui comptent le plus de Témoins de Jéhovah, les États-Unis d'Amérique dépassent les 1,2 million de « proclamateurs »[118]. Suivent le Brésil et le Mexique, qui en comptent chacun plus de 800 000. En tout, 24 pays en rassemblent plus de 100 000, dont la France[119], le Canada[120] et la République démocratique du Congo[W 8],[W 9].
Les statistiques fournies par la société Watchtower indiquent que depuis 1998, le nombre annuel de baptêmes s'est stabilisé à environ 300 000, pour un accroissement d'environ 150 000 nouveaux fidèles par année[121].
Aspects financiers
La société Watchtower dispose de revenus financiers assurés principalement par les dons des fidèles. Une partie de la somme récoltée dans chaque congrégation est généralement reversée à la filiale locale. De plus, chaque fidèle peut aussi faire des dons en espèces ou en nature directement à la filiale locale, sans passer par la congrégation[122].
En 2001, la société Watchtower était classée parmi les 40 sociétés générant le plus haut revenu à New York, atteignant les 951 millions de dollars de recettes annuelles[123]. Cette même année, elle annonce avoir dépensé « plus de 70,9 millions de dollars pour permettre aux pionniers spéciaux, aux missionnaires et aux surveillants itinérants d’accomplir leur ministère »[W 10]. Selon certaines estimations, la fortune totale de la société Watchtower s'élève bien au-delà d'un milliard de dollars, et est surtout constituée de biens immobiliers[124]. Cette puissance financière n'est que rarement destinée à des œuvres sociales ou humanitaires, mais est principalement réinvestie dans le prosélytisme[125].
Importance de la Bible
Les Témoins de Jéhovah se revendiquent comme un mouvement chrétien dont les dogmes et les croyances sont fondés sur leur réécriture de la Bible[126] qu'ils considèrent comme la parole inspirée de Dieu[127] et dont ils ne retiennent que les 66 livres figurant dans le canon protestant[N 4]. Leur interprétation est considérée par eux comme intégralement véridique[128]. Elle est donc selon eux scientifiquement et historiquement exacte et digne de foi. De plus, ils considèrent qu'elle a déjà prédit l'avenir, notamment des événements pour notre époque, principalement dans le livre de l'Apocalypse (ou « Révélation »)[128].
Dans les faits, le contenu de la doctrine, que les Témoins de Jéhovah nomment « la vérité »[129], vient de l'enseignement du Collège central[130]. Ce dernier dispense une interprétation plutôt littérale de la Bible[131], mêlée de commentaires allégoriques concernant principalement (mais pas exclusivement) les livres de Daniel et de la Révélation (Apocalypse)[132]. Le mouvement prétend qu'il est impossible de comprendre pleinement la Bible sans recourir à son aide[W 11],[133]. Qu'elles soient littérales ou non, le mouvement présente indistinctement ses interprétations comme étant « bibliques » ou « basées sur les Écritures », même lorsqu'elles sont « spécifiques aux Témoins »[134]. Ainsi, des affirmations chronologiques, qui ont dû être révisées ou annulées par la suite, comme les prédictions pour l'année 1925, l'entrée de l'humanité dans « les derniers jours » en 1799, ou le début d'une « présence invisible » du Christ depuis 1874, furent présentées comme étant « incontestables », « d’origine divine » ou « clairement indiquées dans les Écritures »[135],[136]. Chaque Témoin de Jéhovah est encouragé à lire et à étudier la « Traduction du monde nouveau », sachant qu’aucun n'est autorisé à dévier de cette traduction sous peine d'être accusé d'apostasie et d'être excommunié[137],[138].
Jéhovah, Dieu et la création
Les Témoins de Jéhovah croient en un Dieu unique, qu'ils adorent sous le nom de Jéhovah[139], une forme latine médiévale du tétragramme « YHWH »[140]. Ils récusent le dogme de la Trinité, commun aux chrétiens, qui n'est selon eux pas biblique[141]. Pour eux, l'Esprit Saint dont parlent les Écritures est la force agissante de Dieu, et non une personne[142]. Selon leur doctrine, Jésus-Christ a préexisté avant de venir sur Terre. Il est l'archange Michel, le seul ange qui a été créé directement par Dieu, c'est en ce sens qu'ils comprennent son titre de fils de Dieu. Il a ensuite participé à la création de toutes les autres créatures[143].
Selon la doctrine, Satan est à l'origine un ange créé parfait par Jéhovah, mais qui se serait rebellé par la suite. S'appuyant sur le récit de la création contenu dans la Genèse, les Témoins de Jéhovah croient que les premiers humains Adam et Ève ont été créés parfaits et placés dans le paradis terrestre par Jéhovah. Ils lui ont ensuite désobéi, tentés par Satan déguisé sous la forme d'un serpent. C'est depuis ce péché originel que l'homme est mortel[144].
Salut et vie après la mort
Pour les Témoins de Jéhovah, la croyance en l'immortalité de l'âme est contraire aux Saintes Écritures. Selon eux, rien ne survit à la mort de l'individu[145]. Il n'existe donc pas d'enfer où les âmes subissent une damnation éternelle[146]. Les Témoins de Jéhovah croient néanmoins à la résurrection future tant des justes que des injustes[147]. Pour les plus impénitents, la géhenne dont il est question dans la plupart des Bibles représente simplement une destruction définitive, une mort sans résurrection possible[148],[149].
À la suite de la faute d'Adam, Jéhovah aurait prévu un plan de salut pour l'homme. Il aurait envoyé Jésus son fils, qui est né de la Vierge Marie en tant qu'homme parfait, afin d'enseigner aux hommes la vérité sur Dieu et leur montrer la voie à suivre pour obtenir la vie éternelle. Jésus aurait donné sa vie en rançon pour racheter la faute d'Adam, suivant la loi du talion, vie parfaite contre vie parfaite[150]. Pour profiter de ce rachat et obtenir la vie éternelle, il faut selon les Témoins de Jéhovah appartenir à leur organisation, qu'ils considèrent comme l’« Organisation de Jéhovah », et faire ce qu'ils comprennent comme étant la volonté divine[151],[W 12].
Le salut peut différer suivant les fidèles. Pendant des années, Dieu aurait choisi des humains pour vivre au ciel, afin de devenir rois et prêtres avec son Fils, ces fidèles sont appelés « oints », « 144 000 » (voir 144 000 (nombre)) ou « petit troupeau ». Depuis 1935, la majorité des Témoins de Jéhovah se verraient offrir la vie éternelle sur une terre paradisiaque. Ces fidèles sont appelés « la grande foule » en référence à un passage du chapitre 7 de l'Apocalypse[152].
Eschatologie
Les Témoins de Jéhovah constituent un mouvement pré-millénariste[153]. Ils pensent que depuis 1914 Jésus règne au ciel[154] après avoir précipité Satan et ses démons aux environs de la Terre[155] et que très bientôt, son règne s'étendra aussi sur Terre[156]. Selon leurs calculs, l'année 1914 marque la fin du « temps des Gentils », période qui a duré 2 520 ans, et qui a débuté lors de la destruction du premier temple de Jérusalem, qu'ils situent en 607 av. J.-C., contre l'avis des historiens qui la situent en 587-586 av. J-C.[157],[158].
Depuis, nous vivons aux « temps de la fin », terme tiré du livre de Daniel Chapitre 12, une période difficile caractérisée d'après les Témoins de Jéhovah par un ensemble d’événements d'intensité sans précédent : guerres, famines, séismes, ainsi que par une activité de prédication mondiale[159].
Bientôt, selon eux, Jéhovah détruira rapidement tous ceux qui refusent de se soumettre à sa volonté lors de la bataille prochaine d'Harmaguédon. Il supprimera en même temps tous les gouvernements terrestres existants[160]. Ensuite commencera le règne du Christ, qui durera mille ans, et profitera alors à un monde libéré de l'injustice, de la guerre, de la maladie et de la mort[161]. Jésus Christ sera secondé au ciel par un « petit troupeau de 144 000 oints » et dominera sur la « grande foule » restée sur Terre, ainsi que les morts graduellement ressuscités[162],[163]. Cette nouvelle humanité devra alors se conformer aux lois divines, mettant à profit les mille ans pour retrouver la perfection humaine originelle.
Place dans le christianisme
Selon la revue Réforme, l'importance que les Témoins de Jéhovah accordent à la Bible et à sa compréhension les rattache au protestantisme[164]. Comme pour les adventistes du septième jour, leur eschatologie est en grande partie issue de l'adventisme[165] de William Miller, même s'ils sont en fait plus proches des idées d'autres adventistes comme Georges Storrs et Nelson Barbour[166].
Les Témoins de Jéhovah sont restaurationnistes, c'est-à-dire qu'ils croient que Dieu a restauré le vrai christianisme par leur intermédiaire, lorsque Charles Taze Russell a initié le mouvement des Étudiants de la Bible[W 13]. Ainsi, ils se considèrent comme les héritiers du Christianisme primitif, qu'ils affirment prendre comme modèle[167].
Si le Collège central est considéré comme « l'esclave fidèle et avisé » mentionné dans l'Évangile selon Matthieu, à l'opposé le « mauvais esclave » représente les religions chrétiennes considérées comme apostates. Elles sont assimilées à « Babylone la Grande », la religion qui s'est pervertie et enrichie en se prostituant avec les rois de la Terre[168].
Les Témoins de Jéhovah considèrent qu'elles ont repris des pratiques païennes, comme la fête de Noël, l'adoration de la croix ou le culte des images, et qu'elles font partie de l’organisation de Satan[169]. Le catholicisme est particulièrement visé, mais également par extension toutes les religions, car elles sont considérées comme éloignant les hommes de Dieu et les soumettant à l'influence de Satan[170],[W 14]. Ainsi, les Témoins de Jéhovah attaquent vigoureusement toute forme de croyance religieuse ne partageant pas leur interprétation de la Bible[171],[172].
Morale et vie familiale
Les Témoins de Jéhovah sont encouragés à respecter un code de pureté strict[173]. La fornication, l'adultère et l'homosexualité sont considérés comme des péchés. Les jeux d'argent, l'idolâtrie et le spiritisme sont condamnés, tout comme la violence et ce qu'ils considèrent comme des « atteintes à la vie » comme l'avortement[174], les sports extrêmes, la drogue, l'ivrognerie et même le tabagisme. L'apostasie, c'est-à-dire le fait de rejeter tout ou partie de leurs croyances, est aussi considérée comme un péché grave[175].
Selon le sociologue Andrew Holden, la famille jéhoviste est de type patriarcale, c'est-à-dire que la femme se soumet à l'autorité de son mari, et les enfants à celle de leurs parents[176], même dans le cas où le mari n'est pas Témoin[177]. Le divorce n'est possible qu'en cas d'adultère. Cependant, comme le note l'historien James Penton, ce terme a été interprété différemment au fil du temps. À partir de janvier 1972, il exclut de sa définition l'homosexualité et la zoophilie, pour être compris quelques mois plus tard comme concernant tous les rapports sexuels considérés comme illicites, incluant la sodomie et la fellation entre personnes mariées. Toutefois, à partir de 1978, les pratiques sexuelles entre personnes mariées ne sont plus légiférées[178].