Affaire Benalla
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Les affaires Benalla sont des affaires judiciaires et politico-médiatiques françaises mettant en cause Alexandre Benalla, chargé de mission, coordinateur de différents services lors des déplacements officiels et privés du président de la République, Emmanuel Macron, en 2017 et 2018.
Cet article est lié à une ou plusieurs affaires judiciaires en cours.
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Dans la première affaire dite de la Contrescarpe, Alexandre Benalla est accusé d'avoir usurpé la fonction de policier, interpellé et violenté un couple de personnes qui a lancé des projectiles sur des CRS lors d'une des manifestations du à Paris. La scène, filmée par plusieurs témoins et diffusée sur les réseaux sociaux, n'est médiatisée que le , lorsque le quotidien Le Monde publie un article identifiant Alexandre Benalla. L'Élysée est informée dès le de son identité et l'a sanctionné par une mise à pied pendant quinze jours en mai, avec rétrogradation de ses fonctions. Il lui est également reproché, par des vidéos dévoilées au mois de juillet, d'avoir participé le même jour à une autre interpellation au Jardin des plantes.
La seconde affaire, dite des passeports, concerne, à la fin de l'année 2018, une polémique qui a éclaté après la révélation par Mediapart qu’Alexandre Benalla était toujours en possession de plusieurs passeports diplomatiques, qu'il aurait dû rendre plusieurs mois auparavant. Ces passeports lui ont notamment permis de rencontrer le président du Tchad, Idriss Déby. Benalla indique alors s’être régulièrement entretenu avec Emmanuel Macron après son départ de l’Élysée, ce que la présidence de la République dément. Outre le voyage au Tchad, Alexandre Benalla aurait également utilisé ces passeports diplomatiques au cours de différentes missions pour le compte de délégations étrangères.
Pour ces deux affaires, Alexandre Benalla est condamné le à trois ans de prison, dont un ferme ; la peine est confirmée en appel.
Dans la troisième affaire, dite des contrats russes, il est reproché à Alexandre Benalla et à son ami Vincent Crase d'avoir noué des relations d’affaires avec des oligarques russes, notamment l’homme d’affaires Iskandar Makhmudov, soupçonné d’entretenir des liens avec le crime organisé, dès , alors même qu’il est encore en poste à l'Élysée, des rencontres ayant eu lieu au siège même de La République en marche, le parti fondé par le président Macron. Un contrat de protection aurait également été signé entre une société liée aux deux hommes, France Close Protection et l'oligarque russe Farkhad Akhmedov en .
Ces affaires mettent en lumière de graves dysfonctionnements au niveau de l'Élysée, reconnus par Emmanuel Macron.
Les commissions des Lois du Sénat et de l'Assemblée nationale obtiennent les prérogatives d'une commission d'enquête parlementaire sur la première affaire et procèdent, particulièrement celle du Sénat, à un certain nombre d'auditions publiques (responsables de syndicats policiers, de la préfecture de police, des cadres de la présidence de la République ou du GSPR).
Alexandre Benalla est mis en examen en 2019, puis renvoyé en correctionnelle en 2021 pour « usage public et sans droit de documents justifiant d’une qualité professionnelle » et « faux et usage de faux », il est également visé par cinq autres enquêtes judiciaires.
Lors des manifestations parisiennes traditionnelles du , un groupe d'environ 1 200 personnes provoque d'importantes dégradations et cherche à en découdre avec les forces de l'ordre. Ces évènements ont conduit à l'arrestation de 283 personnes[1]. À la suite de ces manifestations, les syndicats policiers ont dénoncé la passivité de leur hiérarchie face aux black blocs[2].
Alexandre Benalla, chargé de mission à l'Élysée[3] et à ce titre coordinateur des déplacements officiels et privés du président de la République, reçoit, d'après Le Monde[4], un SMS, le , du contrôleur général Laurent Simonin, chef-adjoint de l'état-major de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police indiquant : « Le premier mai verra se dérouler une manifestation importante avec un black bloc en tête de cortège [...] Je te propose de participer sur le terrain au service avec une des unités d’intervention en tant qu’observateur [...] Tu m’avais indiqué être intéressé [...] Il faudrait juste que tu préviennes Yann Drouet de ta venue pour que le préfet de police soit au courant ». Selon le rapport de l'IGPN, Alexandre Benalla a « évoqué son souhait d'assister à un service d'ordre à l'occasion d'un évènement de voie publique de grande ampleur, à Paris auprès de M. Gibelin, directeur de l’ordre public et de la circulation, et M. Simonin chef d’état-major adjoint »[5]. D'après ces échanges de SMS, Laurent Simonin organise ensuite le prêt d'équipements de protection pour Alexandre Benalla, notamment le casque, ainsi que sa mise en contact avec son accompagnateur, le major de police Philippe Mizerski[4],[6]. Selon l'IGPN, le chargé de mission de l'Élysée aurait dit disposer des autorisations nécessaires de la préfecture à Laurent Simonin, qui l'aurait cru. Celui-ci n'aurait pas vérifié auprès de sa hiérarchie, ni n'aurait prévenu cette dernière de la venue d'Alexandre Benalla le 1er mai[7],[8],[9].
Sur la place de la Contrescarpe
Le , vers 18 h, dans le 5e arrondissement de Paris, des policiers d'une compagnie républicaine de sécurité se retirent de la place de la Contrescarpe, accompagnés d'Alexandre Benalla et Vincent Crase (chargé de sécurité à LREM, occasionnellement réserviste de la Gendarmerie), encadrés par le major Philippe Mizerski, attaché à la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la Préfecture de police de Paris. Alexandre Benalla est équipé d’un casque à visière des forces de l'ordre, et dans un premier temps d'un brassard de police. Selon l'IGPN[5], « sont rassemblées sur la place entre 60 et 80 personnes pour un « apéro post manifestation », et parmi lesquelles sont identifiés certains des membres du black bloc qui avaient commis des dégradations sur le boulevard de l'Hôpital plus tôt dans l’après-midi ». Le rassemblement est organisé notamment par le site Paris-luttes et le Comité d'action inter lycéen et les collectifs interfacs[10],[11], et est relayé par le syndicat étudiant UNEF et par La France insoumise[12]. Des incidents faisant intervenir les forces de l'ordre sont signalés sur la place à partir de 12 h 40[13]. Peu avant 20 h, un jeune couple, un homme et une femme, selon leur avocat « des passants qui venaient prendre un verre et assister à une manifestation et voulaient voir à quoi ressemblait une charge de CRS », s'en prennent aux forces de l'ordre[10],[14],[15] : l'homme leur lance une carafe d’eau, puis dans le récit de leur avocat, la femme leur lance un objet dont elle dit ne pas se rappeler ce que c'est[16], puis elle leur adresse un bras d'honneur[16]. Alexandre Benalla livre au Monde une version sensiblement différente : « La fille essaie de saisir une table, elle n’y arrive pas, elle jette une chaise. Son copain se met au milieu de la place, il jette une bouteille, qui arrive sur la tête d’un CRS. Elle reprend des bouteilles, ça arrive sur l’épaule d’un CRS, elle fait des bras d’honneur… On les voit sur la vidéo, elle est hystérique et lui aussi »[17].
Vincent Crase désigne le couple à Alexandre Benalla[14]. Avec l'aide des CRS, celui-ci attrape la femme, et l'entraîne en la maintenant par le cou dans une rue et la contraint, en pratiquant un balayage, et aidé par Philippe Mizerski, à s'asseoir sur le trottoir[18]. Pour l'IGPN : « Alexandre Benalla, se détache alors, poussant énergiquement une jeune femme. Il la tient ainsi qu’y procèdent [sic] traditionnellement les policiers interpellateurs sans lui porter de coups[5]. » Pendant ce temps, Vincent Crase, assisté des CRS, maîtrise l'homme qui est ensuite frappé par des CRS, traîné au sol, puis immobilisé aux pieds de Vincent Crase. Revenu sur la place, cette fois sans brassard de police, Alexandre Benalla le relève, et s'en prend à lui avec force par des gestes violents différemment interprétés : « coups de poing », « de pied » ou « coups d'immobilisation » selon les médias ou témoins[14],[19],[20],[21],[22],[23],[24]. Selon Alexandre Benalla lors d'une interview sur TF1 le , « si on est très honnête, si on regarde la vidéo, il y a des gestes qui sont vigoureux, mais il n'y a aucun coup qui est porté par moi sur le manifestant », ce dont doutent plusieurs observateurs[25],[26],[27],[28].
Dans son rapport d'enquête, l'IGPN indique voir « un jeune homme tiré par les CRS, qui l’empoignent par les pieds et les bras et le maintiennent au sol. L’homme identifié comme étant Alexandre Benalla accourt et empoigne très vivement l’individu qui tente de résister. Alexandre Benalla cherche à le tirer sur le côté en adoptant un geste d’étranglement arrière. Il l’agrippe par son blouson et porte la paume ouverte de sa main sur sa tête afin de le maîtriser, l’homme se maintenant au sol »[5].
Pendant toute cette séquence, le major Philippe Mizerski est resté passif[29],[30]. D'après le rapport de l'IGPN il n'a pas osé intervenir car il « ne concevait de faire la moindre observation à celui qui était, à ses yeux, un personnage de première importance ». Pour la même raison, il s'est « gardé de faire la moindre remarque » à Alexandre Benalla concernant son brassard de police[7],[8],[31].
Un peu plus tard, une unité de CRS procède à l'interpellation du couple, apparemment à la demande d'Alexandre Benalla, menant l'homme à subir des coups par plusieurs CRS[32],[33],[34]. Le couple est finalement remis à la Brigade d'information de la voie publique (BIVP) et dirigé vers le poste de police de la rue de l'Évangile.
Des affrontements violents entre manifestants et policiers se poursuivent dans le 5e arrondissement de Paris jusqu'à environ 23 h, avec la présence de Black Blocs[10].
Au Jardin des plantes
Les faits reprochés à Alexandre Benalla et Vincent Crase au Jardin des plantes de Paris le , aux environs de 16 h, ne sont évoqués qu'à partir du .
Tandis qu'un groupe de manifestants enclenche le mouvement de quitter le défilé principal par une allée du jardin, trois personnes apparaissent devant eux, de face. Parmi eux, se trouve Vincent Crase, qui arrête leur progression et leur indique une direction avec sa main. Alexandre Benalla et Philippe Mizerski se tiennent derrière lui. Une jeune femme du groupe est prise à partie et crie soudainement. Deux manifestants affirment le que des violences sont commises à ce moment et annoncent alors qu'ils portent plainte[35],[36]. Cette scène serait en rapport avec une seconde, qui se déroule quelques instants plus tard, filmée par une tierce personne. Plusieurs CRS en formation avancent en ligne sur une grande allée ensablée : dans leurs rangs, se trouvent deux hommes identifiés comme Alexandre Benalla et Vincent Crase. Ces deux hommes tiennent par les bras une troisième personne, qu'ils encadrent et restreignent dans ses mouvements[37]. Une autre photo publiée le montre la même scène où Vincent Crase, accompagné de Philippe Mizerski et Alexandre Benalla, agrippe un manifestant qui crie[38]. Selon l'auteur de la photo, tandis que des casseurs jettent des projectiles par-dessus les grilles du jardin, un policier désigne un jeune homme aux gants rouges et lance « il nous a caillassés, lui ! ». Il est alors saisi par Vincent Crase et Alexandre Benalla. Le photographe affirme que c'est ce dernier qui fait une clé de bras au manifestant pour le maîtriser[39].
Plusieurs vidéos
Avant la révélation médiatique de l'affaire
Le journaliste Taha Bouhafs assiste à la scène, la filme et diffuse le jour même cette vidéo sur les réseaux sociaux[20],[40],[41]. Elle est alors visionnée quelques dizaines de milliers de fois. Il publie ensuite le des photos d'Alexandre Benalla dans d'autres manifestations en émettant l'hypothèse qu'il s'agit d'un policier[42]. On voit sur la vidéo des CRS qui maintiennent au sol un jeune homme. Vincent Crase est à côté d'eux. Alexandre Benalla arrive alors dans le champ de la vidéo, il relève le jeune homme et le frappe « à plusieurs reprises »[5],[43],[44],[45],[46],[47],[48],[49],[50]. Son pied heurte le ventre du manifestant (ou le thorax, selon certains médias[51]) sans qu'il soit possible, selon Europe 1, de déterminer si cela est volontaire[43],[52],[53] (sur ces images ni brassard[52] ni talkie-walkie ne sont visibles). C'est cette vidéo dont les services de l'État ont eu connaissance les et . Cette vidéo est alors peu relayée par les médias. Elle est toutefois transmise par voie anonyme le , à 2 h 13, sur une plateforme de signalement de l'IGPN. Elle est visionnée par trois agents du service d'inspection, lesquels ne jugent cependant pas nécessaire d'y donner suite[13]. Selon Éric Morvan, directeur général de la Police nationale, cette vidéo est prise sous un angle ne permettant pas de mettre en évidence des violences avérées. Pour la directrice de l'IGPN, Marie-France Monéger-Guyimarc'h, la vidéo ne fait pas apparaître de violences illégitimes (bien qu'il soit noté des gestes « mal maîtrisés ») partant de l'hypothèse que les actes sont effectués par un représentant des forces de l'ordre (ce que n'est pas Alexandre Benalla)[13].
Après la révélation de l'affaire
Le , au lendemain des révélations du Monde, le parquet ouvre une enquête préliminaire pour « violences par personne chargée d'une mission de service public », « usurpation de fonctions » et « usurpation de signes réservés à l'autorité publique ». Alexandre Benalla est peu après placé en garde à vue et mis en examen, notamment pour « violences en réunion », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés à l’autorité publique » et « recel de détournement d’images issues d’un système de vidéo protection ». Une procédure de licenciement est également exécutée par l’Élysée contre lui. Trois officiers de police, soupçonnés d'avoir transmis illégalement des images de vidéosurveillance à Alexandre Benalla, sont dans le même temps suspendus, puis mis en examen.
D'autres vidéos de la scène de la place de la Contrescarpe sont publiées après le déclenchement de l'affaire, fin . Une seconde vidéo, d'un autre militant de La France insoumise, Nicolas Lescaut, est postée le [54]. Ce film n'est cependant connu des médias et des autorités que le et présente la même scène où les deux personnes sont frappées, sous un autre angle de vue[55]. Une troisième vidéo montre notamment la scène où Alexandre Benalla emmène une femme, en fait compagne du jeune homme agressé dans les premières images, qu'il force à s'asseoir par terre avec l'aide d'un autre homme ; cette nouvelle vidéo est diffusée le [56],[57]. Une quatrième vidéo montre Alexandre Benalla en prise avec le jeune homme sous un autre angle et, selon France Info, lui « asséner un violent coup de pied sur le thorax »[22].
Par la suite, des vidéos montrant ce qui suit ou précède la scène où Alexandre Benalla intervient sont dévoilées. Ainsi, une cinquième vidéo publiée le par Mediapart complète la troisième vidéo. Dans celle-ci, on voit le jeune homme, un moment après son interpellation par Alexandre Benalla, subir des coups de la part de CRS[32]. Le , Libération publie une sixième vidéo, montrant les évènements antérieurs à l'interpellation, où l'on peut apercevoir le couple en question procédant aux jets de deux objets et à un bras d'honneur en direction des CRS, contexte invoqué par Alexandre Benalla pour justifier son intervention[14],[58]. On y aperçoit aussi Philippe Mizerski, en retrait et détaché de son rôle d'encadrement d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase[59].
Libération publie une autre vidéo, le , montrant Alexandre Benalla et Vincent Crase accompagnés de Philippe Mizerski au niveau du Jardin des plantes, situé dans le 5e arrondissement de Paris. Elle date de l'après-midi donc plusieurs heures avant les incidents filmés de la place de la Contrescarpe. Cette vidéo montre un groupe de manifestants qui tente de quitter le défilé principal par une allée du jardin. Vincent Crase, filmé de face, indique au groupe une direction par sa main. Une jeune femme est ensuite entendue, criant fort, et les images deviennent floues. D'après ses déclarations, la vidéo aurait été supprimée par un fonctionnaire mais la jeune femme aurait pu la récupérer sur la carte mémoire à l'aide d'un logiciel dédié[35],[36]. Deux manifestants, qui ont porté plainte, affirment que des violences ont été commises[60],[61], et le journal Libération estime que cet évènement démontre qu'Alexandre Benalla et Vincent Crase se sont comportés comme des policiers avant la scène de la place de la Contrescarpe[35]. Selon l'avocat d'Alexandre Benalla, celui-ci « ne fait strictement rien à cet endroit et sur personne »[62].
Le , France Info et Mediapart publient conjointement une vidéo faite, elle aussi, au Jardin des plantes durant l'après-midi[63]. Plusieurs CRS se trouvent en formation et longent en ligne une grande allée ensablée, sous les yeux de plusieurs dizaines de témoins, pour la plupart des manifestants qui ont quitté le cortège. Deux hommes, l'un massif avec une capuche blanche rabattue sur la tête, l'autre plus chétif, tiennent à bout de bras une troisième personne qu'ils encadrent et limitent dans sa locomotion. Ces deux hommes « ressemblent fortement à Alexandre Benalla et Vincent Crase » d'après leurs vêtements, carrures et positionnement avec les CRS. En effet, des photos prises à la Contrescarpe sont présentées à la suite de la vidéo et permettent de les reconnaître[37].
Divulgation d'images de vidéosurveillance
Lors de son entretien du au Monde, Alexandre Benalla explique qu'après le début de l'affaire, le , une personne lui remet un CD contenant des images de vidéosurveillance montrant les évènements du , estimant que ces images pouvaient « l'aider pour se défendre ». Alexandre Benalla affirme avoir remis ce CD à un « conseiller communication » de l'Élysée[64]. D'après une enquête de BFM TV, il s'agit d'Ismaël Emelien, conseiller politique d'Emmanuel Macron[65]. Selon la version de l'Élysée, le chef du cabinet présidentiel Patrick Strzoda a alors des doutes sur l'origine de l'enregistrement et le fait parvenir à la préfecture. Il est alors établi qu'il est illégal qu'Alexandre Benalla soit entré en possession de ces images. Toujours selon la version de l'Élysée, ce dernier fait alors l'objet d'une procédure de licenciement par Patrick Strzoda. De plus, un signalement est effectué auprès de la justice[66].
Dans la nuit du au , des captures d'écran de la vidéo surveillance (donc des images dont la détention ou le partage sont illégaux) sont diffusées par des comptes Twitter soutiens d'Emmanuel Macron, notamment celles où on voit les manifestants qui seront molestés par Alexandre Benalla jeter des projectiles en direction des CRS[66]. Le , Le Monde révèle que l'Élysée serait à l'origine de ce montage, qu'il aurait fait diffuser sur Twitter via le pôle e-influence de La République en marche[67].
En plus du transfert illicite de ces vidéos à Alexandre Benalla, l'affaire révèle des pratiques illégales de la police en matière de vidéosurveillance, comme la durée de conservation des vidéos[68]. Mais la CNIL n'a pas de moyens de prendre des sanctions, et les comités éthiques mis en place ne sont pas compétents en la matière[69].
Violation du contrôle judiciaire et contrat russe
L'affaire Benalla rebondit le , lorsqu'un article de Fabrice Arfi et deux autres journalistes du site Mediapart[70] est publié avec plusieurs enregistrements audio qui révèlent qu'Alexandre Benalla et son ami Vincent Crase ont noué des relations d’affaires — notamment avec un oligarque russe, l’homme d’affaires Iskandar Makhmudov, soupçonné d’entretenir des liens avec le crime organisé — alors qu’ils sont encore en poste à l'Élysée et chez LREM[71]. Le contrat prévoit notamment la protection des biens immobiliers en France de l’oligarque, et de sa famille à Monaco. Selon Mediapart, les enregistrements d'une conversation entre les deux hommes tenue le , quelques jours après leur mise en examen, montrent qu'Alexandre Benalla et Vincent Crase violent le contrôle judiciaire qui leur interdisait « tout contact »[72]. Dans ces enregistrements, Benalla revendique le soutien total du président de la République et envisage de détruire des preuves dans le cadre de l'enquête qui les vise, Crase et lui[71],[73],[74]. Le , la Cour de cassation refuse d'invalider ces enregistrements[75].
Perquisition chez Mediapart et protestation des sociétés de journalistes
Après la publication de l'enquête de Mediapart, et à la suite d'un courrier informatif envoyé par le cabinet du premier ministre au procureur de la République de Paris, mentionnant qu'un journaliste de Valeurs actuelles l'a questionné sur des rumeurs, le procureur déclenche une enquête préliminaire sur Mediapart pour « atteinte à la vie privée » et « détention illicite » de dispositifs d'écoute[76]. Le , le procureur lance une perquisition dans les locaux du journal, afin de saisir les enregistrements publiés la semaine précédente par Mediapart[77]. Mais la perquisition n'a pas lieu, les dirigeants de Mediapart s'y opposant comme le leur permet la loi lorsqu'il s'agit d'une enquête préliminaire[78]. Dans une conférence de presse conjointe avec les trois auteurs de l'enquête et Reporters sans frontières, Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, estime que les autorités s'attaquent au principe déontologique de protection des sources d'information des journalistes[78]. Les sociétés de journalistes de la quasi-totalité des grands médias français[79],[80] rédigent au même moment une tribune libre commune pour estimer que cette tentative de perquisition « constitue une tentative particulièrement inquiétante d'attenter au secret de leurs sources »[81],[80]. Cette tentative de perquisition est également unanimement dénoncée par l'opposition[81]. En juillet 2022, l'État est condamné pour cette tentative de perquisition, le tribunal de Nanterre estimant qu'elle n'était « ni nécessaire dans une société démocratique, ni proportionnée à l’objectif poursuivi » et qu'elle a porté atteinte à la liberté d’expression et au secret des sources[82],[83].
La précédente tentative de perquisition dans un média français remonte au : effectuée au Canard enchaîné, elle est opérée cette fois non pas par le procureur mais par deux juges d'instruction indépendants chargés de l'affaire Clearstream[84].
Convocations de journalistes
En , le journal Libération affirme qu'un ami de Benalla, Chokri Wakrim, en couple avec Marie-Élodie Poitout, alors cheffe de la sécurité du Premier ministre, est la personne ayant déplacé le coffre-fort de Benalla peu avant une perquisition, ce que Chokri Wakrim dément[85]. Par ailleurs, il est convoqué comme témoin dans le cadre de l'enquête concernant la conversation diffusée par Mediapart[86]. Selon Marie-Élodie Poitout, Chokri Wakrim est présent chez elle ainsi qu'Alexandre Benalla le jour où la conversation est enregistrée. D'après Libération, Chokri Wakrim est impliqué dans un contrat de sécurité des propriétés de l'oligarque russe Iskandar Makhmudov, contrat qui est signé par une société gérée à l'époque par Vincent Crase[87].
La journaliste Ariane Chemin dresse le profil de l'individu dans l'un de ses articles, ce qui a pour conséquence l'ouverture d'une enquête pour « révélation de l'identité d'un membre des unités des forces spéciales » à la suite d'un dépôt de plainte de Chokri Wakrim déposé mi-avril[88]. Dans le cadre de la procédure, Ariane Chemin ainsi que le président du directoire du journal Le Monde sont convoqués par la DGSI[88].
En réponse à ces convocations ainsi que d'autres touchant des journalistes de Disclose dans une autre affaire, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye défend « l'attachement de ce gouvernement à la liberté de la presse », mais rappelle que « nul justiciable en France n'est en dehors de la loi » et refuse de commenter ce cas précis en raison de l'existence d'une instruction judiciaire[89]. Ces multiples auditions libres ayant pour but d'identifier des sources suscitent de nombreuses inquiétudes : un collectif d'une quarantaine de sociétés des journalistes dénonce ces convocations et déclare que « le secret-défense ne saurait être opposé au droit à l'information, indispensable à un débat public digne de ce nom, ni servir d'épée de Damoclès pour dissuader les journalistes d'enquêter »[90].
En , Alexandre Benalla annonce porter plainte pour dénonciation calomnieuse contre l'association Anticor en réplique à l'action lancée contre lui en devant le parquet national financier pour « corruption, corruption passive, blanchiment et entrave à la justice » alors qu'il soutient n'avoir été en contact avec aucun acteur majeur des négociations avec l'oligarque russe[91].
Cette dénonciation de ce qui s'apparente à des violences policières ne trouve aucun écho dans la presse jusqu'au , où l’affaire médiatique éclate lorsque Ariane Chemin en une du Monde révèle que l'homme à la visière, jusque-là non identifié, et qui a brutalisé le couple, est Alexandre Benalla, chargé de mission au sein du cabinet du chef de l’État. On apprend également qu'il est accompagné par Vincent Crase, salarié de LREM[92], gendarme réserviste (chef d'escadron) et collaborateur occasionnel de l'Élysée, équipés comme s'ils étaient des policiers en civil. Tous deux sont encadrés par un troisième homme, identifié comme étant Philippe Mizerski, membre de l'état-major de la Direction de l'ordre public et de la circulation[93] et chargé de l'encadrement des deux hommes, couverts et entourés par les CRS[2].