Affaire Tapie - Crédit lyonnais
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L’affaire Tapie - Crédit lyonnais (aussi appelée affaire Adidas ou affaire Lagarde - Tapie) est une affaire opposant, depuis 1992, Bernard Tapie à la Société de Banque Occidentale (SdBO), une filiale du Crédit lyonnais, elle-même banque publique au moment des faits. L’extinction de l’action publique à l’encontre de Bernard Tapie est prononcée après son décès, le 3 octobre 2021.
Fin 1992, Bernard Tapie devenu ministre souhaite vendre Adidas pour éviter tout conflit d'intérêts comme le réclame François Mitterrand. De plus, Adidas, en cours de redressement, perd de l'argent. Il confie un mandat de vente à la Société de Banque Occidentale (SdBO), une filiale du Crédit lyonnais. Le Crédit lyonnais vend Adidas pour le compte de Bernard Tapie en , au prix fixé par Bernard Tapie de deux milliards et quatre-vingt-cinq millions de francs (472 millions d'euros d'aujourd'hui après actualisation). Bernard Tapie ne conteste pas la vente. Il avait tenté en vain de vendre à ce prix Adidas à la société Pentland (en) en [1].
Mais Bernard Tapie est mis en faillite par le Crédit lyonnais un an plus tard, en , le Crédit lyonnais cassant le mémorandum signé avec Bernard Tapie qui prévoyait la vente progressive de toutes ses autres affaires afin de rembourser sa dette restante. Ruiné et ainsi rendu inéligible, Bernard Tapie s'intéresse de près à la vente d'Adidas réalisée pour son compte par le Crédit lyonnais. Il découvre que le Crédit lyonnais a effectué un montage opaque par lequel la banque a revendu Adidas à un groupe d'investisseurs dont deux sociétés offshore avec une option de revente à Robert Louis-Dreyfus lui permettant d'engranger une plus-value de 2,6 milliards de francs (396 millions d'euros) en cas de redressement d'Adidas.
Bernard Tapie estime que le Crédit lyonnais l'a berné en effectuant ce montage opaque, qui a permis à la banque de violer son obligation de loyauté et son obligation de neutralité lors de la vente, et ainsi d'empocher les près de 400 millions d'euros qui auraient dû lui revenir. Une version réfutée par Laurent Mauduit, cofondateur et journaliste de Mediapart, qui affirme que Bernard Tapie avait une parfaite connaissance de la valeur d'Adidas avant sa liquidation. Mais Bernard Tapie ne peut pas attaquer le Crédit lyonnais car du fait de sa mise en liquidation par la banque, il n'est plus le propriétaire de BT Finance, la société qui possédait Adidas, qui est la société lésée dans l'opération, et dont les titres appartiennent désormais en quasi-totalité au Crédit lyonnais (qui ne va donc évidemment pas porter plainte contre elle-même). Ce n'est donc pas Bernard Tapie mais le mandataire liquidateur de Bernard Tapie Finance (BTF) et ses petits porteurs (les particuliers qui avaient conservé des actions BT Finance achetées en Bourse des années auparavant, financés par Bernard Tapie[2]) qui vont entamer les procédures judiciaires qui vont durer quinze ans.
Bernard Tapie obtient de pouvoir se joindre à la plainte, et après plusieurs jugements favorables obtient le , par la décision d'un tribunal arbitral, la somme de 403 millions d'euros (243 millions d'euros de dommages, 115 millions d'euros d'intérêts, et 45 millions d'euros de préjudice moral). Les conditions de recours à cette sentence arbitrale sont très controversées au niveau politique et font l'objet de plusieurs recours en annulation devant les juridictions administratives. Tous ces recours devant les juridictions administratives sont rejetés.
Le 4 août 2011, la Cour de justice de la République (CDJ) ouvre une enquête à l'encontre de Christine Lagarde pour établir si elle a privilégié les intérêts de Bernard Tapie lors de l'arbitrage. La presse se procure une « lettre d’allégeance » adressée par Christine Lagarde à Nicolas Sarkozy : « Utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting. (…) Si tu m'utilises, j'ai besoin de toi comme guide et comme soutien : sans guide, je risque d'être inefficace, sans soutien je risque d'être peu crédible. Avec mon immense admiration. Christine L[3]. » Celle-ci est auditionnée pendant vingt-quatre heures les 23 et , et placée sous le statut de témoin assisté le [4]. Elle est mise en examen le pour le seul motif de « négligence »[5]. Le procès de Christine Lagarde devant la Cour de justice de la République débute le [6]. Au terme du procès, le parquet requiert sa relaxe[7]. Le , la Cour la déclare coupable de « négligence », mais la dispense de peine et ne fait pas inscrire cette condamnation à son casier judiciaire[8].
Dans un autre volet pénal non ministériel de cette affaire, Pierre Estoup, l'un des trois juges du tribunal arbitral, est mis en examen pour « escroquerie en bande organisée »[9]. Bernard Tapie et son avocat, Maître Lantourne, sont mis en examen le pour le même chef d'accusation. Des lettres saisies dans le cadre de l'instruction démontrent que Messieurs Estoup et Lantourne avaient partie liée bien avant la décision de nommer un tribunal d'arbitrage[10].
Fin , Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des Finances du gouvernement Ayrault, affirme qu'il envisage la révision de l'arbitrage de 2008. De fait, l'État se constitue partie civile le et le CDR dépose un recours en révision de l'arbitrage le . Le 17 février 2015, la cour d'appel de Paris annule le jugement arbitral de 2008 et, le 3 décembre 2015, elle condamne Bernard Tapie et sa femme à rembourser les 404 millions d'euros perçus en 2008[11].
Parallèlement, en , la cour d'appel de Paris valide les mises en examen pour « escroquerie en bande organisée » de Bernard Tapie, de Pierre Estoup et de Maurice Lantourne. Dans le cadre de l'affaire d'arbitrage du litige concernant la vente d'Adidas, Bernard Tapie est mis en examen le pour «détournements de fonds»[12],[13]. Sa mise en examen pour « escroquerie en bande organisée » est validée par un arrêt de la cour de cassation du [14].
En , les juges d’instruction décident de renvoyer devant le tribunal correctionnel, Bernard Tapie, Maurice Lantourne, Christine Lagarde, Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, Pierre Estoup, Jean-François Rocchi, ancien directeur du Consortium de réalisation (CDR), et Bernard Scemama, ancien président de l’Établissement public de financement et de restructuration (EFPR)[15].
Estimant qu'aucun élément ne permet d'affirmer que l'arbitrage fait l'objet d'une fraude, le tribunal correctionnel prononce une relaxe générale le 2019. Le parquet de Paris fait appel de ce premier jugement. En juin 2021, le parquet général requiert une peine de cinq ans de prison avec sursis et 300.000 euros d'amende pour « complicité d'escroquerie » et « détournement de fonds publics »[16]. Affaibli par son cancer, Bernard Tapie n'est pas en mesure de se présenter aux dernières audiences. Son décès, le 3 octobre 2021, met fin à l'action publique le concernant[17].