Araméens (Antiquité)
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Les Araméens sont un ensemble de groupes ethniques du Proche-Orient ancien qui habitaient des régions de la Syrie et du nord de la Mésopotamie à la fin du IIe millénaire av. J.-C. et au Ier millénaire av. J.-C.
Ils apparaissent en Syrie au XIIe siècle av. J.-C., sous la forme de tribus nomades ou semi-nomades ennemies des Assyriens. Dans les deux siècles suivants, période troublée et mal documentée dans tout le Moyen-Orient, ils fondent des royaumes centrés sur des villes fortifiées, dominées par une acropole où sont érigés des palais et temples décorés de sculptures et bas-reliefs, caractéristiques de la Syrie des premiers siècles du Ier millénaire av. J.-C. (qui correspond à l'âge du fer). La culture araméenne de la Syrie de cette période est souvent entremêlée avec celle de royaumes dits « néo-hittites », surtout présents à l'ouest dans l'ancienne sphère d'influence des Hittites. Elle intègre un ensemble de traditions héritées de la Syrie des phases précédentes (l'âge du bronze), ce qui est aussi une indication du fait que les Araméens, loin d'être des envahisseurs, sont issus de cette région. La langue araméenne, de type sémitique, s'écrit sous la forme d'un alphabet qui dérive de celui des Phéniciens voisins. Les populations araméennes connaissent une expansion vers les régions voisines (en particulier l'Assyrie, la Babylonie et le Levant sud).
Au IXe siècle av. J.-C., les royaumes araméens de Syrie subissent les offensives des Assyriens, qui placent progressivement la région sous leur coupe. Ils leur opposent une résistance acharnée, s'exposant à une répression impitoyable. Au VIIIe siècle av. J.-C., la pression de l'Assyrie est de plus en plus forte, et les royaumes araméens sont transformés l'un après l'autre en provinces assyriennes. Dans le même temps, les déportations pratiquées par leurs vainqueurs accélèrent la dispersion des populations qui parlent l'araméen dans les différentes parties du Proche-Orient et de la Mésopotamie, aboutissant à la diffusion de la langue araméenne. Les populations araméennes passent ensuite sous la domination des empires de Babylone (612-) puis de Perse (539-). La langue araméenne connaît alors une expansion encore plus large, devenant la langue la plus parlée de la Mésopotamie et du Levant méridional, et la lingua franca du Proche-Orient.
Au début de notre ère, de nouvelles dénominations apparaissent à côté d'« Araméens », pour désigner des populations du Moyen-Orient qui parlent des langues araméennes, le « syriaque » notamment. Les langues araméennes (syriaque, judéo-araméen, mandéen, etc.) restent dominantes en Syrie et dans plusieurs régions du Proche-Orient comme la Judée, puisqu'elles ont été à peine bousculées par l'essor du grec depuis la période hellénistique. Elles restent les plus parlées dans cette partie du monde pendant plusieurs siècles, jusqu'à ce qu'elles soient supplantées par l'arabe.
Le terme Aram apparaît pour la première fois dans une inscription du roi assyrien Tiglath-Phalazar Ier (1114-1076 av. J.-C.), qui mentionne une victoire contre les « Ahlamû du pays d'Aram » ou les « Ahlamû-Araméens », lors d'une campagne dans les régions situées entre les pays de Suhu et de Karkemish, donc le long du cours moyen de l'Euphrate, et même au-delà du fleuve. Il s'agit alors de groupes de populations tribales vivant dans ces régions, peut-être des groupes semi-nomades occupant les zones de steppes à l'écart des zones les plus peuplées. Le terme Ahlamû, attesté depuis le début du IIe millénaire av. J.-C., désigne ce type de populations, et pas un peuple en particulier. Quant à celui d’Aram, il pourrait alors déjà désigner un peuple, ou bien une région, cela est discuté. Quoi qu'il en soit ces mêmes populations se retrouvent dans les textes relatant les guerres des rois assyriens suivants, à commencer par Assur-bel-kala (1073-1056). Cette phase voit s'amorcer un recul de l'Assyrie, en grande partie imputable aux offensives de plus en plus pressantes des Araméens[1].
« En me confiant en Assur mon Seigneur je pris mes chars et mes guerriers et je m'engageai dans le désert. J'allai chez les Ahlamû Armayû, ennemis d'Assur mon Seigneur. En un seul jour je razziai du pays de Suhu à la ville de Karkemish du pays de Hatti ; je leur infligeai une défaite ; j'en ramenai des prisonniers, des biens et possessions sans nombre. Le reste de leurs troupes avait fui devant les armes furieuses d'Assur mon Seigneur et avait franchi l'Euphrate, je franchis l'Euphrate derrière eux sur des flotteurs de cuir ; je conquis, je livrai aux flammes, je détruisis et je démolis six de leurs villes sises au pied du mont Bishri ; j'en amenai des prisonniers, des biens et possessions en ma ville d'Assur. »
— La première rencontre entre Assyriens et Araméens, inscription de Tiglath-Phalazar Ier[2].
Du point de vue archéologique, la période prend place au début de l'âge du Fer I, phase qui va d'environ 1200 à 1000/900 av. J.-C. (caractérisée en Syrie par une poterie peinte monochrome), et reste assez mal connue. En particulier les conditions de la transition entre l'âge du Bronze final et le début de l'âge du Fer sont très débattues : c'est une période d'effondrement, qui voit la fin des grands empires du Bronze récent (Hittites, Nouvel Empire égyptien, royaume médio-assyrien) et de plusieurs royaumes syriens au passé vénérable (Ougarit, Alalakh), le tout en lien avec l'émergence des Araméens, et aussi les autres changements majeurs survenus à cette époque, comme le phénomène des « Peuples de la mer », qui ne semble pas affecter la Syrie intérieure ni la Haute Mésopotamie, mais essentiellement les régions côtières du Levant. Si elle est vue comme une période de bouleversements, il existe des continuités sur plusieurs sites, comme Karkemish et Hama, la Syrie occidentale intérieure semblant moins affectée par les changements. Le site le mieux connu de Syrie centrale pour cette phase, Tell Afis, détruit à la fin du Bronze récent, est repeuplé durant le Fer I[3].
Les Araméens sont manifestement des descendants de populations ouest-sémitiques occupant ces régions depuis de nombreux siècles durant l'âge du bronze, et non des envahisseurs. Ainsi que le résume A. Berlejung : « Aujourd'hui, les chercheurs préfèrent considérer les Araméens comme un groupe local autochtone en Syrie, qui a participé activement (et, rétrospectivement, avec succès) au changement des conditions sociales qui caractérise la transition de l'âge du bronze récent à l'âge du fer. Les Araméens n'étaient pas des envahisseurs mais les descendants directs des groupes de population syriennes de l'âge du bronze et les héritiers de leur culture[4]. »
Aussi le phénomène est-il difficile à étudier et à caractériser. On attribue généralement des origines « semi-nomades » à ces populations, c'est-à-dire un mode de vie reposant à la fois sur le nomadisme pastoral et l'agriculture, partagé entre la sédentarité et le nomadisme, coexistant avec le monde des villes et villages des sédentaires, dirigés par les administrations des royaumes de la région. Ce mode de vie est présent dans la Haute Mésopotamie, la Syrie et le reste du Levant depuis plusieurs siècles, mais mal documenté donc difficile à saisir. L'emphase est généralement mise sur ces origines semi-nomades des Araméens, qui seraient alors l'élément le plus dynamique des sociétés syriennes, le plus en mesure de résister à la domination assyrienne[5]. Ils s'appuient manifestement sur un dynamisme démographique qui leur permet d'investir les régions les plus urbanisées et d'intégrer des composantes urbaines et rurales sédentaires. En tout cas ces groupes se constituent en de nouvelles entités politiques à la suite de l'effondrement de beaucoup de royaumes de l'espace syrien, après la chute de la grande puissance dominant la partie occidentale de la région auparavant, les Hittites, et du recul progressif des Assyriens dans la partie orientale[6].