Bataille d'Adoua
bataille de la première guerre italo-éthiopienne / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La bataille d'Adoua se déroule près du village d'Adoua, au cœur de la région du Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, le . Elle oppose les forces de l'Empire éthiopien du negusse negest Menelik II à celles du royaume d’Italie dirigées par le colonel Baratieri. Elle conclut, par la victoire des Éthiopiens, la première guerre italo-éthiopienne et clôt une fin de XIXe siècle marquée par diverses tentatives de pénétration en Éthiopie menées par plusieurs puissances (États européens, Empire ottoman).
Date | |
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Lieu | Adoua, Empire d'Éthiopie |
Issue |
• Victoire éthiopienne décisive • Fin de la première guerre italo-éthiopienne • Abrogation du traité de Wuchale • Signature du traité d'Addis-Abeba |
Empire d'Éthiopie | Royaume d'Italie |
Menelik II Taytu Betul Alula Engeda Mekonnen Wolde Mikael Mengesha Yohannes Fitawrari Gebeyehu † Mikael du Wollo Tekle Haymanot Balcha Safo |
Oreste Baratieri Giuseppe Ellena Matteo Albertone Vittorio Dabormida † Giuseppe Arimondi † Giuseppe Galliano † |
20 000 armés de lances et d'épées[1] 80 000 armés de fusils[1],[Note 1] 8 600 chevaux[1] 42 canons[3] |
17 700 (tous armés de fusils) 52 canons[4] |
4 000 à 7 000 morts 8 000 à 10 000 blessés |
6 000 à 7 000 morts Environ 1 500 blessés 1 800 à 3 000 capturés[Note 2] |
Première guerre italo-éthiopienne
Batailles
Coordonnées | 14° 01′ 08″ nord, 38° 58′ 24″ est |
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L'Italie est alors dirigée par un gouvernement d’alliance entre Francesco Crispi et la droite ; l’Éthiopie termine une période de conquête des régions méridionales et des basses terres, et de réorganisation intérieure. Le rôle dans la bataille des populations nouvellement intégrées à l’empire contribue à la constitution de l’unité nationale éthiopienne moderne.
La bataille d’Adoua met fin à la première guerre italo-éthiopienne débutée en 1895, à la suite de la contestation du traité de Wuchale par Menelik II. Le royaume d’Italie limite alors ses ambitions coloniales dans la Corne en signant le le traité d’Addis-Abeba qui abroge celui à l'origine du conflit.
Cette bataille est importante par plusieurs aspects. En plein partage de l'Afrique, elle constitue une victoire définitive d’une nation africaine face à un pays européen. Elle assure un prestige international à l’empire éthiopien et à Menelik II, aussi bien auprès des peuples d’Afrique que des mouvements anti-ségrégationnistes des États-Unis et anti-colonialistes d’Europe. En Éthiopie, la bataille d’Adoua garantit le maintien de l’indépendance et demeure un symbole de l’unité nationale. Elle est aujourd'hui encore célébrée chaque année, le 2 mars, jour de fête nationale.
Le contexte colonial dans la Corne de l’Afrique
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les puissances européennes colonisent la plus grande partie du continent africain. Les forces impérialistes subissent parfois des défaites, comme à la bataille d'Isandhlwana en 1879 pour les Britanniques, mais aucun de ces revers n'entraîne l'abandon des ambitions coloniales occidentales.
Avec l’ouverture du canal de Suez en 1869, la Corne de l'Afrique occupe une place stratégique et la région attire toutes les convoitises[5].
Le Royaume d'Italie, qui achève son unité en 1871, entre relativement tard dans la course à l'Afrique ; il s'implante en Afrique de l'Est le , lorsque la Società di navigazione Rubattino achète la baie d'Assab au sultan local[6],[7]. Le , le gouvernement italien prend le contrôle du port d'Assab par décret[8] puis, trois ans plus tard, du port de Massoua et s'étend vers l'intérieur[6] ; la colonie d'Érythrée est formée le [8]. Durant les années 1880, l'Italie acquiert également divers territoires sur la côte du Benadir[8] auxquels elle impose un protectorat le . Elle cherche ensuite à accroître son influence en envahissant l'Éthiopie en 1895-1896[9].
De leur côté, les Britanniques occupent Zeilah et Berbera[10] en 1885. Par ailleurs, la Grande-Bretagne tente de développer son implantation en Égypte et ambitionne de contrôler l'ensemble du bassin du Nil[5]. En 1896, au Soudan voisin, les mahdistes résistent toujours à l'envahisseur britannique mais finissent par céder en 1898[Note 3] ; la même année, la France développe ses positions djiboutiennes[10].
En Éthiopie, le XIXe siècle voit se succéder les conflits avec les puissances limitrophes, qui donnent lieu à plusieurs engagements, notamment les batailles de Gundet (1875) et de Gura (1876), au cours de la guerre égypto-éthiopienne, et la bataille de Metemma en 1889.
Le contexte économique d'une réorganisation intérieure de l’empire éthiopien
Dans ce contexte de conflits incessants au cours du XIXe siècle et dans la perspective de leur multiplication, Menelik II procède à une réorganisation intérieure de l'empire dans la décennie qui précède Adoua. Une plus forte centralisation de l'État apparaît, les méthodes d'estimation des capacités agricoles se développent, la taxation du travail paysan s'alourdit, l'économie est plus directement reliée aux besoins des militaires, le ravitaillement des armées est revu, préparant le pays à une prolongation de la période de conflit. L'efficacité de cette nouvelle structuration économique explique notamment comment l'empire éthiopien a pu mobiliser dans les années qui précèdent la bataille Adoua, au cours de plusieurs conflits successifs, une armée d'une centaine de milliers d'hommes, et subvenir à son entretien et à son ravitaillement dans un terrain aussi escarpé que la région du Tigré[11].
L'ancien système foncier (rist gult), qui prévalait depuis le XVIe siècle, est essentiellement un système de propriété communale des terres, où les taxes foncières sont sous contrôle privé ou familial et sont perçues par le gultgegna. Il présente l'avantage essentiel de rendre impossible le phénomène des paysans sans-terre. Dans ce cadre, les armées comptent quelques dizaines de milliers d'hommes seulement.
Les limites de ce système commencent à apparaître au XIXe siècle, face à l'accroissement de la présence coloniale autour de l'empire éthiopien (les troupes impériales sont mobilisées dix-huit fois sous le règne de Téwodros II, plus de trente-et-une fois sous celui de Yohannes IV) et à l'ampleur des moyens financiers des puissances européennes. Ainsi, les troupes italiennes disposent d'un armement toujours plus moderne et du soutien financier accru de l'État : l'armée italienne reçoit notamment une dotation de vingt millions de lires l'année précédant Adoua dans le but d'éviter que ne se reproduise la défaite d'Amba Alagi[12].
Le nouveau système de taxation (gebbar maderia)[Note 4], diffère qualitativement de celui existant sous le règne des prédécesseurs de Menelik par les soldes aux armées, l'administration des revenus et l'approvisionnement des troupes. Il est beaucoup plus fortement centralisé, le taux de taxation est directement relié aux besoins militaires en se fondant sur la mesure des besoins d'un soldat ordinaire, et le soldat, devenu propriétaire, devient directement responsable de son propre ravitaillement. Dès lors, les taxes foncières passent sous l'administration directe des ras et constituent la source de revenu la plus importante de l'armée impériale.
Cette forme de taxation sécurise les soldes des armées et facilite une mobilisation accrue à la fois de la paysannerie et des ras locaux. Le système contrôlé directement par l'État se révèle en outre beaucoup plus flexible (facilitant le transfert des ressources d'une région à l'autre), et permet une élévation considérable des revenus de l'empire éthiopien, accrus par l'intégration récente des régions du sud de l'actuelle Éthiopie.
En parallèle, d'autres innovations permettent d'accroître les revenus de l'empire éthiopien :
- en 1894 est mise en place une forme de taxation universelle, la taxe Asrat[11], qui s'applique aussi bien aux nobles locaux qu'aux soldats et aux propriétaires ;
- depuis les années 1880, dans une période de développement du commerce international des puissances coloniales, la taxation des droits de douanes à l'import-export assure à l'État des revenus réguliers[11].
Au total, on peut estimer à 995 178 thalers de Marie-Thérèse d'Autriche ($TMT) les sommes dont dispose l'empire de Menelik II, un revenu d'une ampleur totalement nouvelle[11]. Tsegaye Tegenu fait remarquer qu'en négligeant l'importation de l'artillerie, on peut estimer que la mobilisation d'une centaine de milliers de fusils et de cinq millions de cartouches à Adoua, montre que l'empire a pu investir à cette époque pour plus d'un million de $TMT dans la bataille[11].
Dans le cadre de l'ancien système de taxation (rist gult), la capacité de mobilisation de l'empire éthiopien peut être estimée à trente mille hommes[11] ; les moyens déployés par l'Italie auraient pu suffire dans ces conditions. La restructuration intérieure de l'empire éthiopien a sans doute contribué à ce que le commandement italien ait sous-estimé l'armée que les troupes de Baratieri affronteront à Adoua.
Les relations diplomatiques avec l’Italie : le traité de Wuchale
Les relations entre l'empire éthiopien et l'Italie sont initialement cordiales ; un traité d'amitié et de commerce est signé en . Un traité d'amitié et d'alliance s'y substitue en octobre 1887[13], puis un traité signé dans le village de Wuchale, dit de paix perpétuelle et d'amitié, le . Ce dernier, signé deux mois après le décès de Yohannes IV, concède des avantages notables aux deux parties : aussi bien envers Menelik II, qui cherche à légitimer son accession au trône, qu'envers les Italiens qui consolident leurs positions dans la Corne de l'Afrique, notamment dans la région des hauts plateaux tigréens d'Hamassen. Un des articles du traité, l'article 17, joue un rôle décisif dans la suite des événements. En effet, les deux versions du traité, l'une en amharique, la seconde en italien, diffèrent dans leur traduction : si dans la version éthiopienne, l'empire éthiopien se réserve la faculté de se servir des agents du gouvernement italien pour ses relations avec les puissances européennes, la version italienne rend ce recours obligatoire, plaçant de fait l'Éthiopie sous protectorat italien[14].
Le , Francesco Crispi, ministre italien des affaires étrangères, informe les représentants italiens à l'étranger, qu'en vertu de l'article 34 de l'acte général de la conférence de Berlin et de l'article 17 du Traité de Wuchale, il est convenu que « Sa Majesté le Roi d'Éthiopie fasse usage de Sa Majesté le Roi d'Italie pour la conduite de toutes les affaires qu'il pourrait avoir avec les autres Puissances ou Gouvernements ». La référence à la conférence de Berlin indique clairement aux puissances européennes la mise sous protectorat de l'Éthiopie, ce que les autres puissances coloniales ne contestent nullement[15].
L'affaire n'est connue en Éthiopie que le , lorsque, recevant une réponse des gouvernements anglais et allemand à l'une des requêtes, ceux-ci répondent à Menelik II qu'ils ne peuvent accepter de communication directe provenant d'Éthiopie. La manipulation est dénoncée dans une lettre de Menelik II au roi Humbert Ier d'Italie le . Menelik II met alors fin à tout lien d'intérêt unissant l'Éthiopie à l'Italie en remboursant les crédits accordés par l'Italie, négociés par le ras Makonnen, et commence par rembourser le prêt de deux millions de lires accordé[15]. Prenant avantage des délais inhérents aux relations diplomatiques, Menelik II fait importer de grandes quantités d'armes à feu de France, de Russie et de Belgique[15].
Le traité de Wuchale est dénoncé le . Le lendemain, une lettre écrite aux puissances européennes informe que l'Éthiopie rejette toute forme de protectorat[Note 5],[16].
Déclenchement du conflit et affrontements armés jusqu’à Adoua
En cette même année 1893, en Italie, l’ancien ministre des affaires étrangères, Francesco Crispi, devient Premier ministre. Le pays traverse une période de crise intérieure, résultant de révoltes paysannes et de mouvements sociaux grandissants. Crispi interdit toute organisation de forme socialiste et tout syndicat de paysans et de travailleurs, des milliers d'Italiens se retrouvent privés de leurs droits civiques. Durant l'année 1895, il dirige le pays d’une main de fer sans consulter le Parlement et est reconduit au pouvoir avec une large majorité[17].
Les affrontements entre l'Éthiopie et l'Italie qui suivent la dénonciation du traité, débutent à la fin de l'année 1894, lorsque Bahta Hagos, un Dejazmach d'Akkele Guzay en Érythrée, entre en rébellion contre l'ordre colonial[11]. En , les Italiens engagent les hostilités à la bataille de Coatit contre le Ras Mengesha, gouverneur du Tigré, fils de Yohannes IV. À la suite de leur victoire, ils occupent une grande partie du Tigré, à Adigrat, Mekele et Amba Alagi[11].
Au cours d'une allocution devant la chambre italienne des députés le , Francesco Crispi reçoit une « approbation cordiale » sur le budget des affaires étrangères à l'exception de l'extrême-gauche. Le projet est présenté comme visant à assurer « la sauvegarde des frontières italiennes et la paix »[18].
En Éthiopie, un appel à la mobilisation générale contre les forces coloniales est lancé le . En l'espace de deux mois, une centaine de milliers de soldats sont rassemblés en des points stratégiques du pays (Addis-Abeba, Were Ilu, Ashenge, et Mekele)[11]. Les forces éthiopiennes se dirigeant vers le nord du pays et la région du Tigré rencontrent une position fortifiée italienne, à Amba Alagi. Accompagné des troupes du Qegnazmach Tafesse, le Fitawrari Gebeyehu lance une attaque, désobéissant ainsi aux ordres. Le , les forces italiennes et un renfort de cinq mille hommes sont chassés et mis en déroute. La poursuite de la marche vers les positions italiennes s'effectue alors dans l'anticipation constante d'un affrontement[11].
Une dépêche italienne publiée le montre que les Italiens ont connaissance de mouvements des troupes éthiopiennes qui progressent en deux colonnes : l'une dirigée vers Adoua sous les ordres du ras Alula et l'autre se dirigeant vers Asmara, forte de plus de cent mille hommes[19].
Le , le gouvernement italien annonce une augmentation du budget pour la campagne en Éthiopie de seize à vingt millions de lires sur les sept prévus initialement[20]. Devant la Chambre des députés, l'opposition développe ses interventions visant à renverser le gouvernement[19], Francesco Crispi est fréquemment interrompu par les radicaux, à qui il reproche leur « comportement intempéré et anti-patriotique » ; le New York Times indique que les débats à l'assemblée sont « fortement agités »[20]. Le même jour un navire italien quitte le port de Naples pour Massaoua avec à son bord un renfort de mille quatre cent soixante hommes ; la foule manifeste un « grand enthousiasme »[20]. Au total entre le et le , ont lieu à Naples vingt-quatre départs, correspondant à l'envoi d'un renfort de dix-sept mille deux cent trente-quatre hommes[21]. En particulier, le général Dabormida est envoyé le à la tête d'une brigade d'infanterie pour soutenir les troupes de Baratieri[22].
Le , les troupes des ras rencontrent une nouvelle fortification des Italiens à Mekele, capitale du Tigré. Les Éthiopiens encerclent la fortification qu'ils assiègent et canonnent pendant deux semaines, jusqu’à la reddition de l'ennemi le . Menelik II décide de contourner Adigrat. Les campements s'établissent successivement dans les villes d'Agula, Genfel, Hawzen, Harhar, WereA, Tsadiya, Zata, Gendebeta, Hamassen, Aba Gerima Gult, puis, début mars, à Adoua[11].
Le général Oreste Baratieri aperçoit les troupes de Menelik le , mais ne déclenche pas l'offensive.
Furieux, Crispi envoie, le , un télégramme à Baratieri lui ordonnant d'engager le conflit[Note 6],[23].
Organisation stratégique
Du côté éthiopien
Dans l'optique générale de la première guerre italo-éthiopienne, l’action militaire éthiopienne repose sur une stratégie offensive fondée sur l’ouverture de deux fronts d’attaque afin de combattre les principaux regroupements de troupes avancés à l’intérieur du territoire national[11]. Le haut commandement éthiopien donne comme instruction d’éviter l’affrontement direct sur les positions ennemies. Il cherche à frapper l’ennemi en position avancée à l’intérieur de son territoire en visant le siège du gouvernement colonial à Hamassen. En particulier, à la suite de la victoire de Meqelé, Menelik II et ses troupes contournent la position d’Adigrat où se trouve rassemblé le gros des troupes italiennes. C’est sur la route vers Hammassen que l’armée est confrontée aux troupes italiennes[11].
Au cours de la bataille d'Adoua, l’armée éthiopienne joue sur la mobilité et les manœuvres plutôt que sur des formations linéaires et la coordination. Sa stratégie repose sur des combats brefs et rapides bénéficiant de l’utilisation de la cavalerie et des forces d’infanterie[11].
Du côté italien
Oreste Baratieri refuse initialement d'engager la bataille car il sait que les Éthiopiens sont nombreux et que leur maintien sur place ne peut durer longtemps. Toutefois, le gouvernement italien de Francesco Crispi ne peut tolérer le fait d'être mis en échec par une armée non-européenne et donne l'ordre à Baratieri de lancer l'offensive.
Les Italiens ont un plan opérationnel précis avant de lancer l'assaut à Adoua. Ce plan est schématisé sur une carte par Oreste Baratieri, commandant des forces italiennes. Le plan détaille les performances, les missions, les positions et les directions des principaux fronts ainsi que la durée d'accomplissement des manœuvres. Globalement, Tsegaye Tegenu note que ce plan néglige la capacité de regroupement et les opérations possibles des troupes éthiopiennes liées à une structure de commandement fortement flexible en cours de combat[11].
L'Italie prend l'initiative d'une attaque surprise à travers un engagement rapide des forces principales, en visant à la fois le cœur de la formation éthiopienne, ainsi que ses flancs[11].
La bataille d'Adoua correspond à un engagement des combats de type rencontre, c'est-à-dire qu'il correspond des deux côtés à un combat de type offensif alors que les deux formations ennemies progressaient l'une vers l’autre[11].
Forces en présence
Les troupes italiennes
L'armée italienne, divisée en quatre brigades, compte dix-sept mille sept cents hommes et cinquante-six pièces d'artillerie[Note 7]. Toutefois, Harold Marcus considère que « plusieurs milliers » de soldats étant restés à l'arrière afin de garder les lignes de communication et de venir en renfort, le nombre de soldats effectivement présents du côté italien ne s'élève qu'à quatorze mille cinq cents[24]. La brigade d'Albertone, dirigée par des officiers italiens, est constituée d'askaris (supplétifs) érythréens. Les trois autres brigades, dirigées par Dabormida, Ellena et Arimondi, sont composées de soldats italiens. Certains d'entre eux appartiennent à des unités d'élite dont les Bersaglieri, Alpini et Cacciatori mais la majorité sont des conscrits inexpérimentés[25].
Chris Prouty décrit ainsi l'état de l'armée italienne avant la bataille :
- « Ils [les Italiens] avaient des cartes inadéquates, de vieux fusils, un équipement de communication médiocre et des chaussures inadaptées au sol rocailleux. (Les nouveaux Remington n'étaient pas disponibles car Baratieri, contraint de peu dépenser, voulait utiliser les anciennes cartouches.) Le moral était bas, les vétérans avaient le mal du pays et les nouveaux arrivants trop inexpérimentés pour avoir un « esprit de corps ». Il y avait une pénurie de mules et de selles[26]. »
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Giuseppe Galliano Vittorio Dabormida Matteo Francesco Albertone Giuseppe Arimondi
Les troupes éthiopiennes
Il n'y a pas de chiffre précis concernant les forces éthiopiennes présentes à Adoua. Les estimations vont de quatre-vingt mille à plus de cent mille hommes[Note 8], la grande majorité armés de fusils dont une grande part à répétition achetés récemment en Italie avant la rupture des relations, France (Chassepot modèle 1866, Fusil Gras, quelques Lebel modèle 1886), Russie (Berdan), Belgique[31], Royaume-Uni (Martini-Henry). Par ailleurs, ils disposent de quarante-deux canons[23] de diverses origines (certains à tir rapide britanniques, des canons de montagne et des Krupps capturés sur l'armée égyptienne) avec peu de munitions, des canons-revolvers dont six Hotchkiss 37 mm et des mitrailleuses Maxim[32].
Abebe Hailemelekot a établi une liste des forces[33] et de leurs commandants respectifs, autour de laquelle plusieurs auteurs s'accordent. Dans son documentaire, Adwa : An African Victory, le réalisateur éthiopien Hailé Gerima présente également une liste[34] de troupes et de commandants. Le détail de ces estimations est précisé dans le tableau suivant.
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L'effectif total estimé par Abebe Hailemelekot est d'environ cent vingt-deux mille deux cents soldats. Celui d'Haile Gerima est plus important puisqu'il atteint cent cinquante-deux à cent cinquante-six mille hommes. Certains commandants, comme Dejazmach Gebre Egziabher Moreda, Dejazmach Jote Tullu Kelom, ras Demissew Nessibu, Fitawrari Tekle Liqe Mekwas, Sultan Mohammed Anfari sont cités par Hailé Gerima mais l'effectif des troupes sous leurs ordres n'est pas connu.
En plus des troupes présentes à la bataille, certaines unités qui se dirigent vers Adoua ont finalement dû se diriger vers Awsa. Abebe Hailemelekot dénombre parmi celles-ci :
- ras Wolde Giorgis : infanterie : huit mille hommes ;
- Azaj Wolde Tsadhik : infanterie : trois mille hommes ;
- Dejazmach Tessema Nadew : infanterie : quatre mille hommes.
Chez Hailé Gerima, certaines personnalités telles que ras Wolde Giorgis sont comptabilisées alors qu'elles ne participent pas à la bataille.
Une partie des troupes mobilisées ne peut toutefois pas rejoindre Adoua, soit pour des raisons tactiques soit en raison de retards[34].