Pays Bigouden
aire culturelle au sud-ouest du département français du Finistère / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Bigoudène?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Le pays Bigouden[Note 1], anciennement qualifié de Cap Caval, est une aire culturelle au sud-ouest de la Cornouaille finistérienne, en région Bretagne.
Ce pays traditionnel breton est notamment connu par la haute coiffe que portaient ses habitantes au XXe siècle, et par Le Cheval d'orgueil, le best-seller de Pierre-Jakez Hélias. L'activité de la pêche joue un grand rôle dans son économie.
Le pays Bigouden, qui compte environ 56 040 habitants en 2021 (37 866 pour le Pays Bigouden Sud et 18 529 pour le Haut Pays Bigouden[1]), n'a pas de réalité administrative ou des frontières géographiques bien délimitées : ce n'est pas une région naturelle ou une province, mais une aire culturelle peuplée par des habitants sur les origines desquels on se perd en conjectures[Note 2]. Il s'agit d'un groupe social qui se distingue de ses voisins par ses traditions (costume, danses, chants, musique), par sa façon de parler, son économie, ses croyances, ses coutumes, ses usages du quotidien, son architecture, sa gastronomie, etc.[2]. Formant la pointe sud-ouest de la Bretagne, le pays Bigouden est baigné par la mer Celtique à l'ouest et par le golfe de Gascogne au sud. L'estuaire et le cours supérieur du Goyen marquent sa limite occidentale. Il est limité au sud-est par l'embouchure de l'Odet et l'anse de Combrit. Ses limites nord et nord-est sont plus floues[3].
Limite nord-ouest et nord-est
Il jouxte au nord-ouest le pays Penn Sardin, et au nord-est le pays Glazik. Symboliquement, la limite nord-ouest est marquée à Pors Poulhan (sur la rive plozévétienne), où une statue de René Quillivic représentant une bigoudène annonce : Ama echu Bro Bigouden (« Ici finit le pays Bigouden »)[4],[Note 3]. Pors Poulhan marque bien la séparation entre la commune de Plouhinec (au nord) et la commune bigoudène de Plozévet (au sud). Mais la frontière de tradition se situe en réalité un peu plus au nord, sur le territoire de Plouhinec[5]. Au nord et au nord-est, cette frontière culturelle n'est pas précise [6]. Comme celle d'autres aires de tradition bretonnes, elle a connu des interpénétrations, elle a évolué[2]. Et, bien évidemment, elle n'épouse pas les limites communales.
Loin d'être le seul élément de différenciation[2], le costume aide cependant à cerner les domaines culturels. On donne souvent aux pays les limites des modes vestimentaires qui furent celles de la première moitié du XXe siècle, avant que le déclin des traditions ne rende les observations moins significatives[7]. L'« apport décisif[8] » concernant le costume breton est celui de René-Yves Creston. Les travaux proprement ethnographiques qu'il mène de 1953 à 1961 lui permettent notamment de tracer la limite du pays Bigouden[9].
- Les deux-tiers nord de la commune de Plouhinec sont penn sardin et en 1850, Plouhinec est presque entièrement kapenn[10]. Le tiers sud connaît des « infiltrations[11] » bigoudènes.
- Une grande moitié nord de la commune de Mahalon est penn sardin, « avec des restes glaziks[11] ». Le sud est bigouden.
- La moitié nord de la commune de Guiler-sur-Goyen est penn sardin. Le sud est bigouden[11].
- Une petite partie nord de la commune de Landudec est penn sardin.
- Une petite partie nord de la commune de Plogastel-Saint-Germain est glazik.
- Une frange d'infiltrations bigoudènes est observée dans l'ouest des communes glaziks de Pluguffan et de Plomelin[12].
Enclaves sud
Sur la côte sud du pays Bigouden, on trouve deux enclaves :
- Kérity (dans la commune de Penmarc'h), où l'on porte la poch flek[13], jolie coiffe d'artisane dont brides et lacets forment deux papillons sur le devant ;
- l'Île-Tudy, où l'on porte aussi la penn sardin, une élégante petite coiffe d'ouvrière d'usine de poisson[14], que l'on trouve également dans la presqu'île de Crozon, dans le pays Penn Sardin (d'Audierne à Douarnenez) et à Concarneau.
- Vers 1950, les ruraux du Finistère ne s'expriment qu'en breton. Dans les ports, à Douarnenez, à l'Île-Tudy, à Concarneau, on parle un mélange très coloré de breton et de français que les Bigoudens appellent galleg menet (contraction de galleg merc'hed An Enez Tudi) : « français des femmes de l'Île-Tudy ».
Les « 20 communes »
On simplifie parfois, en raisonnant en communes. Certaines cartes n'inscrivent pas le sud de Plouhinec, de Mahalon ni de Guiler dans le pays Bigouden culturel[2],[15]. Elles considèrent que celui-ci est constitué de 20 communes[16]. Ces 20 communes se répartissent sur trois cantons. Ce sont :
les cinq communes du canton de Guilvinec |
les sept communes du canton de Pont-l'Abbé |
huit des onze communes du canton de Plogastel-Saint-Germain |
---|---|---|
Guilvinec Treffiagat Loctudy Penmarch Plobannalec-Lesconil |
Combrit-Sainte-Marine Île-Tudy Plomeur Pont-l’Abbé Saint-Jean-Trolimon Tréguennec Tréméoc | Landudec Peumerit Plogastel-Saint-Germain Plovan Plozévet Plonéour-Lanvern Pouldreuzic Tréogat |
Les 20 communes se partagent entre communauté de communes du Pays Bigouden Sud et communauté de communes du Haut Pays Bigouden. Cette dernière compte, en plus, deux communes de tradition particulière :
On note aussi que trois communes administrativement englobées dans le canton de Plogastel-Saint-Germain ne figurent pas dans les vingt communes :
Géologie et relief
Le pays Bigouden faisant partie du Massif armoricain, son histoire géologique se confond avec celle de ce dernier, marquée principalement, après une première orogenèse au Cadomien (entre - 530 et - 480 millions d'années), par le plissement hercynien au Carbonifère supérieur, suivi de son érosion pendant l’ère secondaire et de sa fracturation, avec principalement les deux failles décrochantes, d’orientation presque ouest-est (légèrement ouest-nord-ouest-est-sud-est) dans leurs parties finistériennes, du cisaillement sud-armoricain[18], qui partent de la pointe du Raz et se poursuivent respectivement jusque dans les régions angevine et nantaise en passant par les environs de Quimper, guidant en particulier le tracé de la vallée du Jet[19] ; d’autres failles, d’orientation nord-ouest-sud-est pour la plupart, sont apparues par la suite, principalement lors de l’ouverture du golfe de Gascogne et de l’océan Atlantique, jalonnées par endroits de filons de quartz (par exemple à Minven en Tréogat) ou de laves basaltiques. La région connaît au début de l’ère tertiaire un climat tropical humide qui provoque une importante altération des roches de surface et est par moments recouverte par la mer, d’où la présence de sédiments marins dans la cuvette de Toulven au sud de Quimper, dont les argiles sont à l'origine des faïenceries. Les alternances d’épisodes glaciaires et de réchauffements climatiques interglaciaires à la fin de l’ère tertiaire et au début du Quaternaire entraînent d’importantes variations du niveau de la mer de plus jusqu'à - 130 mètres (le littoral se trouvait alors une cinquantaine de kilomètres plus à l’ouest que le littoral actuel), expliquant le surcreusement des parties aval des vallées des fleuves côtiers suivies de leur invasion par la mer, lors de la transgression flandrienne, provoquant la formation de rias, telles celles de l'Odet, de la rivière de Pont-l'Abbé et du Goyen, ainsi que l’érosion des roches tendres comme les micaschistes de la baie d’Audierne, provoquant des accumulations importantes de sable et de galets formant des cordons littoraux, certains en position perchée par rapport au niveau actuel de la mer, témoignant d’un niveau de la mer alors supérieur. Ces cordons littoraux bloquent l'écoulement des eux des minuscules fleuves côtiers, d'où la formation de nombreuses lagunes, devenues souvent des étangs d'eau douce ou des paluds (marais maritimes), principalement au niveau de la Baie d'Audierne, mais aussi le long de la côte sud du pays Bigouden, par exemple en arrière de la plage du Ster au Guilvinec, de la plage de Léhan en Léchiagat, de la plage des Sables Blancs en Loctudy et du tombolo allant de la pointe de Combrit à l'Île-Tudy en arrière de la plage de Kermor.
Le granite de Pont-l’Abbé[Note 4] est la roche principale du pays Bigouden : il recouvre tout son tiers sud, depuis la pointe de Penmarc'h et la pointe de la Torche jusqu'au tiers aval de la ria de l’Odet et la pointe de Combrit (recouvrant la totalité du finage de communes comme Penmarc’h, Guilvinec, Plobannalec-Lesconil, Loctudy, Pont-l’Abbé, Combrit-Sainte-Marine et la majeure partie de celle de Plomeur) ainsi que son tiers nord, juste au sud du cisaillement sud-armoricain, depuis la pointe du Raz jusqu'à Quimper (recouvrant tout ou partie du finage des communes de Plouhinec, Plogastel-Saint-Germain et Plomelin par exemple). Ce granite est par endroits déformé, présentant une certaine schistosité oblique de 30 à 60 degrés, ce qui explique l'aspect spectaculaire et original des rochers de Saint-Guénolé par exemple.
La partie centrale, à hauteur de la baie d’Audierne, présente une géologie plus variée, avec une série d’affleurements orientés principalement ouest-sud-ouest-est-nord-est ; successivement, du nord au sud, affleurent des orthogneiss, par exemple à Pors Poulhan et sur la plage du Gored en Plozévet, ainsi qu’à proximité de la chapelle de Languidou par exemple ; des micaschistes occupent toute la partie nord de la baie d’Audierne de Plovan au sud de Plozévet ; des amphibolites et serpentinites provenant de la décomposition d’anciennes coulées volcaniques se rencontrent principalement à Peumerit, ainsi que des gabbros au niveau du hameau de Kersco dans la même commune. Des prasinites, provenant aussi d’anciennes coulées de laves basaltiques, affleurent principalement au nord de l’étang de Trunvel et autour de Tréogat. D'autres affleurements de micaschistes forment la majeure partie du finage de communes comme Plonéour-Lanvern et Saint-Jean-Trolimon, séparés en deux par un affleurement d’orthogneiss allant du littoral de la baie d’Audierne jusqu'au bourg de Plonéour-Lanvern et au-delà vers l'est, visible par exemple dans le mur d'enceinte de la chapelle de Languidou. Un étroit affleurement de leptynite sépare les deux dernières roches citées ; cette roche blanchâtre a été utilisée dans certaines constructions locales comme la chapelle Saint-Vio en Tréguennec [20].
Les zones humides subsistantes (car certaines ont été poldérisées) au niveau des étangs et marais littoraux, principalement le long de la baie d'Audierne et de la rivière de Pont-l'Abbé ainsi que l'anse du Pouldon, présentent désormais un intérêt écologique majeur pour la diversité de la faune et de la flore, notamment au niveau des étangs de Trunvel (en Tréogat) et de Kergalan (en Plovan), leurs abondantes ceintures de phragmites abritant de nombreux passereaux ainsi que des sternes pierregarins. Le cordon de galets proche (considérablement amaigri par les prélèvements de galets effectués, principalement par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale) est un site de nidification pour les gravelots à collier interrompu. Les dunes elles-mêmes constituent un milieu naturel original, colonisées côté mer par des oyats et du panicaut maritime et voyant fleurir au printemps côté terre de nombreuses espèces végétales dont des orchidées. Les tempêtes hivernales comme celles de l'hiver 2013-2014 provoquent des ruptures dans ces cordons et le recul du littoral fragilisé menace la pérennité de ce milieu naturel. L'estuaire de la rivière de Pont-l'Abbé est une halte pour de nombreux oiseaux migrateurs et abrite aussi de nombreuses espèces hivernant sur place comme le héron cendré, l'aigrette garzette et d'autres[20].
Littoral fragile et menacé
Littoral sud
Le littoral sud du pays Bigouden, entre Penmarc'h et la ria de l'Odet, est le résultat d'un fragile équilibre entre les forces naturelles et les actions anthropiques. Les cartes levées par les ingénieurs géographes du Roy vers 1775 montrent des anses qui se trouvaient en arrière des cordons littoraux : celle du Steir Poulguen (qui allait jusqu’à Port-du-Bouc) entre Kérity et Le Guilvinec ; elle fut fermée par les hommes après le raz-de-marée de 1899), celle de Kersauz (à l'ouest de la pointe du Goudoul en Lesconil), celle du Cosquer en Loctudy (comprenant l'anse adjacente du Steir de Lesconil) et celle, un schorre en fait, du tombolo entre l'Île-Tudy et Sainte-Marine, dont le cordon occidental était entrecoupé par la passe de Kermor et la partie orientale entrecoupée de brèches séparant des îlots de sable, du moins à marée haute.
Les travaux entrepris par les hommes ont profondément modifié la configuration du littoral : vers 1850, un mur-digue est construit fermant la flèche du Cosquer (en Loctudy) afin de permettre l'assèchement et la mise en valeur de 70 hectares de terres ; la construction en 1852 de la digue étant la passe de Kermor et l'obstruction des brèches du cordon littoral permet l'assèchement des marais maritimes du Treustel, etc.
Les extractions de sable pratiquées en mer (jusque vers 1980 devant Loctudy, l'Île-Tudy et Sainte-Marine), sur les estrans et dans les dunes littorales entre le milieu de la décennie 1950 et le début de la décennie 1980, de manière illégale (du moins à la fin de cette période) ont fragilisé les cordons littoraux.
Entre Sainte-Marine et l'Île-Tudy, la mer a continué à ouvrir périodiquement des brèches dans la partie centrale du cordon dunaire. À partir de 1967, des mesures d'interdiction de circulation et de stationnement sur les dunes ont été décidées et des parkings créés à l'extrémité des diverses routes d'accès, des conifères et des oyats plantés, des accès à la plage aménagés ; mais les tempêtes continuent à ébrécher le cordon d'un aire. Un système de protection formé de géoconteneurs confectionnés en fibres géotextiles enfoncés dans le sable a été installé en 1985, montrant une certaine efficacité[21].
La mise en place dans les décennies 1990 et 2000 de cordons d'enrochement, outre que ceux-ci entraînent une aggravation de l'érosion dans les zones voisines non protégées défigurent et artificialisent le littoral. Le dispositif brise-vagues (des troncs d'arbres plantés dans le sable de la plage) implanté par exemple à Léhan en Treffiagat (dans le prolongement du cordon d'enrochement) a fait la preuve de son inefficacité : en dépit d'apports fréquents de sable pour renforcer la dune entre Léhan et Squividan, par exemple en octobre 2020, il a suffi d'une marée à coefficient 109 coïncidant avec un vent de sud-ouest les 14 et pour faire reculer le cordon dunaire de plus d'un mètre, provoquant l'inquiétude des riverains[22].
Littoral ouest
Terroirs bigoudens
Trois terroirs principaux peuvent être distingués :
- la palue ou palud : zone marécageuse inondable, séparée de la mer par un cordon littoral portant des dunes ou formé de galets (baie d'Audierne), couverte d'étangs ou lochs, d'anciennes lagunes (la mer pénétrant épisodiquement lors des tempêtes), parfois convertis au fil des siècles en médiocres terres agricoles, restées souvent propriété collective (biens communaux) servant de pâturages à moutons par le passé dans le cadre de la vaine pâture. Ces paluds ont par endroits été poldérisés, souvent pendant la seconde moitié du XIXe ou le début du XXe siècle pour permettre l'extension des cultures maraîchères et parfois urbanisés, surtout pendant la seconde moitié du XXe siècle, en raison de l'attractivité littorale et balnéaire, bien que situés en zone inondable. Par exemple, à Treffiagat-Léchiagat, les « communaux », jusque-là principalement utilisés par les paysans sans terre, les journaliers, les valets de ferme, furent partagés à partir de 1853 entre les paysans propriétaires au prorata de la superficie de leurs propriétés respectives ; toujours dans cette commune, la centaine d’hectares inondables en hiver fit l'objet d'une première tentative d'assèchement en 1884 (qui échoua en raison des mésententes entre propriétaires), mais réalisé par la suite au début du XXe siècle par Corentin Toulemont d'abord, qui assécha une douzaine d'hectares pour son propre compte ; ce succès incita à la création du « syndicat des marais » vers 1922, qui regroupa tous les fermiers et domaniers de la bande côtière de Kersaoz à Léchiagat, les petits exploitants de Léhan, les paysans de Tal ar Veil, qui possédaient marais et dunes, sous la direction de Corentin Toulemont, et les travaux d'assèchement des marais furent effectués entre 1926 et 1928. Un canal de drainage à ciel ouvert sur 3 km et en souterrain sur 1,3 km fut construit pour évacuer le trop-plein d'eau et près d'une centaine d’hectares gagnés à l'agriculture[23]. Des travaux analogues furent faits à Plovan, Tréogat et Tréguennec en bordure de la baie d'Audierne, à Saint-Guénolé et Kérity en Penmarch. Plus à l'est, les marais de Kermor, à cheval sur les communes de Combrit et l'Île-Tudy furent aussi transformés en polders ;
- le traon (mot breton) est la plaine basse traditionnelle, à la terre enrichie par les apports d'engrais et particulièrement de goémon, et amendée par le maërl extrait de la mer voisine, zone traditionnelle de culture céréalière, qui a développé, climat océanique tempéré aidant, une culture de primeurs, pommes de terre principalement, dès le XIXe siècle, exportées principalement vers l'Angleterre à partir du port de Loctudy ; dans les premières décennies du XXe siècle, cette zone a développé des cultures maraîchères de plein champ : carottes, petits pois, haricots verts, choux-fleurs, épinards, oignons, ail, parfois vendus frais, mais souvent destinés aux conserveries.
La prospérité de ce terroir a été vantée par Jacques Cambry dès 1794 :
« Outre le froment qu'on y recueille en abondance, on y trouve beaucoup d'orge, de bled noir et d'avoine ; […] on vante les beurres de ce pays, les fruits de toute espèce y sont délicieux et très-communs : cerises, pêches, abricots, figues, etc. ; les jardins couverts de choux, d'oignons, de haricots, d'asperges, de melons, d'artichaux, de panais, sont très-nombreux. Pour obtenir ces riches productions, il ne faut qu'effleurer la terre : les fruits et les légumes de ce canton devancent d'un mois la maturité de ceux du canton de Quimper, qui n'est éloigné que de trois lieues ; on sent que les cultivateurs de ce canton y vivent avec plus d'aisance[24]. »
- le gorré ou menez (mots bretons) est la partie intérieure, plus haute et vallonnée, bocagère, qui était traditionnellement plus pauvre et plus isolée, couverte partiellement de landes par le passé, où l'élevage des bovins et des chevaux était prépondérant, mais pratiquant aussi des cultures, principalement fourragères[25].
Les cordons dunaires du littoral sont interrompus par de petits estuaires appelés ster en langue bretonne.
Contrastes entre l'intérieur et le littoral
Deux mondes coexistent, et parfois même s'affrontent, au sein du pays Bigouden : le littoral, dominé par la vie maritime, particulièrement la pêche, bastion ouvrier, syndical, républicain de gauche, longtemps pendant le XXe siècle à forte influence communiste et l'intérieur, rural, paysan et de tradition plus conservatrice. Ce clivage passe même à l'intérieur de nombreuses communes, opposant des bourgs ruraux qui se sont implantés en situation non littorale (les bourgs de Penmarc'h, Plomeur, Treffiagat, Plobannalec, Combrit) et les hameaux portuaires (Saint-Guénolé, Saint-Pierre, Kérity dans la commune de Penmarc'h, Léchiagat dans celle de Treffiagat, Lesconil dans celle de Plobannalec, Sainte-Marine dans celle de Combrit. Cette opposition a même provoqué un séparatisme communal : le port du Guilvinec obtient son indépendance communale par rapport à Plomeur le . Seuls trois chefs-lieux communaux se sont implantés originellement en situation littorale et portuaire : Loctudy, L'Île-Tudy (en raison de sa situation initialement insulaire), ainsi que Pont-l'Abbé, au fond de sa ria, la rivière de Pont-l'Abbé.
Le même clivage existe dans l'ouest du pays Bigouden, le long de la baie d'Audierne, où les marais littoraux et l'absence de sites portuaires ont dissuadé l'implantation humaine, les bourgs s'implantant, même pour les communes ou anciennes paroisses littorales, en situation non littorale : Saint-Jean-Trolimon, Tréguennec, Plonéour, Tréogat, Plovan, Pouldreuzic (où se trouve le seul hameau notable en situation littorale : Penhors), Lababan, Plozévet.
L'opposition entre les « Blancs », majoritaires parmi les électeurs ruraux, et les « Rouges », majoritaires parmi les marins, fut longtemps très forte, particulièrement pendant les premières décennies du XXe siècle : en 1910, le marquis de L'Estourbeillon, député royaliste, dénonce les incidents survenus lors des élections législatives dans la deuxième circonscription de Quimper, qui virent l'élection comme député radical d'Édouard Plouzané : « ce furent les voies d'accès aux salles de vote et même aux bourgs gardés par des groupes d'individus menaçant et frappant les électeurs ruraux qui venaient voter comme à Treffiagat, Peumerit et Plozévet ; des bureaux et des urnes pris violemment et gardés par des bandes de marins étrangers aux sections de vote, comme à Plobannalec, pour empêcher le vote des cultivateurs. (...) Ce n'est pas tout. Il y eut aussi des voies de fait (...), [une] agression même contre un des candidats, l'honorable M. de Servigny[26], dans la commune de Peumerit, [des] coups et blessures à Plogastel-Saint-Germain (...) »[27].
Ces contrastes se retrouvent en partie de nos jours dans les regroupements de communes qui se sont constitués : la communauté de communes du Pays Bigouden Sud regroupe essentiellement des communes littorales et la communauté de communes du Haut Pays Bigouden des communes de l'intérieur et de la partie occidentale du pays Bigouden ; ce clivage est aussi symbolisé par la rivalité actuelle entre les deux villes de Pont-l'Abbé, capitale historique du pays Bigouden et siège de la communauté de communes du Pays Bigouden Sud, et Plonéour-Lanvern, qui se revendique « carrefour du pays Bigouden », même si le siège de la communauté de communes du Haut Pays Bigouden se trouve à Pouldreuzic.
Répartition inégale de la population et évolution démographique
Les communes du littoral sud ont toutes une densité supérieure à 120 habitants par km², alors que celles situées dans l'intérieur ont pour la plupart (sauf Plonéour-Lanvern) des densités inférieures à 30 habitants par km². Le déclin démographique est net, la plupart des communes cumulant un solde naturel et un solde migratoire négatifs, un vieillissement prononcé de leur population, une importante déprise agricole et, pour les communes littorales, un déclin des activités maritimes.
La seule zone dynamique démographiquement entre 1970 et 2000 est le sud-est du pays Bigouden : Pont-l'Abbé, Plomeur, Loctudy, Plonéour-Lanvern, Combrit surtout, en raison de la plus grande proximité du pôle d'emplois quimpérois, aisément accessible par la roue transbigoudène, aménagée en voie rapide dans la décennie 1990[28].
Toutefois la situation démographique change pendant les deux premières décennies du XXIe siècle : par exemple, entre 2011 et 2016 le pays Bigouden gagne quelques habitants, passant de 55 185 habitants à 55 360 (et même à 55 582 habitants en 2018), soit un gain de 175 habitants en six ans ; et surtout ce gain est désormais dû à la communauté de communes du Haut Pays Bigouden dont la population est passée de 17 561 à 18 028 habitants entre ces deux dates (gagnant donc 467 habitants), alors que la communauté de communes du Pays Bigouden Sud enregistre une diminution de sa population, passant de 37 624 à 37 332 habitants, soit une baisse de 292 habitants[29].
En 2021, selon l'Insee, par rapport à 2015, le Haut Pays Bigouden a connu une augmentation de 530 habitants (+ 2,9 %), la croissance du Pays Bigouden Sud étant plus modeste (454 habitants, + 1,2 %). Les communes ayant connu la plus forte croissance sont Peumerit (+ 9,8 %), Tréméoc (+9,5 %), Landudec (+ 6,7 %), Plobannalec-Lesconil (+6,2 %), Combrit (+ 5,9 %) et Plonéour-Lanvern (+ 4,4 %) ; les baisses les plus importantes concernent Penmarc'h (- 6 %, soit 327 habitants), Saint-Jean-Trolimon (- 4,2 %), Guiler-sur-Goyen (- 2,2 %) et Plozévet (- 1,6 %) ; Pont-l'Abbé reste la ville la plus peuplée (8 395 habitants), devant Plonéour-Lanvern (6 347 habitants) et Penmarc'h (5 130 habitants)[1].
Environnement
Climat
Le climat est océanique avec un hiver doux mais humide et très venté, et un été sans chaleur excessive (voir aussi climat du Finistère).
Le site naturel de la baie d’Audierne est protégé, célèbre par ses courants et sa navigation dangereuse. C'est aussi une zone très poissonneuse par la rencontre des eaux océaniques qui viennent buter contre le courant plus froid venant de la Manche.
Dunes et paluds bigoudènes
Les "Dunes et paluds bigoudènes", qui accueillent plus d'un millier d'espèces végétales et animales différentes, vont devenir en 2024 une nouvelle Réserve naturelle régionale, à la suite d'un vote du Conseil régional de Bretagne en date du [30].
Faune marine de la baie d'Audierne
Le site recueille sur ses côtes de nombreuses espèces marines qui y trouvent refuge entre la côte continentale et les îles du Ponant finistérien dont l’île de Sein qu'on rattache souvent aussi au pays Bigouden.
Bien que le pays Bigouden soit de tradition plutôt terrienne, les femmes de Sein partageaient souvent les mêmes traditions et activités que les Bigoudens du continent, ou bien vivaient sur le continent durant l’hiver difficile à Sein, certaines familles sénanes y possédant aussi des potagers car les cultures maraîchères étaient difficiles et insuffisantes sur l’île, et les pêcheurs sénans apportaient l’essentiel de leur pêche en port de Loctudy avant de rentrer sur l’île ou de cultiver leur potager en pays Bigouden ou acheter les provisions de bouche avant de rentrer sur l’île avec leur panier de pêche.
De fait la pêche en baie d’Audierne était très fructueuse et guettée par de nombreux oiseaux (mouettes, fous de Bassan, et depuis quelques années des macareux revenus de la Manche) qui suivaient les pêcheurs pour collecter les espèces non conservées. Les eaux sont riches aussi en poissons de grande taille dont le bar.
De plus, la baie d’Audierne offre un plateau continental favorable à l’élevage des langoustes et homards en paniers, et les eaux sont aussi riches en langoustines, galatées et petites crevettes grises ; son fond est également habité par des espèces très charnues de crabes marins.
Des baleines y étaient observées. On voit toujours des dauphins et petits requins appelés des « peau bleue » qui étaient capturés autrefois pour leur viande, mais le plus souvent parce qu'ils se retrouvaient au milieu des filets, attirés par les riches bancs de poissons de la baie et de la mer d'Iroise. On en trouve encore en criée de Loctudy.
Bien que la pêche soit toujours importante, la diminution des bancs de poissons et crustacés reste un problème et a conduit à limiter l'effort de pêche pour préserver la ressource. Autre problème : la pollution marine (dont les dégâts causés par les marées noires et dégazages sauvages des navires croisant au large de la Bretagne) qui a marqué toute la région et appauvri les espèces aviaires.
Rivière de Pont-l’Abbé et abers
Grâce aux efforts de préservation, de dépollution des effluents urbains et de protection des berges, les populations de saumons sauvages sont revenues et ont colonisé les abers et petites rivières aux eaux cristallines et abondantes qui débouchent à Pont-l'Abbé dans son petit port.
Tradition orale : Penmarc'h
La péninsule s'appelle primitivement Penmarc'h[31],[32]. Henri Touchard constate à diverses reprises qu'à la fin du XVe siècle, dans les registres portuaires, le même maître d'équipage et son même bateau peuvent avoir pour port d'attache un jour un port connu (Loctudy[33], Guilvinec…) et un autre jour un mystérieux « Penmarc'h ». Il en conclut que Penmarc'h n'est pas un port, mais une vraie « nébuleuse » de ports. Penmarc'h désigne « toute la côte », de la baie d'Audierne à l'embouchure de l'Odet[34].
« Quand on parle de Penmarc'h à cette époque, il s'agit en fait de l'équivalent d'un quartier maritime qui va de Léchiagat à Pors-Carn. Un maître de bateau de Treffiagat inscrit son bateau à Bordeaux comme étant de Penmarc'h[35]. »
Per Jakez Helias décrit ainsi, dans le conte La Rivière de Kido, de manière imagée, les conséquences de l'envasement et de l'ensablement progressif de la région :
« Le pays de Penmarc'h, en ce temps-là, était un archipel d'îles basses entre lesquelles on circulait par des canaux. Tout au long de la baie d'Audierne, il y avait des ports ouverts. Et c'est par la route de mer que les pèlerins arrivaient de toute part au grand pardon de Languidou. Ils venaient même de pays étrangers tant était grande la réputation du seigneur saint Kido[36], qui protégeait les hommes et les biens sur l'eau salée. (...) Et puis il vint un temps où la mer attrapa mal au ventre, on ne sait pourquoi, ni comment. (...) À force de convulsions, elle dérouta ses courants, elle bannit ses poissons au large, elle encombra ses canaux de sa vase, elle finit par dégorger; sur ses bords, les galets qui lui faisaient mal. (...) La baie de Kido se trouva polie d'un cordon de galets polis et se dessécha derrière ce mur. La rivière devint un étang et les cloches de Languidou sonnèrent le glas du grand pardon. Pendant plusieurs années encore, des navires d'outre-mer, chargés de pèlerins, se présentèrent devant la baie d'Audierne, cherchant l'entrée de la rivière de Kido. Mais ils avaient beau croiser de Pors-Karn à Pors-Poulhan, il n'y avait plus d'entrée[37] »
Paroisse du même nom
Le nom de Penmarc'h est donné par la suite à une paroisse. Il s'agit à l'origine d'une trève, qui est nommée Trebotref vers 1330, et dont on sait qu'elle est paroisse en 1349. Cette paroisse comprend un bourg (« le bourg ») et deux ports : Saint-Pierre et Kérity (le port de Saint-Guénolé, à cette époque, est trève de Beuzec-Cap-Caval). Au XVe siècle, la paroisse s'appelle le plus souvent Treoultrenabat. Au XVIe siècle, elle devient Tréoultré. En 1592, on trouve « parroesse de Treoultre, terrouer de Penmarc ». Au XVIIe siècle, on trouve aussi bien Tréoultré que Tréoultré-Penmarc'h. Enfin, en 1740, le nom de la paroisse devient définitivement Penmarc'h. Au moment du Concordat, en 1802, la trève de Saint-Guénolé lui est rattachée[31]. Penmarch (dans l'orthographe officielle) est aujourd'hui le nom du bourg et le nom de la commune.
Source de confusion
Le nom de Penmarc'h est souvent source de confusion, du fait de son emploi anachronique par les auteurs du XIXe siècle pour désigner la paroisse de Tréoultré (qualifiée aussi de « ville[38] », alors qu'il s'agit bien de trois agglomérations distinctes[39]) : le nom de Penmarc'h fait songer inévitablement au port de Saint-Guénolé, qu'il incite à inclure avant l'heure dans la paroisse.
Tradition écrite : Cap Caval
Le pays Bigouden formait au haut Moyen Âge le pagus Kap-Caval (Cap Caval), un pays historique, c'était un pagus, c'est-à-dire une subdivision administrative de la Cornouaille[40].
Quittant les registres portuaires, reflets de la tradition orale, on trouve dans les textes anciens le nom de Cap Caval. Il s'agit d'une latinisation (caput caballi), par les religieux chrétiens, de penn marc'h (« tête de cheval »)[31]. Ce nom tombe en désuétude à la fin du XVIIIe siècle.