Centrale nucléaire
centrale électrique dont la source d’énergie est un réacteur nucléaire / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Une centrale nucléaire est un site industriel destiné à la production d'électricité, comprenant un ou plusieurs réacteurs nucléaires. La puissance électrique d'une centrale varie de quelques mégawatts à plusieurs milliers de mégawatts en fonction du nombre et du type de réacteur en service sur le site.
L'énergie d'une centrale nucléaire provient de la fission de noyaux d'atomes lourds. Celle-ci dégage de la chaleur, qui sert dans un premier temps à vaporiser de l'eau, comme dans toute centrale électrique thermique conventionnelle, puis la vapeur d'eau produite entraîne en rotation une turbine accouplée à un alternateur qui produit à son tour de l'électricité. C'est la principale application de l'énergie nucléaire dans le domaine civil.
On compte, dans le monde, environ 250 centrales nucléaires qui ont produit 9,8 % de l'électricité mondiale en 2021. Ces centrales comptent en un total de 439 réacteurs opérationnels, dont 16 réacteurs japonais en attente d'autorisation de redémarrage. Leur puissance cumulée atteint 394 GW (897 MW en moyenne par réacteur) et 57 réacteurs sont en cours de construction (59 GW).
Années 1950 : premières centrales
La première centrale nucléaire du monde à produire de l'électricité (puissance de quelques centaines de watts) est l’Experimental Breeder Reactor I (EBR-I), construite au laboratoire national de l'Idaho aux États-Unis. Elle entre en service le [1].
Le , une centrale nucléaire civile est connectée au réseau électrique à Obninsk en Union soviétique, fournissant une puissance électrique de cinq mégawatts.
Les centrales nucléaires suivantes sont celles de Marcoule dans la vallée du Rhône le , de Sellafield au Royaume-Uni, connectée au réseau en 1956, et le réacteur nucléaire de Shippingport aux États-Unis, connecté en 1957. Cette même année, les travaux de construction du premier réacteur à usage civil en France (EDF1) démarrèrent à la centrale nucléaire de Chinon.
De 1960 à 1986 : croissance rapide
La puissance nucléaire mondiale a augmenté rapidement, s'élevant de plus de un gigawatt (GW) en 1960 jusqu'à 100 GW à la fin des années 1970, et 300 GW à la fin des années 1980.
Pendant l'année 1970, la construction de 37 nouveaux réacteurs était en cours et six étaient mis en service opérationnel. Entre 1970 et 1990 étaient construits plus de 5 GW par an, avec un pic de 33 GW en 1984.
Plus des deux tiers des centrales nucléaires commandées après ont été annulées notamment comme conséquence de l'accident nucléaire de Three Mile Island.
1986 : Tchernobyl
En 1986, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl a conduit à plusieurs moratoires ; la baisse des prix du pétrole durant les années 1990 a renforcé cette tendance, conduisant à construire moins de nouveaux réacteurs dans le monde. Parallèlement, les centrales vieillissent : en 2006, la majorité des réacteurs avaient de 15 à 36 ans, sept ayant même de 37 à 40 ans[2].
Les coûts économiques croissants, dus aux durées de construction de plus en plus longues, et le faible coût des combustibles fossiles, ont rendu le nucléaire moins compétitif dans les années 1980 et 1990. Par ailleurs, dans certains pays, l'opinion publique, inquiète des risques d'accidents nucléaires et du problème des déchets radioactifs, a conduit à renoncer à l'énergie nucléaire.
Le nombre de réacteurs nucléaires en construction dans le monde a commencé à diminuer en 1986, date de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
Il s'est ensuite stabilisé vers 1994, année à partir de laquelle le taux de mise en construction de nouveaux réacteurs a stagné entre deux et trois par an[2].
En 1993, la part de la production d'électricité nucléaire dans la production électrique mondiale a atteint son plus haut point historique, à hauteur de 17 %[3]. Cette part n'est plus que de 10 % en 2020[4] et 66,5 % en France[5].
Années 2000 : relance annoncée
À partir du milieu de la décennie 2000, la croissance des besoins en énergie, associée à la remontée des prix des énergies (hausse du prix du pétrole et du gaz, taxe carbone…) a conduit certains experts à annoncer une renaissance du nucléaire en Europe, Asie et Amérique[6]. Par exemple, la Finlande s'est engagée dans la construction d’un réacteur pressurisé européen (EPR) à Olkiluoto depuis 2003, la construction d’un EPR à Flamanville (France) est en cours depuis 2007 et 27 réacteurs sont aussi en construction en Chine[7].
En 2005, seuls trois nouveaux réacteurs étaient mis en construction dans le monde et quatre réacteurs achevés étaient connectés au réseau. La capacité mondiale a augmenté beaucoup plus lentement, atteignant 366 GW en 2005, en raison du programme nucléaire chinois.
En 2006, mais surtout 2007, la demande repart poussée par les besoins énormes de la Chine en énergie et la hausse généralisée du prix des énergies fossiles.
2011 : accident nucléaire de Fukushima
La crise économique de 2008 et l'accident nucléaire de Fukushima ont provoqué une baisse de la production d'électricité d'origine nucléaire, de 4,3 % en 2011 par rapport à 2010. Des pays comme l'Allemagne, la Belgique, la Suisse et Taïwan ont annoncé leur sortie du nucléaire. L'Égypte, l'Italie, la Jordanie, le Koweït et la Thaïlande ont décidé ne pas s'engager ou se réengager dans le nucléaire. Les chantiers de dix-huit réacteurs en construction affichent plusieurs années de retard, dont neuf en construction depuis plus de vingt ans[8].
À la suite de l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, certains pays ont revu leur politique de développement de l'énergie nucléaire.
Par exemple :
- l'Allemagne : en mixant énergies fossiles et renouvelables[9],[10] (et la complexification des échanges[11] européens), a annoncé sa décision de fermer toutes ses centrales nucléaires avant fin 2022[12],
- l'Italie a abandonné ses projets nucléaires[13],
- la Suisse :ne renouvellera pas ses centrales[14],
- le Québec a fermé sa seule centrale nucléaire, la centrale nucléaire de Gentilly fin 2012[15],
- le Japon : le précédent gouvernement a annoncé une sortie du nucléaire avant 2030[16]. Plus tard, malgré les résistances de la population, le gouvernement japonais issu des élections de s'est montré favorable au retour du nucléaire[17],[18] et a poursuivi le redémarrage des réacteurs nucléaires arrêtés à la suite de l’accident de Fukushima ; ainsi, début 2019, neuf réacteurs ont été remis en service et six autres ont reçu l’autorisation de redémarrer[19].
- la Chine, après avoir gelé les autorisations pour de nouveaux réacteurs[20], a décidé, fin 2012, une reprise des projets de construction de centrales[21],[22].
Réacteurs nucléaires et centrales en projet
En septembre 2022, 57 réacteurs nucléaires sont en construction (pour 59 GW) dont 18 en Chine (pour 18,5 GW)[23].
En 2016, dix réacteurs ont été mis en service (cinq en Chine, un en Corée du Sud, un en Inde, un au Pakistan, un en Russie et un aux États-Unis) et trois ont été arrêtés. Le rythme de démarrage des nouveaux réacteurs est resté ralenti ces dernières années par les retards enregistrés sur de nombreux chantiers, notamment des réacteurs de troisième génération, qui répondent à des normes de sûreté plus strictes. La Russie a connecté son premier VVER-1200 à Novovoronezh en 2016 avec quatre ans de retard ; la Corée du Sud a subi le même retard avec son premier APR-1400. Les huit AP1000 de Westinghouse, filiale américaine de Toshiba, accusent tous des retards de plusieurs années sur leur planning initial (deux à trois ans pour les quatre réacteurs en construction aux États-Unis, environ quatre ans pour le premier des quatre exemplaires prévus en Chine). Tout comme les quatre EPR français en chantier (six ans pour Flamanville en France, neuf ans pour Olkiluoto en Finlande et trois ans pour Taishan en Chine). Sur les 55 réacteurs en chantier recensés par le World Nuclear Industry Status Report (60 selon WNA, 61 selon l'AIEA), au moins 35 sont en retard[24].
La Chine vise 58 GW en 2020 et le dirigeant de CGN, He Yu, prévoit 150 à 200 GW installés pour 2030[25]. La Russie construit 9 réacteurs sur son sol et truste une bonne partie des commandes internationales : l'agence fédérale Rosatom, qui revendique 100 milliards de dollars de contrats pour 23 projets de réacteurs à l'étranger, semble mener la course en tête, en s'appuyant sur les nouveaux entrants du nucléaire civil : le Viêt Nam comme le Bangladesh, qui n'ont aucune expérience dans le domaine, apprécient son offre « clés en main », assortie de financements fournis par l'État russe[26].
En France, l'industrie nucléaire a conçu un réacteur de nouvelle génération EPR. EDF en a lancé la construction d'un démonstrateur ou prototype tête de série[27] sur le site de Flamanville, dans la Manche, d'une puissance prévue de 1 600 MW. (Investissement d'un coût estimé à 3 milliards d'euros en 2003, revu à 5 milliards d'euros en 2010, revu à 6 milliards d'euros en puis à 8,5 milliards en [28],[29] et à 12,7 milliards d'euros en 2022[30]).
Selon le scénario central des prévisions 2014 de l’Agence internationale de l'énergie (AIE), la part du nucléaire dans la production d’électricité s’accroîtra d’un point d'ici 2040, à 12 %, la puissance installée nucléaire s'accroissant de près de 60 %, à 624 GW, contre 392 GW en 2013 ; la géographie du nucléaire devrait se modifier profondément, avec un basculement vers l'Est : les capacités installées devraient ainsi presque décupler en Chine, à 149 GW, soit presque un quart de la puissance installée mondiale prévue pour 2040 ; les États-Unis enregistreraient une faible croissance et l’Union européenne serait la seule zone (avec le Japon) où l’atome enregistrerait une décroissance (– 14 %), la part du nucléaire dans la production d’électricité en Europe passant ainsi de 27 à 21 %. Si la plupart des pays prolongent la durée de vie de leurs centrales mises en service dans les années 1970 et 1980, 200 des 434 réacteurs aujourd’hui exploités dans le monde seront en cours de démantèlement à l’horizon 2040. Le nombre de pays exploitant du nucléaire devrait passer de 31 (en 2013) à 36 (en 2040), y compris en tenant compte de ceux ayant annoncé leur sortie de l’atome (Allemagne, Suisse et Belgique)[31].
Le rapport The World Nuclear Industry, publié le par les consultants Mycle Schneider et Antony Froggatt, montre que le nombre de réacteurs nucléaires en exploitation est toujours très inférieur à son niveau de 2010, et qu'il y a de moins en moins de mises en chantier de nouveaux réacteurs : en 2014, on n'a compté que trois mises en chantier, en Argentine, en Biélorussie et aux Émirats arabes unis, et seulement deux sur les six premiers mois de 2015, en Chine, à comparer aux 15 démarrages de construction observés en 2010, et aux 10 de 2013. Au total, le nombre de réacteurs en construction sur la planète est passé à 62 unités dans 14 pays (contre 67 il y a un an), dont 24 en Chine (40 %), 8 en Russie et 6 en Inde. Le rapport souligne que les trois quarts de ces chantiers subissent des retards avérés. Cinq d'entre eux (aux États-Unis, en Russie et en Slovaquie) sont même « en construction » depuis plus de trente ans. Les réacteurs de troisième génération, en particulier, subissent de lourds retards, compris entre deux et neuf ans. Ils concernent les EPR d'Areva en France et en Finlande, ainsi que les huit AP1000 de Westinghouse et les six AES-2006 de Rosatom. En revanche, la construction des deux EPR de Taishan, en Chine, se déroule a priori comme prévu[32].
En avril 2019, la compagnie d'état russe Rosatom affiche un carnet de commandes de 133 milliards de dollars pour six contrats de réacteurs décrochés en Russie et 33 contrats à l'étranger, en particulier en Asie : Inde, Pakistan, Bangladesh. Mais le financement de ces projets s'avère difficile. Rosatom est donc amenée à renforcer ses coopérations avec des fournisseurs occidentaux, car pour vendre à l'étranger, il a besoin de leurs technologies pour rassurer les clients, convaincre les autorités internationales de sûreté et trouver des financements[33]. Dans les faits, la construction officielle (coulage du béton du bâtiment réacteur) a débuté pour six réacteurs en Russie et sept à l’étranger (Biélorussie, Inde, Bangladesh et Turquie)[34].
Réacteurs
En décembre 2022, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dénombre 422 réacteurs de puissance en fonctionnement dans le monde pour une puissance installée de 378,3 GW, plus 17 réacteurs dont l'exploitation est suspendue (15,4 GW), soit 16 au Japon et un en Inde[35], et 57 en construction (58,9 GW), soit 18 en Chine, 8 en Inde, 4 en Russie, 4 en Turquie, 3 en Corée du sud, 2 dans chacun des pays suivants : Bangladesh, Égypte, Japon, Slovaquie, Ukraine, Royaume-Uni et États-Unis, et un dans chacun des pays suivants : Argentine, Biélorussie, Brésil, France, Iran, Émirats arabes unis[36].
Selon le rapport 2022 de l'Association nucléaire mondiale, les centrales nucléaires ont produit 2 653 TWh en 2021, après 2 553 TWh en 2020 et 2 657 TWh en 2019. La production progresse dans toutes les régions, sauf en Europe occidentale et centrale et en Amérique du Nord. La puissance installée en état de fonctionnement (y compris les réacteurs japonais à l'arrêt) atteint 396 GWe fin 2021 et celle en fonctionnement 370 GWe. Sur les 436 réacteurs en état de fonctionnement, 302 sont des réacteurs à eau pressurisée, 61 des réacteurs à eau bouillante, 48 sont du type réacteur à eau lourde pressurisée, 11 du type réacteur refroidi au gaz, 11 du type réacteur de grande puissance à tubes de force, 2 sont des réacteurs à neutrons rapides et 1 réacteur nucléaire à très haute température. Fin 2021, 53 réacteurs étaient en construction, dont 36 en Asie, 7 en Russie et Europe de l'Est, 6 en Europe occidentale et centrale, 4 en Amérique. Dix réacteurs ont été mis en chantier en 2021, dont 6 en Chine, 2 en Inde, 1 en Russie et 1 en Turquie. Six réacteurs ont été connectés au réseau et 10 ont été mis à l'arrêt[37].
Le rapport 2017 sur l'état de l'industrie nucléaire World Nuclear Industry Status Report (WNISR)[38] recensait 403 réacteurs en fonctionnement dans le monde (environ 450 en incluant ceux à l'arrêt, dont 33 au Japon), représentant une capacité de 351 GW, en baisse par rapport aux records constatés en 2002 pour les 438 réacteurs ou en 2010 pour la capacité installée (367 GW).
Production d'électricité
La part du nucléaire dans la production mondiale d'électricité était de 9,8 % en 2021[39] contre 3,3 % en 1973[40]. Les principaux pays producteurs d'électricité nucléaire sont les États-Unis (28,9 % du total mondial), la Chine (14,5 %), la France (13,5 %), la Russie (8,0 %) et la Corée du sud (5,6 %)[39].
Combustible
En 2018, selon l’Agence pour l'énergie nucléaire (AEN), les 348 réacteurs nucléaires commerciaux raccordés aux réseaux des pays membres de l'AEN, avec une puissance installée nette de 324,4 GW, ont requis 47 758 tonnes d'uranium pour une production d'électricité de 2 096 TWh[41].
Les prévisions de puissance nucléaire varient considérablement d'une région à l'autre. La région d’Asie de l’Est devrait connaître la plus forte augmentation, ce qui, d’ici à 2035, pourrait donner lieu à l’installation de nouvelles capacités entre 48 GW et 166 GW dans les cas bas et haut respectivement, ce qui représente des augmentations de plus de 54 % et 188 % par rapport à 2014. La puissance nucléaire des pays non membres de l'UE sur le continent européen devrait également augmenter de manière significative, avec des ajouts compris entre 21 et 45 GW d'ici 2035 (des augmentations respectives d'environ 49 et 105 %). Le Moyen-Orient, l’Asie centrale et méridionale et l’Asie du Sud-Est devraient connaître une croissance significative de leur puissance nucléaire, et une croissance plus modeste est prévue en Afrique et dans les régions d’Amérique centrale et du Sud. Pour l'Amérique du Nord, les prévisions les plus basses montrent que la puissance installée nucléaire reste à peu près la même en 2035 et augmente de 11 % dans les cas les plus élevés, en grande partie en fonction de la demande future en électricité, de la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants et des politiques gouvernementales en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Dans l'Union européenne, la puissance nucléaire en 2035 devrait soit diminuer de 48 % dans le scénario bas, soit augmenter de 2 % dans le scénario haut. Ces projections de 2015 sont soumises à une incertitude encore plus grande que d'habitude après l'accident de Fukushima[42].
Sur la base des besoins en uranium de l'année de 2015 (56 600 tonnes d'uranium), les ressources identifiées, y compris les ressources raisonnablement assurées et les ressources présumées, sont suffisantes pour plus de 135 ans[42],[43]. Dans la perspective favorable au nucléaire telle qu'évoquée précédemment, les ressources ne seraient alors plus que de 73 ans, qui amènent à 2088[réf. nécessaire]. Différées mais pas effacées, la plupart des questions posées par les choix énergétiques de la planète auront pris une tournure particulière dans la mesure où, en 2019, les technologies susceptibles de remplacer l'uranium 235 (thorium et réacteurs à neutrons rapides) sont encore peu développées et où le pic uranium (en) approche[44],[45],[46]. Dans l'hypothèse où le nucléaire se serait imposé sur tout autre moyen de production d'électricité, partout en 2100, les réacteurs nucléaires actuels se seront depuis longtemps arrêtés faute de combustible, des bonds technologiques auront permis de développer des surgénérateurs ou d'autres réacteurs innovants utilisant l'uranium 238 ou le thorium 232, rentabilisant la fusion contrôlée deutérium-tritium (conditionnées par les stocks limités de lithium 6) ou la fusion contrôlée de deutérium, ce qui n'est pas acquis. Une partie du dilemme nucléaire tient au coût de développement, aux déchets qui accompagnent la plupart de ces technologies et à l'acceptation des citoyens face à elles[47].
Durée de fonctionnement
Le plus vieux réacteur nucléaire du monde encore en exploitation est, en avril 2020, le réacteur no 1 de la centrale nucléaire de Beznau, en Suisse. Ce réacteur à eau pressurisée est en service depuis [48]. Les six réacteurs en fonctionnement les plus anciens, d'une puissance moyenne de 412 MW, ont été mis en service en 1969[49]. Parmi eux figurent les réacteurs américains de Nine Mile Point 1[50] et Oyster Creek[51] et les deux réacteurs de la centrale indienne de Tarapur[52].
Une centrale nucléaire regroupe l'ensemble des installations permettant la production d'électricité sur un site donné. Elle comprend fréquemment plusieurs réacteurs, identiques ou non, répartis individuellement dans des « tranches » ; chaque tranche correspond à un groupe d'installations conçues pour fournir une puissance électrique donnée (par exemple en France : 900 MWe, 1 300 MWe ou 1 450 MWe).
Différents types de réacteurs
Il existe différentes technologies de réacteurs nucléaires civils, regroupés en « filières » :
- réacteur à uranium naturel modéré par du graphite (Magnox et UNGG)
- refroidi par du dioxyde de carbone ; filière française UNGG dont le premier réacteur à usage civil en France (EDF1). Cette filière fut abandonnée pour la filière REP pour des raisons économiques. Les centrales françaises de ce type sont toutes à l'arrêt, tout comme les centrales britanniques du même type (Magnox) ;
- réacteur utilisant de l'uranium naturel modéré par de l'eau lourde
- filière canadienne CANDU ;
- réacteur à eau pressurisée (REP) (PWR en anglais)
- type de réacteur utilisant de l'oxyde d'uranium enrichi comme combustible, et est modéré et refroidi par de l'eau ordinaire sous pression. Les REP constituent l'essentiel du parc actuel : 60 % dans le monde et 80 % en Europe. Une variante en est le réacteur à eau pressurisée de conception soviétique (WWER) ;
- réacteur à eau bouillante (REB) (BWR en anglais)
- type de réacteur est assez semblable à un réacteur à eau pressurisée, à la différence importante que l'eau primaire se vaporise dans le cœur du réacteur et alimente directement la turbine, ceci en fonctionnement normal ;
- réacteur à eau lourde pressurisée ;
- réacteur avancé refroidi au gaz ou AGR ;
- réacteur à neutrons rapides (RNR)
- réacteur nucléaire à neutrons rapides et à caloporteur sodium, comme le Superphénix européen ou le BN-600 russe ;
- réacteur nucléaire à sels fondus (RSF)
- où l'on pourrait utiliser du thorium.
- réacteur de grande puissance à tubes de force (RBMK)
- réacteur à eau bouillante modéré au graphite de conception soviétique.
Générations de réacteurs
Les réacteurs nucléaires ont été classés en plusieurs générations en fonction de l'âge de leur conception :
- les réacteurs opérationnels et mis en service avant les années 2010 sont dits de génération II (voire I pour les plus anciens) ;
- les réacteurs mis en service depuis les années 2010 (EPR, AP1000) sont dits de génération III ou III+ (voire II+ pour les CPR1000 chinois) ;
- les réacteurs de génération IV sont à l'étude.
Éléments principaux d'un réacteur nucléaire
Un réacteur à eau pressurisée (REP), unique type de réacteur en fonctionnement en France, comprend les éléments suivants :
- le bâtiment réacteur, à simple ou double enceinte (en fonction du « palier » technologique du réacteur). Dans ce bâtiment se trouvent :
- la cuve, qui contient le combustible nucléaire,
- le circuit d'eau primaire, dont le rôle principal est d'assurer le transfert thermique entre le cœur du réacteur et les générateurs de vapeur,
- les générateurs de vapeur (trois ou quatre selon le « palier » technologique du réacteur), et une partie du circuit d'eau secondaire,
- les pompes primaires, servant à faire circuler le fluide caloporteur d'eau,
- le pressuriseur, qui a pour fonction de maintenir l'eau traitée du circuit primaire à l'état liquide en la pressurisant ;
- le bâtiment combustible : accolé au bâtiment réacteur, il sert de stockage des assemblages du combustible nucléaire avant, pendant les arrêts de tranche et pendant le refroidissement du combustible déchargé (un tiers du combustible est remplacé tous les 12 à 18 mois). Le combustible est maintenu immergé dans des piscines de désactivation, dont l'eau sert d'écran radiologique. Ces deux bâtiments sont les seuls spécifiques à une centrale « nucléaire », les autres étant similaires à ceux d'une centrale électrique à charbon, gaz ou fioul.
Installations de production d'électricité
Le reste des installations est commun à toutes les centrales thermiques :
- le bâtiment « salle des machines », qui contient principalement :
- une ligne d'arbre comprenant les différents étages de la turbine à vapeur et l'alternateur (groupe turbo-alternateur),
- le condenseur, permettant de convertir la vapeur d'eau, sortant de la turbine, en eau liquide qui peut alors être pompée par des turbopompes alimentaires et renvoyée dans les générateurs de vapeur dans le bâtiment réacteur ;
- les locaux périphériques d'exploitation (salle de commande…) ;
- des bâtiments annexes qui contiennent notamment des installations diverses de circuits auxiliaires nécessaires au fonctionnement du réacteur nucléaire et à la maintenance, les tableaux électriques alimentant tous les auxiliaires et générateurs Diesel de secours et les DUS (Diesel d'ultime de secours) ;
- une station de pompage pour assurer les besoins en eau de refroidissement ;
- une ou plusieurs tours de refroidissement, généralement la partie la plus visible des centrales thermiques, dont la hauteur en France atteint 178,5 m dans le cas de la centrale nucléaire de Golfech[53],[54]. Ces aéroréfrigérants n'équipent que les centrales dont la source froide (rivière ou mer) ne permet pas d'évacuer la chaleur nécessaire au fonctionnement. Les tours de refroidissement permettent de réduire la température de l'eau retournée à la source froide et ainsi d'en diminuer la pollution thermique. Les sites de bord de mer n'ont généralement pas de tour de refroidissement. La hauteur de ces réfrigérants peut être réduite pour des raisons visuelles ; par exemple, compte tenu de la proximité des châteaux de la Loire, les tours à tirage induit de la centrale de Chinon ne dépassent pas 30 m[note 1],[55].
Les autres installations de la centrale électrique comprennent :
- un ou plusieurs postes électriques permettant la connexion au réseau électrique par l'intermédiaire d'une ou plusieurs lignes à haute tension, ainsi qu'une interconnexion limitée entre tranches ;
- les bâtiments technique et administratif, un magasin général…
Centrales nucléaires flottantes
Selon des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology et des universités du Wisconsin et de Chicago, cherchant à tirer les leçons de la catastrophe de Fukushima Daiichi, la réalisation d’une centrale nucléaire flottante permettrait d’éviter les risques liés aux tsunamis et autres phénomènes naturels imprévisibles. Plus sûre pour des coûts de production plus faibles, elle serait arrimée au fond marin à une dizaine de kilomètres de la côte ; elles pourraient reposer sur des structures tout-acier bien moins coûteuses et plus rapides à mettre en place que le béton des centrales terrestres ; le cœur de ces centrales serait situé sous la surface de l’eau et un système de sécurité permettrait de refroidir l’ensemble automatiquement en cas de besoin[56].
La société russe Rusatom Overseas, membre du groupe nucléaire public Rosatom, et la société chinoise CNNC New Energy ont signé le un mémorandum d’intention sur la construction des centrales nucléaires flottantes, technologie nucléaire annoncée comme plus sûre et moins coûteuse et vers laquelle la Russie s’est orientée depuis 2007. Autre avantage en cas d’arrêt du dispositif, la centrale pourra être remorquée vers le chantier spécialisé d’origine afin de procéder au démantèlement, protégeant ainsi le site hôte de toute contamination sur le long terme[57].
La Russie a lancé dès 2006, à travers le consortium russe Rosenergoatom, le premier projet de centrale nucléaire flottante (CNF), pour assurer l'approvisionnement électrique des villes et sites miniers de sa zone arctique. Le navire/centrale Akademic Lomonosov, mis à l'eau en 2010, devrait être livré en octobre 2016. Équipé de deux réacteurs KLT-40 de propulsion navale, il pourra fournir jusqu'à 70 MW d'électricité et 300 MW de chaleur, puissance qui permet l'alimentation d'une ville de 200 000 habitants. Il peut aussi être utilisé comme usine de dessalement. La durée de vie du navire devrait être de quarante ans. La Russie n'exclut pas l'exportation de ces bâtiments. Actuellement une vingtaine de pays seraient intéressés : Chine, Indonésie, Malaisie… Toutefois, la Russie ne commercialiserait pas officiellement les CNF, mais seulement l'électricité produite afin de respecter le traité de non-prolifération. La Russie envisagerait en effet de conférer aux CNF un statut d'extraterritorialité[58].
Il est prévu que la construction de l’Akademik Lomonosov se termine en 2018 à Saint-Pétersbourg et que l’installation soit ensuite remorquée jusqu’à Mourmansk. Le combustible nucléaire y sera chargé dans les réacteurs qui seront testés avant d’être remorqués en 2019 vers la petite ville de Pewek où ils entreront en service. Pewek est une commune peuplée de 5 000 habitants dans le nord-est de la Sibérie[59].
En France, la DCNS étudie depuis 2008 un projet similaire, Flexblue, dont le réacteur ancré au fond sous-marin serait déplacé verticalement selon les besoins, produisant 50 à 250 MWe.
La Chine a également des projets du même type : le , China General Nuclear Power Corporation a annoncé le lancement de la construction de l’ACPR 50S, un réacteur de faible puissance avec 200 MW contre plus de 1 000 MW pour la plupart des centrales électrogènes dans le monde, conçu pour être installé sur un bateau ou une plateforme en mer. Le premier prototype doit être terminé en 2020. Son concurrent, China National Nuclear Corporation, prévoit son premier bateau-centrale dès 2019, doté d'une version adaptée d’un réacteur ACP 100 tout juste terminé, d’une puissance de 100 à 150 MW. Les deux entreprises travaillent avec la société de construction navale CSIC pour élaborer des projets de navires et de plateformes qui accueilleront les réacteurs. Le projet a été approuvé en avril 2016 par la commission au Plan chinoise. En juillet 2016, la presse d’État avait érigé les centrales en symbole de la puissance du pays, peu après la décision, le , de la cour de justice de La Haye, qui, saisie par les Philippines, avait remis en cause les revendications territoriales de Pékin sur la mer de Chine du Sud. La presse chinoise spécialisée a alors évoqué une vingtaine de plateformes nucléaires prévues en mer[60]. Selon China National Nuclear Corporation, la construction de la plate-forme nucléaire flottante devrait être terminée d’ici 2018 et opérationnelle en 2019[61].
Une tranche thermique nucléaire a le même fonctionnement qu'une tranche thermique classique : un combustible (en l'occurrence nucléaire) produit de la chaleur ; cette chaleur permet soit directement soit au travers d'un échangeur (le « générateur de vapeur » ou GV) de transformer de l'eau en vapeur ; cette vapeur entraîne une turbine qui est couplée à un alternateur qui produit l'électricité.
La différence essentielle entre une centrale nucléaire et une centrale thermique classique est matérialisée, en ce qui concerne la production de chaleur, par le remplacement de la chaudière consommant des combustibles fossiles par un réacteur nucléaire.
Pour récupérer de l'énergie mécanique à partir de chaleur, il est nécessaire de disposer d'un circuit thermodynamique : une source chaude, une circulation et une source froide.
- Pour un réacteur à eau pressurisée (REP), la source chaude est fournie par l'eau du circuit primaire, chauffée par la réaction nucléaire, à la température moyenne de 306 °C (286 °C en entrée et 323 °C en sortie de réacteur, cette dernière variant selon la puissance de la tranche).
- Pour un réacteur à eau bouillante (REB), le cœur du réacteur est la source chaude portant directement à ébullition l’eau du circuit primaire.
- La source froide du circuit de refroidissement peut être fournie par pompage d'eau de mer ou de fleuve (le système est parfois complété d'une tour aéroréfrigérante).
Ainsi, une tranche nucléaire de type REP comporte trois circuits d'eau importants indépendants, détaillés ci-après.
Circuit primaire fermé
Le circuit primaire se situe dans une enceinte de confinement. Il est constitué d'un réacteur intégrant des grappes de contrôle et le combustible, et, suivant le type de tranche, de deux à quatre générateurs de vapeur (GV) associés chacun à une pompe primaire centrifuge (d'une masse de 90 t environ). Un pressuriseur (comprenant des gaines chauffantes) assure le maintien de la pression du circuit à 155 bar. Le circuit primaire véhicule un fluide caloporteur, de l'eau liquide en circuit fermé sous pression[62], qui extrait l'énergie thermique du combustible pour la transporter vers les GV. L'eau du circuit primaire a aussi comme utilité la modération des neutrons issus de la fission nucléaire. La thermalisation des neutrons les ralentit pour leur permettre d'interagir avec les atomes d'uranium 235 et déclencher la fission de leur noyau. Par ailleurs, l'eau procure un effet stabilisateur au réacteur : si la réaction s'emballait, la température du combustible et de l'eau augmenterait. Cela provoquerait, d'une part, une absorption des neutrons par le combustible (effet combustible) et d'autre part une modération moindre de l'eau (effet modérateur). Le cumul de ces deux effets est dit « effet puissance » : l'augmentation de ce terme provoquerait l'étouffement de la réaction d'elle-même, c'est donc un effet auto-stabilisant.
Circuit secondaire fermé
Le circuit d'eau secondaire se décompose en deux parties[63] :
- entre le condenseur et les générateurs de vapeur (GV), l'eau reste sous forme liquide : c'est l'alimentation des GV ; des turbopompes alimentaires permettent d'élever la pression de cette eau, et des échangeurs de chaleur en élèvent la température (60 bar et 220 °C) ;
- cette eau se vaporise dans deux à quatre GV (suivant le type de tranche REP de 600 à 1 450 MW) et les tuyauteries de vapeur alimentent successivement les étages de la turbine disposés sur une même ligne d'arbre. La vapeur acquiert une grande vitesse lors de sa détente, entraînant les roues à aubages de la turbine. Celle-ci est composée de plusieurs étages séparés et comportant chacun de nombreuses roues de diamètre différent. Dans un premier temps, la vapeur subit une première détente dans un corps haute pression (HP, de 55 à 11 bar), puis elle est récupérée, séchée et surchauffée pour subir une seconde détente dans les trois corps basse pression (BP, de 11 à 0,05 bar). On utilise les corps BP dans le but d'augmenter le rendement du cycle thermodynamique.
La sortie du dernier étage de la turbine donne directement sur le condenseur, un échangeur de chaleur dont la pression est maintenue à environ 50 mbar absolu (vide) par la température de l'eau du circuit de refroidissement (selon la courbe de saturation eau/vapeur). Des pompes à vide extraient les gaz incondensables en phase gaz du mélange (principalement l'oxygène moléculaire et le diazote). L'eau condensée dans cet appareil est réutilisée pour réalimenter les générateurs de vapeur.
Source froide
L'énergie thermique non transformée en énergie mécanique, soit une puissance thermique d'environ 1 800 MWth par réacteur de 900 MWe fonctionnant à 100 % de sa puissance nominale, doit être constamment évacuée par une « source froide » ; il en va de même de la puissance résiduelle du réacteur nucléaire à l’arrêt (1,59 % de la puissance thermique une heure après l’arrêt, 0,67 % une journée après l’arrêt).
En puissance, un circuit assure le refroidissement du condenseur. L'eau de refroidissement est échangée directement avec la mer, un fleuve ou une rivière, par l'intermédiaire de pompes de circulation. Pour ces deux derniers cas, l'eau peut être refroidie par le circuit tertiaire au moyen d'un flux continu d'air à température ambiante dans une tour aéroréfrigérante ; une petite partie de l'eau, environ 0,75 m3/s soit 1,7 L/kWh produit[64], s'en évapore puis se condense sous forme d'un panache blanc, mélange de gouttelettes d'eau, visibles, et de vapeur d'eau, invisible. L'eau (douce ou salée) du circuit tertiaire et ouvert de refroidissement apporte constamment des propagules d'organismes (moules, huîtres), susceptibles de s'accrocher sur les parois des conduites et de les dégrader ou limiter les capacités de refroidissement (phénomène de fouling). L'eau peut aussi apporter des détritus, des algues et des groseilles de mer (petites méduses) susceptibles de boucher des crépines ou conduites. L'opérateur limite le risque en utilisant des filtres (qu'il faut régulièrement décolmater) et/ou en tuant les organismes vivants, avec des produits chimiques antifouling, un puissant biocide (ex. : chlore, qui peut être fabriqué dans la centrale à partir de l'ion chlore du sel NaCl, abondant dans l'eau de mer) et/ou des boules abrasives[65],[note 2] utilisées pour décaper les parois des conduites de refroidissement des restes d'animaux et de biofilm bactérien éventuellement devenus résistants aux biocides.
La source froide est l'une des vulnérabilités d'une centrale[66]. À titre d'exemples, cités par l'IRSN, en 2009, des végétaux ont bloqué la prise d'eau des réacteurs no 3 et 4 de la centrale nucléaire de Cruas, « conduisant à la perte totale du refroidissement de systèmes importants pour la sûreté du réacteur no 4 »[67] et, cette même année, « d'autres événements ont affecté la « source froide » des réacteurs », dont une nuit où la température est descendue à −15 °C, le frasil obstruant les canalisations de la centrale de Chooz B[67]. Une digue flottante et un système de préfiltration (grilles fixes) stoppent les objets volumineux (branches…), puis un système de filtration mécanique à tambours filtrants, ou à filtres à chaînes, munis d’un système de lavage ôte les algues, plantes et objets de petite taille[67].
Production d’électricité / évacuation d’énergie
L'énergie mécanique produite par la turbine sert à entraîner l'alternateur, rotor d'une masse d'environ 150 t) qui la convertit en énergie électrique, laquelle est ensuite véhiculée par le réseau électrique. Lorsque l'alternateur fournit de la puissance électrique au réseau, on dit que la tranche est « couplée » au réseau.
Une perte du réseau, par exemple à la suite d'un incident, entraîne la déconnexion de l'alternateur du réseau, une réduction immédiate de l'alimentation en vapeur de la turbine par fermeture des organes d'admission turbine et une réduction de la puissance du réacteur. Celle-ci est alors évacuée par l'ouverture de vannes de contournement vers le condenseur disposées sur le barillet vapeur. Le groupe turboalternateur (turbine + alternateur) reste en rotation prêt au recouplage immédiat sur le réseau. On dit que la tranche est « ilotée » : elle alimente elle-même ses auxiliaires[68].
Rendement d'une centrale nucléaire
Le rendement théorique des centrales nucléaires françaises actuelles est d'environ 33 %[69]. Les centrales électriques alimentées au fioul ou au charbon possèdent un rendement un peu supérieur (environ 40 %) car elles fonctionnent avec une température de vapeur plus élevée, autorisée en raison des contraintes de sécurité moindres.
Avec de nouveaux générateurs de vapeur, la pression secondaire des nouveaux réacteurs EPR atteint quasiment 80 bars, ce qui, d'après ses promoteurs, représente la valeur conduisant au maximum de rendement pour un cycle à vapeur saturée, soit sensiblement 36 % (voir Réacteur pressurisé européen#Améliorations des performances).
Contrairement à certains autres pays, en France les réacteurs nucléaires électrogènes ne sont pas utilisés pour faire de la cogénération[70],[71].
Performance de fonctionnement
La performance de fonctionnement des réacteurs est mesurée par leur facteur de charge, c'est-à-dire la quantité d’électricité réellement produite comparée à son maximum théorique. Selon le rapport de 2022 par l'Association nucléaire mondiale, le facteur de charge annuel moyen de l’ensemble des réacteurs électrogènes en fonctionnement dans le monde s'est progressivement amélioré, passant de 60 % dans les années 1970 à 80 % en 2000 ; il reste depuis lors à ce niveau. Il ne dépend pas de l'âge des réacteurs, les plus anciens ayant même une performance légèrement supérieure à la moyenne. Plus de la moitié des réacteurs fonctionnent à plus de 85 % de facteur de charge. La part des réacteurs affichant plus de 90 % de facteur de charge est passée d’environ 5 % à plus de 35 % du parc, tandis que les réacteurs ayant moins de 50 % de facteur de charge sont passés de 40 % du parc mondial à 12 % en cinquante ans[72],[73].
En France, les problèmes de corrosion sous contrainte qui ont amené EDF à arrêter plus d'une dizaine de réacteurs en 2021 et 2022 ne concernent que les paliers les plus récents[74]. Il ne s’agit donc ni d’un problème de vieillissement, ni de maintenance[73].
Durée de vie
D'après le GIEC, la durée de vie moyenne actuelle d'un réacteur électronucléaire est de 60 ans[75]. En matière de règlementation, les durées d'exploitation des centrales varient selon les pays.
Un rapport de l'Association nucléaire mondiale montre qu'il n'y a pas de corrélation directe entre l'âge du réacteur et sa performance ; on observe que les réacteurs âgés de 25 à 35 ans ont affiché un taux de disponibilité plus faible entre 2018 et 2022, en moyenne, que ceux âgés de plus de 45 ans. En 2023, l'âge moyen du parc nucléaire mondial atteint 31 ans (41,2 ans aux États-Unis, 36,6 en France, 28,4 en Russie, 22,4 en Corée du Sud et 8,8 en Chine). Les États-Unis, la France, le Japon, la Chine et les autres pays exploitant le nucléaire ont engagé la prolongation de l'exploitation de leurs réacteurs nucléaires. L'approche des régulateurs américains est toutefois très différente de celle de l'ASN française : alors qu'EDF doit mettre à niveau ses réacteurs pour qu'ils répondent aux meilleurs standards de sûreté disponibles sur le marché, les exploitants américains doivent seulement démontrer qu'ils ont mis en place des programmes pour surveiller et gérer les effets du vieillissement[76].
France
Chaque centrale reçoit une autorisation de fonctionnement pour dix ans. À l'issue de cette période, une visite décennale est organisée tous les dix ans pour effectuer des contrôles et confirmer le niveau de sûreté de l'installation. Si tous sont satisfaisants, une nouvelle autorisation de fonctionnement est donnée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour une période de dix ans suppémentaires[77],[78]. La fin de la durée de vie peut aussi être anticipée par décision politique, par exemple pour les centrales nucléaires de Creys-Malville (Superphénix) et de Fessenheim.
États-Unis
La durée prévue d'exploitation de chaque centrale nucléaire a été fixée dès l'origine à 40 ans. La plupart ont vu leur autorisation de fonctionnement prolongée à 60 ans par l’autorité de sûreté nucléaire américaine (NRC) (81 réacteurs sur les 99 en service dans le pays). Celle-ci a publié fin 2015 un projet de lignes directrices, soumis à consultation publique jusqu’en février 2016, pour « décrire les méthodes et techniques acceptables par les équipes de la NRC pour le renouvellement de licence » jusqu’à 80 ans d’exploitation. Les exploitants devront démontrer que les composants les plus sensibles, notamment la cuve qui ne peut être changée, pourront être exploités de manière sûre sur une telle durée[79].
En décembre 2019, la NRC octroie la première prolongation à 80 ans, soit jusqu'en 2052 et 2053, pour les deux réacteurs REP de la centrale nucléaire de Turkey Point. C'est une première mondiale.
Des prolongations similaires de vingt ans ont été accordées aux deux réacteurs de Peach Bottom (Pennsylvanie) en , et à ceux de Surry (Virginie). En 2021, les demandes de prolongation des deux réacteurs de la centrale de North Anna et des deux réacteurs de la centrale de Point Beach sont en cours d’examen par la NRC[80],[81].
Japon
Au Japon, dans un souci de relancer la production nucléaire pour réduire ses émissions de CO2, le gouvernement a fait adopter début 2023 une loi permettant de prolonger la durée de vie de ses centrales au-delà de 60 ans. Pour gagner encore du temps, il a aussi décidé de modifier les modalités de calcul de l'âge de ses centrales : les phases d'arrêt dues aux longs contrôles de sécurité ne sont plus comptées comme du temps d'exploitation[76].
Chine
Début 2020, le régulateur national chinois a octroyé ving ans supplémentaires au plus vieux réacteur chinois en opération, celui de Qinshan 1, initialement autorisé à fonctionner pendant 30 ans[76].
Belgique
La Belgique a décidé, après le début de la guerre en Ukraine, de prolonger deux de ses réacteurs qui avaient atteint leur durée de vie maximale théorique de 40 ans, Doel 4 et Tihange 3[76].
Finlande
En février 2023, le gouvernement finlandais a accordé une extension de la licence d'exploitation des deux réacteurs de la centrale de Loviisa jusqu'à la fin de 2050, soit plus de 70 ans[82].