Histoire du vol spatial
aspect de l'histoire de l'astronautique et de l'exploration ou la conquête de l'espace et du système solaire hors de la Terre / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L'histoire du vol spatial retrace au cours du temps l'exploration de l'univers et des objets célestes du Système solaire par l'envoi soit d'engins robotisés (satellites, sondes et robots), soit de vaisseaux pilotés par des équipages humains. Sa conquête a inspiré de nombreux écrivains et philosophes. L'idée d'envoyer un objet ou un homme dans l'espace est évoquée par des romanciers plusieurs centaines d'années avant que cela ne devienne matériellement possible. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, grâce au développement de moteurs-fusées adéquats, aux progrès de l'avionique et à l'amélioration des matériaux, l'envoi d'engins dans l'espace passe du rêve à la réalité.
L'exploration spatiale prend son essor à la fin de la Seconde Guerre mondiale grâce aux avancées allemandes dans le domaine des fusées et il donne lieu à plusieurs événements retentissants durant la seconde moitié du XXe siècle. L'histoire du vol spatial est marquée, à ses débuts, par une forte concurrence entre l'URSS et les États-Unis, pour des motifs de prestige national liés à la guerre froide. Les soviétiques mettent en orbite le premier satellite non naturel de la Terre, et envoient le premier homme et la première femme dans l'espace. Les américains réussissent à envoyer les premiers hommes sur la Lune. Au cours des décennies suivantes, les agences spatiales se concentrent sur la mise en place de moyens pérennes d'exploration, comme la navette spatiale ou les stations spatiales. À la fin du XXe siècle, seulement cinquante ans après les débuts de la conquête de l'espace, le paysage a déjà beaucoup changé : les luttes idéologiques ont fait place à la collaboration internationale, la station spatiale internationale, et le lancement de satellites s'est largement étendu au secteur privé, grâce à plusieurs entreprises pionnières dont Arianespace. De même, bien que la conquête spatiale soit toujours largement dominée par des agences spatiales nationales ou internationales telles que l'ESA ou la NASA, plusieurs entreprises tentent aujourd'hui de développer des vols spatiaux privés. Le tourisme spatial intéresse également les entreprises à travers le partenariat avec des agences spatiales, mais également par le développement de leur propre flotte de véhicules spatiaux. Abandonnés depuis quarante ans, les projets d'envoi d'hommes, voire de colonisation sur la Lune ou Mars ont été remis à jour, sans toutefois aucune certitude quant à la volonté réelle de les mener à terme.
Utopies
L'idée de voyager dans l'espace, d'atteindre une autre planète ou la Lune est très ancienne ; les premiers rares récits à ce sujet étaient assez fantaisistes, car leur but n'était pas technique mais philosophique. Ainsi, lorsqu'en 125 environ, le Syrien Lucien de Samosate écrivit en grec Une histoire vraie (Ἀληθῆ διηγήματα / Alēthê diēgḗmata)[Note 1], un récit relatant le voyage d'Ulysse jusqu'à la Lune dans une panse de baleine[C 1], où il assiste à une guerre entre les Sélénites et les habitants du Soleil[A1 1], Samosate critiquait en fait la société de son époque[A1 1].
Les premières fusées furent des armes, loin de la vision spatiale que nous en avons aujourd'hui. Elles furent inventées en Chine, aux alentours du XIIIe siècle[1]. La première trace écrite de leur utilisation est la chronique de Dong Kang mu, en 1232, qui raconte leur utilisation par les Mongols lors de l'attaque de la ville de Kaifeng[A1 2]; il est d'ailleurs possible que le concept de fusée ait été propagé par eux lors de leur invasion de l'Eurasie. Les fusées sont alors des tubes de papier ou de carton contenant de la poudre, dont les tirs sont aléatoires et dangereux même pour leurs servants. Il existe en Chine le mythe[Note 2] de Wan Hu, fonctionnaire chinois du XVIe siècle qui aurait tenté d'atteindre la Lune à l'aide d'une chaise sur laquelle étaient montées 47 fusées[C 2],[2]. Malgré les améliorations apportées petit à petit aux fusées, par l'ajout d'une baguette de guidage, ou d'ailettes de stabilisation, ou par l'utilisation de corps en fer, techniques qui les rendaient plus sures, plus stables et plus puissantes, l'artillerie finit par remplacer leur fonction d'arme.
Puis, en 1648, l'évêque anglais Francis Godwin écrivit le Voyage chimérique au monde de la Lune[A1 3], et en 1649[A1 3], Savinien de Cyrano de Bergerac décrivit huit techniques possibles pour voler jusqu'à la Lune, et quatre pour atteindre le Soleil. L'un de ces procédés consistait en plusieurs fusées à poudre allumées successivement[3], approche comparable aux fusées à étages modernes. Pour autant, ces textes restaient toujours à but philosophique, et non technique ou anticipatif.
Le sujet devint plus courant et plus technique au XIXe siècle, malgré encore de nombreuses invraisemblances. Ainsi, le roman De la Terre à la Lune de Jules Verne, édité en 1865 et diffusé mondialement, raconte un voyage vers la Lune à bord d'un obus tiré par un canon géant. Si Jules Verne fit l'erreur de ne pas réaliser que les voyageurs seraient tués par l'énorme accélération due au tir, il expliqua à juste titre dans son roman que le corps du chien accompagnant les héros, largué depuis le vaisseau en déplacement dans l'espace, continuerait son mouvement sur une trajectoire parallèle au vaisseau. Ce phénomène, exact mais peu intuitif, montre l'approche scientifique du sujet faite par l'auteur. Dans Un habitant de la planète Mars, publié par Henri de Parville en 1865, de nombreuses sciences furent utilisées afin de déduire l'origine martienne d'un corps extraterrestre sur terre[Note 3]. Achille Eyraud imagina en 1865[4] dans Voyage à Vénus un vaisseau à réaction[A1 4]. Plus tard, en 1901, H. G. Wells publie Les Premiers Hommes dans la Lune, roman dans lequel le voyage dans l'espace est permis grâce à un matériau nommé « cavorite » qui annule les effets de la pesanteur.
Idées et essais des pionniers
Tous ces récits restèrent utopiques malgré les tentatives d'explications et d'inventions techniques, et très peu de gens considéraient sérieusement le voyage dans l'espace[C 3]. Pour autant, les sciences et techniques de l'époque commençaient à permettre, si ce n'est de les accomplir, des essais sérieux sur le décollage et la libération de la pesanteur terrestre.
Au début du XXe siècle, en Russie, un instituteur nommé Constantin Tsiolkovski réfléchit à un « engin à réaction » pouvant atteindre une vitesse nécessaire à la mise en orbite, et permettant d'évoluer dans le vide spatial. Il imagina les fusées à étages, le concept de station spatiale[A1 5], l'utilisation de combustibles liquides par mélange de comburant et carburant[Note 4] en remplacement de la poudre qui ne peut pas brûler dans le vide de l'espace, et qui n'était alors pas assez puissante. Il écrivit des textes compilant ses idées, mais limité par les technologies de l'époque, il ne passa pas à la pratique. Assez peu reconnu du temps de sa vie, il est rétrospectivement considéré comme un pionnier[C 4].
Quelques années après, à partir de 1909, Robert Goddard, un enseignant d'université aux États-Unis travailla sur la réalisation de fusées à étages et à propulsion liquide[Note 5], pour lesquelles il déposa des brevets[C 5]. Il commença à fabriquer lui-même des prototypes, puis fut financé par le Smithsonian Institute, et, lors de la Première Guerre mondiale, par l'armée américaine. Alors que Constantin Tsiolkovski était passé assez inaperçu de ses compatriotes, lui fut la cible de moqueries de la part des journalistes de l'époque. Par exemple, le , l'éditorial du New York Times critiqua les idées de Goddard, allant même jusqu'à l'accuser d'ignorance : « […] Of course he only seems to lack the knowledge ladled out daily in high schools » (« Il semble qu'il lui manque les connaissances du niveau de l'école secondaire»)[5],[Note 6] ; le journal s'excusera le alors que l'équipage d'Apollo est en route pour la Lune (« The Times regrets the error »). Goddard vit sa première fusée à propulsion liquide, 'Nell', quitter le sol le , pour un vol de 2,5 secondes et de 13 mètres de haut[C 6]. Grâce au financement du financier Daniel Guggenheim, il déménagea à Roswell, au Nouveau-Mexique. Malgré tout, la qualité de ses travaux ne fut que très peu reconnue par le public ou l'armée de son vivant.
Dans le même temps en Allemagne, Hermann Oberth travailla lui aussi sur les fusées, et publia en 1923 sa thèse La fusée dans les espaces interplanétaires (pour un doctorat qui lui sera refusé), puis le livre Le voyage dans l'espace en 1929. Ses idées furent mieux accueillies, dans une Allemagne en renaissance, où les fusées étaient même testées comme propulsion de voitures, comme la RAK-2 essayée par Fritz von Opel, qui atteignit les 230 km/h en 1928[C 7]. Fritz von Opel a contribué à populariser les fusées comme moyen de propulsion pour les véhicules. Dans les années 1920, il a initié avec Max Valier, cofondateur du « Verein für Raumschiffahrt », le premier programme de fusée au monde, Opel-RAK, conduisant à des records de vitesse pour les automobiles, les véhicules ferroviaires et le premier vol habité propulsé par fusée en septembre 1929.
Quelques mois plus tôt, en 1928, l'un de ses prototypes propulsés par fusée, l'Opel RAK2, atteignit, piloté par von Opel lui-même sur le circuit AVUS de Berlin, une vitesse record de 238 km/h, regardé par 3 000 spectateurs et médias mondiaux, dont Fritz Lang, réalisateur de Metropolis et La Femme sur la Lune, champion du monde de boxe Max Schmeling et bien d'autres célébrités du sport et du show business. Un record du monde pour les véhicules ferroviaires a été atteint avec RAK3 et une vitesse de pointe de 256 km/h. Après ces succès, von Opel a piloté le premier vol public propulsé par fusée au monde en utilisant Opel RAK.1, un avion-fusée conçu par Julius Hatry. Les médias mondiaux ont rendu compte de ces efforts, y compris UNIVERSAL Newsreel des États-Unis, provoquant comme "Raketen-Rummel" ou "Rocket Rumble" une immense excitation publique mondiale, et en particulier en Allemagne, où, entre autres, Wernher von Braun a été fortement influencé. La Grande Dépression a conduit à la fin du programme Opel-RAK, mais Max Valier a poursuivi les efforts. Après être passé des fusées à combustible solide aux fusées à combustible liquide, il est décédé lors des tests et est considéré comme le premier décès de l'ère spatiale naissante. Les essais de ces fusées restaient pourtant incertains ; Oberth perdit la vue de son œil gauche lors de l'explosion d'une fusée devant faire la publicité du film Une femme dans la Lune de Fritz Lang[CBS 1]. Il arriva tout de même à faire fonctionner un moteur fusée à carburant liquide, le [6].
Sociétés astronautiques
Même si le voyage dans l'espace laissait insensibles de grandes parts de la population, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, certains passionnés se regroupèrent dans des « sociétés d'astronautique » dans différents pays.
En 1927 fut créée à Wroclaw la Verein für Raumschiffahrt (ou VfR, pour Société pour la navigation dans l'espace) par Johannes Winkler[C 8], à laquelle adhérèrent Hermann Oberth, un étudiant du nom de Wernher von Braun, Max Valier ou Willy Ley entre autres. Winkler lança la première fusée à ergols liquides d'Europe en [C 8], Rudolf Nebel et Klaus Riedel testèrent leurs fusées 'Mirak' qui atteignirent plus d'un kilomètre d'altitude[TR 1]. L'armée allemande proposa son aide financière, mais la VfR, après de houleux débats, refusa. Après son accession au pouvoir, le parti nazi, méfiant face à cette association, lui fit des difficultés[TR 2] et interdit les essais civils de fusées. En conséquence, pour pouvoir continuer les recherches, certains membres comme von Braun rejoignirent l'armée allemande, toujours intéressée par ces technologies, sous la direction de Walter Dornberger.
La deuxième société astronautique importante fut créée en URSS en 1931 : le Grouppa Izoutcheniïa Reaktivnovo Dvijeniïa (ou GIRD pour Groupe d'étude du mouvement à réaction), qui était divisé en cellules locales (d'abord à Moscou et Leningrad), et comptait comme membres Sergueï Korolev, Mikhail Tikhonravov. En , la GIRD-X à carburant liquide (alcool et oxygène) vola à 80 mètres. En plus de ces groupes qui se créaient en URSS, le Laboratoire de dynamique des gaz (GDL) fut créé en 1928 ; il rassemblait Nicolas Tikhomirov et Vladimir Artmeyev, et fut rejoint par Valentin Glouchko[A1 6]. Les deux principaux groupes du GIRD et le GDL furent fusionnés pour former l'institut de recherche sur la propulsion par réaction (RNII)[TR 3], mais ce nouvel institut fut déchiré par les querelles internes et victime de dissensions entre les anciens groupes[C 9]. Plus grave pour les recherches, certains de ses membres, comme Korolev et Toukhtchevski, furent victimes des purges staliniennes.
Des sociétés astronautiques se formèrent aussi dans d'autres pays, avec l'American Rocket Society, la British Interplanetary Society, la Société astronomique de France.
Le V2, premier missile opérationnel
Soutenus par l'armée allemande, les anciens membres de la VfR conçurent la série des fusées Aggregat, fonctionnant à l'alcool éthylique et à l'oxygène liquide. La première, la A1, explosa sur le champ de tir, les A2 (surnommées « Max » et « Moritz ») furent lancées avec succès les 19 et à Borkum[7]. Ces dernières avaient la particularité d'être stabilisées par une masse en rotation qui avait l'effet d'un gyroscope, qui leur permirent d'atteindre 2 000 mètres[C 10]. L'armée fut intéressée par ces résultats et investit dans ces recherches ; l'équipe dirigée par von Braun partit à Peenemünde. La guerre se préparant, l'Allemagne souhaita posséder un missile plus massif, et le projet de la A3 commença en 1936. Cette fusée devait être plus puissante avec 1 500 kg de poussée pendant 45 secondes, et pouvoir transporter une ogive de 100 kg sur 260 km[C 11]. Les essais qui eurent lieu fin 1937 démontrèrent que la technologie utilisée fonctionnait, malgré quelques défauts à corriger. Pourtant, la guerre avait depuis commencé, et les succès des armes conventionnelles de l'armée poussèrent le gouvernement à arrêter ses dépenses pour les nouvelles technologies comme la recherche en astronautique, qui ne semblaient plus être utiles. Sans crédits, le développement de la version suivante, la A4, fut donc très ralenti, alors que le projet était encore plus ambitieux que le précédent : le moteur devait développer 25 tonnes de poussée[C 11].
Les deux premiers tirs de la A4 en juin puis furent des échecs, les fusées s'écrasant après le décollage à cause de problèmes de guidage. Lors du troisième tir, le , la fusée parcourut 192 km[C 10], et l'armée allemande, qui commençait à être en difficulté, s'intéressa à nouveau à cette arme, et la rebaptisa V2. Malgré l'important équipement nécessaire à son tir (une trentaine de véhicules[C 12]), malgré la durée des opérations de préparation (plusieurs heures), malgré le manque de fiabilité de ses tirs avant fin 1944, le missile V2 fut le premier missile balistique opérationnel, qui plus est à rampe de lancement mobile. Il emportait 750 kg d'explosifs à 100 km de haut, à une vitesse jusqu'à 4 fois celle du son (environ 5 000 km/h[A1 7]). Il a été estimé que les V2 furent produits à environ 6 000 exemplaires, dont 3 000 furent utilisés pour des missions offensives[C 13]. Pour autant, l'effet des V2 a été jugé plus psychologique que tactique, les dégâts causés par la chute assez aléatoire des missiles restant faibles en comparaison de ceux causés par d'autres armes conventionnelles[ESP 1].
Fin de la guerre et pillage des V2
Lorsque la fin de la guerre en Europe s'approcha, les États-Unis comme l'URSS comprirent la nécessité de profiter au maximum des technologies allemandes. Des officiers de l'armée des États-Unis furent envoyés en Allemagne pour récupérer le plus possible de matériel, de plans, de V2 et d'ingénieurs. Les sites les plus précieux comme Peenemünde étaient plutôt proches des lignes soviétiques, mais l'équipe de von Braun les abandonna en , détruisant les installations quand c'était possible. Pourtant, malgré les ordres donnés par Berlin pour détruire les informations concernant les recherches de l'armée, von Braun, en , cacha 14 tonnes de documents concernant les V2[C 14]. Les Américains, qui arrêtèrent von Braun et son équipe, arrivèrent à les exfiltrer, et purent récupérer quantités de matériels trouvés dans des zones devant revenir à l'URSS, ainsi que les documents cachés quelques mois auparavant. Le , lors de l'opération Paperclip, les États-Unis recrutèrent à nouveau des scientifiques et techniciens.
L'URSS, en moindre quantité, mit la main sur du matériel et des renseignements, et désigna plusieurs ingénieurs, comme Helmut Gröttrup, comme « volontaires désignés » pour poursuivre les recherches pour le compte des Soviétiques[AEE 1].
Les pays européens comme la Grande-Bretagne et la France purent eux aussi récupérer des pièces de V2 : la France recruta 123 scientifiques allemands[FVLA 1], et disposait de quelques sites de production sur son territoire. Le Royaume-Uni, de son côté, récupéra trente V2 hors service, et en reçut cinq autres, avec des ingénieurs allemands, de la part des États-Unis[AEE 2].
Premiers essais
À la sortie de la guerre, seuls deux pays étaient en mesure de financer la recherche sur les fusées ; les autres pays européens ou asiatiques étaient économiquement abattus, devaient se concentrer sur leur reconstruction, et n'avaient de toute façon pas pu profiter des technologies prises à l'Allemagne. Les buts des États-Unis et de l'URSS étaient identiques : créer des ICBM, des missiles balistiques capables de transporter les nouvelles bombes nucléaires d'un continent à un autre, la réussite de l'envoi de ces bombes par avion étant très aléatoire.
Si cette époque vit le début de la recherche mondiale sur les fusées, le moteur principal de cette recherche resta donc l'espoir d'utiliser les fusées comme atout lors d'une guerre ; en 1950, envoyer un homme dans l'espace n'était pas pris très au sérieux en général[C 15]. La guerre froide qui commençait fut la principale cause de la course à l'espace[A2 1].
Alors que la guerre n'était pas encore terminée, en URSS, le gouvernement soviétique rassembla ses experts. Korolev, l'ancien du RNII et futur héros soviétique de la conquête spatiale, fut rappelé très affaibli du goulag où les purges staliniennes l'avaient conduit. Il fut alors envoyé en Allemagne à la fin 1945, sous les ordres du général Lev Gaidukov, dans le but de récupérer des données et des pièces de V2[C 16]. De retour en URSS, lui et ses collègues, dont Valentin Glouchko, tentèrent de reproduire les V2, avec les fusées R1 (entrées en service en 1950), puis de les améliorer, avec les R2 et les R3 (cette dernière commençait à être très différente des deux premières versions).
Ces travaux furent menés sous l'administration du NI-88 (Institut de recherche 88), créé en 1946, dirigé par Trikto[S 1], et divisé en plusieurs départements pour chaque spécialité. Korolev y était ingénieur en chef du bureau d'études expérimentales OKB-1[C 17], Glouchko était affecté à l'OKB-456 pour la mise au point de moteurs à carburant liquide[S 1]. Le NII885 dirigé par Nikolaï Piliouguine était le département aéronautique, et les OKB 52 et OKB 586 dirigés respectivement par Vladimir Tchelomeï et Mikhail Yanguel étaient concurrents de l'OKB-1 de Korolev[S 1]. Comme les bombes atomiques russes étaient plus lourdes que celles des Américains[C 18], les Soviétiques eurent besoin de lanceurs plus gros et plus puissants. Les R3 furent donc abandonnées pour le projet de la R7, un gros missile possédant un moteur à quatre tuyères sur son corps central, plus un moteur à quatre tuyères sur chacun des quatre propulseurs. Ce lanceur deviendra le fer de lance de l'URSS dans la conquête spatiale.
Pendant l'année 1946, les États-Unis rassemblèrent aussi leurs experts à Fort Bliss, avec les documents, pièces et scientifiques récupérées en Allemagne. Ces hommes et matériels furent utilisés pour reproduire et tester des V2 à White Sands[C 19], puis pour tester des évolutions du missile allemand, comme « Bumper », un V2 amélioré par l'ajout d'un deuxième étage[S 2], qui fut lancé avec succès le , et qui fut le premier tir depuis Cap Canaveral[8]. Pour autant, le gouvernement se méfiait des ingénieurs allemands et craignaient l'effet de leur mauvaise réputation auprès du public ; le directeur du FBI Hoover, par exemple, tenta de bloquer ces projets[C 19][réf. nécessaire]. Les programmes de missiles se diversifièrent, chaque branche de l'armée américaine travaillant sur ses propres projets :
- L'US army, lié au Jet Propulsion Lab de Caltech[S 1], travailla sur le projet Hermes-C1, pour la conception des fusées Redstone ; l'équipe comptait entre autres von Braun.
- L'US Navy travailla sur les fusées scientifiques Viking, ainsi que sur les ICBM Titan[Note 7].
- L'US Air Force travailla sur les ICBM Atlas[Note 7].
Le , en vue de l'Année géophysique internationale (AGI) de 1957-58 et sous le conseil du National Security Council, les États-Unis annoncèrent le projet d'envoi d'un satellite dans l'espace[9]. Le lendemain, l'URSS fit la même annonce[A1 8]. Mais pour autant, les États-Unis n'ont pas semblé prendre au sérieux leur concurrent[A1 8].
Début de l'ère spatiale
Aux États-Unis, naquit le projet Orbiter, consistant en un lancement de satellite au cours de l'AGI. Après de nombreuses hésitations et changements, la fusée Redstone de l'US Army, qui avait volé pour la première fois le [C 15], fut choisie pour la mise en orbite du satellite. Mais les difficultés techniques et les luttes internes firent prendre du retard au projet, et le programme Vanguard de la Navy lui fut finalement préféré : la fusée promise était plus puissante que Redstone[S 2], et l'US Navy avait montré son savoir-faire avec ses fusées Viking. Pour autant, le travail sur les fusées Redstone continua. Mais le choix de Vanguard ne fut pas le bon ; malgré les réussites des deux premiers tirs, les résultats finaux ne furent pas à la hauteur des espérances : sur douze tirs avec satellite, seuls trois réussirent. Et ces réussites eurent lieu après le lancement du Spoutnik 1 soviétique, plus gros que le plus gros satellite américain lancé : Spoutnik 1 pesait 83 kg, le plus gros satellite américain pesait 22,5 kg[S 3]. Il semble que cet échec ait été dû à un manque de budget et de rationalisation, car l'US Navy se concentrait surtout sur son deuxième programme concernant les ICBM Titan, qui semblait plus stratégique[C 20].
En URSS, Korolev tenta de convaincre le pouvoir de l'utilité de la conquête de l'espace, au-delà des recherches sur les missiles balistiques atomiques des militaires. Toujours responsable de l'OKB-1 qui était devenue indépendante en 1953[S 1], il lança le projet de satellite Objet D en , et la « 3e commission sur le vol spatial », présidée par Mstislav Keldych fut créée[C 21]. En , à l'occasion d'une visite d'inspection du projet R7 par Khrouchtchev, Korolev put promouvoir le travail dirigé par Mikhaïl Tikhonravov sur l'Objet D, ainsi qu'expliquer que la R7, plus puissante que les fusées des États-Unis, était capable de lancer le satellite en cours de développement[C 21]. Khrouchtchev, convaincu de la possibilité de montrer la force de son pays aux États-Unis, donna son appui au projet. L'objet D, avec son poids et ses instruments scientifiques, était pourtant un objectif un peu trop difficile, et finalement un satellite plus petit et au contenu nettement moins avancé fut rapidement conçu : Spoutnik 1. Il y eut des soucis aussi du côté de la fusée R7, qui ne fonctionna pas très bien : le premier tir du , ainsi que les quatre suivants, ratèrent[C 22]. Les derniers essais ayant montré que le problème tenait en la fragilité des étages supérieurs, il fut décidé de tenter tout de même le tir avec le léger satellite Spoutnik, pour le à 22h28, heure de Moscou[C 23]. Le tir, le premier sans problème de la R7, fut donc une réussite complète pour les Soviétiques. Le monde entier réalisa l'avance de URSS qui ouvrait ainsi l'ère spatiale. Galvanisé par les effets de cette réussite, Khrouchtchev demanda qu'un nouveau satellite soit lancé un mois après, pour l'anniversaire de la révolution : ce fut Spoutnik 2, qui emporta la première chienne de l'espace Laïka, le . Ce deuxième tir sembla pendant 40 ans une autre grande réussite ; pourtant, il sera découvert que la chienne qui avait officiellement vécu une semaine dans l'espace était en vérité morte peu après le tir (entre 6 heures et deux jours) à cause d'un dysfonctionnement du système de régulation thermique[C 20],[10]. Cette désinformation montre que la course à l'espace était devenue autant une course à la propagande qu'une course aux missiles balistiques.
La nouvelle du lancement du premier satellite Spoutnik, ainsi que la réception du signal radio envoyé depuis l'espace fut un choc pour les États-Unis, qui ne croyaient pas l'URSS si sérieuse[C 24],[A1 8] : James M. Gavin, le directeur de la recherche et du développement de l'armée, parla de « Pearl Harbor technologique »[C 24]. D'autant plus que le , le tir de Vanguard TV3 à Cap Canaveral[C 20], avec Pamplemousse, un satellite de seulement 1,8 kg[A1 9], fut un échec retentissant. La fusée ne s'éleva que de 1,3 mètre[C 20] avant d'exploser sur le pas de tir, alors que les journalistes du monde entier étaient présents. Un mois avant, le , l'ABMA (Agence des missiles balistiques de l'Armée), créée en 1956 par l'US Army pour l'équipe de Wernher von Braun, avait repris officiellement son projet Orbiter[C 24]. Jupiter C, un des fruits des améliorations du missile Redstone et rebaptisé Juno pour l'occasion, fut utilisé pour le premier lancement du satellite américain, appelé Explorer 1, le . Ce satellite Explorer était en fait une petite fusée à moteur à poudre, ce qui lui permettait de se mettre en orbite seule[C 25]. Elle fut utilisée pour mesurer la ceinture de Van Allen[11], qui avait été théorisée plusieurs années auparavant[Note 8]. Le programme Vanguard, qui avait continué parallèlement, réussit à lancer le Vanguard-1 le [C 26].
Fin , la NASA fut créée, en remplacement de l'ancien NACA, et l'équipe de Wernher von Braun y fut intégrée en 1960[C 27]. La guerre froide, qui était alors dans une période dure, dopa la course à l'espace[A1 10].
Premiers programmes de satellites
États-Unis et URSS continuèrent à lancer des satellites, nommés Explorer pour les États-Unis, et Spoutnik pour l'URSS. L'utilisation des satellites signa la fin des avions espions, qui devenaient trop vulnérables face aux nouveaux missiles sol-air : en vue de les remplacer, les États-Unis lancèrent le programme des satellites espions Corona, officiellement nommés Discoverer, qui eurent des débuts difficiles : les 12 premiers tirs furent des échecs[12]. Enfin, Discoverer no 13, le 11 aout 1960[C 26], fut le premier à livrer une capsule de film, bien que ce film ne fut pas impressionné (ce satellite d'essai ne contenait pas de caméra[12]). Ces satellites espions furent lancés jusqu'en 1972 ; il y eut 140 tirs, dont 102 réussirent[12].
La série des Explorer fut une série de satellites et de sondes à but scientifique, dont certains furent lancés jusqu'en 2000 ; il y eut, comme pour les Corona, beaucoup de ratés jusqu'en 1961 (avant 1962, 8 tirs sur 19 furent des échecs[réf. nécessaire]). Certains de ces satellites furent pérennes, comme IMP 8 (ou IMP-J, ou Explorer 50) lancé en 1973, dont l'écoute est en 2009 en grande partie arrêtée, mais qui fonctionnait toujours en aout 2005[13], ce qui lui vaut un record d'activité continue de 30 ans.
Les sondes Pioneer servirent à l'exploration du Système solaire entre 1958 et 1978. Les premiers tirs furent dirigés vers la Lune (à l'aide de lanceurs Thor et Atlas), puis furent envoyés dans l'espace interplanétaire, vers Jupiter et Vénus. Encore une fois, le programme connut beaucoup d'échecs avant 1960 (8 lancements vers la Lune échouèrent), mais Pioneer 4 réussit à survoler la Lune en [C 28].
Les Soviétiques tirèrent les sondes Luna vers la Lune entre 1958 et 1976. Ils eurent eux aussi des problèmes, les trois premiers lancements furent des échecs[C 29]. Ensuite, Luna 1, la première de la série à atteindre l'espace, le , rata sa cible. Luna 2 fut un succès, et découvrit les vents solaires[C 29]. Ce fut surtout Luna 3, lancée le [C 29], qui fut la plus grande réussite, car elle rapporta les premiers clichés de la face cachée de la Lune. Parmi les autres sondes, Luna 9 se posa sur le satellite de la Terre en 1966[S 4].
Vénus, la planète la plus proche de la Terre, fut la cible de sondes américains et soviétiques. Ces derniers lancèrent le programme Venera qui lui était entièrement consacré, de 1961 à 1983 ; le premier tir, le ne permit pas de faire quitter à la sonde l'attraction terrestre[Note 9], le second tir se passa bien, mais le système de communication de la sonde tomba en panne. Les sondes suivantes alternèrent échecs et réussites, mais, petit à petit, furent les premières à entrer dans l'atmosphère d'une autre planète, puis les premières à y atterrir, puis les premières à renvoyer des images d'une autre planète.
Les satellites lancés ne furent pas limités à l'exploration spatiale, et certains furent les pionniers dans les télécommunications satellitaires. Leur principe était de capter les ondes radios envoyées depuis le sol, et de les réémettre, permettant ainsi des communications longues distances, jusqu'alors gênées par la courbure terrestre. Echo fut un des premiers satellites lancés à cette fin, le : ce n'était qu'une grande sphère gonflable de 30 mètres de diamètre, sur la surface de laquelle les ondes radio ricochaient. Puis, le fut mis en orbite Courier 1B, le premier satellite pouvant capter et réémettre les signaux terrestres[C 26]. Le satellite Telstar 1, lancé le , permit pour la première fois de retransmettre des émissions de télévision des États-Unis vers l'Europe.
Dans le reste du monde
Chine
Le programme spatial chinois débuta au milieu des années 1950, avec le retour au pays de Qian Xuesen, jusque-là émigré aux États-Unis, où il avait activement participé au développement du programme américain, en étant entre autres membre fondateur du Jet Propulsion Laboratory[14]. Soupçonné d'être communiste, il avait été arrêté en 1950, puis expulsé des États-Unis en 1955[C 30]. De retour dans son pays d'origine, il s'attela donc au programme de missiles chinois, en partie aidé par l'Union soviétique.
France
La France commença dès la fin des années 1940 à étudier les V2, et lança à partir de le programme des fusées-sondes Véronique, conçues pour étudier la haute atmosphère. Ces fusées furent lancées depuis plusieurs sites, comme Suippes pour le premier tir du [AEE 3], puis Vernon le , Le Cardonnet, et enfin à Hammaguir en Algérie… La version simplifiée de la fusée, la R (pour réduite) put atteindre les 1 800 mètres d'altitude fin 1951[AEE 4]. La version suivante, la N (pour normale), plus grosse, connut quelques difficultés, mais put atteindre les 70 kilomètres d'altitude le [AEE 4]. La dernière version, la NAA (pour normale allongée) atteignit 135 kilomètres d'altitude le [AEE 5], mais les échecs réguliers des tirs, les problèmes économiques dus à la guerre d'Indochine, sonnèrent le glas du programme.
Grande-Bretagne
Dès 1954, la Grande-Bretagne commença son programme de missiles balistiques de moyenne portée (2 500 km initialement, puis 4 000 km) nommé Blue Streak. Ce projet fut établi en coopération avec les programmes américains ; les moteurs du missile furent des évolutions des Rocketdyne S3, améliorés par la firme Rolls-Royce. Ils étaient lancés depuis le centre de Woomera en Australie. Les tirs furent des réussites, mais les coûts, ainsi que le problème de son efficacité en tant qu'ICBM[Note 10] poussèrent les Britanniques à le remplacer par les missiles américains Skybolt et UGM-27 Polaris[AEE 6]. Le programme militaire fut donc stoppé le , en conservant l'espoir d'un recyclage en lanceur de satellites.
Inde
Japon
Au sortir de la guerre, l'élément moteur vers l'espace fut le professeur d'université et ingénieur en aéronautique Hideo Itokawa, qui conçut, étudia et lança des petites fusées. Passionné par le sujet, il poussa son pays à créer vers la fin des années 1950 l'Institut des sciences spatiales et astronautiques (ISAS)[C 31].
Premiers programmes biologiques
L'envoi dans l'espace d'animaux, de plantes et de tissus humains fut nécessaire à la préparation de l'envoi d'êtres humains[15]. On compte parmi les premières expériences biologiques astronautiques : les souris Henry, Maher et Ballenger entre 1952 et 1956, la chienne Laïka en 1957[15].
Premiers hommes dans l'espace
Programme Vostok
Après les premiers succès des tirs de satellites, l'étape suivante était l'envoi d'êtres vivants dans l'espace. Pour autant, les premiers cosmonautes étaient en fait plus considérés comme des cobayes que comme des pilotes : ils avaient initialement peu de liberté de pilotage, et durent réclamer énergiquement des moyens de contrôle supplémentaires[S 5] ; la capsule Mercury, par exemple, dut être modifiée pour donner certains contrôles aux pilotes[C 32]… Il y avait en fait des doutes sur la possibilité pour un homme de survivre dans l'espace, certains y voyaient un risque de folie ou de gros problèmes physiologiques ; les futurs astronautes furent donc choisis parmi les pilotes militaires et les pilotes d'essai, qui avaient un physique solide et accepteraient de durs entrainements[A1 11].
En URSS, le programme Vostok ('orient' en russe, OD-2 de son premier nom[C 33]), visant l'envoi d'un homme dans l'espace, fut démarré dès 1957. Le programme final devait aboutir à l'utilisation d'une fusée Vostok, une R7 à laquelle était ajouté un 3e étage[C 34],[S 6], pour lancer un satellite de 5,5 tonnes[S 7] composé d'une capsule sphérique logeant une personne (le module de commande), et d'appareillage divers (le module d'équipement). Seule la sphère habitée était prévue pour revenir sur terre, en effectuant une retombée balistique, c'est-à-dire non contrôlée. Le cosmonaute devait s'éjecter à environ 7 000 mètres d'altitude, pour finir sa descente en parachute[S 8] ; ce fait fut caché par les Soviétiques pendant quelque temps[S 9], une descente totalement contrôlée du cosmonaute dans sa capsule étant plus valorisante. De plus, le retour au sol dans l'engin était jugé nécessaire à l'homologation d'un vol réussi.
Les sept premières fusées (Spoutnik 4, 5, 6, 9 et 10, plus deux anonymes) transportèrent en fait divers instruments, animaux et mannequins à fin de test ; deux des tirs furent des échecs (les seuls de tout le programme[S 6]), six tirs habités suivirent, sept supplémentaires furent abandonnés. Le premier essai eut lieu en avec Spoutnik 4 ; le tir suivant, le 19 aout 1960, emporta deux chiennes (Belka et Strelka), 40 souris, 2 rats, des centaines d'insectes, des éléments végétaux (maïs, pois, blé, nigelle, oignons, champignons), des préparations de peau humaine et de peau de lièvre, des cellules de peau cancéreuses, des bactéries, d'autres échantillons biologiques[15] dans Spoutnik 5[S 10] et fut la première mission à faire revenir sains et saufs des êtres vivants après 18 révolutions[15]. Le cinquième vaisseau, Spoutnik 10, tiré en emporta aussi des chiens, des souris, des cobayes et des ferments[15].
La première mission habitée, Vostok 1, fut lancée le depuis le site de Tiouratam (Baïkonour). Elle emportait Youri Gagarine, qui devint le premier homme dans l'espace, où il effectua une orbite complète en 108 minutes[C 35]. La mission passa pourtant près de l'échec, car le module d'équipement ne se détacha pas du module de commande lors de la rentrée de l'atmosphère, ce qui déséquilibra l'ensemble. Heureusement, la chaleur provoquée par les frottements de l'air détruisit le lien entre les deux modules, libérant Gagarine qui put rentrer sain et sauf sur terre[S 11],[C 35].
Cinq autres vols suivirent, tous furent des succès, malgré de nombreux incidents, comme celui de Vostok 2 qui s'écrasa au sol[C 36] (sans faire de victime) après le même problème de séparation que Vostok 1. Vostok 3 et 4 évoluèrent ensemble dans l'espace à 5 km[S 12] ou 6,5 km[C 37] de distance, et Vostok 6 emmena la 1re femme de l'espace, Valentina Terechkova, le [C 37].
Programme Mercury
Le programme concurrent aux États-Unis était le programme Mercury, assez différent du soviétique : la capsule habitée était un cône équipé de rétrofusées, ce qui permettait à son occupant de rester dans la capsule lors du retour, qui se finissait par un amerrissage[C 38]. À cause de la pression des médias à qui furent présentés les sept pilotes, la NASA ne pouvait se permettre la moindre erreur, et les premiers vols prévus furent de simples sauts balistiques, c'est-à-dire sans orbite. Les premiers tirs d'essai sans astronaute furent tout de même difficiles, la première fusée explosa en vol[S 13], et la troisième ne fut pas maîtrisable[S 13]. Les Américains envoyèrent ensuite avec succès dans l'espace les singes[Note 11] Ham, puis Enos, les [C 39] et [S 14]. Si les essais furent faits avec les fusées Redstone, les tirs habités en orbite furent faits avec l'ICBM ATLAS D, plus puissant. Le , Alan Shepard fut le premier Américain dans l'espace, pour un vol qui ne fut que sub-orbital à 187 km d'altitude. Contrairement à Gagarine, Shepard a contrôlé manuellement l'attitude de son vaisseau spatial et s'est posé à l'intérieur de celui-ci, faisant ainsi techniquement de Freedom 7 le premier vol spatial humain complet selon les définitions de la FAI de l'époque[16],[17],[18], mais elle a reconnu plus tard que Gagarine était le premier humain à voler dans l'espace[19],[C 40]. et dura 15 minutes[C 41],[S 15]. Un incident eut lieu lors du second vol habité, heureusement sans conséquences graves : après l’amerrissage, les boulons explosifs retenant la trappe de sortie de la capsule de Virgil Grissom se déclenchèrent inopinément[C 41]. La capsule se remplit d'eau et coula, mais l'astronaute put être sauvé par hélicoptère[S 15]. Grissom fut d'abord soupçonné d'avoir commis une erreur, puis fut lavé des soupçons[S 16].
À cette époque encore, l'URSS semblait devancer les États-Unis dans la jeune course à l'espace : la prudence et la médiatisation des essais de ces derniers les ralentissaient ; le secret entourant le programme soviétique donnait l'impression de réussites continues. Ce qui n'était pas toujours le cas ; un drame eut lieu le , lors d'un test d'un ICBM R-16[Note 12] créé par Mikhail Yanguel[C 42]. Ce missile, qui utilisait un nouveau moteur et un nouveau carburant conçus par des concurrents de Korolev, explosa lorsque son 2e étage s'alluma sans raison au cours de tests au sol. Cet accident tua 126 personnes[C 43],[20], dont le maréchal en chef Mitrofan Nedelin et de nombreux experts qui préparaient le tir.
John Glenn fut finalement le premier Américain à orbiter autour de la Terre, le [S 14]avec 7 révolutions, malgré des problèmes posés par un capteur indiquant une fausse anomalie, et malgré un parachute qui s'ouvrit trop tôt… les vols spatiaux restaient très aléatoires. Plusieurs vols Mercury suivirent, durant lesquels les astronautes franchirent de nouvelles étapes dans la course à l'espace : ils mangèrent, dormirent, et atteignirent des durées de vol de 22 orbites, soit 34 heures[C 44]. La dimension propagandiste de ces missions était très forte, mais étrangement, les premières photos marquantes faites dans l'espace furent prises par Walter Schirra, qui avait emporté son propre appareil Hasselblad dans la capsule Mercury 8[21]. Les missions Mercury rapportèrent ensuite quantité de belles photos, et certains astronautes communiquèrent même en direct avec les habitants des États-Unis par radio et télévision.