Conseil constitutionnel (France)
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Ne doit pas être confondu avec le Comité consultatif constitutionnel (1958).
Le Conseil constitutionnel est une institution française créée par la Constitution de la Cinquième République du . Il se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements dont il est saisi. Il veille à la régularité des élections nationales et des référendums.
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13,4 M€ () |
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Pour désigner ses membres, outre le terme générique de juge constitutionnel, on retrouve régulièrement dans les médias les termes de « Sages », de « Sages du Palais-Royal » ou encore de « Sages de la rue de Montpensier ».
Création
Une Commission constitutionnelle provisoire prévue par l'article 91 de la Constitution fut établie jusqu'à la mise en place du conseil constitutionnel pour assurer la transition. Elle est composée des plus hauts magistrats de l'État : le vice-président du conseil d'État, le premier président de la cour de cassation et le premier président de la cour des comptes. Sa mission se limite à être le juge électoral de l'élection présidentielle et des élections législatives de 1958. Si la première ne fut pas contestée, la seconde fut l'objet de 200 contentieux et de décisions qui influencèrent la jurisprudence concernant les scrutins[1].
Institution nouvelle dans l'ordre juridique français, le Conseil constitutionnel est créé par la Constitution française du 4 octobre 1958 mais n'est installé que le [2]. Son président est alors l'ancien ambassadeur Léon Noël et deux anciens présidents de la République, Vincent Auriol et René Coty, y siègent de droit. Le général de Gaulle avait pour souci d'éviter ce qu'il considérait comme une dérive américaine aboutissant à une forme de « gouvernement des juges » : pour lui, « la [seule] cour suprême, c'est le peuple »[3]. Michel Debré précise l'autre but : « Ce qu'il nous faut, c'est une arme contre la déviation du régime parlementaire »[4]. Le recours au Conseil était alors restreint dans sa conception initiale aux plus hautes autorités de l'État et ses compétences se trouvaient de fait très limitées. Au fil des années, le Conseil a cependant développé une jurisprudence extensive, bénéficiant simultanément d'un élargissement de sa saisine. Le Conseil tient sa première réunion le .
Dès sa création, en raison de sa prééminence au sommet de la hiérarchie ainsi que de ses membres expérimentés, le conseil est souvent surnommé par les médias « Les Sages »[5],[6],[7], « Conseil des Sages »[8] ou « Les Sages de la République »[9],[10]. Si l'origine de cette qualification demeure incertaine, elle évoque notamment l'Antiquité par les Sept sages de Grèce. La première mention érigeant les conseillers constitutionnels en « Sages » est attribuée à François Borella dans son commentaire sur le projet de Constitution de 1958[11].
Le Conseil constitutionnel est un organe sans précédent dans l'histoire constitutionnelle française ; en effet, les républiques parlementaires n'avaient jamais accepté la création d'organes juridictionnels susceptibles de faire échec aux assemblées parlementaires, perpétuant ainsi la méfiance des révolutionnaires de 1789 à l'égard des juridictions d'Ancien Régime, et surtout le dogme de la souveraineté parlementaire. Précisément, les constituants de 1958 attendent du Conseil qu'il contienne le Parlement dans son domaine législatif borné principalement par l'article 34. Durant environ une décennie, le Conseil se cantonne effectivement dans ce rôle ; mais à partir du début des années 1970, sous la direction de Gaston Palewski, il se transforme en un authentique juge constitutionnel et en protecteur des droits fondamentaux. Le Conseil constitutionnel monte en puissance à partir des années 1970, avec sa décision Liberté d'association du . Avec cette décision, pour la première fois, le Conseil constitutionnel décide de censurer certaines des dispositions d'une loi (loi, dite Marcellin tendant à réformer la liberté d'association[12]) car elle déroge à l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le préambule de la Constitution de 1946[13],[14].
Saisine élargie par la loi constitutionnelle de 1974
La saisine du Conseil pour les lois ordinaires, initialement réservée aux président de la République, Premier ministre, ou président de l'une ou l'autre assemblée, est élargie avec la loi constitutionnelle du , à soixante députés ou soixante sénateurs ; cet élargissement de la saisine aux parlementaires s'applique également aux engagements internationaux par la loi constitutionnelle du [15]. La saisine par le simple citoyen est évoquée pour la première fois le par le président de la République François Mitterrand. En 1985, le Conseil explique que « la loi votée n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution », ce qui engendre un débat sur le rôle du conseil, simple juge scrupuleux du respect de la constitution ou contournement politique de la volonté du peuple questionne le juriste Pierre Brunet[16]. Selon Alain Delcamp, « le Conseil constitutionnel constitue bien aujourd'hui, au sein des institutions de notre République, un rouage essentiel de l’équilibre des pouvoirs » et « ne confisque nullement le pouvoir du peuple souverain » mais se borne seulement à « censurer une incompétence qui a consisté à vouloir prescrire en la forme législative ce qui n’aurait pu l’être qu’en forme de révision constitutionnelle ». Il devient un contre-pouvoir face aux majorités de gauche et de droite, notamment en 1981 contre les nationalisations voulues par Pierre Joxe ou en 1993 contre les lois Pasqua-Debré, Joxe, alors président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, déclarant « Nous, nous représentons le peuple, eux représentent des hommes politiques, des majorités d’autrefois »[17], Pasqua jugeant la censure de ses lois sur l'immigration « très mauvaise pour l'intérêt national »[18].
Échec de la réforme de 1990-1993
Cependant, le projet de loi constitutionnelle no 1203 portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception, déposé à l'Assemblée nationale le , est repoussé au Sénat. Repris dans les travaux du comité Vedel en , ce principe est proposé au Parlement en , mais non repris par la nouvelle majorité parlementaire de droite[19]. Il est finalement repris par le comité Balladur en 2008 et transposé dans la Constitution avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le nouvel article 61-1 de la Constitution remplit un triple objectif[20] :
- purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles ;
- permettre aux citoyens de faire valoir les droits qu'ils tiennent de la Constitution, et surtout de son préambule ;
- assurer la prééminence de la Constitution dans l'ordre juridique interne.
Loi constitutionnelle de 2008
À la suite de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel est chargé de trancher les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Les premières décisions rendues en matière de questions prioritaires de constitutionnalité l'ont été en mai 2010[21].
Membres
Nomination
Le Conseil constitutionnel français est composé de neuf membres nommés pour un mandat unique de neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans, auxquels il faut ajouter les anciens présidents de la République qui sont membres de droit[22]. Les membres sont désignés respectivement par le président de la République[23], le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale, à raison d'un tiers chacun. Les conseillers prêtent serment devant le Président de la République (les membres de droit sont exemptés de ce serment)[24],[25].
Les anciens présidents de la République
Les anciens présidents de la République font, de droit et à vie, partie du Conseil constitutionnel. Mais, dans les faits, la plupart des anciens présidents n'ont soit pas siégé, soit pas de façon continue. Ainsi, Vincent Auriol n'a siégé qu'au tout début de la Ve République mais a cessé de siéger à compter du 25 mai 1960 pour reprendre son rôle d'opposant au général de Gaulle. Il siégea toutefois aux séances des 3, 5 et 6 novembre 1962[26],[27],[28],[29]. Jacques Chirac y siégea de 2007 à 2011 mais y renonça ensuite en raison de sa santé et de ses ennuis judiciaires[30]. Nicolas Sarkozy n'y siégea que quelques mois, en 2012-2013, se retirant à la suite de l'invalidation de ses comptes de campagne pour l'élection présidentielle de 2012[30]. Valéry Giscard d'Estaing n'a siégé qu'à partir de 2004, soit 23 ans après la fin de son mandat, après avoir renoncé à ses activités politiques, puis n'a plus siégé que de façon épisodique[31]. Charles de Gaulle n'a jamais siégé[30], sans exprimer de raison explicite[réf. souhaitée], de même que François Mitterrand, mort sept mois après la fin de son mandat. Seul René Coty y a siégé de façon permanente[30].
Cette disposition concernant les anciens présidents de la République est souvent considérée comme désuète, car destinée initialement aux présidents de la IVe République, et comme inadéquate en raison des pouvoirs renforcés du Conseil au fil du temps[32]. La suppression de ce droit a été demandée en 1993 par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution[33], en 2007 par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions — dont Jack Lang y voit « une survivance du passé » —[34], en 2009 par le Conseil d'État[35], en 2012 par la Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique[36] et en 2015 par le Groupe de travail sur l'avenir des institutions. En 2016, les présidents du conseil Jean-Louis Debré et Laurent Fabius réclament cette suppression pour « contrer les éventuels empiétements du législatif sur l'exécutif »[37], Debré expliquant que les QPC portent sur des lois adoptées par d'anciens présidents de la République, avec le risque qu'un juge devienne partie[38].
Un projet de loi constitutionnelle supprimant ce droit est présenté par le gouvernement en , mais sa discussion au Parlement a été ajournée[39]. François Hollande avait promis de mettre fin à ce droit des anciens présidents, mais devant une absence de majorité parlementaire, il y renonce. Pour lui-même, il choisit de ne pas siéger à la suite de son mandat[40]. Emmanuel Macron a annoncé qu'il n'usera pas de cette prérogative et inscrit sa suppression en 2019 dans un projet de révision de la Constitution qui n'aboutit pas[41].
Veto parlementaire à la nomination
À la suite de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, les désignations des membres du Conseil constitutionnel peuvent faire l'objet d'un veto des commissions permanentes, et compétentes en matière de nomination des deux chambres parlementaires[22].
L'addition des votes négatifs doit représenter au moins 3/5e des suffrages exprimés. Cette procédure a été mise en place par la loi organique du [42].
Dans les autres pays d'Europe, les assemblées parlementaires effectuent la désignation des membres des cours constitutionnelles, dans les cas où ces cours constitutionnelles existent, par un vote, le plus souvent à la majorité qualifiée. Cette majorité est de deux tiers des voix en Allemagne, de trois cinquièmes en Espagne et de deux tiers ou trois cinquièmes en Italie[43].
Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture et de l'Éducation, sous les présidences de François Mitterrand, membre du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions ayant inspiré la loi constitutionnelle no 2008-724 du de modernisation des institutions de la Ve République, se félicite, dans un entretien accordé au Monde le , que le Conseil constitutionnel ait, selon lui, « littéralement changé de nature » et, grâce aux questions prioritaires de constitutionnalité, permette « un réexamen serein de la conformité de nos lois aux droits fondamentaux ». Il propose de compléter cette évolution majeure en donnant au Conseil « un véritable statut de cour suprême », s'accompagnant d'un changement du mode de nomination des conseillers, qui seraient directement « élus par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes », sans membres de droit[34].
Mandat
Aucune qualification d'âge ou de profession n'est encore requise pour devenir membre du Conseil constitutionnel, bien que « la quasi-totalité des cours constitutionnelles [soient] obligatoirement composées de juristes »[44].
Les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent exercer d'autres fonctions politiques. L'article 57 de la Constitution, la loi organique auquel il renvoie, ainsi qu'un décret sur l'obligation des membres[N 1] les soumettent à un devoir de réserve et imposent l'incompatibilité avec une fonction gouvernementale, un mandat parlementaire ou tout autre mandat électif. Depuis les lois relatives à la transparence de la vie publique de 2013, le cumul avec une activité professionnelle est également interdit[45],[46].
Outre les membres de droit que sont les anciens présidents de la République qui sont eux nommés à vie, le mandat des conseillers est de neuf ans, non renouvelable. Les membres du Conseil constitutionnel peuvent choisir de cesser leurs fonctions. Ils peuvent être déclarés démissionnaires d'office en cas d'incompatibilité, d'atteinte à l'indépendance et la dignité de la fonction ou d'incapacité physique permanente constatés par le Conseil constitutionnel. En 2019, la rémunération mensuelle brute d'un membre du Conseil constitutionnel est de 16 200 euros[47].
Exception à la durée du mandat d'un conseiller
Toutefois, en cas de nomination en remplacement d'un membre empêché de finir son mandat, le mandat du remplaçant peut être prolongé de la durée d'un mandat complet si, à l'expiration du mandat du conseiller remplacé, le remplaçant n'a pas exercé cette fonction pendant plus de trois ans, comme ça a été le cas pour Claire Bazy-Malaurie qui a remplacé Jean-Louis Pezant en et a vu son mandat être prolongé en 2013 jusqu'en 2022[48].
Président
Le président du Conseil constitutionnel convoque le Conseil, préside les séances, désigne les rapporteurs et départit les voix. Il est désigné parmi les membres par le président de la République. En cas d'empêchement du président du Conseil constitutionnel, la présidence de fait est assurée par le doyen d'âge du Conseil. Ainsi, le 24 mars 1999, Yves Guéna, doyen d'âge, devient le président par intérim du Conseil après la mise en congé de Roland Dumas mis en cause dans une affaire polito-financière. Le 1er mars 2000, Yves Guéna est nommé à la présidence du Conseil constitutionnel, par le président de la République Jacques Chirac, à la suite de la démission de Roland Dumas (qui sera finalement relaxé en 2003).
En Italie et en Espagne, les présidents des cours constitutionnelles sont élus par leurs pairs. Une proposition de réforme du Conseil en ce sens est présentée au printemps 1990, lors des débats sur la modification de la saisine du Conseil. Cette proposition est critiquée par Robert Badinter et Georges Vedel, en raison de l'apparition possible d'une « campagne électorale dans un microcosme »[49], et n'a jamais abouti.
Depuis sa nomination au Conseil constitutionnel, Laurent Fabius est président.
Le Conseil constitutionnel est un pouvoir public dont les séances suivent le rythme des requêtes dont il est saisi. Il ne siège et ne rend des décisions qu'en séance plénière. Les délibérations sont soumises à une règle de quorum, en vertu de laquelle la présence effective de sept juges est requise, sauf cas de force majeure. Cependant, en pratique, les décisions rendues par moins de sept juges sont relativement fréquentes. Le Conseil a alors pour habitude d'indiquer, dans le commentaire autorisé de ses décisions, qu'il y a cas de force majeure. Selon le constitutionnaliste Thomas Hochmann, "il est difficile de se garder de l’impression que toute violation du quorum est assimilée à un cas de force majeure"[50]. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
En matière de contentieux électoral, l'instruction est confiée à l'une des trois sections composées de trois membres désignés par le sort mais dont chacun devra avoir été nommé par une autorité différente. En matière de contentieux constitutionnel, l'instruction est confiée à un rapporteur[51],[N 2], qui dispose alors d'une plénitude de juridiction, et rend au Conseil une proposition de décision.
La procédure est écrite et contradictoire. Il n'y a pas d'opinion dissidente possible. Les débats en session et en séance plénière ainsi que les votes ne sont ni publics, ni publiés. La procédure est donc totalement secrète.
Chaque séance fait l'objet d'un compte-rendu intégral. Comme toute la documentation du Conseil constitutionnel, il s'agit d'une archive publique qui est communicable 25 ans après sa création. Jusqu'en 2008, ce délai était de 60 ans. Un compte-rendu sommaire est immédiatement mis en ligne.
Cependant, depuis une décision du , le Conseil peut autoriser les parties et leurs représentants à se faire entendre devant lui dans le seul cadre de la procédure du contentieux de l'élection des députés et sénateurs.
Saisine
Pour vérifier la constitutionnalité d'une loi, le Conseil constitutionnel doit être saisi après le vote de la loi par le Parlement mais avant la promulgation par le président de la République. Pour connaître de la constitutionnalité des traités, le Conseil est saisi après la signature du traité, mais avant la ratification de celui-ci.
Toutefois, le Conseil n'a pas besoin d'être saisi lorsqu'il s'agit d'une loi organique ou du règlement d'une assemblée parlementaire car il les contrôle obligatoirement, comme cela est prévu par les articles 46 et 61 (1er alinéa) de la Constitution. Il n'a également pas besoin d'être saisi dans le cas d'un référendum d'initiative partagée prévu par l'article 11.
Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le Premier ministre ou le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Depuis 1974, il peut aussi être saisi de la constitutionnalité d'une loi par 60 sénateurs ou 60 députés (article 61 de la Constitution). En pratique, la majorité des saisines sont le fait de l'opposition parlementaire[52]. Les saisines du président de la République, du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat sont relativement rares-depuis 1958, il y eut respectivement quatre, six, vingt-quatre et sept saisines de ces autorités[53]. La même possibilité est ouverte, en matière de contrôle de constitutionnalité des traités, par une révision constitutionnelle de 1992[54]. En pratique, le président de la République est quasiment le seul à avoir saisi le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité d'un traité. Toutefois, il y eut durant la troisième cohabitation, des saisines conjointes avec le Premier ministre ; le publiciste Pierre Mouzet constatait, en 2009, qu'une seule saisine avait été le fruit de l'initiative des parlementaires[55]. Toutefois, des parlementaires ont depuis saisi le Conseil de la constitutionnalité du CETA[56],[57]. Le Conseil a rendu 14 décisions, après avoir été saisi en application de l'article 54 de la Constitution ; sept ont conclu à la nécessité d'une révision de la Constitution pour ratifier le traité ou l'accord international en cause[58].
Dans une décision de 2011, le Conseil constitutionnel estime qu'en matière de saisines non motivées (dites "saisines blanches"), il doit se borner à vérifier le respect de la procédure parlementaire[59]. Depuis mars 2022, le règlement du Conseil constitutionnel s'est doté, en matière de contrôle de constitutionnalité a priori des lois et de contrôle de constitutionnalité des traités prévoit, en son article 2, que les saisines non motivées sont interdites[60]. Cependant, le Conseil constitutionnel a estimé, en 2023, que la violation de l'article 2 n'est pas sanctionnée par l'irrecevabilité de la saisine[61]. Si l'on en suit le commentaire autorisé de la décision n°2022-152 ORGA du 11 mars 2022, en cas de saisine blanche, le Conseil "s’assure uniquement de la régularité de la procédure d’adoption de la loi déférée, sous réserve de soulever d’office une autre question de conformité à la Constitution"[61],[62].
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit un article 61-1 qui prévoit une possibilité de saisine à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, sur une disposition législative « qui porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Cette saisine passe par le filtre du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Cette procédure, dite « question prioritaire de constitutionnalité », est encadrée par une loi organique[63], dont les dispositions sont entrées en vigueur le .
Il est procédé au déclassement des dispositions matériellement règlementaires mais formellement législatives sur saisine du premier ministre[64],[65],[N 3]. Concernant les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie, le haut-commissaire, le gouvernement, le président du Congrès, le président d'une assemblée de province ou dix-huit membres du Congrès peuvent saisir le Conseil[68],[69]. En matière électorale, le Conseil peut être saisi de l'élection d'un député ou d'un sénateur par l'un des candidats à l'élection ou par les électeurs inscrits dans la circonscription concernée[70].
Les griefs d'inconstitutionnalité sont :
- l'incompétence : seule une loi constitutionnelle peut déroger à la Constitution. Il y a incompétence positive lorsqu'une autorité empiète sur les prérogatives d'une autre et incompétence négative lorsque cette autorité ne met pas pleinement en pratique sa propre compétence ;
- le vice de procédure : ce sont les irrégularités commises durant la procédure législative, et notamment la méconnaissance du droit d'amendement ;
- la violation de la Constitution : il s'agit principalement du non-respect des droits fondamentaux. Cependant, le Conseil constitutionnel a déclaré qu'il ne bénéficiait pas d'un pouvoir d'appréciation identique à celui du législateur, afin de restreindre les accusations d'arbitraire portées contre lui ;
- le détournement de pouvoir : le Conseil constitutionnel peut ainsi censurer des dispositions qui n'ont été prises que dans un seul intérêt financier.
Structure de la décision
Toutes les décisions sont prises dans les mêmes formes, comprenant les visas des textes applicables et des éléments de procédure, les motifs présentés analysant les moyens invoqués, indiquant les principes applicables et répondant à la requête, un dispositif final divisé en articles énonçant la solution adoptée. Le Conseil constitutionnel ne publie pas les opinions dissidentes.
Sur le modèle des arrêts du Conseil d’État, jusqu'en , la décision était formée d’une seule phrase structurée en quatre parties :
- la saisine comprend le nom et la qualité des requérants, la date et l’identification du texte déféré ;
- les visas (« VU… ») indiquent les textes et les normes auxquels se réfère le juge constitutionnel ;
- les considérants (paragraphes) exposent le raisonnement du juge en général ;
- le dispositif (« décide : article 1… ») expose la décision.
Le , le Conseil constitutionnel a décidé de moderniser le mode de rédaction de ses décisions pour permettre d'exposer son raisonnement en plusieurs phrases plus courtes et en supprimant la mention « Considérant que » au début de ses paragraphes. Les visas et le dispositif ont été aussi simplifiés, dans le but de faciliter la lecture des décisions du Conseil constitutionnel et d'en approfondir la motivation[71]. Il a aussi été précisé que ce mode de rédaction s'appliquera désormais à l'ensemble des décisions rendues par le Conseil constitutionnel.
Typologie des décisions
Le type de décisions est identifié par le titre de la décision publiée au Journal Officiel : numérotation - type (2 à 3 lettres) - date de la décision.
Le Conseil rend des décisions portant sur :
- Le contentieux des élections parlementaires pour lesquelles sont mentionnées les initiales des chambres (AN = Assemblée nationale ou SEN = Sénat) et les références de la circonscription ou du département ; certaines décisions relatives aux opérations électorales sont classées ELEC ;
- Le contentieux référendaire, REF ; les décisions, rendues en application des articles 45-2, 45-4 et 45-6 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, dans sa version résultant de la loi organique du 6 décembre 2013 sont classées RIP ;
- La répartition des compétences entre le pouvoir législatif et réglementaire sont associées aux lettres L (déclassement législatif) ou FNR (fin de non recevoir, c'est-à-dire examen en cours d'élaboration de la loi) ; il vérifie également si des lois sont intervenues dans le domaine de compétence de Saint-Barthélémy, de la Polynésie française et de Saint-Martin, dans des décisions classées LOM ;
- Le contrôle de constitutionnalité a priori des lois nationales, des traités et des règlements des assemblées sont classées DC (déclaration de conformité) ;
- Le contrôle de constitutionnalité a posteriori (question prioritaire de constitutionnalité) donnent lieu à des décisions classées QPC[72] ;
- Le contrôle de constitutionnalité des lois du pays (LP) du congrès de la Nouvelle-Calédonie,(seul autre organe législatif français reconnu par la Constitution) comme le prévoit l'article 77,du titre XIII de la Constitution[73] ;
- L'élection présidentielle (liste des candidats admis à se présenter, prononcé officiel des résultats) ; ces décisions sont classées PDR ;
- Le fonctionnement du Conseil constitutionnel, donnant lieu à des décisions classées ORGA ;
- La déchéance des parlementaires inéligibles (décisions classées D), les incompatibilités parlementaires (I) et les obligations fiscales (OF)[72].
Les avis rendus par le Conseil constitutionnel sur les décisions prises par le président de la République grâce aux pouvoirs exceptionnels, qu'il tient de l'article 16 de la Constitution ainsi que la consultation préalable du Conseil constitutionnel, permettant au président d'acquérir les pouvoirs exceptionnels, sont classés ART16.
Dans sa décision 2005-512 DC Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du (considérants 22 et suivants), le Conseil constitutionnel a admis pouvoir procéder au déclassement législatif (de type L) dans une décision relative au contrôle de constitutionnalité (de type DC). Toutefois, cette jurisprudence a été abandonnée dans une décision du 15 mars 2012[74],[75].
Chaque décision publiée au Journal officiel de la République française depuis 1987 a son numéro NOR. Toutes les décisions depuis l'origine ont été référencées avec leur identifiant européen de la jurisprudence (ECLI).
Effets juridiques et autorité des décisions
Dans le cas du contrôle de constitutionnalité a priori, la saisine (art. 61) du Conseil suspend le délai de promulgation d'une loi votée (dernier alinéa de l'article 61). Les décisions de non-conformité conduisent à la censure totale ou partielle de la loi mais non à son annulation puisqu'elles sont prononcées avant la promulgation, acte juridique qui en assure l'application. Une loi déclarée contraire à la Constitution par le Conseil peut soit être promulguée si les dispositions inconstitutionnelles ont été déclarées divisibles du reste de la loi, soit être abandonnée. Le président de la République peut enfin demander une nouvelle délibération sur la loi (art 10c).
En cas de question prioritaire de constitutionnalité, les dispositions déclarées inconstitutionnelles sont abrogées immédiatement. Toutefois, le Conseil peut reporter les effets de sa décision[76], en ce inclus les éventuelles réserves d'interprétation dont cette dernière serait accompagnée. Le Conseil a également estimé pouvoir annuler des dispositions pénales, faisant cesser l'exécution des peines prononcées[77].
En matière d'élections des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel peut, par ses décisions, annuler ou réformer les élections[78]. Le Conseil constitutionnel peut en outre déclarer inéligible, le candidat élu en violation de certaines règles relatives au financement de la vie politique[79], qui n'a pas déposé les déclarations de situation patrimoniale et d'intérêts et d'activités prévues par l'article LO135-1 du Code électoral[80] ou "qui a accompli des manoeuvres frauduleuses qui ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin"[81].
Les décisions s'imposent (ou doivent s'imposer) erga omnes aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles[82]. Elles sont insusceptibles de recours (article 62c). « L'autorité absolue de la chose jugée » implique que le Conseil ne puisse statuer deux fois sur un même texte, ni (au moins en théorie) que les « pouvoirs publics et les autorités administratives et juridictionnelles » puissent contredire les décisions. Cette autorité ne s'attache pas seulement au dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire (décision 1962-18 L du )[83], et s'applique également dans le cadre du contrôle des traités (décision du , 312 DC[84]). Dans ce dernier cas, deux hypothèses permettent une nouvelle procédure de contrôle : d'une part « s'il apparaît que la Constitution, une fois révisée, demeure contraire à une ou plusieurs stipulations du traité », d'autre part « s'il est inséré dans la Constitution une disposition nouvelle qui a pour effet de créer une incompatibilité avec une ou plusieurs stipulations du traité dont s'agit ».
En matière électorale, le Conseil constitutionnel admet cependant les recours en rectification d'erreur matérielle[85]. L'effet des décisions en matière de contentieux électoral varie, allant de l'annulation de bulletins à celle des opérations électorales elles-mêmes, et peut comporter la déclaration d'inéligibilité d'un candidat et/ou la démission d'office d'un élu. L'article 41 de la loi organique sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel prévoit que le Conseil constitutionnel peut également "réformer la proclamation faite par la commission de recensement et proclamer le candidat qui a été régulièrement élu"[86].
Publications officielles
Les décisions sont notifiées aux parties et publiées au Journal officiel de la République française (Lois et décrets), avec le texte de la ou des saisines parlementaires depuis 1983, et les observations du gouvernement depuis 1995.
Le site web du Conseil constitutionnel reprend pour chaque décision les textes de saisine, l'ensemble des arguments échangés, la décision, un dossier documentaire et une analyse du Secrétaire Général. La place des commentaires autorisés[87] du Secrétaire Général semble se faire de plus en plus importante. D'aucuns pourraient y voir une remise en cause du secret du délibéré. Pour autant, elles apportent des précisions parfois majeures aux décisions elles-mêmes. Le fait que la doctrine juridique s'en inspire de plus en plus pose problème, puisque, si leur autorité morale est évidente, de tels commentaires n'ont juridiquement pas de valeur normative. Ainsi l'interprétation des décisions du Conseil par la doctrine apparaît conditionnée.
Un Recueil Annuel des décisions est publié sous le haut patronage du Conseil trois mois environ après l'année de référence. Il comprend le texte intégral des décisions (non des avis), une table analytique, avec, depuis 1990, sa traduction en anglais, et en espagnol de 1995 à 1998.
Les Cahiers du Conseil constitutionnel, puis, à compter d'[88], les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel sont une publication officielle de jurisprudence, de droit constitutionnel comparé et d'analyses doctrinales. On y trouve également des communiqués, relatifs notamment aux prix décernés à des thèses remarquables de droit constitutionnel. Ces Cahiers sont publiés, en version papier, par les éditions Dalloz et sont, par la suite, mis en ligne gratuitement sur le site officiel du Conseil[88]. Depuis septembre 2018, cette revue a été remplacée par une autre revue, Titre VII, disponible, elle aussi, gratuitement sur le site du Conseil[88].
Grandes décisions
- (élection du président de la République au suffrage universel)[89] : le Conseil constitutionnel se déclare incompétent en matière de lois référendaires ; il ne saurait censurer une loi adoptée par la voie du référendum, expression directe du peuple auquel appartient la souveraineté nationale (principe de la démocratie).
- Liberté d'association[90],[91] () : confirme la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958 (déjà consacrée par une décision de 1970[92],[93]) et surtout, consacre la valeur constitutionnelle des textes auxquels ce préambule renvoie et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, créant le bloc de constitutionnalité. Cette décision marque une étape fondamentale dans la montée en puissance de l'institution et change la portée de son contrôle de constitutionnalité.
- Taxation d'office ()[94],[95] : le Conseil constitutionnel intègre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans les normes constitutionnelles.
- IVG[96],[97] () : le Conseil se déclare incompétent pour contrôler une loi par rapport à un traité. La Cour de cassation, par l'arrêt Jacques Vabre de et le Conseil d'État par l'arrêt Nicolo d' vont, par voie de conséquence, se déclarer compétents pour effectuer un contrôle de conventionnalité.
- Nouvelle-Calédonie ()[98] : le principe de libre administration des collectivités territoriales a valeur constitutionnelle.
- Nationalisations I ()[99],[100] : le Conseil refuse de hiérarchiser les éléments du bloc de constitutionnalité.
- Blocage des prix et revenus ()[101],[102]: la loi comportant des dispositions matériellement règlementaires (ici, la fixation d’une amende contraventionnelle) n'est pas contraire à la Constitution (et ne peut donc être censurée, en application de l'article 61 de la Constitution).
- État d'urgence en Nouvelle-Calédonie[103](),[104] : le Conseil constitutionnel estime que la conformité à la Constitution d'une loi promulguée peut être contestée après son entrée en vigueur si des dispositions législatives nouvelles viennent la modifier, la compléter ou affecter son domaine. Cette décision peut s'apparenter en apparence à un début de contrôle a posteriori.
- Nouvelle-Calédonie ()[105] : la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la constitution.
- Statut de la Corse ()[106],[107] : reconnaissance du concept juridique de peuple français, à valeur constitutionnelle, et de son unicité.
- Traité de Maastricht II ()[108] : décision sur la conformité à la Constitution du Traité de Maastricht, après la révision constitutionnelle intervenue à la suite de l'étude de conformité rendue dans la décision du par le Conseil constitutionnel. De manière constante, le Conseil constitutionnel reconnaît le pouvoir souverain du constituant.
- Cour pénale internationale[109] () : le Conseil constitutionnel consacre l'irresponsabilité pénale du chef de l'État, sauf cas de haute trahison devant les juridictions ordinaires pendant la durée de son mandat, à moins de saisir la Haute Cour de Justice selon les modalités prévues par le titre IX de la Constitution de 1958.
- Charte des langues régionales et minoritaires ()[110] : Le peuple français est indivisible.
- Révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ()[111],[112] : le Conseil revient sur sa décision Maastricht II et se déclare incompétent pour vérifier la conformité des lois de révision. Il opère un revirement de jurisprudence.
- Confiance dans l'économie numérique[113] () : le Conseil constitutionnel reconnaît que le respect du droit communautaire est une exigence constitutionnelle (Article 88-1), sauf disposition expresse contraire à la Constitution. Il se déclare donc compétent pour contrôler la conformité d’une loi de transposition d’une directive européenne.
- Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi () : le Conseil constitutionnel estime que cette loi est contraire à la Constitution[114] en contrevenant notamment à la liberté d'expression.
- Loi sur la suppression de la taxe d'habitation ()[115] : initialement prévue pour se limiter aux 80 % des foyers les moins aisés, la suppression de la taxe d'habitation est élargie à l'ensemble des ménages sur injonction du Conseil.
Rythme actuel
De janvier à , en trois mois, le Conseil constitutionnel a rendu autant de décisions au titre du contrôle de constitutionnalité des normes que de 1958 à 1974, en quinze ans. En effet, puisqu'il n'y avait pas de recours effectif des citoyens devant le Conseil et seules les quatre plus hautes autorités administratives pouvaient le saisir, les opportunités de saisine étaient réduites, d'autant plus qu'il n'y avait pas de cohabitation. Ainsi, le Conseil ne fut saisi que neuf fois de 1959 à 1974[116].
Ce formidable essor résulte essentiellement de l’enchaînement de deux éléments :
- jurisprudentiel d'abord, lorsque, dans sa décision du liberté d'association, le Conseil incorpore au bloc de constitutionnalité le texte du préambule de la Constitution, et par voie incidente, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cette avancée jurisprudentielle, qui consacre le rôle du Conseil comme garant des droits et libertés, permet à celui-ci de ne pas se contenter du contrôle de la Constitution de 1958 ;
- constitutionnel ensuite, quand la révision du donne à 60 députés ou 60 sénateurs le droit de saisine, jusqu'alors réservé au pouvoir exécutif et aux présidents des assemblées, l'ouvrant ainsi aux parlementaires[117].
Le nombre de décisions rendues par le Conseil augmenta également considérablement à la suite de l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité après la révision constitutionnelle de 2008. La question prioritaire de constitutionnalité représente désormais environ les quatre cinquièmes de l'activité du Conseil[118].