Conversion forcée des musulmans d'Espagne
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La conversion forcée des musulmans d'Espagne est décidée par une série d'édits interdisant l'islam en terre d'Espagne au début du XVIe siècle. Ces événements ont lieu à des moments différents dans chacun des royaumes espagnols : de 1500 à 1502 en Castille, de 1515 à 1516 en Navarre, puis de 1523 à 1526 en Aragon[1].
Après la reconquête de l'Espagne musulmane par les royaumes chrétiens, qui s'achève en 1492, la population musulmane de la péninsule s'élève entre 500 000 et 600 000 personnes. Les musulmans vivant sous domination chrétienne ont alors le statut de mudéjar, leur autorisant à pratiquer librement l'islam. En 1499, l'archevêque de Tolède, le cardinal Francisco Jiménez de Cisneros entame une campagne de conversion, à l'aide de tortures et d'emprisonnements, dans la ville de Grenade, ce qui déclenche une première révolte musulmane (en). La rébellion est finalement réprimée et instrumentalisée pour révoquer les garanties légales conférées par les traités protégeant les musulmans. Les conversions se dédoublent, et dès 1501, il n'y a officiellement plus de musulmans à Grenade.
Encouragée par ce premier succès à Grenade, la reine de Castille Isabelle émet un édit en 1502 bannissant l'islam des terres de la couronne. Avec l'annexion de la Navarre ibérique en 1515, davantage de musulmans sont soumis à cet édit castillan. Le dernier territoire à imposer la conversion est la couronne d'Aragon, dont les rois sont liés par serment lors de leur couronnement au respect de la liberté religieuse de leurs sujets musulmans. Au début des années 1520, une révolte aux accents anti-musulmans, la rébellion des Germanías, force les musulmans des territoires contrôles par les rebelles à se convertir. Les forces royales aragonaises, aidées des musulmans, parviennent à mater la rébellion, mais le roi Charles Ier (mieux connu sous le nom Charles Quint) décide de maintenir la validité des conversions forcées, contraignant les nouveaux convertis à rester chrétiens et les place sous l'autorité de l'Inquisition espagnole. En 1524, finalement, il obtient du pape Clément VII la levée de son serment protégeant la liberté religieuse des musulmans, ce qui lui permet d'agir officiellement contre le reste de la population musulmane. À la fin de l'année 1525, il émet à son tour un édit officiel forçant la conversion : l'islam n'existe donc plus officiellement dans l'ensemble de l'Espagne.
Bien que les édits royaux requièrent l'adhésion publique au christianisme, et malgré la surveillance de l'Inquisition espagnole, des preuves montrent que la plupart des nouveaux convertis (connus sous le nom de Morisques) continuent à pratiquer l'islam en secret (crypto-islamisme (en)). La fatwa d'Oran vient reconnaître la nécessité pour les musulmans d'assouplir la loi islamique (charia) qui ne peut plus être suivie dans la vie quotidienne sans être persécuté par l'Inquisition, et détaille les différentes mesures permettant aux musulmans de se conformer extérieurement au christianisme en effectuant des actes normalement interdits. La fatwa devient ainsi la base d'un crypto-islam pratiqué par les Morisques jusqu'à leur expulsion en 1609-1614. Certains musulmans, en particulier à proximité des côtes, parviennent à émigrer en réponse aux édits de conversion mais les nombreuses restrictions émises par les autorités empêchent la plupart d'envisager cette option. Des rébellions éclatent également dans certaines zones, particulièrement en terrain montagneux, facilement défendable mais toutes échouent. Finalement, ces édits créent une société où des musulmans refusant en secret leur conversion cohabitent avec d'anciens musulmans devenus chrétiens pratiquants, et ce jusqu'à leur expulsion définitive.