Double narration dans La Maison d'Âpre-Vent
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La Maison d'Âpre-Vent, premier des grands romans panoramiques de Charles Dickens, publié entre mars 1852 et septembre 1853, a pour première originalité d'utiliser deux narrateurs, l'un à la troisième personne, rendant compte des démêlés de la loi et du beau monde, l'autre à la première, incarné par Esther Summerson qui raconte son histoire personnelle. Par le stratagème de la double narration (double narrative), que Paul Schlicke juge « audacieux »[1], Dickens lie, tout en les opposant, l'expérience domestique d'Esther aux grands problèmes publics. Le récit d'Esther culmine en la découverte de ses origines : enfant illégitime d'une aristocrate, Lady Dedlock, abandonnée à sa naissance et élevée par une tante malveillante, cette jeune femme reste peu sûre d'elle-même, accueillant avec gratitude la petite considération qu'elle reçoit de la société patriarcale qui l'entoure. Sa situation reflète celle de la communauté tout entière, que minent des privilèges ancestraux faisant fi de ses aspirations et des besoins du peuple, avec des institutions sclérosées vouant les enfants à l'orphelinat et les habitants aux taudis, tandis qu'une prétendue philanthropie asservit plus qu'elle ne libère ses bénéficiaires.
La Maison d'Âpre-Vent | ||||||||
Couverture du premier numéro, mars 1852 | ||||||||
Auteur | Charles Dickens | |||||||
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Pays | Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande | |||||||
Genre | Roman (satire institutionnelle et sociale) | |||||||
Version originale | ||||||||
Langue | Anglaislu | |||||||
Titre | Bleak House | |||||||
Éditeur | Chapman and Hall | |||||||
Version française | ||||||||
Traducteur | Henriette Moreau (traduction réalisée en 1857 sous la direction de P. Lorain et avec l'aval de l'auteur) | |||||||
Éditeur | Éditions Hachette | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1896 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Caractéristique la plus originale de La Maison d'Âpre-Vent, cette double narration est l'élément principal qui en détermine et le schéma et la signification. Tels les participants à la dialectique du poème de Tennyson Les Deux Voix [2], publié en 1842 et grandement admiré par Dickens, les narrateurs de La Maison d'Âpre-Vent offrent deux perspectives de l'existence humaine ; en effet, de même que, chez Tennyson, un être divisé et mélancolique voit en l'homme le produit de la loi naturelle, tandis que l'autre a foi dans le libre arbitre, de même, chez Dickens, le narrateur omniscient présente une vue déterministe de l'individu et de la société, tandis qu'Esther Summerson est d'avis que l'homme a le pouvoir de décider de son propre sort.
La Maison d'Âpre-Vent est donc un livre novateur par sa conception, son organisation et certains aspects de son style. À ce titre, il constitue un jalon dans l'évolution de l'œuvre de Dickens, ce que l'anglais appelle un watershed novel (« roman charnière »). Il est souvent caractérisé comme le premier d'une série appartenant à sa dernière manière[3] et, les critiques s'accordent sur ce point, l'une de ses œuvres les plus remarquablement achevées[1].