Empire du Japon
大日本帝國
Dai Nippon Teikoku
Drapeau officiel entre 1870 et 1885, de facto par la suite |
Emblème |
Hymne |
君が代 (1869-1945) |
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En vert foncé : territoire japonais (–).
En vert : acquisitions (–).
En vert clair : occupation et États satellites (–).
Statut |
Monarchie absolue de droit divin (–) Monarchie constitutionnelle de droit divin (–) Empire militariste et expansionniste (–) |
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Capitale |
Kyoto (–) Tokyo (à partir de 1869) |
Langue(s) | Japonais |
Religion | Shintoïsme |
Monnaie | Yen [I 1] |
Population (c. 1935) | 97 770 000 |
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Densité (c. 1935) | 144,8 hab./km2 |
Superficie (c. 1935) | 675 000 km2 |
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Restauration Meiji | |
29 août 1871 | Abolition du système han |
1re Constitution | |
– | Première guerre sino-japonaise |
– | Guerre russo-japonaise |
1912 | Début de l'ère Taishō |
1926 | Début de l'ère Shōwa |
– | Invasion de la Mandchourie |
– | Seconde guerre sino-japonaise |
– | Guerre du Pacifique (Seconde Guerre mondiale) |
Capitulation | |
Entrée en vigueur d'une nouvelle constitution. Fin officielle de l'empire du Japon. |
– | Meiji |
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– | Taishō |
– | Shōwa |
–, –, 1898, – | Hirobumi Itō |
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– | Kiyotaka Kuroda |
– | Aritomo Yamagata |
–, – | Kinmochi Saionji |
–, – | Tarō Katsura |
–, – | Gonnohyōe Yamamoto |
Chambre haute | Chambre des pairs |
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Chambre basse | Chambre des représentants |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
- Le yen coréen était officiel en Corée depuis 1910 et le yen taïwanais à Taïwan depuis 1896.
L'empire du Japon (en japonais 大日本帝國 (kyūjitai) / 大日本帝国 (shinjitai), prononcé Dai Nippon Teikoku, littéralement « empire du Grand Japon ») est le régime politique du Japon durant la période allant de l'ère Meiji à l'ère Shōwa et englobant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale.
Après deux siècles et demi de shogunat, le Japon connaît une réorganisation politique et adopte sa première constitution en 1889. Le pays se caractérise également par une forte politique expansionniste et impérialiste, qui culmine durant la première partie de l'ère Shōwa et la participation du pays au second conflit mondial aux coté des puissances de l'Axe.
Par la réalisation du hakkō ichiu, un concept lié au kokka shinto et pouvant se traduire par « la réunion des huit coins du monde sous un même toit », l'empereur Hirohito devient un symbole de l'Empire colonial du Japon.
Après la défaite du Japon en 1945 et l'adoption en 1947 de la nouvelle Constitution, le pays est désigné officiellement sous le nom de Nippon ou Nihon, et parfois Nippon-koku ou Nihon-koku (日本国, soit littéralement l’État du Japon) tout en conservant la monarchie en devenant une monarchie constitutionnelle.
Histoire politique
Crise du régime shogunal à la fin de l'ère Edo
Restauration du pouvoir impérial
La première déclaration de l'empereur en 1868 présente une loi fondamentale, prélude à une constitution, gage de liberté d'expression, et indique qu'une lutte contre la hausse des prix va être entreprise. Une coalition instable est alors au pouvoir, composée du parti anti-shogunal et centrée sur les leaders du domaine de Satsuma et les nobles de la cour[1]. Le nouveau gouvernement rend aux Tokugawa leur fief — amputé cependant des quatre cinquièmes de son revenu — et le début de l'ère Meiji est proclamé en . Un conseil honorifique est le premier organe de gouvernement de ce nouveau régime, et celui-ci prend encore en compte les équilibres entre domaines ayant participé au renversement de l'ancien régime, et la noblesse de cour[2]. Plusieurs changements d'organisation ont lieu lors des mois suivants, ce qui permet à des personnalités comme Ōkubo Toshimichi et Iwakura Tomomi d'émerger. Du au 26 décembre sont publiées 34 ordonnances importantes, allant de la suppression des monnaies locales jusqu'à l'interdiction de certains châtiments corporels[3]. Une réforme territoriale remplaçant les anciens domaines par des préfectures est menée à bien au deuxième semestre 1869[4], avec comme conséquence principale une plus grande centralisation de l'État. Un impôt foncier est introduit en 1873 pour garantir une recette publique stable. De 1868 à 1875, de grandes réformes, d'inspiration occidentale et touchant l'éducation, l'armée et le système juridique, sont entreprises — des experts étrangers sont engagés[5].
De 1876 à 1880, un travail portant sur la rédaction d'une constitution nationale est réalisé par un conseil des anciens[6], mais sans aboutir ; les personnes partisanes d'un modèle parlementariste anglais comme le ministre du Trésor, Ōkuma Shigenobu, sont écartés du pouvoir après une crise politique en 1881, et le régime s'oriente vers une monarchie laissant le pouvoir suprême à l'empereur[7]. Ce n'est que le qu'une constitution est effectivement adoptée et fixe la répartition des pouvoirs[8].
Consolidation de l'empire et montée de l'impérialisme (1890 - 1914)
Les premières élections législatives de l'histoire du pays se tiennent en juillet 1890, et placent le Jiyūtō et le Rikken Kaishintō en tête de la représentation nationale, rassemblant à eux deux 170 des 300 sièges de la chambre des représentants. Cette chambre s'oppose régulièrement aux membres du gouvernement, nommés par l'empereur, dans le but d'obtenir plus de pouvoir pour leur assemblée. L'obstruction passe notamment par le refus de vote du budget tel que présenté par le gouvernement plusieurs années de suite. Le déclenchement de la guerre sino-japonaise en Corée en 1894 met fin provisoirement à cette opposition. En , la contestation par les puissances occidentales de certains points du traité de Shimonoseki mettant fin à la guerre est utilisée par les dirigeants du Jiyūtō pour négocier pour la première fois l'entrée de plusieurs de ses membres au sein du gouvernement[9].
Ce fonctionnement gouvernemental s'impose par la suite et, lors de la décennie suivante, de 1901 à 1913, Katsura Tarō et Saionji Kinmochi occupent de façon alternée le poste de Premier ministre. En 1913, un an après le décès de l'empereur Meiji, la crise politique Taishō met fin à cette répartition du pouvoir et ouvre l'époque de la démocratie Taishō[10]. En outre, de 1900 à 1920, s'opère un recul des factions politiques liées aux anciens clans du Sud-Ouest, à la bureaucratie et aux hauts fonctionnaires. Cet affaiblissement profite aux diplômés de plusieurs universités qui s'imposent dans certains secteurs : la haute fonction publique, la magistrature, et les banques accueillent ceux de l'université impériale de Tokyo, le monde de la presse et celui des affaires ceux de l'université Waseda, et la médecine ceux de l'université Keiō[11].
La poussée coloniale des puissances européennes reprend dans les années 1880 : les Britanniques colonisent la Birmanie en 1886, les Français l'Indochine de 1884 à 1893, les Américains Hawaï en 1898[12]. La Corée devient un enjeu stratégique pour certains hommes politiques japonais à partir de 1890, et est l'objet d'une guerre contre la Chine en 1894-1895, puis d'une guerre contre la Russie en 1904-1905 — cette dernière concerne aussi le contrôle de la Mandchourie. Victorieux dans les deux cas, le Japon impérial renforce sa position sur l'échiquier international et agrandit son territoire : Taïwan est transformée en colonie en 1905, le Liaodong et la moitié sud de Sakhaline sont acquis en 1905, et en 1910 la Corée devient une colonie japonaise[13]. La superficie du pays s’accroît ainsi de 77 % entre 1894 et 1910[14]. En 1902, pour la première fois, un traité défensif est signé entre le Japon et une puissance occidentale (les Britanniques)[15], et, en 1905, le Japon bat militairement une puissance occidentale (la Russie lors de la bataille de Tsushima)[16]. La modernisation du Japon devient un exemple à suivre en Asie ; le pays attire des étudiants chinois et coréens[17]. La situation se retourne cependant dès 1905, avec l'essor de l'impérialisme japonais en Corée. Les relations entre les deux pays se tendent jusqu'à la colonisation de ce dernier[18].
Dans les années qui suivent, le Japon, qui a participé à la coalition militaire contre les Boxers et obtenu diverses concessions en Chine, continue d'y accroître son influence : pendant la Première Guerre mondiale, le pays se range au côté des Alliés dans le but d'affirmer son rôle international et envahit la concession allemande dans le Shandong. En janvier 1915, le gouvernement de l'empire du Japon présente à celui de la république de Chine la liste dite des Vingt et une demandes qui vise rien moins qu'à mettre sous tutelle une partie de l'économie chinoise, notamment en confirmant les droits du Japon sur le Shandong qu'il occupe depuis quelques mois[19]. Lors de la conférence de paix de 1919, le Japon obtient que le traité de Versailles satisfasse ses revendications sur le Shandong, ce qui conduit le gouvernement chinois à refuser de signer le texte[20] et provoque en Chine un regain d'agitation nationaliste anti-japonaise[19].
Essor et chute de l'empire, de la démocratie de Taishō au militarisme (1914 - 1945)
Après la crise politique Taishō de 1913 commence une période d'une quinzaine d'années pendant laquelle se renouvelle la culture parlementaire, avec à la clef une ouverture démocratique. La montée en puissance des classes moyennes et du milieu ouvrier favorise l'éclosion de discours critiques sur l'autoritarisme de l'État[21]. Une presse libérale s'épanouit et exprime une certaine sympathie envers les revendications chinoises et coréennes lorsque ces pays subissent la répression de l'armée japonaise. Le suffrage universel masculin est élargi en 1925 à tout homme de plus de 25 ans[22]. Cependant la même année est votée une loi visant à stopper la montée de l'extrême gauche[23] qui compte huit élus au parlement en 1928, à l'issue de la première élection au suffrage universel. Une police politique est mise en place dans chaque préfecture, et certaines activités politiques deviennent passibles de la peine de mort. Ceci n'empêche pas le mouvement ouvrier d'organiser plusieurs milliers de grèves dans l'industrie en 1931[24].
Alors que les gouvernants passent d'une politique de soutien du prix du riz à une politique visant à le faire baisser, L'espace politique se réduit en milieu rural. Les pouvoirs publics veulent mettre un terme à l'agitation ouvrière en ville en faisant baisser le prix des produits de consommation courante, comme lors des émeutes du riz de 1918. La crise de 1929 touche elle le prix de la soie et du coton et contribue à aggraver la situation. Le nombre de conflits entre propriétaires terriens et ouvriers agricoles passe de 87 en 1917, à 2 751 en 1926, et 6 824 en 1935[25]. La situation des ouvriers en ville s'améliore légèrement, principalement pour les ouvriers qualifiés, à l'heure où les progrès de l'industrialisation en réclament un nombre important[26]. Les conditions de vie restent difficiles pour les ouvriers non qualifiés, et le nombre de syndiqués passe de 3 000 vers 1910 à 30 000 en 1919[27], ce qui pousse les gouvernements successifs à prendre des mesures en faveur des ouvriers dans les années 1920[28].
La crise économique de 1929 et la montée des tensions internationales dans les années 1930 mettent cependant ce système politique sous pression[23]. L'entretien d'une armée importante devient un lourd fardeau alors que la situation économique s'aggrave. La montée du communisme aux frontières du pays fait peur à la classe moyenne, et les conservateurs sont perçus comme étant trop proches des conglomérats industriels pour apparaître comme une alternative possible. L'armée a contrario continue d'être perçue comme le moyen d'une ascension sociale, et son discours impérialiste est jugé crédible par certains pour faire face aux difficultés économiques[29]. Dans ce contexte, un courant nationaliste radical, dont les tenants sont souvent issus des rangs de l'armée, fait son chemin en s'opposant au milieu politique en place, qu'il juge trop faible. Ce courant met en place une « stratégie de la tension », et plusieurs coups d'État sont préparés en 1931. Le , une tentative de putsch conduit à l'assassinat du premier ministre Inukai Tsuyoshi. Son remplacement par un militaire met fin au régime des partis existant depuis 1918[30]. Ce nouveau pouvoir nationaliste est traversé par deux tendances : la faction du contrôle se compose de militaires alliés à la bureaucratie, souhaitant orienter l'État vers une économie de guerre en augmentant les dépenses militaires, et la faction de la voie impériale, plus radicale, visant à mettre fin à la domination des partis politiques et des conglomérats industriels sur le pays. Cette dernière faction est à l'origine, le , d'une nouvelle tentative de coup d'État pendant laquelle plusieurs ministres sont assassinés. La partie de l'armée restée loyale au pouvoir tire avantage de l'échec de l'opération en imposant ses vues au sommet de l'État. Elle engage plus encore le pays dans la voie de la guerre, notamment en poussant à l'alliance avec l'Allemagne hitlérienne[31], avec laquelle le Japon signe en novembre 1936 le pacte anti-Komintern. La justice parvient quant à elle à conserver une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir militaire, y compris au plus fort de la Seconde Guerre mondiale[32], mais la presse subit une importante censure, et les opposants au régime comme les libéraux, les socialistes, les journalistes ou les professeurs d'université sont intimidés ou arrêtés[33].
Sur le plan de la politique internationale, la situation se calme dans les années 1920. Les traités de Versailles puis de Washington ont stabilisé la situation. L'agitation anti-japonaise en Corée persiste, mais sans possibilité de s'étendre. Le nouveau régime chinois se focalise sur son combat contre les seigneurs de guerre et le parti communiste[24]. Les choses changent lorsqu'au début des années 1930 un gouvernement lié aux militaires est instauré au Japon. Celui-ci met en place l'État fantoche du Mandchoukouo, puis quitte la Société des Nations en 1933[31]. L'invasion de la Mandchourie en 1931 est le point de départ d'une guerre de quinze ans dont le théâtre d'opération va s'élargir au reste de la Chine à partir de , puis au Pacifique et à tout l'Extrême-Orient à partir de 1941[34].
Le Japon en guerre et la fin de l'Empire
Le Japon, qui n'a cessé de pousser ses pions en Chine en y soutenant notamment des seigneurs de la guerre, prend pied en Mandchourie en 1931 à la faveur d'un sabotage de ligne de chemin de fer provoquée par des militaires japonais. Le but est alors de former une « zone de sécurité intérieure » pour protéger ses possessions coréennes[35] tout en ayant accès à des terres agraires, et à des ressources comme le fer et le charbon. Un État fantoche, le Mandchoukouo, est créé en 1932 et dirigé de facto par les Japonais[36]. En janvier de la même année, les troupes japonaises s'installent à Shanghai à la suite d'un incident planifié par l'armée. Le gouvernement nippon offre par ailleurs des facilités financières aux fermiers japonais voulant s'établir dans la région, et environ un million d'entre eux viennent s'y installer dans les années 1930[37].
Une nouvelle phase d'expansion en Chine commence en lorsque la guerre sino-japonaise éclate. Attaquant au nord, et à partir de Shanghai, les troupes nippones se heurtent à celles de Tchang Kaï-chek. Nankin, la capitale du régime nationaliste chinois, est prise le , ce qui donne lieu à des massacres de populations pendant lesquels environ 200 000 personnes sont tuées[38]. Au Japon, le conflit n'est pas soutenu par la population, et la censure dissimule au public la violence des combats[39]. Le régime accentue sa répression contre les opposants (socialistes, syndicalistes...), notamment de à [33]. Le conflit s'enlise dès le printemps 1938, alors que les Chinois continuent de résister[40].
Face à l'enlisement du conflit en Chine dès 1938, les militaires japonais envisagent deux options. Par idéologie anti-communiste, certains chefs militaires favorisent une « option nord », qui consisterait à attaquer l'URSS de façon à sécuriser leurs possessions au nord. D'autres, tenants d'une « option sud », souhaitent couper les voies d'approvisionnement des nationalistes chinois, et s'en prendre aux colonies européennes (Indochine française, Birmanie britannique, Indes orientales néerlandaises...). Les tenants de la première option ont d'abord gain de cause, et une première série d'escarmouches oppose troupes japonaises et soviétiques à l'été 1938. L'année suivante, les troupes soviétiques surclassent les forces japonaises à la bataille de Khalkhin Gol[41]. La signature du Pacte germano-soviétique le les ayant apparemment privés du soutien potentiel de l'Allemagne nazie, les Japonais renoncent dès l'automne de la même année à attaquer de nouveau l'URSS. Un pacte de non-agression entre les deux pays est finalement signé le . Les victoires allemandes en Europe de l'Ouest, qui entraînent un affaiblissement des puissances coloniales européennes en Asie, ouvrent la voie en 1940 à la réalisation de l'« option sud »[42]. Le Tonkin est envahi en septembre 1940. Le Pacte tripartite est signé le même mois entre le Japon, l'Allemagne, et l'Italie, scellant l'Axe Rome-Berlin-Tokyo. Ces développements sont perçus négativement par les États-Unis qui restreignent leurs exportations de fer et de pétrole vers le Japon[43]. Les troupes japonaises prennent pied dans le Sud de l'Indochine française en , ce qui place leur aviation à portée des possessions anglaises (Malaisie) et américaine (Philippines). En représailles, les États-Unis décrètent un embargo total vis-à-vis du pétrole exporté vers le Japon. Or, ce dernier a besoin de carburant pour mener sa guerre contre la république de Chine. Dans l'espoir de ramener les Américains à la table des négociations, une guerre maritime éclair contre eux est envisagée par les militaires japonais[44].
La guerre du Pacifique commence le [n 1] lorsque les troupes japonaises attaquent simultanément les Britanniques en Malaisie et les Américains à Pearl Harbor. Le conflit mené en Asie par le Japon devient alors partie intégrante de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes nippones, qui envahissent dans la foulée les Philippines, Hong Kong, Guam, les Indes orientales néerlandaises, puis la Birmanie, progressent rapidement lors des mois suivants en remportant victoire sur victoire[45]. Dès la mi-1942 cependant, leur progression est stoppée, et l'armée japonaise subit ses premiers revers, comme à Midway, en juin[46]. À partir de la fin de la bataille de Guadalcanal en , les Japonais sont contraints à mener une guerre défensive contre les Alliés[47]. La prise de Saipan en place le Japon à portée des bombardiers américains[48]. Un peu moins d'un demi-million de civils japonais seront victimes de ceux-ci au cours des attaques aériennes américaines au-dessus de l'archipel[49]. L'île d'Okinawa est conquise par les Américains entre avril et , mais ceux-ci enregistrent de lourdes pertes[50]. Alors qu'un plan d'invasion du Japon est mis au point par les Américains, la décision est finalement prise d'utiliser l'arme nucléaire nouvellement développée pour contraindre le pays à la reddition. Hiroshima est bombardée le 6 août, et Nagasaki le 9 août[51]. Les Soviétiques envahissent la Mandchourie, au cours d'une offensive qui coûte également au Japon sa colonie coréenne, le Nord de Sakhaline et les Îles Kouriles. Militairement défait, le pays sort exsangue du conflit : quelque 2,7 millions de Japonais ont péri[52], 42 % du tissu industriel urbain sont anéantis, et la moitié de la surface des grandes villes est en ruine[53].
L'occupation américaine et la démocratisation du pays
Le , l'empereur Hirohito annonce lors d'une allocution radiophonique la capitulation du pays[54]. Le 17, le prince Naruhiko Higashikuni est chargé de former un gouvernement transitoire afin de gérer le pays en attendant l'arrivée des troupes alliées. Le 2 septembre, Hirohito signe la reddition du pays et des troupes japonaises à bord du cuirassé USS Missouri, et le 8, Douglas MacArthur qui est responsable de l'administration de l'occupation américaine installe son administration à Tokyo, face au palais impérial. Environ 400 000 soldats américains débarquent dans le pays jusqu'à la fin du mois d'octobre de la même année[55]. Dès le 19 septembre, 40 hauts cadres de l'armée dont Hideki Tōjō sont arrêtés, et le 4 octobre, l'occupant se porte garant des libertés civiles des Japonais[56] : près de 2 500 prisonniers politiques sont libérés, le droit de vote est accordé aux femmes, son âge légal est fixé à vingt ans ; la liberté syndicale est réinstaurée, et dès la fin de l'année 400 000 personnes sont adhérentes d'un syndicat[57]. Le système éducatif commence à être réformé dès l'automne 1945[58], et en 1948 le Rescrit impérial sur l'éducation est aboli[59].
Un nouveau système politique se met en place. Alors que la question de son abdication et celle de son inculpation se posent, l'empereur Hirohito annonce au qu'il renonce à sa nature de « divinité à forme humaine »[57]. Les législatives organisées en avril 1946 débouchent sur un renouvellement profond de la représentation nationale[60]. Une nouvelle constitution est annoncée en , votée le 3 novembre, et entre en vigueur le : si l'empereur garde une place symbolique, le parlement détient l'essentiel du pouvoir, et les droits de l'homme sont garantis. Son article 9 proclame le renoncement du Japon à la guerre[61]. Début 1946, environ 200 000 personnes sont déclarées inéligibles par l'occupant en raison de leurs liens avec le régime précédent[60]. Les procès de Tokyo jugent de à les anciens responsables du régime[61] ; sur 50 000 inculpés, 10 % sont condamnés, dont 984 à des peines capitales. À l'occasion de ces procès, l'opinion publique japonaise prend connaissance des crimes commis par son armée, comme à Nankin ou à Bataan[62]. Les grands conglomérats que sont les Zaibatsu comme Mitsui ou Sumitomo sont dissous en , et fin 1946, une réforme agraire permet à 80 % des paysans d'accéder à la propriété[58].
C'est dans un climat international tendu, que s'ouvrent les négociations du traité de paix. Malgré l'opposition de gauche qui tente d'obtenir la neutralité du pays, et la droite conservatrice de Hatoyama et Kishi qui envisage de reconstituer une armée sitôt l'indépendance recouvrée, le premier ministre Yoshida accepte les conditions américaines qui prévoient l'instauration de bases militaires permanentes dans le pays[63]. Le , 49 États ratifient par écrit le traité de paix avec le Japon[64].
Économie
Première initiatives étatiques au début de l'ère Meiji
L'industrie est modernisée en ayant recours au modèle des manufactures d'État[65]. Le développement de Hokkaidō est aussi décidé. Les évolutions sociales rapides sont cependant à l'origine de révoltes parmi les samouraïs, comme en 1874 à Saga, et en 1877 à Satsuma[66]. Les entreprises créées par l'État sont privatisées dix ans après leurs ouvertures, ce qui permet au gouvernement de dégager des liquidités et à de grands groupes de se constituer. Des conglomérats, comme Mitsubishi ou Mitsui, se renforcent par ce biais[67]. Ces entreprises nationales crées dans les années 1870 concentrent leurs activité dans le domaine de la construction navale, les arsenaux, les mines. Des initiatives sont aussi prises par l’État pour construire des usines produisant du ciment, de verre, et des lainages[68].
La production agricole connait quelques gains entre les années 1860 et les années 1890. Bien que la population augmente de près d'un tiers sur la période, le pays reste exportateurs de produits agricoles. La surface cultivée augmente de près de 100 000 hectares de rizières, et de 80 000 hectares de terres agricoles sèches, la moitié de cette dernière surface grâce à la mise en valeur de Hokkaidō. L'amélioration des transports et le déploiement d'entrepôts plus moderne permet aussi de réduire les pertes alimentaires[69].
La production minière est rapidement vue comme une priorité de manière à permettre d'alimenter des nouvelles usines. Sous l'impulsion de personnalités comme Inoue Kaoru, l'état fait l'acquisition de mines de manière à les moderniser. Des écoles dans lesquelles des conseillers étrangers sont employées ouvrent pour former les mineurs. L'usage d'outils modernes comme des pompes à vapeurs ou des explosifs se développe. La production de charbon passe ainsi de 400 000 tonnes dans les années 1860 à 2 600 000 tonnes en 1890. La production de cuivre passe elle de 1 000 tonnes à 29 400 tonnes entre 1860 et 1900[70].
Des infrastructures modernes commencent à être déployées à l'échelle du pays. Plus de 3 000 km de lignes de chemin de fer sont construites en 1895, la plupart à l'initiative d'investisseurs privés. A la même date 6 000 km de lignes télégraphiques parcourt le pays. Le pays développe aussi une marine marchande à partir des années 1870, et qui permet aux japonais de contrôler 14 % des flux rentrants dans les ports du pays[70].
Le pays continue d'être dépendant de l'occident pour plusieurs de ses importations, comme des machines-outils, de l'acier, des l'équipement militaire. Le pays importe aussi de grandes quantité de balles de coton pour ses usines de tissu. Le Japon exporte ensuite ces cotonnades qui représentent 42 % de toutes ses exportations au début des années 1890[68].
Forte croissance dans la seconde moitié de l'ère Meiji
L'économie japonaise connait une phase de forte croissance dans la seconde moitié du l'ère Meiji. Le revenu national brut connait une croissance de 4% en moyenne par an entre 1880 et 1914. Cette tendance est d'autant plus forte entre 1895 et 1905, la production industrielle doublant lors de cette période. Le secteur textile représente une part importante de cette production, et joue un rôle de moteur pour le reste du secteur industriel. 67 % des ouvriers y travaillent en 1900, et la production du pays étant à la quatrième place mondiale en 1913[14]. L'industrie lourde bénéficie du déclenchement de la guerre russo-japonaise en 1904, mais aussi de l'essor des chemins de fer dans la pays. La production passe de 7 000 tonnes d'acier en 1901 à 70 000 tonnes d'acier en 1906 à 500 000 tonnes en 1919[71]. La part des actifs travaillant pour l'industrie passe de 6% en 1880 à 20% en 1920[14]. En 1918, c'est la part de la production industrielle qui dépasse la part de la production agricole dans le revenu national brut[71].
La hausse de la production se fait souvent au détriment des travailleurs des différents secteurs. Dans l'agriculture, près de la moitié des terres sont exploitées par des fermiers qui ne possède pas la terre, et qui doivent reverser parfois près de 60 % à leurs propriétaires. Dans le secteur textile où la mains d’œuvre est principalement féminine, les salaires sont particulièrement bas, et les conditions de travail et d'hébergement le plus souvent insalubre[72]. Les conditions ne sont guère différentes dans le secteur minier, et des sites comme les mine de cuivre d'Ashio jouissent d'une très mauvaise réputation. Face à ces conditions de travail, le recrutement devient de plus en plus difficile, alors que les besoins de production augmentent. De nombreux ouvriers n'hésitent pas à fuir dans les grands centres urbains, ou même à l'étranger au Brésil ou à Hawaii[73].
Un mouvement ouvrier se constitue à la même époque, réclamant la mise en œuvre d'un droit du travail, et une amélioration des rémunérations et des conditions de travail. Des grèves éclatent dans le secteur de la métallurgie (1897) et des chemins de fer (1898), et un premier syndicat clandestin est créé en 1898 dans le secteur de l'imprimerie[73]. La réponse des autorité est initialement violente. Des lois sont passées en 1900 pour restreindre les possibilité de manifester et de se regrouper, et l'armée et les Yakuza sont régulièrement utilisés pour réprimer les grèves. La situation se tend en particulier après l'Incident de haute trahison en 1911 qui voit une douzaine d'anarchistes tenter d'assassiner l'empereur[74]. Ce n'est qu'à partir de 1916 qu'une législation du travail est appliquée (votée en 1912). Celle-ci met l'accent sur les conditions de travail plus que sur les salaires, et vise par ce biais à développer par ce biais la fidélité de l'ouvrier envers son employeur, dans une optique confucéenne[75]. On fixe alors à 12 ans l'âge minimum pour travailler, et à 12 heures la durée maximale du travail journalier pour les femmes et les enfants[76].
Société
Démographie
Après une période de stabilité démographique à la fin de l'ère Edo, la population repart à la hausse en passant de 30 à 50 millions de personnes entre 1870 et 1915, soutenue par une baisse de la mortalité infantile, et une hausse des naissances et de l'espérance de vie. Cette croissance est rendue possible grâce à l'augmentation des importations de riz et la mise en valeur de terres arables à Hokkaidō[10] (la surface des champs y passant de 45 000 à 750 000 chō de 1890 à 1920, et la surface des rizières de 2 000 à 83 000 chō sur la même période). La part de la population citadine connaît aussi une hausse : 28 % des Japonais vivent dans des villes de plus de 10 000 habitants, contre 16 % en 1893. Tokyo atteint les 2 millions d'habitants et Osaka 1 million en 1903, cette dernière triplant sa taille en un demi-siècle. Cet essor de la population urbaine entraîne une baisse du poids de l'agriculture dans le PIB du pays, celui-ci passe de 45 % en 1885 à 32 % en 1914[77].
Entre 1914 et 1940, la population continue de croître, passant de 51 millions d'habitants à 70 millions. Alors que 28 % des Japonais vivent dans une ville de plus de 10 000 habitants en 1913, ils sont en 1940 29 % à vivre dans une ville de plus de 100 000 habitants. Tokyo passe de deux millions d'habitants en 1905 à 5,5 millions en 1935, se hissant au même niveau que Londres ou New York[78]. Cette poussée démographique est aussi notable à Hokkaidō qui, de région nouvellement colonisée, se peuple jusqu'à atteindre un niveau comparable aux autres régions de peuplement plus ancien. De 1 800 000 habitants en 1913, sa population passe à 3 millions en 1940, et son réseau urbain se structure autour de trois villes de plus de 100 000 habitants : Hakodate, Sapporo, et Muroran[79]. La question de la surpopulation devient un enjeu politique à partir du milieu des années 1910. Alors qu'une féministe comme Shidzue Katō préconise le contrôle des naissances, des leaders politiques s'y opposent, y voyant une menace pour la vigueur de l'industrie et du colonialisme japonais[80]. À la fin des années 1930, on dénombre plus de deux millions de Japonais dans les colonies du pays et un million vivant dans d'autres pays[81].
Enseignement
Un Ministère de l'Éducation est créé en 1871, avec la charge de mettre en place un système éducatif à l'échelle du pays[82]. L'éducation de la population est une des priorité du régime, qui la voit comme un prérequis à la modernisation du pays[83]. Une éducation primaire obligatoire de quatre ans est instaurée. Malgré un budget insuffisant, des résultats sont assez rapidement enregistrés. Une enquête de 1875 relève que près de 20 000 écoles primaires sont en activité, mais opèrent dans des conditions matérielles assez variées : 40 % sont hébergées dans des temples bouddhistes (souvent d'anciennes Terakoya), 33 % dans des maisons de particuliers, et 18 % dans des bâtiments nouveaux dédiés à l'éducation[82]. La scolarisation est aussi marquée par un déficit de l'éducation des filles. Toujours en 1875, seules 20 % d'entre elles sont scolarisées, contre 50 % pour les garçons, ce retard ne sera rattrapé que vers 1900[83]. L'alphabétisation progresse assez lentement, l'absentéisme pouvant être élevé. En 1892, une enquête de l'armée indique que 27 % des recrues sont totalement illettrées, et 34 % le sont partiellement[84]. Plus largement, l'efficacité des politiques décidées au ministère se heurte à l'autonomie encore grande des autorités locales, le contenu des cours pouvant grandement varié d'une école à une autre[85]. Bien que l'éducation soit obligatoire, son financement reste à la charge des familles et des collectivités locales. Les familles sont aussi réticentes à l'idée de laisser leurs enfants aller à l'école, alors qu'ils peuvent travailler pour financer les besoins de la famille[82].
Pour pallier les différents écueils enregistrés lors des premières années, et dans le cadre de la réorganisation du gouvernement en cabinet, un premier ministre de l'éducation est nommé en 1885, Mori Arinori. Celui-ci réforme le système éducatif, qui va prendre une forme qui va perdurer jusqu'à la fin de la période impériale. Très centralisé[86], il voit se créer à son sommet un système universitaire public, avec la constitution d'un réseau d'universités impériales [n 2]dans les plus grandes villes du pays[87]. Mori met aussi en place une école de formation des enseignants à Tokyo, de manière à uniformiser leur formation et à s'assurer de leur loyauté envers l'Etat et non envers un pouvoir local[88]. En 1890, le Rescrit impérial sur l'éducation vient fournir un cadre morale à l'éducation[89]. La taux de scolarisation monte à 69 % dès 1898, et est presque de 100 % à la fin de l'ère Meiji. La durée de scolarité obligatoire est étendue à six ans en 1907[90].
Le début de l'ère Meiji voit aussi s'ouvrir de très nombreuses écoles privées, dont le curriculum est dédié à l'enseignement de l'anglais et/ou de savoirs occidentaux. Si la plupart périclitent, certaines vont évoluer pour constituer les premières universités privées. Ces écoles sont en majeure partie situées à Tokyo, mais des centres culturels importants comme Kyoto sont aussi concernées. Si elles ont surtout le fait de formateurs japonais, certaines comme Dōshisha à Kyoto sont liées à divers mouvements chrétiens[91]. D'autres comme Waseda ou Keiō sont liées à des personnalité politiques ou intellectuelles[92].
Une jeunesse de plus en plus éduquée voit toutefois se réduire les possibilités d'ascension sociale par le biais de l'éducation, puisque seul le nombre de postes subalternes augmente dans les entreprises dans les années 1890[93]. Cette population éduquée bénéficie dans le même temps d'un plus large accès aux écrits de journalistes et de critiques[94]. L'enseignement supérieur accueille aussi de plus en plus d'étudiants : de 9 695 en 1915, leur nombre passe à 81 999 en 1940[95]. Ce développement de l'enseignement supérieur est encouragé par la Loi sur l'université de 1918 qui permet à plusieurs écoles spécialisées de se constituer en universités privées. Ces dernières sont au nombre de 30 en 1930 et diplôment 15 000 étudiants par an, pour des effectifs totaux d'environ 40 000 étudiants[96]. Les diplômés de l'enseignement supérieur restent cependant une infime minorité des japonais, et ne représentent que 0.3 % de la population dans les années 1930. Les femmes restent aussi sous représentées et ne représentent que 9.9 % de la population étudiante en 1937. Presque exclues des universités nationales, elles peuvent néanmoins compter sur une cinquantaine d'écoles et d'universités réservées aux femmes[97].
La politisation gagne l'enseignement supérieur. Les idées marxistes se diffusent dès les années 1890[98]. Des associations politiques étudiantes radicales, de gauche comme de droite se constituent sur les campus dès les années 1910[95]. Les Lois de préservation de la paix de 1925 touchent les campus, et 3 000 étudiants sont arrêtés en application de celle-ci pour leurs activités à l'extrême-gauche, dont 1 170 pour la seule année 1932, et 1 000 de plus entre 1937 et 1945[99]. Des enseignants sont aussi emprisonnés pour les même raisons[100].
Le système éducatif est assez largement mis à contribution de l'effort de guerre dès le début de la guerre contre la Chine en 1937. L'accent est mis dans l'enseignement supérieur sur la formation d'ingénieurs et de médecin au travers de la création de nombreux instituts de recherche[101]. Entre 1935 et 1945 le nombre d'étudiants dans les facultés de sciences passe de 9 000 à 30 000, et celui dans des facultés d'ingénierie de 14 837 à 85 680[n 3],[102]. Un entrainement militaire obligatoire est aussi institué, dès 1924 dans l'enseignement secondaire, puis en 1939 dans les universités. Les étudiants sont assez largement épargnés par la conscription, mais la situation change à partir du déclenchement de la guerre contre la Chine en 1937, et l'âge est peu à peu abaissé pour intégrer la plupart des étudiants[103]. 130 000 sont ainsi mobilisés par l'armée en 1943[104]. Les élèves du secondaire et les étudiants servent aussi de réserve de main d'œuvre pour les secteurs prioritaires. Un service de travail des élèves, ou gakuto dōin, est instauré en 1939[105]. Au , environ 3,5 millions d'élèves et d'étudiants travaillent par ce biais dans des fermes, des usines, ou des hôpitaux pour palier au manque de main d'oeuvre[106].
Pratiques religieuses
Shintō
Le shintō connait à la fin de l'Époque d'Edo un mouvement de rénovation. Initialement constitué comme un ensemble de rites de la cour au VIIe siècle, il évolue au Moyen-Âge sous l'influence du bouddhisme pour intégrer différents rites et croyances liés aux Kami. Les écoles de pensée Mitogaku et Kokugaku vont au XVIIIe siècle commencer à l'envisager comme un socle possible de rénovation du pays. L'idée de la vénération de l'empereur commence à toucher la population au travers de slogans politiques comme Sonnō jōi (« vénérez l'empereur, expulsez les étrangers »). En plaçant en son centre la figure de l'empereur, la restauration de Meiji va placer le shintō dans une position favorable pour fournir à l'État ses rites et sa légitimité[107].
Le shintō voit de 1868 à 1890 son corpus idéologique être rénové[108]. La proclamation Taikyō (en) de 1870 consacre le caractère divin de l'empereur[109]. Les sanctuaires sont intégrés au sein de l'État en tant qu'institutions relevants de la puissance publique, et sont traités comme ne relevant pas d'une religion. Les rituels shintō mis en œuvre au sein de la maison impériale connaissent une rénovation. Les différents sanctuaires sont réorganisés au sein d'un réseau national[n 4] hiérarchisé qui a à sa tête le sanctuaire d'Ise[108]. La portée de cette évolution reste limitée en raison des faibles compétences et des dissensions au sein des représentants du shintō[n 5], son très faible financement, mais aussi en raison de l'opposition des pouvoir bouddhistes, en particulier après l'épisode de Shinbutsu bunri de 1868 à 1872[110]. La formation des prêtres est cependant centralisée et améliorée au sein du sanctuaire d'Ise où le prince Kuni Asahiko institue en 1878 un groupe de travail, et d'autres initiatives de ce type suivent comme la fondation du Kokugakuin en 1882[108].
A partir de 1890 et jusqu'à la Guerre russo-japonaise en 1905, le shintō voit sa doctrine se consolider[108]. La période commence avec la promulgation de la constitution de l'Empire du Japon et du Rescrit impérial sur l'éducation en 1890 qui l'un et l'autre réaffirment la primauté et la centralité de l'Empereur au sein de l'État. Les rituels shintō sont légitimés en tant qu'outils de vénération envers l'empereur[108]. La pratique de ces rituels s'inscrit dans la population au travers des pratiques auxquelles doivent se plier les élèves et auxquelles se joignent à l'occasion la population locale (visites de sanctuaires, fêtes scolaires...)[111]. Signe d'un début d'enracinement dans la population, des associations locales se constituent par endroits pour aider à financer le fonctionnement de sanctuaires locaux, ou à faire campagne auprès de la Diète pour obtenir des financements[112]. Tokyo commence à se transformer en lieu de grands rituels shintō, à l'image de ce qu'est encore Kyōto. Après la première guerre sino-japonaise de 1895, Yasukuni-jinja (construit en 1869) est consacré en comme lieu d'hommage national aux âmes des soldats morts pour le pays, et ce rôle est rappelé à l'issue de la guerre russo-japonaise de 1905[113].
L'intégration du shintō au sein de l'appareil d'État se poursuit de la fin de l'ère Meiji et lors de l'ère Taishō, et il touche plus largement la population. L'État parfait son contrôle sur l'institution shintō et assure son financement, et le shintō fournit à l'État à la fois une base idéologique et un réseau de sanctuaires permettant de mobiliser en profondeur la population japonaise[108]. A partir de 1906 les prêtres reçoivent de l'argent de l'État lorsqu'ils assurent des rituels publics[114], tout comme l'école Kokugakuin de formation des prêtres, ainsi que les sanctuaires préfectoraux[115]. Le financement que touchent les quelques 15 000 prêtres au début de cette période reste très limité. De même le sous-financement des sanctuaires pousse nombre d'entre-eux à se rapprocher pour fusionner ; leur nombre passe de 200 000 en 1906 à 120 000 en 1914[112]. Signe d'une plus grande pénétration au sein de la population, la construction de Meiji-jingū de 1915 à 1920 mobilise un très grand nombre de volontaires dans tout le pays[116].
Le shintō évolue à partir des années 1930 vers une forme de fascisation qui sert de fondement moral au régime militariste. Ce shintō d'État renforce la place du shintō comme véritable religion d'État, au détriment des autres religions qui sont diversement combattues. Le shintō fournit au gouvernement une légitimation à l'expansion militaire du pays en Asie[108].
Bouddhisme
Le bouddhisme est durement touché lors de la restauration de Meiji. Un syncrétisme s'est développé entre bouddhisme et Shintō au cours des siècle[117]. Influencé par les préceptes des Kokugaku[118],[n 6], le Jingi-kan qui dirige au sein de l'état les affaires liées au Shintō ordonne le une séparation des deux religions, et une épuration des sanctuaires[117]. Le but est alors de lutter contre l'influence des pouvoirs bouddhistes sur la société, perçus comme des éléments conservateurs s'opposant à la modernisation du pays[118]. Ordre est donné aux prêtres bouddhistes exerçant dans des sanctuaires syncrétiques de se convertir au Shintō ou de démissionner. Les objets du cultes comme les statues et les textes sacrés doivent être évacués. La plupart des prêtres font le choix de se convertir, et vont jusqu'à afficher ce renoncement en prenant des concubines ou en mangeant de la viande de manière ostentatoire, pratiques proscrites pour les prêtes bouddhistes[119]. Ce processus est souvent violent, en entraine de nombreux pillages de temples et destructions d'objets[120]. Le gouvernement prend quelques mesures pour éviter les débordements, mais celles-ci sont variablement interprétées par les autorités locales, et les troubles durent jusqu'au début des années 1870. Des cloches sont fondues pour en faire des armes, des statues profanées, et des temples sont saisis par les autorités locales, comme à Satsuma[121]. Dans les réions les plus durement touchées, la plupart des temples sont détruits, et de nombreux moines tués[122]. Cette politique touche variablement les différents courants bouddhistes. Les temples Shingon et Tendai voient nombre de leurs prêtres se convertir au Shintō, là où le Jōdo shinshū se montre plus virulent dans son opposition et des émeutes éclatent à l'occasion pour protéger ses temples[123]. Cette politique contre le bouddhisme s'infléchie en 1872, et les relations avec l'Etat se normalisent[124].
Cet épisode de violences envers le bouddhisme pousse certains réformateurs de cette religion à s'interroger sur la place de la religion dans la société et à ses apports. Des réformes de plusieurs types vont être proposées, et dans le même temps la loyauté de cette religion envers l'empereur va être réaffirmée. Un nouveau bouddhisme, ou shin bukkyō, voit le jour sous plusieurs formes, et des figures comme Kiyozawa Manshi émergent[125]. Le bouddhisme monastique va aussi connaitre des évolutions, sous l'influence de Fukuda Gyōkai (en) (Terre pure) ou Shaku Unshō (Shingon), et le suivi des 10 règles du bouddhisme est réaffirmé. Plus généralement, les bouddhistes tirent profits de la méfiance envers le christianisme qui s'installe dans le pays à partir des années 1880. Ils en profitent pour réaffirmer leurs loyauté envers l'empereur[126], et cherchent à aligner leurs intérêts avec ceux qui nationalistes. De nombreux moines sont ainsi actifs pour exploiter politiquement l'incident causé par Uchimura Kanzō en 1891 ; enseignant chrétien, celui-ci est vu entrain d'hésiter à se prosterner devant l'image de l'empereur, ce qui est à l'origine d'une importante affaire médiatique. Une personnalité comme Inoue Enryō cherche lui à démontrer que le les préceptes du bouddhisme sont compatibles avec la science, et affirme que le bouddhisme est même supérieur au christianisme dans sa scientificité[127]. Tanaka Chigaku va lui développer une école dont la doctrine soutient l'expansionnisme japonais en Asie[128].
Les années 1930 vont être marquées pour le bouddhisme japonais par l'émergence de nouveaux courants, mais aussi par une implication plus ou moins marquée dans le militarisme japoanais. Des Shinshūkyō, ou « nouvelles religions », relevant du bouddhisme sont fondées. Elles ont en commun d'être influencées par le Bouddhisme de Nichiren, de pratiquer un prosélytisme important, et de mettre l'accent sur les bénéfices immédiats que les pratiquants peuvent tirer de leurs enseignements, et non sur des notions plus intangible comme l'illumination ou le salut. La Sōka gakkai fondée en 1930, la Reiyukai fondée en 1920, et la Risshō Kōsei Kai fondée en 1938 sont les plus notables[129]. Le bouddhisme japonais est aussi marqué par une certaine ambivalence envers les guerres que le Japon mène. Tout une frange nationaliste du bouddhisme soutient moralement la guerre, et participe à celle-ci en envoyer des moines sur le terrain pour fournir un soutien moral et médical aux soldats[130]. D'autres écoles sont au contraire attaquées par le gouvernement en raison de leurs enseignements, et de leurs refus de les réformer pour les rendre compatibles avec la doctrine impériale, ce qui entraine l'emprisonnement de certains dirigeants comme Tsunesaburō Makiguchi[131].
Christianisme
Le christianisme connait des persécutions tout au long du époque d'Edo, et en 1865 près de 3000 chrétiens qui dissimilaient leur foi à Urakami dans la région de Nagasaki sont encore déportés et emprisonnés. Ce n'est qu'en 1873 que la pratique du christianisme est officiellement autorisée par les nouvelles autorités. Des conseillers étrangers invités dans le pays à partir de 1868 pour former les japonais aux techniques occidentales profitent de leurs positions pour pratiquer un prosélytisme pro-chrétien auprès de leurs étudiants. Leroy Lansing Janes est ainsi à l'origine du Kumamoto Band (en)[132], groupes de convertis qui rejoindront par la suite Kyoto et l'Université Dōshisha fondée par le missionnaire protestant Neesima, et constituer une part importante de son corps enseignant[133]. A Sapporo, c'est William Smith Clark qui converti une parti de ses étudiants de la future Université de Hokkaidō ; un de ses étudiants, Uchimura Kanzō, jouera un rôle central dans l'essor du mouvement chrétien Mukyōkai[134]. A Yokohama, ou réside une commuanuté étrangère importante, c'est la figure du missionnaire James Curtis Hepburn qui est prédominante[135]. A coté de ce protestantisme qui recrute essentiellement dans les couches aisée d'un Japon urbain, des missionnaires catholiques sont eux plutôt actifs dans les régions les plus rurales. Des orthodoxes sont aussi présents dans la région de Hakodate où Nicolas du Japon exerce depuis 1861. Cette diffusion du christianisme connait un certain dynamisme dans les années 1880, mais qui connait ses limite dès la fin de la même décennie, sous la poussée d'un certain conservatisme politique[136].
Le nombre de convertis augmente régulièrement. Les catholiques sont environ 100 000 en 1927, essentiellement dans les diocèses de Nagasaki (64 000) et de Tokyo (10 000)[137]. Les différents courants protestants regroupent de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de convertis, les plus importants en 1941 étant les presbytériens (62 000), les méthodistes (53 000), les épiscopaliens (28 000), et le Mouvement de sanctification (16 000)[138]. Ces différents mouvements sont actifs dans le systme scolaire du pays, et fondent même des collèges universitaires et des universités dans le pays (la Tokyo Woman's Christian University fondée par des presbytériens et des méthodistes, l'Université Rikkyō par des épiscopaliens, l'Université Sophia par des jésuites)[139]. L'Etat, basé sur le shintoïsme d'État et le caractère divin de l'empereur, est de plus en plus suspicieux envers des mouvements chrétiens. La monté du militarisme dans les années 1930 s'accompagne de plusieurs mesures et lois qui visent à contrôler ces religions, dont la Religious Organizations Law (en) de 1939[140]. Elles doivent démontrer qu'elles ne dépendent pas financièrement de l'étranger, et leurs chefs doivent être des japonais[141]. Sous la pression des autorités, leurs catéchisme est aussi réécrit entre 1936 et 1940 de manière à être compatible avec la vénération de l'empereur et la visite et la participation à des cérémonies shintō[142].
Condition féminine
La question du statut de la femme dans la société est un thème important lors du mouvement pour la liberté et les droits du peuple dans les années 1870 et 1880. La Meiroku zasshi, revue associée à ce mouvement, propose des traductions de textes de Spencer, Mill et Millicent Fawcett sur les droits des femmes, et de nombreux débats sont menés dans ses pages à ce sujet. L'angle adopté est cependant d'avantage celui du droit naturel que celui du droits des femmes. Ce dernier angle sera d'avantage développé sous la plus de Fukuzawa Yukichi dans Nihon fujinron (en 1885). Une revue comme Jogaku zasshi éditée à partir 1885 permet à des auteures comme Kishida Toshiko et Shimizu Shikin s'y développer leurs idées sur divers sujet comme l'émancipation et l'éducation des femmes, les questions familiales...[143]. Le tournant conservateurs que prend le pays à partir de 1890 va cependant contrarier la réalisation de ces diverses aspirations. Cette année-là les femmes se voient interdire la participation à des meetings politiques ou l'adhésion à des partis politiques[144], et un retour à une tradition confucianiste défavorable aux femmes est sensible dans l'adoption du rescrit impérial sur l'éducation la même année. En 1898 le code civil japonais renforce le poids des hommes dans les questions d'héritage[145], et en 1899 le ministère de l'Éducation créé des lycées réservés aux femmes[144] mais ceux-ci sont institutionnellement classés comme inférieurs aux lycées réservés aux hommes, et n'ouvrent pas l'accès aux études universitaires[145]. Toujours en 1899 est publié un rescrit qui fixe un cadre moral à l'éducation dans ces lycées réservés aux femmes, qui introduit le concept de ryōsai kenbo (« Bonne épouse, sage mère ») et qui fixe ainsi l'objectif de la scolarisation des femmes. Ce concept de ryōsai kenbo est largement relayée dans la presse féminine jusqu'à l'après-guerre[146]. Pour combattre cette situation, un journal féministe comme Sekai Fujin est créé en 1907 par Fukuda Hideko[147], et, en 1901, Tsuda Umeko fonde une école réservée aux femmes : le Collège Tsuda[148].
A partir des années 1910 plusieurs évolutions sont notables. Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans des postes de cols blancs (le tiers des enseignants du primaire dans les années 1920 sont des enseignantes)[149]. La féministe Raichō Hiratsuka fonde en 1911 le journal Seitō, dont le nom est une référence à la Blue Stockings Society britannique. La revue péréclite dès 1916, mais introduit plusieurs sujets féministes dans le débat, notamment auprès des femmes venant des couches les plus aisées de la société. L'Association de la femme nouvelle (en) créé en 1920 reprend le flambeau[150]. En 1922, grâce à une évolution de la loi les femmes sont autorisées à s'organiser politiquement et à assister à des meetings politiques[151], ce qui permet de relancer la question du droit de vote des femmes[150]. Ichikawa Fusae joue alors un rôle important sur cette question, en créant en 1924 une ligue pour le droit de vote des femmes[152]. Plusieurs initiatives législatives sont prises dans ce sens, la dernière en 1931[153] lors du gouvernement de Osachi Hamaguchi. Aucune n'aboutie, et le droit de vote n'est accordé que lors de l'occupation américaine du pas. Le Japon voit aussi la féministe Margaret Sanger se rendre dans le pays, et y effectuer une tournée de conférences[152].
Dans les années 1920, quelques femmes obtiennent dans le monde du spectacle une visibilité importante associée à une image de modernité, ce qui aboutit à la promotion de la figure de la modan gaaru[154].
Le début de la guerre contre la Chine en 1937 marque le début d'une participation plus importante des femmes à des pans de l'économie auparavant réservés aux hommes. Le nombre d'étudiantes dans les filières de santé double ainsi entre 1935 et 1945 pour dépasser les 10 000,et certaines intègrent les laboratoires de recherche des universités[155].
Minorités au Japon et dans l'Empire
D'autres parties de la population sont en quête d'une reconnaissance sociale : Burakumin, Aïnous, migrants Coréens... et tendent à se regrouper en associations pour défendre leurs intérêts[156]. Ces derniers, venus chercher du travail dans l'archipel, passent de 1 000 en 1910, à 300 000 en 1930, puis à environ 1 million en 1940[157].
Pratiques sportives
De nouvelles pratiques sportives sont introduites dans le pays avec la constitution de communautés occidentales de plus en plus nombreuses dans les ville portuaires[158]. Le baseball, le tennis, le football, et le cricket sont ainsi introduits à Yokohama ou Kōbe, et des ligues sportives informelles se constituent pour organiser localement des rencontres sportives. L'école est un autre vecteur d'introduction du sport au Japon. Des conseillers étrangers comme Horace Wilson ou Archibald Lucius Douglas qui exercent comme enseignant, ainsi que des étudiants japonais revenant de l'étranger, poussent à la pratique sportive dans le cadre des activités extra-sportives des étudiants. Leurs initiatives rencontrent un échos favorable chez les responsables politiques de l'époque comme Mori Arinori, qui considère que le relèvement morale du pays doit aller de concert avec le relèvement physique des japonais[159].
La pratique du sport dans les écoles et les universités entraine la création de ligues sportives et de compétitions régionnales puis nationales. Celles-ci vont être à l'origine d'une culture sportive, entrainant la création de rivalités entre écoles ou l'écriture de chants d'encouragement par exemple, mais aussi permettre d'élever le sport au rang de spectacle auquel un public de plus en plus nombreux va assister[159]. Les premières vedettes sportives vont émerger dans les années 1920, à l'instar de Kinue Hitomi, qui lors des Jeux olympiques de 1928 devient la première japonaise à remporter une médaille olympique et qui par la suite fait la couverture de plusieurs journaux[160]. D'autres sports disposent de leurs vedettes, comme Hitachiyama Taniemon (en) pour le sumo ou Eiji Sawamura pour le baseball[161]. Ce dernier sport en particulier s'impose comme sport à la mode avec la création en 1914 du Kōshien, compétition nationale lycéenne, à laquelle assiste même le prince héritier Hirohito en 1926. Ces sports vont voir se constituer des ligues nationales visant à l'organisation de compétitions à l'échelle du pays, mais aussi pour faire jouer des équipes nationales à l'étranger : La Fédération japonaise de football est crée en 1921, et la Ligue japonaise de baseball en 1936[162].
Le Japon dispose par ailleurs déjà de plusieurs pratiques physiques locales, comme le Kemari et le sumo[158]. Sous l'influences des sports occidentaux, celles-ci vont connaitre une évolution pour en faire des pratiques à visée sportives, avec une organisation et une médiatisation inspirées des autres sports. L'Association japonaise de sumo est créée en 1925, et la diffusion à la radio des compétitions à partir des années 1920 va permettre d'accroitre son audience[162]. D'autres arts martiaux locaux issus du Budō vont connaitre une évolution semblable ; le karate est codifié sous l'influence de Ankō Itosu et de Gichin Funakoshi, le judo l'est par Jigorō Kanō, ou encore l'aikidō par Morihei Ueshiba. Avec la montée du militarisme dans les années 1930, l'origine japonaise de ces sports d'origine martial va être mis à profit par le pouvoir pour exalter et incarner des vertus prônées par l'état[163].
- Match de rugby en 1874.
- Equipe de baseball de l'université Waseda en 1905.
Culture
Grandes tendances culturelles
La production culturelle obéit à deux grandes dynamiques sur la période 1890-1914 : le façonnement d'un cadre national pour sa diffusion, mouvement déjà enclenché plus tôt dans le siècle, et une opposition interne entre culture japonaise et culture occidentale, prolongement de la situation politique en Asie marquée par la victoire du Japon sur la Russie et par la chute de la dynastie chinoise des Qing en 1911[164]. Le rôle de la culture européenne comme modèle est remis en cause par certains[165], tandis que d'autres cherchent à faire une synthèse des deux cultures[166].
Les titres de presse se multiplient, passant de plus de 400 en 1890[167] à 2 000 en 1914. La même année, le Japon se place second au niveau mondial en nombre de livres publiés, derrière l'Allemagne, avec près de 27 000 titres. La langue japonaise s'uniformise par ce biais, même si de nombreux dialectes se maintiennent. Le dialecte de Tokyo, là où se trouve la plupart des moyens d'édition, se généralise et devient le japonais standard[168]. La radio connait un essor rapide. Si les premières émissions sont diffusées en 1925, un million de postes de radio sont vendus en 1931. Le nouveau média joue un rôle important dans le paysage médiatique de l'époque en permettant une diffusion rapide de l'information, mais aussi en rendant accessible dans l'ensemble du pays de nombreuses musiques, japonaises comme occidentales[169].
L'augmentation du nombre de journaux, de postes de radio, et de cinémas contribue à rapprocher les mouvements culturels avant-gardistes de Tokyo des territoires plus reculés du pays. Le nombre de cafés, grands magasins, et de galeries d'arts soutient l'émergence d'une culture de plus en plus urbaine, industrielle, et s'adressant en premier lieu aux classes moyennes et aux jeunes adultes. Une complexification s'opère, guidée par les critiques artistiques, opposant cultures anciennes et nouvelles, cultures occidentales et orientales, et cultures prolétaires et bourgeoises[170]. Cette conjonction entre l'augmentation de la production culturelle et l'amélioration de sa diffusion aboutissent dès les années 1920 aux prémisses de la constitution de médias de masse au Japon[171].
Littérature
Influence occidentale et réflexions sur la japonité (1868-1910)
La littérature connait une influence de l'occident assez importante, qui va faire évoluer certaines de ses formes d'expression. L'usage du roman comme outils de critique sociale et politique chez des auteurs étranger comme Disraeli ou Bulwer-Lytton sert d'inspiration à plusieurs intellectuels issus du mouvement Meirokusha, ce qui suscite la découverte des littératures nationales européennes. Ukigumo (en) que publie Futabatei Shimei en 1887, considéré comme le premier roman moderne japonais, s'inspire ainsi de la littérature russe de la même époque. Les grandes figures de la période s'affirme autour de 1900[172]. Natsume Sōseki, qui a étudié à Londres et qui succède à Lafcadio Hearn à la tête de la chaire de littérature anglaise de l'université de Tokyo, s'impose avec des œuvres comme Je suis un chat (1904) ou Le Pauvre Cœur des hommes (1914). Dans ces œuvres à la dimension introspectives, il s'y montre critique de la société de son époque, repoussant à la fois le nationalisme de son temps, mais aussi des emprunts non justifiés à l'occident[173]. Mori Ōgai, qui a lui reçu une éducation médicale militaire en Prusse, se fait d'abord connaitre comme critique littéraire. Il est l'auteur d'une œuvre prolifique qui offre un traitement proche du naturalisme en l'appliquant à la forme du roman historique. Shimazaki Tōson qui lui office de précurseur du style Watakushi shōsetsu, ou I-novel, en publiant Hakai en 1906[174].
D'autres formes littéraires comme la poésie et le théâtres connaissent elles aussi une influence occidentale, bien que la popularité de formes bien établies comme le kabuki ou le nō perdure. Un acteur de kabuki comme Ichikawa Danjūrō IX va tenter sans trop de succès de faire évoluer son jeu d'acteur et son maquillage en faveur d'expressions plus réalistes. Un poète comme Masaoka Shiki rencontre lui plus de succès en modernisant les formes du haiku et du tanka. Des formes nouvelles émergent par ailleurs, comme le Shintaishi (en) pour la poésie. Le théâtre voit se former la forme du Shinpa dans la région d'Ōsaka à la fin des années 1880, qui va s'étendre lors de la décennie suivante à Tōkyō où il va se muer en Shingeki. Cette dernière forme intègre des femmes à ses acteurs (contrairement au kabuki dont les troupes sont masculine), et comprends des pièces européennes dans son répertoir, notament celles du dramaturge norvégien Henrik Ibsen[175].
Un mouvement de réflexion sur la littérature s'exprime lors de la première moitié de l'époque impériale. Inspiré par le travail de Taine sur l'Histoire de la littérature britannique (1864), plusieurs publications cherchent à proposer des compilations sensées incarner les classiques d'une littérature nationale japonaise, ou à faire l'histoire de celle-ci (publication en 1890 du Nihon bungakushi de Takatsu Kuwasaburō et Mikami Sanji)[176]. Le but recherché est alors de mettre en évidence les supposés signes distinctifs de l'identité japonaise en identifiant les caractères récurrents de la littérature au travers des âges[177]. A ce titre, Le Dit du Genji, écrit intégralement en kana, est vu comme l'une des incarnations de cette identité purement japonaise[178]. De très nombreuses revues de critiques littéraire, ou dōjin zasshi sont aussi publiées par des cercles littéraires. Elles sont souvent éphémères et à la diffusion limitée, et regroupent par affinité des étudiants de l'université impériale de Tokyo et de l'Université Waseda (où est publié Waseda bungaku à partir de 1891), deux grands pôles littéraires de cette époque. La revue Shirakaba publiée à partir de 1910 jouit aussi d'une certaine notoriété[179].
- Mori Ōgai, auteur de nombreux romans historiques.
Seconde moitié de l'époque impériale (1910-1945)
La littérature japonaise de la seconde moitié de l'époque impériale bénéficie de l'alphabétisation de toutes les couches de la population grâce à la création en 1872 d'un système scolaire public couvrant tout le pays[180]. Le nombre de lecteurs potentiel augmente ainsi considérablement, et plusieurs maisons d'édition se créer pour exploiter ce marché. La Hakubunkan et la Jitsugyo no Nihon Sha se constituent toute deux en 1897 et se lancent dans la publication de nombreux magazines généralistes aux tirages de plus en plus nombreux[181], bientôt rejoints par la Kōdansha en 1909. Cette dernière lance le magazine littéraire Kōdan kurabu en 1911, dont le succès inspire différentes copies par ses concurrents. Ce magazine consolide sur la scène littéraire du pays la place d'une littérature populaire s'adressant au plus grand nombre, et publiée sous forme de feuilleton. Un auteur comme Eiji Yoshikawa qui écrit pour Kōdan kurabu parvient par ce biais à accéder à une certaine notoriété[182]. En réaction à cette littérature « de masse », des critiques littéraires et des auteurs poussent dès le début des années 1920 pour l'émergence d'une littérature « pure ». Cette distinction entre ces deux littérature va s'affirmer, et se matérialiser par la création de 1935 de deux prix littéraires distincts, le prix Naoki qui récompense la littérature de masse, et le prix Akutagawa qui couronne une littérature plus élitiste[183].
Le début de la période voit certains auteurs s'inscrire dans la continuité des grandes formes populaires lors de l'ère Meiji, comme Nagai Kafū qui commence sa carrière littéraire dans les années 1910. Avec Errances dans la nuit (en) publié entre 1921 et 1937 Shiga Naoya fourni au style du Watakushi shōsetsu l'un de ses principaux représentant[183]. Jun'ichirō Tanizaki poursuit dans ses œuvres comme Le goût des orties (en) (1928) la réflexion entamée avant lui de la relation entre cultures occidentales et japonaises. Inspiré par l'essor au Japon des idées socialistes au début des années 1920, une littérature s'inspirant du réalisme socialiste voit le jour, notamment autour de la revue littéraire Senki. Ce courant connait quelques œuvres majeures comme Le Bateau-usine (1929) de Kobayashi Takiji, mais périclite avant le milieu des années 1930 en raison de la répression du pouvoir militaire[184]. Une littérature féminine s'affirme lors de la période, aidée par la large diffusion de magazines féminins comme Fujinkōron ; au milieu des années 1920 leurs diffusion tourne autour du million d'exemplaires par mois. Certaines de ces auteures Takako Nakamoto (en) s'inscrivent dans une approche socialisante en traitant de questions propres à la condition de la femme. D'autres auteures comme Fumiko Hayashi et Chiyo Uno inscrivent leurs œuvres des années 1920 dans le style du Watakushi shōsetsu[185]. Edogawa Ranpo incarne lui les débuts de la littérature policière, avec une production mettant le mystère au cœur de son œuvre. Un courant inspiré par les promesses de la science pose les bases d'une science-fiction japonaises qui s'empare déjà de sujets comme les robots, les extraterrestres, ou les catastrophes environnementales. La littérature européenne de la même époque, et ses courants comme le dadaïsme ou le surréalisme, continue d'exercer une certaine influence sur des auteurs comme Riichi Yokomitsu[186]. L'écrivain Yasunari Kawabata émerge lui comme figure de la littérature japonaise dans les années 1930, notamment avec la publication de Pays de neige (1935). L'intensification de la guerre avec la Chine va étouffer la production littéraire dans la seconde moitié des années 1930, et de nombreux auteurs vont rester à distance de la scène littéraire jusqu'à la fin de la guerre[187].
- Kafū Nagai, auteur d'une œuvre critique de l'Occidentalisation, traitant du milieu interlope de son époque.
Peinture
Un style de peinture à l'occitale, ou Yō-ga, se développe au début de l'ère Meiji. Le conseiller étranger italien Antonio Fontanesi est recruté pour enseigner la peinture au sein de la Kōbu Daigakkō. Le but initial est de rendre les japonais capable de réaliser des dessins fidèles, compétence préalable à la mise en œuvre de grands chantier de modernisation, du chemin de fer à la construction navale[188]. Les techniques issues de cette approche utilitariste ne tardent pas à être reprises dans des démarches plus artistiques. Certains japonais comme Kuroda Seiki étudient les beaux-arts à Paris, et rapporte au Japon des connaissances sur les grands courants artistiques alors en vogue dans la capitale française. Les techniques comme la peinture à l'huile, l'aquarelle, ou le pastel singularise la Yō-ga comparé aux productions japonaises traditionnelles, tout comme certains types de sujets comme le nu[189].
Le style Nihonga se développe en réaction à ce qui est perçu comme un excès d'occidentalisation. Le conseiller étranger Ernest Fenollosa qui enseigne à l'université de Tokyo et l'un de ses étudiants Okakura Kakuzō prennent des initiatives qui mènent à la création de l'École des beaux-arts de Tokyo en 1887. Le but recherché est d'intégrer certaines techniques occidentales, tout en conservant un style japonais. Des représentants de l'école Kanō sont recrutés pour y enseigner, comme Kanō Hōgai et Hashimoto Gahō, et l'école forme les premiers représentant de ce style, comme Shimomura Kanzan, Yokoyama Taikan, ou encore Hishida Shunsō. Fenollosa se rend aussi à Kyoto ou certains groupes locaux sont dans une démarche similaire, comme l'école Murayama ou encore l'école Shijō (d'où est issu Takeuchi Seihō, l'un des futur grand représentant du Nihonga)[190].
- Sous un arbre de Kuroda Seiki (1898).
- Chat Tabby de Takeuchi Seihō (1924).
- Aube printanière sur les sommets sacrés de Chichibu de Yokoyama Taikan (1928).
La Première Guerre mondiale ramène au Japon de nombreux étudiants qui ont été initiés à des styles non-réalistes, comme le fauvisme ou le cubisme. Ceci met en difficulté les représentants du Yō-ga, qui se présentaient alors comme les représentants d'une certaine esthétique à l'occidentale[191]. Un groupe comme le Nika-kai, qui se constitue en 1914, se place en opposition avec les tenants du Yō-ga aux travers de revues comme Shirakaba ou Subaru. Ils nomment Fujishima Takeji à leur tête, et comptent parmis ses premières figures tutélaires des peintres comme Narashige Koide, Harue Koga, Tetsugorō Yorozu, Yuzō Saeki...[192]. C'est dans ce groupe que vont aussi émerger dans les années 1930 des figures de l'art japonais d'après-guerre comme Jirō Yoshihara, Yuki Katsura (en), Tarō Okamoto, ou Ken Domon. Le retour au Japon de Tsugouharu Foujita marque un tournant dans sa carrière, celui-ci embrassant le militarisme de l'Etat, et produisant plusieurs toiles de propagande[193]. L'armée japonaise fait par ailleurs travailler près de 300 peintres à partir de la fin des années 1930 pour documenter ses actions. S'inscrivant souvent dans le réalisme du Yō-ga, leurs productions relatent de manière souvent très crue la guerre, et nombre de ces productions ne passe pas le cap de la censure[194]
- Femme penchée de Tetsugorō Yorozu (1917).
- Garage de Yuzō Saeki (1927).
- La Mer de Harue Koga (1929).
Musique
Intégration des techniques étrangères sous l'ère Meiji
Les premiers groupes de musique occidentale, des groupes de musique militaire, sont actifs dès la fin de l'ère Keiō. Dès le début de l'ère Meiji, l'armée et la marine disposent l'une et l'autre d'ensemble musicaux qui participent aux cérémonies ou à des représentations musicales. Elles disposent de chefs étrangers qui forment les musiciens japonais. Lorsque ceux-ci retournent à la vie civile, certains de ces musiciens deviennent eux même des formateurs, et participent assez largement à la diffusion de la musique occidentale dans le pays. Les musiciens officiels de la cour, qui jusqu'à là sont spécialisés dans le Gagaku, reçoivent eux aussi une formation pratique et théorique dans ce domaine, et jouent pour la première fois le des morceaux de ce type à l'occasion de l'anniversaire de l'empereur. Une place particulière est aussi dédiée à la musique occidentale au sein du projet éducatif du régime de Meiji, et dès la loi sur l'éducation de 1872 une place lui est réservée dans le cursus. Des formateurs étrangers sont recrutés pour participer à la mise en œuvre de cette politique (Luther Whiting Mason puis Franz Eckert) ; la formation des futurs enseignants débute réèllement en 1880, et un premier manuel scolaire est publié en 1881[195]. En 1887 est aussi créé un comité musical, futur département de musique de l'Université des arts de Tokyo. Des étudiants japonais sont aussi envoyé à l'étranger pour y étudier, comme Nobu Kōda (en)[196], et d'autres composent des morceaux alliant tradition japonaise et technique occidentale, comme le Kōjō no tsuki composé en 1901 par Rentarō Taki[197]. Pour répondre aux besoins d'instruments, plusieurs entreprises sont fondées à la même époque, comme Yamaha pour les harmoniums (1887) ou Suzuki pour les violons (1887). Le Japon va au début du XXe siècle servir à former de nombreux musiciens venus de ses colonies, puis à y diffuser cette musique[196].
Le gagaku, ou « musique raffinée » utilisée lors des rites impériaux, connait un certain dynamisme. Ce genre a connu un renouveau pendant l'Époque d'Edo grâce à des financements du shogunat[198]. Le Jingi-kan, bureau chargé du shintō, fonde le Gagaku Kyoku le , nouvel organisme chargé de superviser ce genre musical[199]. Les musiciens de cet organisme s'attèlent entre 1876 et 1888 à compiler le Meiji sentei-fu, recueil du répertoire de ce genre musical, participant ainsi à codifier celui-ci[200]. Le gagaku est aussi utilisé dans les relations que le pays entretient avec le monde extérieur. Des dignitaires étrangers sont reçus avec des représentations musicales de ce type, et les expositions universelles qui se tiennent en Europe en 1867, en 1873, et en 1878 reçoivent des musiciens et des instruments[201]. Des mélodies de ce style comme Kuni no shizume ou encore Inochi wo sutete sont aussi composée pour l'Armée et pour la Marine pour leurs cérémonies, qui sont ensuite adaptée pour leurs orchestres[202]. L'éducation se voit elle aussi gratifiée de mélodies de ce type pour ses cérémonies. Lorsque le gouvernement publie en 1893 un livret de huit chants destinés à être joués lors des festivals de l'année, cinq sont de ce type[203].
Dans les campagnes, des formes chantées populaires subsistent. Les Sōshi Enkapratiquent le chant de rue, dont le contenu des paroles critique souvent le pouvoir de manière satirique[204]. Soeda Azenbō (ja), qui commence à parcourir le pays à la fin des années 1880, est une des figure les plus connue de cet art ; ses chants sont souvent imprimés, et vendus sous forme de feuilles volantes dans tout le pays[205].
- Etudiants du département de musique de l'Université des arts de Tokyo en 1911.
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Le fleurissement de l'entre-deux-guerre

Jusqu'au milieu des années 1920 les maisons de disques japonaises cherchent à capitaliser sur les chansons déjà populaires en les publiant plutôt qu'à chercher à faire émerger les chansons pour les rendre populaires. Le premier succès de la musique populaire, ou Ryūkōka, la Chanson de Katioucha est à l'origine un morceau chanté par Matsui Sumako dans une pièce de théâtre inspirée de Résurrection qui se produit dans les grandes villes du pays en 1914. Sa popularité incite une maison de disque à publier le morceau, et en vend plus de 20 000 exemplaires. La dynamique s'invers dans les années 1920. Le développement du cinéma et de la radio permet de produire la musique en amont et d'utiliser les média pour la diffuser ensuite. Un morceau comme Kimi koishi sorti en 1929 relève de cette logique[206].
Plusieurs styles deviennent populaires dans l'entre-deux-guerre. Le jazz japonais rencontre ses premiers succès dans les années 1920, notamment avec le My Blue Heaven du chanteur Teiichi Futamura (ja) en 1928, et la chanteuse Fumiko Kawabata (ja) émerge dès 1930[207]. S'il ne relève pas directement du style du jazz, le morceau La Marche de Tokyo qui se vend à 250 000 copies en 1929 par le contenu de ses paroles permet de véhiculer plusieurs des thèmes urbains associé à ce style, notamment la figure de la Moga[208]. Le « shin min'yō » (ou « nouveau chant populaire ») est un des sous-genre du Ryūkōka qui connait de nombreux succès dans l'entre-deux-guerres. Il s'agit de réorchestrations à l'occidentale de chants traditionnels japonais, de chants populaires étrangers comme Aloha ʻOe ou My Old Kentucky Home[207], ou même du chant coréen Arirang qui connait ainsi plusieurs succès populaires sous cette forme au Japon dans les années 1930 alors qu'il est au même moment un chant patriotique dans la Corée occupée par le Japon[209].
La production et la diffusion de la musique suivent des dynamiques à la fois locales et internationales. Des entreprises étrangères comme Columbia Records, Victor Talking Machine Company, ou Polydor disposent dès 1927 d'un bureau à Tokyo pour y vendre leurs productions, mais aussi pour y produire des artistes locaux. De nombreux labels sont situés dans le Kansai, et Tokyo est très loin de concentré la production. Les modes de diffusion sont aussi variés : cinéma, grands magasins, salles de danses d'hôtels, ou encore compagnies de théâtre itinérantes. La forme de la revue est aussi populaire, mais jouit parfois d'une réputation sulfureuse en raison des tenues portées par ses danseuses[210]. La Revue Takarazuka fondée en 1914 jouit dès ses premières années d'une très grande popularité. Les ballroom dans lesquelles hommes et femmes pratiquent des danses de salon, corps contre corps, fleurissent dans la région d'Ōsaka dès le milieu des années 1920. Les clients masculins paient alors pour danser avec des femmes travaillant pour l'établissement. Dès 1927 les autorités prennent des mesures pour encadrer ces établissements et s'assurer de leurs moralité. Ce genre d'établissements se développent ensuite sur Tokyo avant d'ouvrir dans d'autres villes du pays et de l'empire. En 1937, 39 sont ainsi en activité en dehors de Tokyo, et 17 autres dans les colonies[158].
- Affiche du film La Marche de Tokyo de 1929 dont le disque associé est un grand succès de l'époque, signe des liens entre industries du disques et du film.
- Spectacle Paris Zetto de la Revue Takarazuka en 1930.
Cinéma
Le cinéma japonais commence son histoire en 1899 avec le tournage de Momijigari, tiré d'une pièce de kabuki. Lors de ses deux premières décennies d'histoire, le nouvel art se conçoit comme une extension d'expressions artistiques nationales pré-existantes. Le film sert à compléter une œuvre ou à lui fournir une nouvelle dimension en adaptant à l'écran un contenu conçu pour la scène. Les conteurs de spectacles de marionnettes, les gidayū-bushi, servent de commentateurs de films muets, ou benshi. Des genres théâtraux du Kabuki comme le shinpa (méloframes) ou le Shingeki (« nouveau drame ») se voient adapter dans les premières productions cinématographique de la période[211]. Des récits classiques sont eux aussi une inspiration importante, comme l'histoire des 47 rōnin qui est portée 45 fois à l'écran entre 1907 et 1925, et plus encore les années suivantes[212]. Ce nouveau média joue aussi un rôle important lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905 pour informer les japonais au travers de faux documentaires mêlant images originales du conflit et plans créés pour l'occasion[213].
Ce n'est que vers la fin des années 1910 et l'afflut de nombreux films étrangers que le cinéma japonais commence à intégrer des techniques et des styles narratifs plus proches des modèles occidentaux de la même époque[213]. La rupture va être portée par de nouveaux studio de productions comme Shōchiku et Taikatsu (créés en 1920), alors que des studios plus anciens comme Nikkatsu ou Tenkatsu font plus longtemps perdurer leurs liens stylistiques avec d'autres formes artistiques comme le kabuki[214]. Le pays produit aussi ses premiers anime, style dont Noburō Ōfuji devient l'un des principaux représentant[215]. Les benshi, commentateurs de films muets, perdurent cependant tout au long des années 1920 et jusqu'au début des années 1930 et connaissent même lors de cette période une phase de starification. Leurs rôles pendant la projection du film tend cependant à s'effacer au profit des acteurs[216], et leurs rôle périclite au milieu des années 1930 lors de l'arrivée des films parlants[214]. Le Japon produit lui son premier film parlant en 1931, Madamu to nyōbō, mais ce n'est que dans la seconde moitié des années 1930 que cette technique s'impose réellement[215]. L'industrie cinématographique connait une forte croissance à partir de la fin des années 1920 grâce à ses succès d'audience. Plus de 700 films sont produits par an entre 1928 et 1938, ce qui hisse le pays à la première place mondiale en matière de production filmique[217]. En 1940 le pays compte alors une dizaine de grandes compagnies cinématographiques[212].
Momijigari, premier film japonais, tourné en 1899.
Katsudō Shashin, plus ancienne animation du Japon.
Namakura Gatana, l'un des plus ancien anime produit dans le pays.
Jiraiya le ninja, court métrage muet de 1921.
Baguda-jō no tōzoku, l'un des premiers anime de Noburō Ōfuji sort en 1926.
La production filmique commence à se polariser dès les années 1920 autour de deux genres majeurs, le jidaigeki et le gendaigeki, entre films traitant de récits historiques et films traitant de récits contemporains[217]. Le séisme du Kantō de 1923 qui frappe durement la région de Tokyo pousse la plupart des studio à déménager dans l'ouest du pays, où ils s'établissent à Kyōto, Ōsaka, et Kōbe, et où le style du jidaigeki va s'épanouir. Le studio Shōchiku reste lui à Tokyo, où il est le seul studio actif entre 1923 et 1934, et où il se distingue par la qualité de ses productions relevant du gendaigeki. Une certaine spécialisation va s'opérer entre ces deux espaces lors des années 1920 et 1930[218]. Un sous-genre du jidaigeki comme le Chanbara (film se concentrant sur les combats au sabre) connait un succès certain, et compte les premières stars comme Tsumasaburō Bandō (qui joue dans Orochi en 1925)[217]. Le style du gendaigeki compte avec la sortie en 1936 de Naniwa erejii l'un de ses représentant d'avant-guerre les plus aboutis[208], alors que dans le même genre Gosses de Tokyo d'Ozu sorti en 1932 reste dans le registre du film muet[219]. Orochi comme Naniwa erejii parviennent à véhiculer une critiques politique et sociale de leurs société, s'attirant à la fois l'attention du public et de la censure[217],[208].
La montée du militarisme dans les années 1930 va s'imposer comme une contrainte majeure pour la production filmique. Une loi de 1939 va imposer des règles de censure plus drastiques, et en 1940 l'Etat impose la fusion de plusieurs studio, ce qui lui permet de mieux contrôler la production. Le genre du film de guerre se développe rapidement, avec des productions comme Les Cinq Éclaireurs (1938), Boue et soldats (1939), L'Histoire du commandant de chars Nishizumi (en) (1940)[220]. La guerre y est le plus souvent présentée comme une expérience anoblissante pour l'homme, qui permet de purifier la société, tout en faisant résonnance aux valeurs japonaise du Bushidō prônées par le régime. Ce message se retrouve aussi dans les jidaigeki produits au même moment comme La Vengeance des 47 rōnin, qui partage le goût pour des décors opulents avec d'autres films du même style produits à la même époque[221]. Les jidaigeki vont aussi à l'occasion servir le message de la propagande anti-alliés, Ahen senso (1943) prend ainsi pour toile de fond la première guerre de l'opium pour véhiculer une message anglophobe[222]. La propagande cible aussi le public des enfants, et plusieurs films anime sont produits. Le personnage de Norakuro de Norakuro fait l'objet de 4 adaptations entre 1933 et 1938[223], et Momotaro, le divin soldat de la mer sorti en bénéficie d'un travail sur l'animation qui reste inégalé jusqu'à la fin des années 1950[224].
- Affiche de Naniwa erejii.
- La Vengeance des 47 rōnin adopte des décors opulents lors des 4h30 du film.
- Momotaro, le divin soldat de la mer dont la qualité d'animation reste inégalée pendant près de 15 ans.
Architecture
Intégration des styles occidentaux sous l'ère Meiji
Japanese-Western Eclectic Architecture (en)
L'architecture japonaise intègre les influences occidentales par plusieurs biais à partir du début de l'ère Meiji. Un nombre réduit d'architectes étrangers travaillent dans le pays au début de la période, tels Thomas Waters qui produit à Osaka l'hôtel des monnaies et la résidence Senpukan qui compte parmi les premiers bâtiments de style occidental dans le pays. Certains de ces étrangers sont recrutés comme conseillers étrangers, et travaillent dans le pays comme enseignants de manière à transmettre aux japonais les techniques et styles de construction. C'est le cas de Charles Alfred Chastel de Boinville (en) et de Giovanni Vincenzo Cappelletti , ou encore de Josiah Conder , ce dernier étant en charge des premiers cours d'architecture de l'université de Tokyo. Cette acquisition de savoir est aussi faite aux travers de nombreux étudiants japonais envoyés en Europe et aux États-Unis grâce à des bourses du gouvernement, et qui à leurs tours deviennent souvent enseignants en architecture à leurs retour. C'est le cas de Yamaguchi Hanroku (ja) ou de Nakamura Junpei (ja) qui étudient à Paris, ou de Tatsuno Kingo qui étudie à Londres[225].
Une architecture pseudo-occidentale, ou Giyōfū, émerge alors. Celle-ci doit composer avec les limites techniques des débuts de l'ère Meiji. Les constructeurs japonais dans un premier temps utilisent leurs techniques de constructions en bois en ne copiant que l'apparence extérieure des bâtiments (comme à l'église d'Ōura à Nagasaki), avant d'utiliser aussi les techniques de constructions une fois celles-ci maitrisées. Le bâtiment de la Banque du Japon construit en 1896 par Tatsuno Kingo apparait comme le premier bâtiment de ce style conçu et construit uniquement par des japonais maitrisant les techniques occidentales[225]. Un architecte comme Katayama Tōkuma s'illustre aussi en intégrant différents styles européens en fonction de ses réalisations : baroque pour le Musée national de Nara (en 1894), Style Second Empire pour le Musée national de Kyoto (1895), néoclassique pour le hyōkeikan du Musée national de Tokyo (1908), et en ligne avec les productions des palais royaux européens pour le Palais d'Akasaka. Tsumaki Yorinaka est l'autre grande figure de ce courant architecturale sous l'ère Meiji, à qui l'on doit notamment le bâtiment du Kanagawa Prefectural Museum of Cultural History (en), conçu dans un style néobaroque alors en vogue en Allemagne. D'autres bâtiments de ce style Giyōfū sont notables, comme les anciens bureaux du gouvernement de Hokkaidō, le Rokumeikan (aujourd'hui détruit), ou encore la Kaichi School (en)[226].
- Le Palais d'Akasaka conçu par Katayama Tōkuma emprunte au style des palais royaux européens de la même époque.
Seconde moitié de la période impériale, japanisme et modernisme
Une production reprenant les codes traditionnels japonais s'affirme au travers des productions d'Itō Chūta. Après avoir étudié le complexe bouddhiste du Hōryū-ji dans la préfecture de Nara, il en tire des grands principes sensé incarner l'architecture japonaise, notamment concernant le rôle de la toiture des bâtiments[227]. Il intègre souvent à ses productions des matériaux modernes comme le béton, et une toiture inspiré des temples bouddhiques[228]. Il se voit confier la réalisation de plusieurs grands temples au Japon (Meiji-jingū en 1920, reconstruction de Yasukuni-jinja en 1924, Tsukiji Hongan-ji en 1934) mais aussi dans les colonies (Taiwan-jingū en 1901, Chōsen-jingū en 1925), ainsi que plusieurs bâtiments mémoriaux[227]. Itō Chūta exerce de plus une influence importante dans la production des bâtiments publics en participant très souvent aux jurées chargé de départager des projets concurrents, et en favorisant ceux qui relève du style à toiture impériale (en). La recherche de codes traditionnels amène un autre architecte comme Hideto Kishida (en) dans une voie différente, plus portée sur la simplicité des formes, et compatible avec le modernisme. Enseignant à l'université de Tokyo, et y exerçant une influence importante sur les futurs architectes qui sont formés dans les années 1930, Hideto Kishida (en) voit dans le villa impériale de Katsura et son pavillon de thé un exemple à suivre[228].
- Le Honkan du Musée national de Tokyo réalisé par Jin Watanabe (en), relève du style à toiture impériale (en).
- Siège de la préfecture d'Aichi réalisé par Kurokawa Miki (ja).
- Biwako Ōtsukan réalisé par Okada Shinichirō (en).
- Shinmon du Yasukuni-jinja réalisé par Itō Chūta.
Une architecture moderniste est portées par plusieurs architectes à partir des années 1920. Le mouvement Bunri ha (ja) s'inspire de la Sécession viennoise, et un de ses co-fondateur Ishimoto Kikuji (ja) réalise le nouveau siège que le journal Asahi Shinbum se fait construire en 1927, ainsi que le grand magasin Shirokiya en 1928. Il recherche à obtenir un bâtiment esthétique en passant par l'équilibre des formes et des volumes, et la symétrie des motifs, et non par la copie de styles historiques[229]. Les travaux de Le Corbusier sont popularisés dans la communauté des architectes locaux au travers d'une vingtaines d'articles publiés dans Kokusai Kenchiku en 1929, et plusieurs japonais travaillent à ses cotés dans ses bureaux parisiens comme Kunio Maekawa ou Junzō Sakakura. Ce dernier réalise avec le Pavillon japonais de l'exposition universelle de Paris de 1937 l'un des premiers bâtiment réalisé pour le Japon en suivant les préceptes de l'architecte suisse. Quelques architectes étrangers réalisent par ailleurs des bâtiments modernistes au Japon lors de cette période, comme Antonín Reimann et Frank Lloyd Wright[230]
- Maison Reinanzaka réalisée par Antonín Reimann (1924).
Sources
Notes
- Bien que déclenchées à des dates différentes, les attaques sont simultanées (à une heure près) car elles ont lieu de part et d'autre de la ligne de changement de date.
- La première, l'Université de Tokyo est inaugurée en 1877. Elle est suivie les années suivantes par l'Université de Kyōto en 1897, et l'Université du Tōhoku à Sendai en 1907. Au total neuf sont crées, dont deux dans les colonies : l'Université impériale de Keijō en 1924 et l'Université impériale de Taihoku en 1928.
- Ces chiffres intègre les étudiants d'universités, mais aussi de collèges universitaires aux formations plus courtes
- Minatogawa-jinja est consacré en 1871 à Kōbe, Toyokuni-jinja est restauré en 1880 à Kyōto, Abeno-jinja en 1882 à Ōsaka, Kashihara-jingū en 1889 à Nara. Voir Shimazono Susumu 2009, p. 112
- Une querelle porte en particulier sur le nombre de dieux majeurs, trois ou quatre, à inclure dans le panthéon shintō.
- Motoori Norinaga (1730–1801) et Hirata Atsutane (1776–1843) en particulier se sont montrés très virulents dans les critiques du bouddhisme.
Références
- Hérail et al. 2010, p. 989.
- Hérail et al. 2010, p. 991.
- Hérail et al. 2010, p. 992.
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