Agriculture biologique
méthode de production qui exclut au maximum les produits chimiques de synthèse / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L'agriculture biologique est une méthode de production agricole qui vise à respecter les systèmes et cycles naturels, maintenir et améliorer l’état du sol, de l’eau et de l’air, la santé des végétaux et des animaux, ainsi que l’équilibre entre ceux-ci[1].
À cette fin, elle exclut le recours à la plupart des produits chimiques de synthèse, utilisés notamment par l'agriculture industrielle et intensive depuis le début du XXe siècle, les organismes génétiquement modifiés par transgénèse[2],[Note 1] et la conservation des cultures par irradiation. La fertilisation du sol et la protection des plantes doivent donc être assurées en privilégiant au maximum l'utilisation d'engrais et de pesticides issus ou dérivés de substances naturelles ou la lutte biologique. Les pratiques d'agriculture biologique sont soumises à des normes contraignantes permettant la labellisation des produits et un prix de vente généralement plus élevé. Les motivations des agriculteurs et des consommateurs peuvent être de meilleurs revenus, une meilleure santé au travail, la protection de l'environnement ou des produits perçus comme plus sains. L'élevage d'animaux des fermes biologiques doit respecter des conditions de vie plus respectueuses du bien-être animal que l'agriculture traditionnelle.
Définie depuis les années 1920, l'agriculture biologique est organisée à l'échelle mondiale depuis 1972 (International Federation of Organic Agriculture Movements – IFOAM) et reconnue depuis 1999 dans le Codex Alimentarius, un programme commun de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'agriculture biologique est une des formes d'agriculture durable[3] ; l'appellation « biologique », ou son abréviation « bio », est protégée légalement et implique une certification. Plusieurs labels internationaux de reconnaissance de ce type d'agriculture ont été définis.
Depuis 1990, le marché des aliments et autres produits biologiques a augmenté rapidement, atteignant 63 milliards de dollars dans le monde en 2012[4]. Cette demande s'est accompagnée d'une augmentation de la surface des terres agricoles destinées à l'agriculture biologique, qui s'est accrue de 8,9 % par an en moyenne entre 2001 et 2011[5]. Dans le monde, plus de 37,2 millions d'hectares étaient consacrés à l'agriculture biologique à la fin de l'année 2011[6], soit 0,9 % des terres agricoles des 162 pays pris en compte dans le calcul. En 2015, l'agriculture biologique occupait 6,2 % de la superficie agricole utilisée de l'Union européenne[7].
L'appellation en français « agriculture biologique » est apparue vers 1950 comme équivalent de l'expression anglaise organic farming, apparue une dizaine d'années plus tôt. Cette appellation fait référence au fait qu'en agriculture biologique la fertilisation du sol et la protection contre les parasites sont assurées par des processus biologiques[Note 2], tandis que l'agriculture conventionnelle a recours aux intrants de synthèse (engrais, pesticides, hormones).
Plusieurs définitions assez voisines ont été proposées :
« L'agriculture biologique est un système de production qui maintient la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s'appuie sur des processus écologiques, sur la biodiversité et sur des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l'utilisation d'intrants ayant des effets néfastes. L'agriculture biologique allie la tradition, l'innovation et la science au bénéfice de l'environnement commun [...] »
— International Federation of Organic Agriculture Movements[9]
« La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l'égard des produits obtenus grâce à des substances et des procédés naturels. »
— Règlement (CE) no 834/2007 du Conseil de l'Union européenne[10]
« La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques en matière d'environnement et d'action pour le climat, un degré élevé de biodiversité, la préservation des ressources naturelles et l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et des normes de production élevées répondant à la demande exprimée par un nombre croissant de consommateurs désireux de se procurer des produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. »
— Règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du conseil du 30 mai 2018[11]
Le mouvement de l'agriculture biologique s'est constitué en réaction à l'avènement de l'agrochimie, au milieu du XXe siècle, et surtout au développement de l'usage des engrais minéraux issus de la chimie de synthèse dès la fin de la Première Guerre mondiale[12].
L'apparition de l'agriculture biologique s'accompagne de nombreuses critiques sur l'évolution de la pratique agricole. Sont notamment critiqués[13] :
- l'abandon d'une vision holistique (ou holiste) de la nature et de la croyance en une nature bienveillante ;
- la conception matérialiste de l'agriculture industrielle, qui néglige l'importance de la « vitalité » des aliments produits par un sol vivant[14] ;
- le rejet des pratiques traditionnelles et du rôle prépondérant de l'humus (notamment pour Albert Howard et Masanobu Fukuoka) ;
- la dégradation des liens sociaux et des libertés paysannes, à la suite des restructurations du XIXe siècle et du développement des grands groupes agro-industriels (Müller) ;
- le développement d'une vision réductionniste du monde et l'instrumentalisation de la nature aux dépens d'une relation plus spirituelle avec celle-ci, et le désenchantement qui accompagne ce rapport au monde (Steiner, Fukuoka) ;
- l'autorité d'une science agronomique confinée au laboratoire et détachée des réalités du terrain (Howard, Fukuoka) ;
- la prédominance des intérêts financiers et commerciaux dans la conception des exploitations agricoles et dans les développements technologiques, généralement aux dépens de la fertilité du sol (Howard, Müller, Fukuoka).
Le rejet de l'utilisation des produits de synthèse dans la production agricole et la volonté de produire des aliments de meilleure qualité sont apparus plus tardivement. Ils constituent à l'heure actuelle les critères principaux pris en compte par les labels d'agriculture biologique.
Parmi les fondateurs de l'agriculture biologique, on compte notamment Albert Howard, Raoul Lemaire, Lord Northbourne, Paule Lapicque, Hans Müller (de) et Maria Müller (de), Hans Peter Rusch (de), Rudolf Steiner (et le mouvement Lebensreform) et enfin Masanobu Fukuoka, qui dans les années 1970 développe l'agriculture biologique au Japon[15].
Émergence du concept
L'agriculture biologique émerge à l'issue d'un processus en trois phases de naissance, d'organisation et de structuration.
Naissance du concept
Dans les années 1920-1930, les pionniers sont, soit des penseurs spirituels et ésotériques[16], regrettant la disparition progressive de la paysannerie (Jean Giono), soit des agronomes tels que Albert Howard qui commencent à remettre en cause l'introduction de l'industrie dans l'agriculture, base de la société traditionnelle.
Organisation du concept
Dans les années 1940-70 s'organisent des associations soutenant l'agriculture biologique[17] : Soil Association (en) (1946), L'homme et le sol (1949, Henri Prat)[18], l'Association française d'agriculture biologique (AFAB, 1961), l'association Nature et Progrès (1964).
L'agriculture biologique est présente au Salon de l'agriculture pour la première fois en 1970. C'est durant cette période que le concept d'agriculture biologique est véritablement créé en synthétisant les grandes valeurs développées par les théoriciens d'avant guerre : refus de la chimie, retour à la paysannerie et aux cycles naturels. Viennent s'y greffer les préceptes de solidarité et liberté développés par les mouvements contestataires de l'époque.
Structurations institutionnelles
Les grands acteurs institutionnels et économiques apparaissent à partir de la fin des années 1970.
En France : la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France en 1978, Biocoop et Ecocert en 1986, le logo officiel en 1993, un premier plan de conversion des surfaces agricole est établi par l'Agence Bio en 2001 (premier échec, l'objectif de 5 % de surface en AB en 2007 n'est toujours pas atteint), un second plan est lancé à la suite du Grenelle de l'environnement en 2007 (nouvel échec probable, seule 3,5 % de la SAU porte le label AB en 2011 contre 6 % dans l'objectif 2012). En 2019, le pourcentage de SAU en agriculture biologique est de 7,5 %.
Divergence sur le concept
L'idéologie des précurseurs (par exemple Edward Goldsmith) est empreinte d'une certaine nostalgie du passé. Le thème du retour à la terre est souvent présent.[réf. nécessaire] L'opposition au productivisme reste présente aujourd'hui, conduisant certains acteurs à s'inquiéter du développement d'une agriculture biologique à grande échelle, animée par la logique productiviste qui était reprochée à l'agriculture conventionnelle[19].
L'opposition entre passé et modernité a toutefois ses limites. L'utilisation massive de la chimie en agriculture n'est en effet pas nouvelle : cuivre, arsenic, plomb, soufre, et les engrais de synthèse sont utilisés depuis la fin du XIXe siècle. Certains traitements sont connus depuis l'Antiquité[20],[21],[22].
L'agriculture biologique est aujourd'hui une activité économique éloignée de ces considérations, et représente pour beaucoup d'agriculteurs un moyen de mieux rentabiliser leur production et pour les consommateurs un moyen de protéger l'environnement. Elle est souvent perçue comme plus moderne et plus « jeune » que l'agriculture conventionnelle. Globalement, l'agriculture biologique est portée par une population d'agriculteurs plus jeune que l'agriculture conventionnelle, contribuant à donner une image de modernité à cette technique[23].
Des concepts aux attentes et contraintes différentes
Dans la pratique, l'agriculture biologique se décompose en différents modèles de conception liés aux modèles économiques et techniques différents qui souvent les opposent, souvent liés à la taille de l'exploitation. Les uns prônent plus d'autonomie dans un système à dimensions de petites et moyennes exploitations, par exemple de type polyculture-élevage ou maraîchage, attachés aux circuits courts et aux liens avec le consommateur, et les autres prônent la performance technique et la culture bio-intensive orientés essentiellement vers les grandes cultures, par exemple céréalières ou légumières, qui représentent une part très importante de la production et souvent l'unique production[24].
Évolution des modèles vers une agriculture biologique plus durable
En dehors du cahier des charges qu'impose la pratique de l'agriculture biologique, certaines pratiques transversales complémentaires émergent en rupture avec le concept technique.
Meilleur respect du sol
Les valeurs de respect du sol par sa compréhension ainsi que le respect de son fonctionnement naturel est observé depuis les pratiques de l'agriculture de conservation (AC) aux valeurs différentes, particulièrement concernant l'usage de pesticides et en particulier du glyphosate, que cette agriculture de conservation s'autorise à l'occasion, mais où, dans son modèle, la réduction voire le non-travail du sol est associé à un couvert permanent et varié[24].
Le défi pour l'agriculture biologique est de s'inspirer de ces techniques afin de réduire au maximum le travail du sol, d'augmenter la fertilité naturelle du sol et de faire des économies de temps de travail et de carburant tout en maîtrisant les adventices sans recourir au glyphosate[24].
Cette prise de conscience de la préservation de la fertilité des sols n'est pas seulement technique et financière mais aussi agronomique et environnementale. Elle permet aussi de limiter l'érosion des sols, de mieux maîtriser la perte hydrique des sols et de bénéficier d'un meilleur stockage du carbone, avec en arrière plan le défi supplémentaire de l'adaptation au dérèglement climatique[25].
« Une ferme biologique, à proprement parler, n'est pas celle qui utilise certaines méthodes et substances et évite d'autres, c'est une ferme dont la structure imite la structure d'un système naturel qui a l'intégrité, l'indépendance et la dépendance bénigne d'un organisme »
— Wendell Berry, The Gift of Good Land.
Selon le scientifique devenu éleveur, Xavier Noulhianne, les méthodes biologiques concernaient essentiellement, jusqu'aux années 1980, la production végétale[12] et elles se différenciaient principalement par les techniques d'amendement du sol. Cet auteur distingue les techniques suivantes :
- La méthode agrobiologique anglaise (Howard) ;
- La méthode biodynamique (Steiner) ;
- La méthode à base de roches silicieuses (Müller) ;
- La méthode à base de lithothamme ou méthode Lemaire-Boucher.
On peut citer aussi d'autres techniques spécifiques, ou empruntées à l'agriculture conventionnelle, qui sont utilisées :
- La lutte biologique et la confusion sexuelle protègent les cultures des parasites, et des insectes ravageurs, par exemple par l'emploi d'insectes entomophages.
- L'utilisation de certains produits phytosanitaires est autorisée en agriculture biologique (cuivre, soufre, pyréthrines, etc.).
- Les cultures associées, en combinant plusieurs espèces végétales sur une même parcelle, limitent la prolifération des parasites et ravageurs ; la technique des trois sœurs est un exemple.
- La permaculture est une méthode de conception qui permet de planifier les cultures, entre autres choses, de manière à exploiter au mieux les conditions climatiques et géographiques locales, et à maximiser les interactions entre les cultures[Note 3],[Note 4].
- L'agroforesterie intègre les arbres aux exploitations agricoles.
- Les techniques culturales simplifiées limitent le travail du sol ; cette technique est difficile en agriculture biologique car elle augmente les risques de prolifération d'adventices.
- Le semis direct sous couvert permet de restituer au sol les nutriments prélevés, d'entretenir les bactéries permettant leur assimilation par les plantes, et de limiter le développement des adventices. Cette technique issue de l'agriculture de conservation est assez délicate en agriculture biologique à cause de la gestion des adventices, même si le risque est plus faible qu'avec les techniques culturales simplifiées (présence de paillis protecteur, mortalité plus importante des graines non désirées qui restent en surface).
- Le compostage et le paillis permettent de restituer les nutriments prélevés au sol, de limiter les méfaits des intempéries, et d'entretenir le développement de l'humus.
- Les purins qui sont avant tout des fertilisants, mais qui auraient aussi des effets sur les ravageurs.
- La microagriculture biointensive.
- La culture sans labour et l'agriculture naturelle se concentre sur un minimum ou une absence de culture mécanique et de labour pour les cultures de céréales.
Les méthodes d'agriculture biologique combinent la connaissance scientifique de l'écologie et de la technologie moderne avec les pratiques agricoles traditionnelles basées sur des processus biologiques naturels. Les méthodes d'agriculture biologique sont étudiées dans le domaine de l'agroécologie. Alors que l'agriculture conventionnelle utilise des pesticides de synthèse et des engrais de synthèse purifiés solubles dans l'eau, les agriculteurs biologiques sont limités par la réglementation à l'utilisation presque exclusive de pesticides et d'engrais naturels. Les principales méthodes de l'agriculture biologique pour améliorer la fertilité du sol et protéger les cultures comprennent la rotation des cultures, les engrais verts et de compost, la lutte biologique et la culture mécanique. Ces mesures utilisent l'environnement naturel pour améliorer la productivité agricole : des légumineuses sont plantées pour fixer l'azote dans le sol, les organismes auxiliaires sont encouragés, la rotation des cultures permet de confondre les ravageurs et de renouveler le sol, et des matériaux naturels tels que le bicarbonate de potassium[26] et le paillis sont utilisés pour contrôler les maladies et les mauvaises herbes. Des plantes plus rustiques sont générées par la culture sélective des plantes plutôt que par le génie génétique.
Plusieurs des méthodes développées pour l'agriculture biologique ont été utilisées ensuite par l'agriculture conventionnelle. Par exemple, la lutte intégrée est une stratégie qui utilise diverses méthodes biologiques de lutte contre les ravageurs, auxquelles l'agriculture conventionnelle a également parfois recours[27].
Diversité des cultures
La diversité des cultures est une caractéristique distinctive de l'agriculture biologique. L'agriculture conventionnelle se concentre le plus souvent sur la production intensive d'une culture en un seul endroit, une pratique qui facilite la récolte. Lorsque par ailleurs la même plante est cultivée chaque année, on parle de monoculture. La monoculture est difficilement compatible avec l'agriculture biologique car elle favorise le développement des insectes ravageurs, contre lesquels les méthodes biologiques ne permettent pas de lutter efficacement. La science de l'agroécologie a révélé les avantages de la polyculture (plusieurs cultures dans un même espace), qui est souvent mise en œuvre par l'agriculture biologique[28]. Planter une variété de cultures maraîchères prend en charge un large éventail d'insectes bénéfiques, de micro-organismes du sol et d'autres facteurs qui ajoutent à la santé globale de l'exploitation. La diversité des cultures permet de protéger les espèces en voie d'extinction.
Gestion des sols
L'agriculture biologique repose largement sur la décomposition naturelle de la matière organique, en utilisant des techniques comme engrais verts et compostage, pour remplacer les nutriments extraits du sol par les cultures précédentes. Ce processus biologique, grâce à des micro-organismes tels que les mycorhizes, permet la production naturelle de nutriments dans le sol tout au long de la saison de croissance. L'agriculture biologique utilise une variété de méthodes pour améliorer la fertilité du sol : la rotation des cultures, les cultures de couverture, le travail réduit du sol (agriculture de conservation), et l'application de compost. L'agriculture de conservation (qui n'est pas propre à l'agriculture biologique) permet de réduire l'exposition du sol à l'air, de sorte que moins de carbone est perdu dans l'atmosphère[29]. Cette technique favorise la séquestration du dioxyde de carbone, ce qui permet de réduire l'effet de serre et donc de ralentir le réchauffement climatique.
Les plantes ont besoin d'azote, de phosphore et de potassium, ainsi que des micronutriments et des relations symbiotiques avec des champignons et autres organismes pour croître. Mais obtenir suffisamment d'azote au bon moment, lorsque les plantes en ont le plus besoin, est un défi pour les agriculteurs biologiques, qui doivent gérer cette synchronisation[30]. La rotation des cultures et l'engrais vert contribuent à fournir de l'azote grâce aux légumineuses (plus précisément, la famille des Fabacées) qui fixent l'azote de l'atmosphère par symbiose avec des bactéries rhizobium. La culture associée, qui est parfois utilisée pour le contrôle des insectes et des maladies, peut également augmenter les nutriments du sol, mais la concurrence entre les légumineuses et les cultures peut être problématique et l'espacement entre les lignes de culture est nécessaire. Les résidus de récolte peuvent être charriés dans le sol, et différentes plantes laissent différentes quantités d'azote, ce qui pourrait aider la synchronisation[30]. Les agriculteurs biologiques utilisent également le fumier animal[31], certains engrais transformés comme la farine de graines et diverses poudres minérales telles que le phosphate de roche et le sable vert, une forme naturelle de la potasse qui fournit du potassium. Ensemble, ces méthodes aident à contrôler l'érosion. Dans certains cas, le pH doit être modifié. Il existe des modificateurs du pH naturel comme la chaux et le soufre, mais aux États-Unis certains composés tels que le sulfate de fer, le sulfate d'aluminium, le sulfate de magnésium, et les produits solubles de bore sont autorisés dans l'agriculture biologique[32].
Les exploitations mixtes avec bétail et cultures peuvent opérer comme des « ley farms », par lesquelles les terres accumulent de la fertilité par la croissance des graminées fourragères fixatrices d'azote comme le trèfle blanc ou la luzerne cultivée et sur lesquelles poussent des cultures de rente ou de céréales lorsque la richesse du sol est établie. Les fermes sans bétail peuvent trouver qu'il est plus difficile de maintenir la fertilité du sol, et peuvent s'appuyer davantage sur les intrants externes comme les nutriments produits hors de l'exploitation ainsi que les légumineuses à grains et engrais verts, bien que les légumineuses à grains peuvent fixer l'azote de façon limitée car ils sont récoltés. Les exploitations horticoles (fruits et légumes) qui opèrent dans des conditions protégées sont souvent encore plus dépendantes des intrants extérieurs[30].
La recherche sur la biologie et les organismes du sol s'est avérée bénéfique à l'agriculture biologique. Plusieurs variétés de bactéries et de champignons décomposent les produits chimiques, les matières végétales et les déchets d'animaux en éléments nutritifs qui rendent le sol plus productif pour les récoltes à venir[33]. Les champs avec peu ou pas de fumier montrent une baisse considérable des rendements, due à une diminution de la faune microbienne du sol[34].
Gestion des mauvaises herbes
La gestion des mauvaises herbes de façon biologique favorise la suppression ou la limitation des mauvaises herbes en intensifiant la concurrence des cultures et en ayant recours à leurs effets phytotoxiques sur les mauvaises herbes[35]. En Europe, les agriculteurs biologiques intègrent des tactiques culturales, biologiques, mécaniques, physiques et chimiques pour combattre les mauvaises herbes sans herbicides synthétiques. Les normes biologiques exigent la rotation des cultures annuelles[36], ce qui signifie qu'une seule culture ne peut pas être cultivée au même endroit sans une autre, la culture intermédiaire. La rotation des cultures biologiques comprend souvent des cultures de couverture avec des cycles de vie différents pour décourager les mauvaises herbes associées à une culture particulière[35]. La recherche est en cours pour développer des méthodes biologiques pour promouvoir la croissance de micro-organismes naturels qui suppriment la croissance ou la germination des mauvaises herbes communes[37].
D'autres pratiques culturales utilisées pour améliorer la compétitivité des cultures et réduire la pression des mauvaises herbes comprennent la sélection de variétés de cultures compétitives, la plantation à haute densité, l'espacement des rangs serrés, les cultures associées (par exemple céréale et fabacée[38]) et les semis tardifs dans un sol chaud pour favoriser la germination rapide des cultures[35].
Les pratiques de désherbage mécaniques et physiques utilisés sur les fermes biologiques peuvent être regroupées comme suit[39] :
- le labour – tourner le sol entre les cultures pour incorporer les résidus de culture et additifs ; enlever les mauvaises herbes existantes et préparer un lit de semence pour la plantation ; tourner le sol à nouveau après le semis pour tuer les mauvaises herbes ;
- la tonte et la coupe – coupe de la partie supérieure des mauvaises herbes ;
- le désherbage au feu et le désherbage thermique – utilisation de la chaleur pour tuer les mauvaises herbes ;
- le paillage – blocage des mauvaises herbes avec des matières organiques, films plastiques, ou du tissu[40] ;
- le binage de précision avec guidage électronique dans le cas de plantes sarclées comme le maïs.
Certains critiques, citant les travaux publiés en 1997 par David Pimentel de l'université Cornell[41], qui décrit l'érosion des sols comme une menace majeure pour l'agriculture mondiale, pensent que le travail du sol contribue à cette érosion[42]. La FAO et d'autres organisations ont préconisé une approche « sans labour » pour à la fois l'agriculture classique et biologique, et soulignent en particulier que les techniques de rotation des cultures utilisées en agriculture biologique sont excellentes pour cette approche[42],[43]. Une étude publiée en 2005 par Pimentel et ses collègues[44] confirme que « la rotation des cultures et cultures de couverture (engrais vert) typique de l'agriculture biologique réduit l'érosion des sols, les problèmes de ravageurs, et l'utilisation des pesticides ». Certains produits chimiques d'origine naturelle sont autorisés pour une utilisation herbicide. Il s'agit notamment de certaines formulations d'acide acétique (vinaigre concentré), du gluten de maïs, et des huiles essentielles. Quelques bioherbicides sélectifs fondés sur les agents pathogènes fongiques ont également été développés. Pour le moment cependant, les herbicides biologiques et bioherbicides jouent un rôle mineur dans la boîte à outils de contrôle biologique contre les mauvaises herbes[39].
Les mauvaises herbes peuvent être contrôlées par le pâturage. Par exemple, des oies ont été utilisées avec succès pour éliminer les mauvaises herbes dans des cultures biologiques de coton, de fraise, de tabac et de maïs[45], et ont relancé la pratique de garder les oies Cotton Patch, qui étaient communes dans le sud des États-Unis avant les années 1950. De même, certains riziculteurs introduisent des canards et des poissons dans les rizières humides pour manger les mauvaises herbes et les insectes[46].
Contrôle d'autres organismes
Les organismes, autres que les mauvaises herbes, qui causent des problèmes dans les fermes biologiques sont des arthropodes (insectes, acariens), des nématodes, des champignons et des bactéries. Les pratiques biologiques comprennent, mais ne sont pas limitées à :
- encourager les insectes prédateurs bénéfiques pour lutter contre les ravageurs en installant des plants de pépinière et/ou un habitat alternatif, généralement sous la forme d'un brise-vent, haies, ou banque de coléoptères ;
- encourager les micro-organismes bénéfiques ;
- rotation des cultures à différents endroits d'une année à l'autre pour interrompre les cycles de reproduction des ravageurs ;
- semer des cultures de compagnie et les plantes repoussantes qui découragent ou détournent les ravageurs ;
- couvrir les rangées pour protéger les cultures pendant les périodes de migration de ravageurs ;
- utiliser des pesticides et herbicides biologiques ;
- utiliser l'assainissement pour éliminer l'habitat des ravageurs ;
- utiliser des pièges à insectes pour surveiller et contrôler les populations d'insectes ;
- utiliser des barrières physiques.
Contrôle par intervention d'autres vivants
Les insectes bénéfiques prédateurs comprennent les punaises, et dans une moindre mesure, les coccinelles (qui ont tendance à s'envoler), qui tous mangent un large éventail d'organismes nuisibles. Les chrysopes sont également efficaces, mais ont tendance à s'envoler. Les mantes religieuses ont tendance à se déplacer plus lentement et à moins manger. Les guêpes parasitoïdes ont tendance à être efficace pour leur proie choisie, mais comme tous les petits insectes peuvent être moins efficaces à l'extérieur parce que le vent perturbe leur mouvement. Les acariens prédateurs sont efficaces pour lutter contre d'autres acariens[32].
Les substances autorisées dans la lutte biologique par la réglementation du label AB sont réparties en sept catégories :
- les substances actives d'origine animale ou végétale (purin d'ortie, huiles végétales, pyréthrines, etc.) ;
- les micro-organismes ;
- les substances produites par des micro-organismes ;
- les substances à utiliser uniquement dans des pièges ou des distributeurs (par exemple phéromones et certains pyréthrinoïdes) ;
- les préparations à disperser en surface entre les plantes cultivées (molluscicides) ;
- les autres substances traditionnellement utilisées dans l'agriculture biologique (notamment cuivre, soufre, huile de paraffine, etc.) ;
- les autres substances telles que l'hydroxyde de calcium et le bicarbonate de potassium.
Les agriculteurs biologiques préfèrent en principe maintenir les équilibres de la faune auxiliaire (y compris les bousiers nécessaires au recyclage rapide des excréments animaux dans le sol[47]) en favorisant la faune utile et les prédateurs naturels plutôt qu'éliminer indistinctement toute activité animale.
Contrôle par intervention chimique
Les insecticides d'origine naturelle autorisés pour une utilisation sur les fermes biologiques comprennent Bacillus thuringiensis (une toxine bactérienne), le pyrèthre (un extrait de chrysanthème), le spinosad (un métabolite bactérien) et l’huile de neem (issue du margousier). Moins de 10 % des agriculteurs biologiques utilisent ces pesticides régulièrement ; une enquête a montré que seulement 5,3 % des producteurs de légumes en Californie utilisent la roténone (interdite dans l'Union européenne), tandis que 1,7 % utilisent le pyrèthre[48]. Ces pesticides ne sont pas toujours plus sûrs ou respectueux de l'environnement que les pesticides synthétiques et peuvent causer des dommages[32]. Certaines de ces substances sont controversées, notamment la roténone, le cuivre, le spinosad[49] et les pyrèthres[50],[51]. La roténone et le pyrèthre sont particulièrement controversées parce qu'ils attaquent le système nerveux, comme la plupart des insecticides conventionnels. La roténone est très toxique pour les poissons[52] et peut induire des symptômes ressemblant à la maladie de Parkinson chez les mammifères[53],[54]. La roténone était autorisée jusqu'au [55]. Bien que le pyrèthre (pyréthrines naturelles) soit plus efficace contre les insectes lorsqu'il est utilisé avec du butoxyde de pipéronyle (qui retarde la dégradation des pyréthrines)[56], les normes biologiques ne permettent généralement pas l'utilisation de cette dernière substance[57],[58],[59].
Les fongicides autorisés pour une utilisation sur les fermes biologiques comprennent les bactéries Bacillus subtilis et Bacillus pumilus, et le champignon Trichoderma harzianum. Ils sont principalement efficaces contre les maladies affectant les racines. Le thé de compost contient un mélange de microbes bénéfiques, qui pourrait attaquer ou supplanter certaines pathogènes des plantes[60], mais des précautions doivent être prises au cours de la préparation de ce « thé » pour éviter le développement de microbes toxiques[61].
Certains pesticides d'origine naturelle ne sont pas autorisés pour une utilisation sur les fermes biologiques. Ceux-ci comprennent le sulfate de nicotine, l'arsenic, la roténone (dans l'Union européenne) et la strychnine[62].
Les pesticides doivent provenir de substances naturelles ou de leurs dérivés. En Europe, ceux qui sont autorisés sont indiqués dans la réglementation ; on y trouve la laminarine (extrait des algues) ou la pyréthrine (extrait de chrysanthèmes). Certains produits synthétiques sont aussi autorisés, comme l'hydroxyde de calcium (la chaux éteinte), l'huile de paraffine. Certains composés du cuivre sont autorisés, pour permettre la bouillie bordelaise, mais cette permission est très contestée[63].
Le sulfate de cuivre et la bouillie bordelaise (sulfate de cuivre avec chaux), approuvés pour une utilisation biologique dans différents pays[57],[58],[62] ont fait l'objet de critiques[64],[65]. La bouillie bordelaise, utilisée entre autres en viticulture et arboriculture fruitière biologiques et conventionnelles, est autorisée malgré sa toxicité pour l'environnement. Des préoccupations similaires s'appliquent à l'hydroxyde de cuivre. L'application répétée de sulfate de cuivre ou de l'hydroxyde de cuivre comme fongicide peuvent éventuellement provoquer une accumulation de cuivre à des niveaux toxiques dans le sol[66], et des avertissements, pour éviter l'accumulation excessive de cuivre dans le sol, apparaissent dans diverses normes biologiques et ailleurs. Les préoccupations environnementales sur plusieurs types d'organismes vivants se posent à des taux moyens d'utilisation de ces substances pour certaines cultures[67]. Dans l'Union européenne, où le remplacement des fongicides à base de cuivre dans l'agriculture biologique est une priorité de la politique[68], la recherche est en quête d'alternatives pour la production biologique[69].
Certains agriculteurs biologiques utilisent des insecticides naturels. En France, le neem est souvent interdit dans l'agriculture [70] mais obtient régulièrement des autorisations de mise sur le marché temporaires[71], notamment du au [72] et du au [73].
La supériorité du profil environnemental des pesticides autorisés par le label AB par rapport aux autres pesticides ne fait pas l'unanimité[74]. Si certains pesticides naturels se dégradent plus rapidement que des produits de synthèse ayant le même usage, d'autres comme le soufre et le cuivre ne sont pas biodégradables[75].
Semences pour l'agriculture biologique
Les agriculteurs labellisés AB sont tenus d'utiliser des semences issues de multiplication en mode AB (qu'elles soient de ferme ou commerciales). Pour de nombreuses espèces il est toutefois possible d'obtenir des dérogations si les variétés recherchées de semences issues de l'agriculture biologique ne sont pas disponibles : les agriculteurs sont alors libres de planter toutes les semences existantes ou d'acheter toutes les semences du catalogue officiel, sauf les OGM et à la condition qu'elles ne soient pas traitées[76]. Dans chaque pays de l'Union européenne, un site officiel informe les agriculteurs sur les semences biologiques disponibles et leur permet d'enregistrer et d'éditer leurs demandes de dérogations.
La plupart des agriculteurs utilisent des variétés commerciales classiques, y compris les semences de variétés hybrides, en choisissant généralement les plus vigoureuses, les mieux notées pour la résistance aux maladies, aux ravageurs et à la concurrence des adventices. Plusieurs programmes de sélection en cours sont soutenus par le FSOV (fonds de soutien à l'obtention végétale)[77]. Ces actions permettent de créer des variétés de céréales destinées en particulier aux agriculteurs biologiques, et également à tous ceux qui cherchent à réduire l'utilisation de produits phytosanitaires.
Élevage
L'élevage d'animaux pour la production de viande, de produits laitiers et d'œufs, est une activité agricole qui fait partie intégrante de l'agriculture biologique. Les fermes biologiques fournissent aux animaux des conditions de vie plus respectueuses du bien-être animal que l'agriculture conventionnelle. L'alimentation des animaux doit être intégralement issue de cultures biologiques. Les étables sont plus diversifiées et les animaux peuvent se mouvoir librement avoir des contacts sociaux, manger, s'occuper conformément à leurs besoins. Les animaux sont engraissés plus lentement[78].
L'usage d'antibiotiques et de médicaments vétérinaires y est en général réglementé.
Aux États-Unis, il n'y a aucune exigence sur le plan de la protection des animaux pour qu'un produit puisse être désigné comme biologique, il s'agit d'un écart par rapport aux autres pratiques agricoles biologiques[79].
En outre, historiquement la force des chevaux et du bétail était utilisée pour le labour, leur fumier était utilisé pour l'enrichissement des sols. Alors qu'aujourd'hui, les petites fermes ne comprennent pas de bétail, les animaux domestiqués sont une partie souhaitable de l'équation de l'agriculture biologique, en particulier pour une véritable durabilité, la capacité d'une ferme de fonctionner comme une unité auto-suffisante est primordiale[80].
Porcs
La caudectomie est interdite dans les élevages porcins labellisés agriculture biologique en France[81]. Cela s'explique par une recherche du bien-être animal plus poussée qu'en élevage conventionnel, ainsi que par une nécessité moindre de prévenir la caudophagie[82]. En effet, dans ce mode de production il est obligatoire de laisser un espace plus important aux animaux ainsi qu'un accès à l'extérieur, les porcs peuvent alors exprimer les comportements propres à leur espèce et souffrent moins de troubles du comportement, dont la caudophagie.
L'élevage porcin biologique doit être conforme à certaines législations communautaires. Il faut beaucoup de lumière du jour pour l'élevage des animaux ; les conditions de base sont également l'exercice et la ventilation naturelle. Il est interdit d'attacher les animaux. La moitié au maximum de la surface au sol peut être constituée de caillebotis ; une surface de couchage sèche et couverte de litière est également nécessaire. Les truies gestantes et les truies non enceinte doivent être élevées en groupes. La taille des cases de mise bas ne doit pas être inférieure à 7,5 mètres carrés. Les éleveurs n'ont pas le droit de mettre les porcelets en cage et il est également interdit de leur limer les dents. L'UE prescrit une période minimale d'allaitement de quarante jours.
Certains de ces règlements entraînent des coûts d'élevage plus élevés, c'est pourquoi il est autorisé un nombre plus élevé de truies en gestation (jusqu'à 40 %). En plus d'élever des truies, il est également obligatoire de les nourrir de façon biologique. Jusque fin 2017, les agriculteurs peuvent acheter des composants protéiques conventionnels sans OGM pour l'alimentation animale s'ils se conforment à la législation communautaire sur l'agriculture biologique. Le mélange de ces composants peut atteindre un maximum de cinq pour cent de l'alimentation. Depuis , les porcs biologiques ne sont définis comme tels que s'ils ont été élevés selon les méthodes biologiques décrites pendant au moins six mois. Par conséquent, seuls les porcelets issus de l'élevage biologique de truies peuvent être utilisés pour l'engraissement. Si les truies conventionnelles sont achetées, elles doivent alors être élevées selon le mode biologique.
Bovins
En France le cahier des charges pour l'élevage bovin biologique transcrit au niveau national la règlementation cadre définie à l'échelle européenne. L'alimentation du troupeau est d'origine biologique et doit provenir au moins à 50 % de l'exploitation. L'alimentation des veaux est basée sur le lait naturel pendant 3 mois minimum[83]. L'utilisation d'aliments OGM est interdite. Le pâturage est obligatoire quand les conditions météorologiques le permettent. La quantité de concentrés autorisée est limitée à 40 % de la ration journalière en matière sèche. Ce chiffre peut être ramené à 50 % pour une période maximale de trois mois en début de lactation ou en finition. Pour ce qui est de la prophylaxie et des soins vétérinaires, la prévention est la règle prioritaire. L'utilisation de médicaments (hors homéopathie et phytothérapie) et d'antibiotiques est limitée à trois traitements par an et par vache. L'utilisation d'hormones pour le traitement de l'infertilité est contrôlée par le vétérinaire. Le clonage et le transfert d'embryon sont interdits. Le logement des animaux doit respecter une surface minimale par tête et doit comporter une aire d'exercice suffisante. Des dérogations peuvent être accordées dans le cas par exemple des étables entravées si le pâturage est pratiqué une bonne partie de l'année. Le logement des veaux en niche est interdit au-delà d'une semaine.
Volailles
En Suisse, les élevages biologiques de volailles pour la production d'œufs sont des élevages en plein air de 3 000 poules maximum avec une densité maximale de 6 poules/m2 au sol dans le poulailler et 4 m2 par poule en plein air[84]. L'alimentation doit être issue à 95 % de l'agriculture biologique et être à 100 % végétale[84].
En Suisse, les élevages biologiques de volailles pour la production de chair sont des élevages en plein air de 480 m2 maximum de race rustique à croissance lente. Les poulets sont abattus au plus tôt à un âge de 81 jours[85]. La densité maximale est de 10 poules/m² au sol dans le poulailler et 4 m2 par poule en plein air[85]. L'alimentation doit être issue à 95 % de l'agriculture biologique et être à 100 % végétale[85].
Poissons
Modification génétique
Une caractéristique clé de l'agriculture biologique est le rejet de plantes et d'animaux génétiquement modifiés. Le , les participants au 12e Congrès scientifique de l'IFOAM ont publié la Déclaration de Mar del Plata, où plus de six cents délégués de plus de soixante pays ont voté à l'unanimité d'exclure l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés dans la production alimentaire et l'agriculture.
Par contre la culture sélective des plantes et l'élevage sélectif des animaux sont autorisés, ces techniques permettent de sélectionner les plantes et les animaux les plus aptes pour l'agriculture biologique, de la même manière qu'elles ont été utilisées en agriculture conventionnelle pour optimiser les rendements. Cette sélection est primordiale pour l'agriculture biologique pour permettre de trouver les combinaisons de plantes les plus adaptées et pour augmenter les rendements.
Bien que l'opposition à l'utilisation de toutes les technologies transgéniques dans l'agriculture biologique est forte, les chercheurs agricoles Luis Herrera-Estrella et Ariel Alvarez-Morales continuent de préconiser l'intégration des technologies transgéniques dans l'agriculture biologique comme moyen optimal de l'agriculture durable, en particulier dans le monde en développement[86], comme le fait l'auteur et scientifique Pamela Ronald, qui considère ce genre de biotechnologie comme étant compatible avec les principes biologiques[87].
Bien que les OGM soient exclus de l'agriculture biologique, le pollen des plantes génétiquement modifiées peut contaminer les semences biologiques et patrimoniales, ce qui rend difficile, voire impossible, d'interdire à ces génomes d'entrer dans la chaîne des aliments biologiques. Le risque de contamination est fonction de la réglementation des organismes génétiquement modifiés appliquée par chaque pays.
La commercialisation des produits agricoles biologiques est réglementée par des labels de qualité publics ou privés, et définie légalement par de nombreux pays. Ces réglementations donnent des critères de certification variables, généralement basés sur les normes de la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM)[88], association internationale coordonnant les organisations actives dans le secteur bio, en 2005 elle a créé les principes de l'agriculture biologique, une directive internationale pour les critères de certification[89]. Les cahiers des charges des labels ne portent pas sur la qualité des produits, mais sur le respect de l'environnement. On parle aussi de consommation responsable pour les clients (entreprises, entités publiques et particuliers) achetant des produits biologiques. Il existe aussi des labels autres plus stricts (Bioprogrès…). En général, les organismes accréditent des groupes de certification plutôt que des exploitations individuelles.
En 1927, le label Demeter est le premier label certifiant les produits issus de l'agriculture biologique. Il est utilisé dans plus de cinquante pays dans le monde[90].
Dès les années 1970, des agriculteurs mettant en œuvre une agriculture biologique, s'associent et créent leurs marques collectives de certification. Dans les années 1980, les gouvernements ont commencé à élaborer des lignes directrices pour l'agriculture biologique. Dans les années 1990, une tendance vers des normes imposées par la loi a commencé, notamment avec en 1991 avec le label bio de l'Union européenne[91] développé pour l'Union européenne, qui a établi des normes pour 12 pays, et un programme de 1993 au Royaume-Uni.
Le programme de l'UE a été suivi par un programme japonais en 2001, et en 2002 les États-Unis ont créé le National Organic Program (NOP)[92]. En 2007, plus de 60 pays réglementent l'agriculture biologique (IFOAM 2007: 11).
Agriculture biologique : un concept et plusieurs labels
L'esprit de l'agriculture biologique originelle est difficile à concilier avec le fonctionnement des grandes exploitations biologiques qui fournissent une part importante de la production, notamment en ce qui concerne les aliments importés, qui représentent le tiers de la consommation labellisée AB en France[93]. Ce conflit[94],[95] entre le label AB et les valeurs de l'agriculture biologique a provoqué l'apparition de plusieurs marques privées plus stricts[96], imposant notamment le « localisme » dans l'approvisionnement et la vente, une production « paysanne » et des contraintes supplémentaires sur les engrais et produits de traitement autorisés. Le principal objectif du localisme est de réduire la consommation d'énergie et le rejet de gaz à effets de serre liés au transport, afin de protéger davantage l'environnement.
À l'inverse, des cahiers des charges intermédiaires de bonnes pratiques, moins stricts que ceux de l'agriculture biologique, se sont développés : agriculture raisonnée, production fruitière intégrée, GlobalGAP (de), Agriconfiance, etc.
Union européenne
Au sein de l'Union européenne, le premier règlement sur l'agriculture biologique est entré en vigueur en 1992, et a ensuite été progressivement complété et ajusté. Les règlements 834/2007 et 889/2008 et leurs annexes s'appliquent obligatoirement à tout agriculteur qui veut être reconnu comme agriculteur biologique par l'Union Européenne.
Le règlement 2018/848[11] du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques est paru au JOUE le , il abroge le précédent règlement 834/2007 et entre en vigueur le [97]. Ce règlement doit être complété par des actes délégués précisant sa mise en œuvre.
Tout agriculteur biologique est soumis à des contrôles de bonne application des règlements et actes délégués chaque année[98].
Ils fournissent les règles relatives à la production, l'étiquetage et l'inspection en matière d'élevage, et précisent quels sont les objectifs et les principes de l'agriculture biologique, tout en établissant les niveaux de compétences en matière de législation bio.
Ces règlements ne prévoient pas de seuil spécifique pour les organismes génétiquement modifiés (OGM). En conséquence, c'est le seuil applicable en agriculture conventionnelle, qui est de 0,9 %, qui reste d'application pour les produits bio. Au-delà de ce seuil, la réglementation générale oblige à mentionner la présence d'OGM sur les étiquettes, provoquant donc le déclassement automatique de produits bio qui contiendrait accidentellement des substances d'OGM. Cela signifie qu'en cas de contamination à un taux situé entre le seuil de détection (qui est de l'ordre de 0,1 %) et le taux de 0,9 %, un organisme de contrôle n'est pas dans l'obligation de retirer le certificat bio du produit[99].
Le régime particulier des importations de produits labellisés AB en provenance des pays tiers fait l'objet d'un règlement séparé : la Commission européenne établit progressivement des listes d'équivalence entre le standard de l'UE et celui de pays tiers ou celui employé par des organismes de contrôle opérant en dehors de l'UE.
France
En France, la mise en pratique de l'agriculture biologique au début des années 1960 en fait un pays pionnier : le Groupement d'agriculture biologique de l'Ouest (GABO) est créé en 1958, il devient l'AFAB (Association française d'agriculture biologique) en 1961. La FNAB (Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France) est créée en 1978 par des agriculteurs biologiques, pour porter une voix spécifique à la profession[100].
En 1964, Nature et Progrès devient, en France, la première marque privée collective de certification en agriculture biologique soumise à un cahier des charges. En 1985, le ministère de l'Agriculture définit sa propre réglementation, plus souple, avec le label AB, et conditionne l'utilisation commerciale de l'appellation « agriculture biologique » à l'obtention de ce label[101]. Ce label devient bientôt prédominant dans l'agriculture biologique française. Depuis 2009, ses critères sont alignés sur le label bio européen.
L'appellation « agriculture biologique » est légalement protégé en France depuis la loi d'orientation agricole du et le décret du , lesquels l'ont définie, et ont fixé les conditions d'homologation des cahiers des charges et précisé les substances pouvant être utilisées dans la production, la conservation et la transformation des produits agricoles dits « biologiques » destinés au commerce.
Politique agricole commune en Europe
Les réformes de la PAC des années 1999/2000 ont profondément modifié le soutien à l'agriculture dans l'Union européenne. Les agriculteurs sont désormais tenus de respecter certaines normes environnementales de base pour pouvoir bénéficier des compensations publiques. Ils sont également soumis au respect du principe de « pollueur-payeur ». Au-delà des normes de base, ceux qui mettent en œuvre des techniques plus favorables à l'environnement et au respect de la nature (comme l'agriculture biologique) peuvent recevoir une compensation supplémentaire, mais cela n'a rien d'automatique. Ce sont les mesures agri-environnementales, qui proposent de soutenir financièrement les agriculteurs souscrivant à des engagements allant au-delà des bonnes pratiques agricoles[102]. En particulier, la mise en œuvre de l'agriculture biologique permet de percevoir des primes à l'hectare ainsi que des aides aux investissements. Ces actions devraient tendre à favoriser l'adoption de pratiques d'agriculture biologique, mais elles relèvent de programmes de développement rural (PDR) qui sont décidés par chacun des 27 États membres (ou par les régions). L'ensemble du dispositif des aides au bio est donc très variable d'un pays à l'autre.
Par exemple, les aides à la conversion en Autriche sont de l'ordre de 450 euros par hectare. En France, l'aide est accordée sur une période de cinq ans et varie selon les cultures :
- cent euros par hectare et par an pour une surface en prairie permanente ;
- deux cents euros par hectare et par an pour une surface en prairie temporaire, céréales et oléo-protéagineux ;
- 350 euros par hectare et par an pour une surface en culture légumière ;
- six cents euros par hectare et par an en maraîchage.
En France, les « agriculteurs bio » peuvent bénéficier d'une aide au maintien. Ces aides sont cumulables avec les compensations perçues par les « agriculteurs conventionnels ». Il existe, de plus, de nombreux programmes locaux d'aides à l'agriculture biologique et un crédit d'impôt réservés aux « agriculteurs biologiques »[103].
Depuis l'adoption du règlement européen de 1992, de nombreux agriculteurs se sont convertis à ce type d'agriculture. La conversion nécessite deux à trois ans de respect des règles de production de l'agriculture biologique[104].
Le nouveau règlement européen sur la bio entré en vigueur en 2009 n'a pas modifié ces dispositifs.
Québec
Au Québec, depuis 2002, l'appellation « biologique » est commercialement protégée. Le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) a été mis sur pied par le gouvernement du Québec le , en vue de l'application de la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants. Depuis le , le cahier des charges relatif aux produits issus du mode de production biologique comprend un référentiel de certification basé sur les exigences techniques de la Norme biologique du Canada (NBC).
Comparaison des labels et des marques collectives de certification
Afin de lutter contre les nuisibles et améliorer les rendements, les différents labels et marques collectives de certification de l'agriculture biologique autorisent l'utilisation de pesticides et d'engrais. Les différentes pratiques, ainsi que les progrès techniques, ont conduit ces signes à adapter leurs cahiers des charges de façon différente. Le label Bio de l'Union européenne est ainsi régi par les directives 889/2008[105] et 834/2007[106] du conseil, usant de la définition des OGMs de la directive 2001/18/CE[107] du parlement européen et du conseil. Les cahiers des charges Demeter[108],[109], Bio Coherence[110],[111], Nature & Progrès[112], USDA Organic[113],[114] sont disponibles en ligne. Ces cahiers des charges permettent de comparer les différentes pratiques, résumées ci-dessous.
Bio UE | Demeter | Bio Coherence | Nature & Progrès | USDA Organic | |
---|---|---|---|---|---|
Biotechnologies | |||||
Fécondation in vitro | oui | oui | non | oui | |
Fusion cellulaire | non, sauf si mis en œuvre de manière naturelle | non | non | non, sauf si mis en œuvre de manière naturelle | |
Hybridation | non, sauf si mis en œuvre de manière naturelle | Interdiction partielle des hybrides F1 | non, sauf si mis en œuvre de manière naturelle | non | oui |
Induction polyploïde | oui | oui | non | oui | |
Mutagénèse | oui | oui | oui | non | oui |
Recombinaison génétique | non | non | non | non | |
Stérilité mâle cytoplasmique | oui | non | non | non | oui |
Transgénèse | non | non | non | non | non |
Engrais | |||||
Excréments | oui | oui | oui | oui | |
Fumiers | oui | oui | oui | oui | |
Phosphates | oui | oui | oui | oui | |
Pesticides | |||||
Azadirachtine (neem) | oui[105] | oui | oui | non | oui |
Bacillus thuringiensis | oui (viticulture) | non | oui (viticulture) | oui | oui |
Bicarbonate de potassium | oui | oui | oui | non | oui |
Citrate de Cuivre | oui (viticulture) | non | oui (viticulture) | à titre dérogatoire | non |
Orthophosphate de fer | oui | oui | oui | non | oui |
Pyréthrines (naturelles) | oui | oui | oui | oui | oui |
Pyréthrinoïdes (de synthèse) | limité | non | limité | limité | non |
Silicate d'aluminium | oui | non | oui | non | non |
Silicate de soude | non | oui | non | oui | oui |
Soufre | oui | oui | oui | oui | oui |
Spinosad | oui | oui | oui | oui | oui |
Sulfate et hydroxyde de cuivre | < 6 kg/ha/an | < 3 kg/ha/an | < 6 kg/ha/an | oui | limité |
Sulfate de fer | oui | non | oui | oui | oui |
Traitement des animaux | |||||
Traitement médicaux | limitée | non, sauf obligations légale et vermifuges | limitée | limitée | oui |
Vaccination | oui | limitée | limitée | oui |