Grandes découvertes
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L’expression « les grandes découvertes » sert généralement à désigner les explorations maritimes entreprises par les puissances européennes aux XVe et XVIe siècles. Durant cette période, les monarchies et de riches compagnies commerciales financent de grandes expéditions dans le but d'explorer le monde, cartographier la planète et établir des contacts directs avec l'Afrique, l'Amérique, l'Asie et l'Océanie. L'expression « âge des découvertes » est également utilisée par les cartographes. Les principales puissances maritimes qui se lanceront dans l'exploration du monde seront le Portugal, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ainsi que de célèbres navigateurs italiens.
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Les Portugais vont explorer les côtes de l'Afrique sous l'impulsion du prince Henri dit « le Navigateur ». Dinis Dias découvre les îles du Cap-Vert en 1444. Le Sénégal est visité par Alvise Cadamosto en 1455 ; quant à la Gambie, elle est remontée par Diogo Gomes en 1456. Bartolomeu Dias atteint l'océan Indien en 1488 en contournant le cap de Bonne-Espérance : il identifie d’ailleurs le cap en « revenant sur ses pas », après avoir peu pénétré le nouvel océan.
En cherchant une nouvelle voie par l’ouest vers l'Asie, le navigateur italien (génois) Christophe Colomb — financé par la monarchie espagnole — quitte Séville avec trois caravelles, traverse l'océan Atlantique et atteint en 1492 des îles des Caraïbes, prémices d’un « Nouveau Monde » : l'Amérique, monde nommé ainsi vers 1507 par des imprimeurs vosgiens en l’honneur d’Amerigo Vespucci, parce que, le premier, il aurait pressenti qu’il s’agissait d’un nouveau continent, et pas uniquement d’un archipel d’îles.
Pour éviter un conflit entre l'Espagne et le Portugal, le traité de Tordesillas (1494) partage le monde selon un méridien, en deux zones d'exploration où chacun des protagonistes aura l'exclusivité des droits sur ces découvertes. Ainsi, le futur territoire du Brésil, à l’est du méridien, sera lusophone.
En 1498, une expédition portugaise menée par Vasco de Gama, à laquelle Bartolomeu Dias apporte son expérience, réalise finalement le rêve d'établir une liaison maritime avec l'Inde en naviguant autour de l'Afrique. Peu après, les Portugais atteignent les « îles aux épices » en 1512 et la Chine, un an plus tard.
Les explorations vers l'ouest et vers l'est se superposent lorsque l'Espagnol Juan Sebastián Elcano (second de Magellan, tué en cours de route dans le Pacifique) termine la première circumnavigation de la Terre en 1522. Dans le même temps, les conquistadors espagnols explorent l'intérieur des terres américaines et détruisent les empires amérindiens. À partir du XVIe siècle les Français, les Anglais et les Hollandais se lancent dans la course et contestent le monopole ibérique sur le commerce maritime. Ils participent à l'exploration des Amériques mais surtout à celle de l'Océanie. Parallèlement aux explorations maritimes, les Russes explorent et conquièrent la quasi-totalité de la Sibérie.
Au même titre que la Renaissance, l'« âge des découvertes » constitue un pont entre Moyen Âge et époque moderne. L'imprimerie (qui vient d'apparaître) contribue à répandre les récits d'exploration et les cartes de terres lointaines, favorisant ainsi le développement de l'humanisme et du questionnement scientifique et intellectuel. L'expansion européenne mène à la constitution d'empires coloniaux : les contacts entre Ancien et Nouveau Mondes produisent l'échange colombien qui désigne le transfert massif entre les hémisphères occidentaux et orientaux de plantes, d'animaux, de populations (dont les esclaves), de maladies infectieuses et de culture. Cette première mondialisation engendre des modifications écologiques, agricoles et culturelles parmi les plus importantes de l'histoire. L'exploration européenne continue jusqu'au XXe siècle, au cours duquel on estime que la totalité des terres émergées a été cartographiée.
Alors que ces événements étaient autrefois regroupés sous l'expression « ère des grandes découvertes », l'historiographie contemporaine met en avant l'aspect bilatéral de la rencontre de deux civilisations[1]. En 1992, de nombreux colloques et publications célébrant le 500e anniversaire de la découverte de l'Amérique ont fait émerger l'expression de « rencontre de deux mondes » ou plus simplement de « rencontres », en mettant en évidence que la notion des « grandes découvertes géographiques » n'est « qu'une construction intellectuelle du XIXe siècle, élaborée à son tour à partir d’une série de mythes fondateurs issus de stratégies éditoriales, politiques et religieuses du XVIe siècle, diffusés et consolidés par l’intermédiaire d’instruments, tels que l’iconographie et la littérature »[2]. Cette année-là, l’Exposition universelle de Séville, point de départ du premier voyage de Christophe Colomb, rend aussi hommage à ces découvertes.
Un monde encore peu connu
Au début du XVe siècle, les Européens ont une très bonne idée de l'Europe et du bassin Méditerranéen, et quelques notions du reste de l'Afrique et de l'Asie, mais ces dernières restent confuses. Ils savent que la Terre est ronde mais ne connaissent pas bien ses dimensions[3]. À la fin du XVIe siècle, les Européens ont découvert la côte est de l'Amérique du Nord, l'Amérique centrale, les littoraux de l'Amérique du Sud et de l'Afrique, ainsi qu'une grande partie de l'Asie (Sibérie, Inde).
À la fin du siècle, il reste encore beaucoup de territoires inconnus des Européens, comme l'Australie ou le centre de l'Afrique (et sans parler des régions polaires), mais les Européens ont une connaissance beaucoup plus précise des masses continentales, comme en témoignent les cartes de l'époque[4].
De nombreuses avancées techniques diffusées à la fin du Moyen Âge, comme la caravelle ou l'astrolabe ont permis aux Européens une navigation plus sûre et grandement améliorée. La volonté de répandre la foi chrétienne et de découvrir de nouvelles voies maritimes et commerciales vers l'Asie a aussi joué en faveur des grandes découvertes.
Les connaissances européennes sur l'Asie au-delà des limites de l'Empire byzantin reposent sur des documents vagues, souvent obscurcis par des légendes et remontent parfois à l'époque des conquêtes d'Alexandre le Grand. Une autre source provient des Radhanites, marchands juifs qui établissent des routes commerciales entre l'Europe et le monde musulman à l'époque des Croisades. En 1154, le géographe arabe Al Idrissi réalise une carte, Tabula Rogeriana, rassemblant toutes les connaissances de son époque pour le compte du roi Roger II de Sicile[5],[6].
Voyages médiévaux
Une série d'expéditions terrestres européennes à travers l'Eurasie à la fin du Moyen Âge constitue le prélude aux grandes découvertes[7]. Les Mongols, après avoir envahi une grande partie de l'Asie et menacé l'Europe, unifient une bonne partie de l'Eurasie et la Pax Mongolica garantit l'existence de routes de commerce sûres entre le Moyen-Orient et la Chine[8],[9]. Plusieurs Européens en profitent pour explorer l'Orient: La plupart sont Italiens car le commerce entre l'Europe et le Moyen-Orient est contrôlé par les républiques maritimes comme Venise.
Des ambassadeurs chrétiens sont envoyés jusqu'à Karakorum dans l'actuelle Mongolie. Parmi eux, on peut citer Jean de Plan Carpin, envoyé par le pape Innocent IV à la cour du Grand Khan de 1241 à 1247[8]. Au même moment, Iaroslav II Vladimirski et ses fils André II Vladimirski et Alexandre Nevski se rendent à Karakorum mais ne laissent aucun récit détaillé. D'autres voyageurs dont André de Longjumeau (en 1245 et 1249) et Guillaume de Rubrouck (en 1253-1254) traversent l'Asie centrale et vont jusqu'en Mongolie[10]. Puis le célèbre Vénitien relate dans le Livre de Marco Polo (1298) sa description de l'empire sino-mongol de Kubilai Khan, pour lequel il a travaillé entre 1274 et 1291 en tant que « messager »[11].
En 1291, les deux frères marchands Vandino et Ugolino Vivaldi partent de Gênes avec deux galères pour explorer l'Atlantique mais disparaissent le long de la côte marocaine, ce qui alimente les craintes sur la navigation dans l'Atlantique[12]. De 1325 à 1354, un érudit marocain Ibn Battûta réalise un impressionnant voyage qui l’amène de Tombouctou au sud à Bulghar (en actuelle Russie, sur la Volga) au nord et de Tanger à l’ouest à Quanzhou en Extrême-Orient. Ses récits sont compilés par Ibn Juzayy en un livre appelé Rihla (voyage). À partir de 1357, un livre retraçant les voyages supposés de Jean de Mandeville, le Livre des merveilles du monde, connaît un important succès malgré ses descriptions souvent fantastiques et douteuses.
En 1400, une traduction latine de la Géographie de Ptolémée atteint l'Italie depuis Constantinople. La redécouverte des connaissances antiques permet aux cartographes de l'époque d'améliorer leur compréhension du monde. En 1439, Nicolò de' Conti publie un récit de ses voyages en Asie du Sud-Est et Athanase Nikitine fait de même pour l'Inde en 1472.
Ces périples terrestres ont peu d'effets immédiats. L'Empire mongol s'effondre presque aussi vite qu'il était apparu et la route vers l'est devient beaucoup plus dangereuse. La peste noire du XIVe siècle ralentit le commerce terrestre tout comme la montée en puissance de l'Empire ottoman et force les Européens à chercher de nouvelles routes commerciales.
Expéditions chinoises
En 1368, après le renversement de la dynastie Yuan, les Mongols perdent la plupart de la Chine au profit de la dynastie Ming. Les Chinois établissent des relations commerciales maritimes jusqu'en Arabie depuis la dynastie Tang (618-907). Entre 1405 et 1421, le troisième empereur Ming Yongle encourage une série de voyages lointains dans l'océan Indien sous le commandement de l'amiral Zheng He[13]. À la différence des futurs voyages européens, ces expéditions ont un caractère essentiellement diplomatique.
Une large flotte de jonques est préparée pour ces voyages dont certaines mesurent plus de 60 mètres de longueur et des milliers de marins sont embarqués. Au moins sept expéditions sont lancées à partir de 1405, chacune étant plus ambitieuse que la précédente. Les flottes visitent l'Arabie, l'Afrique orientale, l'Inde, l'Insulinde et le Siam[14]. Zheng He offre des présents en or, en argent, en porcelaine et en soie et reçoit en échange des animaux exotiques comme des girafes, des autruches ou de l'ivoire[15],[16]. Cependant, la mort de l'empereur en 1433 entraîne l'arrêt brutal de ces expéditions très coûteuses pour le pouvoir. La Chine entre dans une période d'isolationnisme connue sous le nom d'haijin.
Du XIIIe au XVe siècle, les républiques maritimes italiennes possèdent le monopole du commerce entre l'Europe et le Moyen-Orient. Le commerce de la soie, des épices et de l'encens rend ces cités extraordinairement prospères et riches. Les épices sont parmi les produits les plus rares et les plus chers du Moyen Âge et se trouvent utilisés pour la médecine médiévale. Les épices — importées d'Asie et d'Afrique — sont à ce point importantes dans le concept médiéval de la théorie des humeurs que peu après la mise en place de routes de commerce maritimes, des apothicaires et des médecins comme Tomé Pires[17] ou Garcia de Orta envoyés en Inde pour étudier les espèces d'épices, rapportent leurs découvertes dans le Suma oriental[18] et dans les Colóquios dos simples e drogas da Índia. D'autres débouchés sont les rituels religieux, la cosmétique, la parfumerie et comme additif ou conservateur alimentaire[19].
Les marins musulmans basés au Yémen et à Oman qui dominent les routes maritimes dans tout l'océan Indien, achètent les épices en Asie du Sud-Est et les transfèrent dans les riches villes marchandes de l'Inde comme Kozhikode (Calicut) puis jusque dans le golfe Persique et la mer Rouge. À partir de là, les épices sont transportées par terre jusqu'aux côtes méditerranéennes. Les marchands, principalement vénitiens, redistribuent ensuite ces produits dans toute l'Europe. Cependant, la montée en puissance de l'Empire ottoman et la chute de Constantinople en 1453 induisent une forte hausse des taxes qui prive les Européens d'importantes routes commerciales.
Les Européens sont donc contraints de trouver de nouvelles voies d'approvisionnement. D'autant plus qu'ils souffrent d'un déficit grandissant en or et en argent[20] car les pièces utilisées pour acheter les épices et la soie affluent hors du continent pour l'Orient. La plupart des mines européennes s'épuisent ou deviennent inexploitables, compte tenu de la technologie disponible. Le manque de métaux précieux mène à la création d'un complexe système bancaire destiné à gérer les risques du commerce : la première banque véritable, l'Office de Saint Georges est fondée en 1407 à Gênes.
Pour leurs premières expéditions, les Européens utilisent la boussole. Cependant, les progrès de la cartographie et de l'astronomie entraînent l'apparition de l'astrolabe, du quadrant plus précis, et de la navigation astronomique. Les navigateurs restent à proximité des côtes et pratiquent le cabotage, guidés par des portulans, cartes qui indiquent les routes les plus sûres et les dangers de la navigation. Ainsi, les marins partent d'un point connu et se dirigent avec leur boussole, en s'aidant des indications des portulans pour trouver leur route[21]. On doit ainsi aux Portugais, à la charnière des XVe et XVIe siècles, la mise au point du premier système de navigation universelle avec l'utilisation maritime des portulans et de la détermination de la latitude par la hauteur de l'étoile polaire et du soleil méridien[22].
Débuts de l'exploration portugaise (1400-1460)
En 1297, après la fin de la Reconquista portugaise, le roi Denis Ier de Portugal s'intéresse personnellement au commerce et signe en 1317 un accord avec le marchand génois Manuel Pessanha, faisant de lui le premier amiral de la marine portugaise avec pour mission de défendre le pays contre les pirates musulmans[23]. L'épidémie de peste noire entraîne une sévère perte de population dans la seconde moitié du XIVe siècle et la plus grande partie de la population se tourne vers la mer pour pêcher et commercer le long des côtes[24]. Entre 1325 et 1357, le roi Alphonse IV de Portugal encourage le commerce maritime et lance les premières expéditions[25]. Les îles Canaries, connues depuis l'Antiquité, sont revendiquées à la fois par le Portugal et la Castille[26],[27]. En 1415, le Portugal s'empare de la ville de Ceuta dans le but de contrôler la navigation sur les côtes africaines. Le jeune prince Henri participe à l'attaque et réalise la richesse apportée par le commerce transsaharien. Depuis des siècles, les routes commerciales arabes lient la côte méditerranéenne à l'Afrique de l'Ouest à travers le Sahara. Les Africains fournissent des esclaves et de l'or en échange de sel et de produits manufacturés.
Henri veut savoir jusqu'où s'étend la domination musulmane en Afrique pour pouvoir commercer par mer directement avec l'Afrique de l'Ouest[28], il cherche également à trouver le légendaire royaume chrétien du prêtre Jean pour pouvoir prendre les musulmans à revers[29] et une route maritime vers les Indes orientales pour participer au très profitable commerce des épices. Il crée un groupe de marchands, d'armateurs, de cartographes et d'investisseurs dans la forteresse de Sagres dans le but d'organiser des expéditions le long des côtes africaines jusqu'en Mauritanie. Il reçoit ainsi son surnom d'Henri le Navigateur. Madère est ainsi atteinte en 1419 et les Açores en 1427. Les portugais en prennent possession et les colonisent très rapidement.
À cette époque, les cartes européennes s'arrêtent au cap Chaunar sur la côte africaine et personne ne sait s'il est possible de revenir de la mer des Ténèbres qui se trouve au-delà[30]. Malgré les mythes avertissant de la présence de monstres marins, le cap est franchi en 1421 et en 1434, Gil Eanes dépasse le dangereux cap Bojador mettant fin aux vieilles légendes.
L'introduction de la caravelle au milieu du XVe siècle représente une avancée majeure : elle est capable de remonter le vent mieux que n'importe quel autre navire de l'époque[31]. Issues des bateaux de pêche, elles sont les premiers navires à pouvoir naviguer en haute mer à distance des récifs côtiers. La diffusion des éphémérides permet la navigation astronomique et l'orientation en pleine mer sans repère terrestre. Ces tables révolutionnent la navigation en permettant de calculer la latitude. Le calcul de la longitude demeure cependant aléatoire[32],[33]. Ainsi, l'exploration peut continuer progressant d'environ un degré par an[34]. L'actuel Sénégal et la presqu'île du Cap-Vert sont atteints en 1444 par Dinis Dias. Un an plus tard António Fernandes avance jusqu'à l'actuelle Sierra Leone.
La prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 représente un choc pour la chrétienté et ralentit fortement le commerce avec l'Orient. En 1455, le pape Nicolas V rédige la bulle Romanus pontifex, qui renforce la précédente Dum Diversas de 1452, qui accordait toutes les terres découvertes au-delà du cap Bojador au roi Alphonse V de Portugal et à ses successeurs et autorisait l'asservissement des païens de ces régions[35]. Le roi commande alors une carte à des experts génois pour trouver une route vers l'Asie. Ceux-ci livrent la carte de Fra Mauro, probablement inspirée de la carte Kangnido d'origine chinoise, à Lisbonne en 1459[36].
En 1456, Diogo Gomes atteint l'archipel du Cap-Vert. Dans la décennie qui suit, les capitaines vénitien Alvise Cadamosto et génois Antonio de Noli au service du roi Henri fondent la ville de Cidade Velha, première ville européenne sous les tropiques.
L'exploration portugaise après le prince Henri
Le prince Henri meurt en . Les faibles revenus issus des explorations font que le marchand Fernão Gomes reçoit en 1469 le monopole du commerce dans le golfe de Guinée, en échange de quoi il est tenu d'explorer 100 miles par an durant cinq ans[37]. Avec son soutien, les navigateurs João de Santarém, Pedro Escobar, Lopo Gonçalves, Fernando Pó et Pedro de Sintra vont plus loin que ce qui avait été convenu. Ils atteignent l'hémisphère Sud et les îles du golfe de Guinée, dont Sao Tomé-et-Principe, et explorent la côte de l'actuel Ghana en 1471. Dans l'hémisphère sud, les marins découvrent la Croix du Sud comme point de référence pour la navigation astronomique.
En 1481, le nouveau roi Jean II de Portugal décide d'implanter le comptoir d'Elmina au Ghana pour exploiter les alluvions chargées d'or. En 1482, le fleuve Congo est exploré par Diogo Cão[38] qui en 1486 atteint le Cape Cross dans l'actuelle Namibie.
L'avancée suivante est capitale. En 1488, Bartolomeu Dias franchit la pointe sud de l'Afrique qu'il nomme le « cap des Tempêtes » (Cabo das Tormentas) et continue jusqu'à l'actuel Port Elizabeth, prouvant que l'océan Indien est accessible par l'Atlantique. Simultanément Pêro da Covilhã est envoyé secrètement par terre jusqu'en Éthiopie, où il acquiert des informations sur la mer Rouge et la côte orientale de l'Afrique laissant supposer que la route des Indes est ouverte[39]. Le Cap des tempêtes est rapidement renommé « cap de Bonne-Espérance » (Cabo da Boa Esperança) par le roi Jean II à cause de l'espoir suscité par la possibilité d'une route vers l'Inde.
Les « Indes occidentales » de Colomb
Le voisin et rival du Portugal, la Castille avait commencé à s'implanter dans les îles Canaries au large de la côte africaine en 1402 mais avait été détourné par des problèmes internes et la poursuite de la guerre avec les musulmans durant la plus grande partie du XVe siècle. L'achèvement de la Reconquista et l'union des royaumes de Castille et d'Aragon à la fin du XVe siècle permettent à l'Espagne de se consacrer à la recherche de nouvelles voies maritimes. La Couronne d'Aragon est un important potentat maritime en Méditerranée contrôlant des territoires dans l'Est de l'Espagne, le Sud de la France, la Sardaigne, la Sicile, Malte et le Royaume de Naples et des possessions jusqu'en Grèce. En 1492, les monarques catholiques, Isabelle Ire de Castille et Ferdinand II d'Aragon envahissent le Royaume Maure de Grenade et décident de financer l'expédition de Christophe Colomb dans l'espoir de contourner le monopole portugais sur les routes maritimes le long de l'Afrique en atteignant les « Indes » (Est et Sud de l'Asie) par l'Ouest[40]. Par deux fois, en 1485 et 1488, le projet de Colomb avait été refusé par le Portugal.
Le , Christophe Colomb quitte Palos de la Frontera avec trois navires, une caraque, la Santa Maria et deux caravelles, La Pinta et La Niña. Colomb fait d'abord escale aux Canaries où il se réapprovisionne et avance dans l'Atlantique dans ce qui sera nommé la mer des Sargasses.
L'expédition atteint les Bahamas le et Colomb pense avoir atteint les Indes occidentales. Il explore ensuite la côte nord de Cuba et celle d'Hispaniola. Il est reçu par le cacique Guacanagari qui lui donne la permission de laisser quelques hommes derrière lui. Il fonde La Navidad dans l'actuel Haïti et y laisse 39 hommes[41]. Avant de repartir, il enlève une vingtaine d'autochtones dont seuls sept ou huit arrivèrent vivants en Espagne où ils firent forte impression à la cour du roi[42]. Il arrive à son port d'attache le et la nouvelle de la découverte de nouvelles terres à l'ouest se répand rapidement en Europe[43].
Colomb et les autres explorateurs espagnols sont initialement déçus par leurs découvertes. À la différence de l'Asie et de l'Afrique, les habitants des Caraïbes ont peu de choses à échanger avec les navires espagnols. Il faudra attendre l'exploration du continent pour que les richesses attendues ne soient découvertes.
Traité de Tordesillas (1494)
Après la découverte des « Indes occidentales », une répartition des zones d'influences devient nécessaire pour éviter un conflit entre l'Espagne et le Portugal[44]. Deux mois après le retour de Colomb, le pape Alexandre VI publie la bulle Inter caetera statuant que toutes les terres situées à l'ouest d'une ligne passant à 100 lieues des Açores appartenaient à l'Espagne. Il n'est cependant pas dit si les terres à l'est reviennent au Portugal. Le roi Jean II de Portugal n'est pas satisfait d'autant qu'une autre bulle donne à l'Espagne la souveraineté sur l'Inde même si celle-ci se trouve à l'est de ce méridien. Il négocie donc directement avec les monarques espagnols[45]. Un accord est trouvé en 1494 avec le traité de Tordesillas qui « divise » le monde entre les deux puissances. Dans ce traité, les Portugais reçoivent toutes les terres se trouvant à l'Est d'une ligne passant à 370 lieues des îles du Cap-Vert et les Espagnols toutes les terres à l'Ouest. Les autres puissances maritimes européennes (France, Angleterre, Pays-Bas…) se voient refuser tout droit sur ces nouvelles terres et ne peuvent dans un premier temps que recourir à la piraterie et à la contrebande pour profiter des richesses du Nouveau Monde.
Un Nouveau Monde : l'Amérique
Très peu de choses étaient connues sur les territoires à l'ouest du méridien de Tordesillas. Peu après le premier voyage de Christophe Colomb, un grand nombre d'explorateurs se lancent à la découverte de ces nouvelles terres. Jean Cabot, un marin italien soutenu par le roi Henri VII d'Angleterre quitte Bristol en 1497. Probablement financé par la Society of Merchant Venturers, Cabot traverse l'Atlantique par le Nord dans l'espoir de trouver une route plus rapide vers les « Indes occidentales »[46] et arrive quelque part en Amérique du Nord, probablement à Terre-Neuve.
En 1499, João Fernandes Lavrador et Pêro de Barcelos, financés par le roi du Portugal, découvrent le Labrador. Au même moment, les frères Gaspar et Miguel Corte-Real explorent les côtes du Groenland et de Terre-Neuve[47]. Les deux explorations sont mentionnées sur le planisphère de Cantino de 1502.
Les « Vraies Indes » et le Brésil
En 1497, le nouveau roi Manuel Ier de Portugal envoie une flotte d'exploration vers l'Est menée par Vasco de Gama pour achever le projet de ses prédécesseurs de trouver une route vers l'Inde. En , ce dernier revient à Lisbonne avec un important chargement d'épices et la nouvelle selon laquelle les Portugais ont atteint l'Inde se répand rapidement en Europe[48]. Alors que Colomb organise deux nouveaux voyages vers l'Amérique centrale, une seconde expédition portugaise est assemblée pour partir en Inde. La flotte de treize navires et 1 500 hommes quitte Lisbonne le . Le commandant est Pedro Álvares Cabral et il est accompagné par les marins Bartolomeu Dias, Nicolau Coelho et le notaire Pero Vaz de Caminha. Pour éviter les eaux sans vent du golfe de Guinée, la flotte s'oriente vers le sud-ouest. Le , une montagne apparaît à l'horizon et est nommée Monte Pascoal ; le , la flotte accoste sur la côte du Brésil et trois jours plus tard, elle jette l'ancre dans une baie nommée Porto Seguro. Cabral soupçonne que cette nouvelle terre se trouve à l'est du méridien de Tordesillas et renvoie un navire vers le Portugal avec l'importante nouvelle. Pensant avoir découvert une île, Cabral nomme cette terre Ilha de Vera Cruz (île de la Vraie Croix). Certains historiens soutiennent que les Portugais connaissaient l'existence du saillant sud-américain auparavant d'où l'insistance du roi Jean II pour déplacer le méridien de Tordesillas vers l'Ouest[49].
À l'invitation du roi Manuel Ier de Portugal, Amerigo Vespucci[50], Florentin travaillant à Séville pour la banque des Médicis, organise deux expéditions vers la Guyane avec Juan de la Cosa[51]. Voyages rendus célèbres par la publication entre 1502 et 1504 de trois lettres qui lui sont attribuées. Pour les Européens, il devient de plus en plus clair que Colomb n'a pas atteint l'Asie mais plutôt un Nouveau Monde, l'Amérique ainsi nommée en 1507, à Saint-Dié-des-Vosges, par les cartographes lorrains Martin Waldseemüller et Mathias Ringmann. Probablement en référence à Amerigo Vespucci premier Européen à avoir suggéré que ces terres ne sont pas l'Asie mais bien un « Nouveau Monde »[52]. Le Mundus novus, titre latin d'un document basé sur les lettres de Vespucci à Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis connait un grand succès en Europe[53].
La route de l'Inde
Protégées de la compétition directe avec l'Espagne grâce au traité de Tordesillas, les expéditions portugaises vers l'Est avancent rapidement. Par deux fois, en 1485 et 1488, le Portugal refuse officiellement l'idée de Christophe Colomb de rallier les Indes en naviguant vers l'Ouest. Les experts du roi Jean II de Portugal pensent en effet que les estimations de distance fournies par Colomb (3 800 km) sont sous-évaluées[54]. De plus, Bartolomeu Dias — parti en 1487 avec l'objectif de dépasser la pointe Sud de l'Afrique — et les experts pensent que voyager vers l'Est serait bien plus court. Le franchissement du cap de Bonne-Espérance en 1488 et le voyage de Pêro da Covilhã en Éthiopie par la terre indiquent que les richesses de l'océan Indien sont accessibles depuis l'Atlantique.
Sous l'impulsion du nouveau roi Manuel Ier de Portugal, une petite flotte d'exploration composée de quatre navires et de 170 hommes quitte le port de Lisbonne en juillet 1497 sous le commandement de Vasco de Gama. En décembre, la flottille dépasse le point où Dias avait fait demi-tour et entre dans des eaux inconnues. Le , ils arrivent à Calicut. Cependant Gama est handicapé par le manque de marchandises précieuses lui permettant d'acheter les produits rares qu'il convoite. Deux ans après leur départ, Gama et 55 hommes reviennent victorieusement au Portugal comme les premiers marins à avoir navigué directement d'Europe en Inde.
En 1500, une seconde flotte bien plus imposante de treize navires et 1 500 hommes est envoyée en Inde. Sous le commandement de Pedro Álvares Cabral, elle découvre la côte brésilienne puis dans l'océan Indien, un des navires atteint Madagascar (1501) qui sera partiellement explorée par Tristan da Cunha en 1507. L'île Maurice est découverte en 1507 et Socotra est occupée en 1506. La même année, Lourenço de Almeida débarque au Sri Lanka, l'île nommée « Taprobane » par les Grecs et les Romains. Les premiers comptoirs sont établis à Kochi et à Calicut en 1501 puis à Goa en 1510.
Les « îles aux épices » et la Chine
En 1511, Afonso de Albuquerque conquiert Malacca alors pivot du commerce en Asie et lance plusieurs missions diplomatiques à l'est : Duarte Fernandes est ainsi le premier Européen à être reçu à la cour du Royaume du Siam. Il découvre l'emplacement des fameuses « îles aux épices », les Moluques, alors seule zone de production de la muscade et du clou de girofle et y envoie une expédition menée par Antonio de Abreu où ils sont les premiers Européens en 1512[55]. Les Portugais installent un comptoir fortifié sur l'île de Ternate, le fort de São João Baptista de Ternate marquant ainsi leur présence en Insulinde.
En , Jorge Álvares atteint la Chine : il est le premier à accoster dans le delta de la Rivière des Perles. Rafael Perestrelo, un cousin du célèbre Christophe Colomb est le premier à explorer la côte sud de la Chine et à commercer à Guangzhou[56],[57]. Fernão Pires de Andrade visite la ville en 1517 et y établit un comptoir commercial. En 1557, les Portugais reçoivent l'autorisation d'occuper Macao.
Pour renforcer le monopole sur le commerce dans l'océan Indien, Ormuz dans le golfe Persique est envahi par Afonso de Albuquerque en 1507 qui établit des relations diplomatiques avec la Perse. En 1513, en tentant de conquérir Aden, une expédition franchit le détroit de Bab-el-Mandeb et pénètre en mer Rouge. En 1521, une force menée par António Correia envahit Bahreïn annonçant une domination portugaise de 80 ans sur le golfe Persique[58]. En mer Rouge, Massaoua est le point le plus septentrional atteint par les Portugais jusqu'en 1541, lorsqu'une flotte atteint Suez.
En 1513, à environ 70 km au sud d'Acandí, dans l'actuelle Colombie, l'Espagnol Vasco Núñez de Balboa est informé des nouvelles inattendues qui évoquent une « autre mer » riche en or. Ce qu'il note avec grand intérêt[59]. Avec peu de ressources et utilisant les informations données par les caciques, il traverse l'isthme de Panama avec 190 soldats, quelques guides locaux et une poignée de chiens. Utilisant un petit brigantin et une dizaine de canoës, ils longent la côte et accostent à l'embouchure du Río Chuchunaque. Le , l'expédition est renforcée par 1 000 hommes qui doivent lutter contre les Indiens Kuna avant d'atteindre les montagnes d'où l'on peut voir l'« autre mer ». Première vision d'un Européen de l'océan Pacifique depuis le Nouveau Monde. L'expédition descend ensuite la chaîne de montagnes et navigue jusqu'à la baie de San Miguel. L'objectif principal de Balboa est la recherche d'or mais il découvre un groupe d'îles qu'il nomme l'archipel des Perles, nom qu'il porte encore. En 1516, Juan Díaz de Solís navigue jusqu'au Río de la Plata, dans l'actuelle Argentine, et meurt en tentant de trouver un passage vers le Pacifique par le sud.
Dans le même temps, les Portugais présents en Asie du Sud-Est font les premières descriptions du Pacifique occidental en dépassant Bornéo et en atteignant Luçon dans les Philippines actuelles[60].
Première circumnavigation
Depuis 1516, de nombreux Portugais opposés au roi Manuel Ier de Portugal se rassemblent à Séville et entrent au service du roi nouvellement couronné Charles Ier d'Espagne (Charles Quint). Parmi eux se trouvent les explorateurs Diogo and Duarte Barbosa, Estevão Gomes, João Serrão et Fernand de Magellan, les cartographes Jorge Reinel et Diego Ribero et le marchand flamand Christopher de Haro. Fernand de Magellan qui avait navigué en Inde pour le compte du Portugal jusqu'en 1513 lorsque les Moluques sont découvertes et qui garde le contact avec Francisco Serrão qui y vivait[66],[67], développe l'idée que ces îles se trouvent dans l'hémisphère dévolu à l'Espagne selon le traité de Tordesillas. Conscient des efforts espagnols pour trouver une route vers l'Inde en passant par l'est, Magellan leur présente un plan pour y arriver.
Afin de convaincre le souverain espagnol de soutenir l’expédition, Magellan lui fait remettre, en septembre 1519[68], un mémoire (Lembrança geográfica) dont l’interprétation géographique, par José Manuel Garcia (historien)[69], conteste l’idée reçue selon laquelle Magellan ignorait tout de l’immensité de l’océan Pacifique[70], aboutissant ainsi aux mêmes conclusions que les travaux de Xavier de Castro (nom de plume de Michel Chandeigne[71]), Jocelyn Hamon et Luís Filipe Thomaz sur la question[72],[73],[74].
Cette interprétation des différents calculs présentés par Magellan dans ce mémoire géographique laissent effectivement présager un très vaste océan entre le sud du continent américain et l’objectif premier de cette expédition maritime : l’archipel des Moluques (en Indonésie actuelle), ces légendaires « îles aux épices », alors productrices exclusives du clou de girofle[75],[76],[77],[78],[79].
Magellan place ainsi les Moluques à environ 4° à l’est du domaine espagnol délimité par la démarcation extrême-orientale – hypothétique – du méridien né du traité de Tordesillas (1494), alors que cet archipel se situe, en réalité, à 5° à l’ouest (et donc dans le domaine portugais) : une erreur d’autant plus faible qu’il était alors impossible de mesurer avec exactitude les longitudes, et que l’emplacement de l’archipel moluquois ne put être mesuré précisément que deux ou trois siècles plus tard[80].
Autre argument venant étayer cette interprétation, les conceptions géographiques évoquées dans le Lembrança geográfica de Magellan se retrouvent sur une carte maritime anonyme de 1519, document attribué au cartographe portugais Jorge Reinel qui, avec son père Pedro Reinel également cartographe, avait rejoint Magellan à Séville[81],[82].
Dès lors, il ne peut être exclu que cette carte était identique aux deux planisphères saisis par les Portugais sur la Trinidad (nef amirale de la flotte) le 28 octobre 1522[83],[84], ou encore semblable au globe peint que, selon le chroniqueur espagnol Bartolomé de las Casas, Magellan et le cosmographe Rui Faleiro auraient présenté au jeune Charles Ier des Espagnes (futur Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique), fin février ou début mars 1518 à Valladolid[85],[86],[87], entrevue royale couronnée de succès puisque le souverain espagnol décida d’avaliser le projet d’expédition vers les Moluques[88].
Le roi d'Espagne et Christopher de Haro financent donc l'expédition de Magellan. Celle-ci est composée de cinq navires : le navire amiral et caravelle Trinidad et quatre caraques le San Antonio, la Concepcion, le Santiago et la Victoria ainsi que de 237 hommes de différentes nationalités. La flotte quitte Séville le avec l'objectif de rallier les Moluques en naviguant vers l'ouest pour les incorporer dans la zone d'influence espagnole[89].
La flotte navigue toujours plus vers le sud en évitant les territoires portugais du Brésil et touche la première la Terre de Feu à l'extrémité sud des Amériques. Le , partant du cap des Vierges elle entame un périlleux voyage à travers les 600 km du détroit que Magellan nomme « détroit de tous les saints », le moderne détroit de Magellan. Le , trois navires entrent dans le Pacifique, ainsi nommé à cause de son apparente tranquillité[90]. L'expédition parvient à traverser le Pacifique, en ne croisant que les îles Infortunées, deux atolls inhabités et atteint les Philippines en . Magellan est tué lors de la bataille de Mactan et c'est son second Juan Sebastián Elcano qui prend le commandement de l'expédition qui atteint les Moluques en . Le , la Victoria est le premier navire (et seul rescapé) à réaliser la circumnavigation du monde avec seulement 18 hommes d'équipage. 17 autres arriveront plus tard, 13 capturés par les Portugais au Cap-Vert quelques semaines plus tôt et 5 survivants du Trinidad qui avaient été faits prisonniers par les Portugais en Indonésie. Antonio Pigafetta, un érudit vénitien et assistant de Magellan tint un journal de bord qui reste la source principale d'information sur le voyage.
Cette circumnavigation apporte à l'Espagne une connaissance précieuse du monde et de ses océans qui conduit à son installation aux Philippines. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une alternative réaliste à la route portugaise autour de l'Afrique[91] (le détroit de Magellan est trop éloigné et la traversée du Pacifique est trop longue depuis l'Espagne), plusieurs expéditions espagnoles utilisent cette voie pour naviguer depuis la côte mexicaine jusqu'aux Philippines. La seconde circumnavigation, par l'Anglais Francis Drake, n'aura lieu qu'entre 1577 et 1580.
L'Est et l'Ouest se rencontrent
Peu après l'expédition de Magellan, les Portugais se dépêchent d'agrandir leur fort sur l'île de Ternate[92]. En 1525, Charles Ier d'Espagne envoie une nouvelle expédition pour coloniser les Moluques qu'il revendique comme faisant partie de la zone dévolue à l'Espagne selon le traité de Tordesillas. La flotte de sept navires et 450 hommes est menée par García Jofre de Loaísa et compte parmi les plus brillants navigateurs espagnols dont Loaísa et Juan Sebastián Elcano qui meurent de maladie et le jeune Andrés de Urdaneta. Près du détroit de Magellan, un des navires est poussé par une tempête au-delà du 56e parallèle sud et le cap Horn est franchi pour la première fois. L'expédition atteint les Moluques avec de grandes difficultés et accoste à Tidore[92]. Le conflit avec les Portugais établis sur l'île voisine devient inévitable et une décennie d'escarmouches commence[93],[94].
Comme aucun accord ne prévoyait de limite orientale à la séparation de Tordesillas, les deux royaumes se concertent pour régler le problème. De 1524 à 1529, les experts Portugais et Espagnols se rassemblent à Elvas-Bajadoz sur la frontière entre les deux pays pour déterminer la position exacte de l'antiméridien prolongeant celui de Tordesillas qui divise le monde en deux hémisphères de taille égale. Malgré le talent des scientifiques, les connaissances de l'époque sont insuffisantes pour donner une estimation exacte de la longitude et chaque groupe revendique la souveraineté des îles. Le problème est finalement réglé en 1529 après une longue négociation par le traité de Saragosse qui attribue les Moluques au Portugal et les Philippines à l'Espagne[95]. Des calculs ultérieurs montreront que les deux archipels se trouvent en fait en territoire portugais.
Entre 1525 et 1528, le Portugal envoie plusieurs expéditions dans les Moluques. Gomes de Sequeira (pt) et Diogo da Rocha sont envoyés au nord par le gouverneur de Ternate, Jorge de Meneses et sont les premiers Européens à atteindre les Îles Carolines qu'ils nomment « îles de Sequeira »[96]. En 1526, Meneses accoste sur l'île de Waigeo en Nouvelle-Guinée. À partir de là, des historiens menés par l'Australien Kenneth McIntyre proposent une théorie selon laquelle les Portugais et en particulier Cristóvão de Mendonça seraient les premiers Européens à avoir atteint l'Australie.
En 1527, l'Espagnol Hernán Cortés organise une flotte pour découvrir de nouvelles terres dans la « mer du Sud » (l'océan Pacifique) et demande à son cousin Álvaro de Saavedra de la commander. Le , Saavedra quitte la Nouvelle-Espagne (Mexique) et arrive en Nouvelle-Guinée. Un des navires atteint les Moluques en . Dans une tentative pour rejoindre la Nouvelle-Espagne, il est repoussé par les alizés venant du Nord-Est. Dans une nouvelle tentative, il découvre les îles de l'Amirauté et les îles Marshall mais ne parvient toujours pas à aller contre les alizés. La route entre les Philippines et le Mexique fut finalement découverte en 1565 par Andrés de Urdaneta[97].