Guerre d'Espagne
guerre civile du XXe siècle en Espagne / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La guerre d'Espagne (également désignée sous le nom de guerre civile espagnole[N 1]) est un conflit qui, du au , opposa en Espagne, d'une part le camp des républicains, orienté à gauche et à l'extrême gauche, composé de loyalistes à l'égard du gouvernement légalement établi de la IIe République, de communistes, de marxistes et de révolutionnaires anarchistes, et d'autre part les nationalistes, les rebelles putschistes orientés à droite et à l'extrême droite et menés par le général Franco.
Date |
– (2 ans, 8 mois et 15 jours) |
---|---|
Lieu | Espagne |
Casus belli | Tentative de coup d'État militaire nationaliste. |
Issue |
Victoire nationaliste :
|
Camp républicain
Mexique |
Camp nationaliste
Volontaires étrangers
|
85 000 policiers et soldats (17 juillet 1936) 450 000 hommes (Fin 1936) 35 000 hommes[2] 3 000 hommes[3] 220 000 hommes (1939) |
75 000 policiers et soldats (17 juillet 1936) 450 000 hommes (Fin 1936)
70 000 hommes[4] 15 700 volontaires étrangers. 1 000 000 hommes (1939) |
110 000 morts[7] | 90 000 morts[7] |
Guerre d'Espagne
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Cette guerre se termina par la victoire des nationalistes qui établirent ensuite une dictature connue sous le nom d'« État espagnol » durant 36 ans, dirigé par Franco portant le titre de Caudillo, jusqu'à la transition démocratique qui n'intervint qu'à la suite de la mort de Franco le 20 novembre 1975.
Cette guerre civile fut la conséquence, sur le long terme, des malaises sociaux, économiques, culturels et politiques qui accablaient l'Espagne depuis plusieurs générations. La proclamation de la IIe République en 1931 ne diminue pas les tensions entre Espagnols ; ce régime, contesté sur sa droite et sur sa gauche, n'a pas le temps de s'installer et deux grandes peurs, celle d'une révolution bolchevique et celle du fascisme, ne feront que se développer. En 1934, la gauche se révolte en réaction à l'entrée au gouvernement de la Confédération espagnole des droites autonomes victorieuse des élections de 1933 ; la répression par la République de la révolution asturienne fait des milliers de morts. Le gouvernement issu de la victoire électorale du Frente Popular provoque une résurgence de troubles civils et de violences politiques au printemps 1936. L'assassinat de José Calvo Sotelo, chef d'un parti de droite, demandé par des membres du parti au pouvoir et même du gouvernement, est un point de bascule. Il provoque le ralliement des hésitants de droite à l'idée qu'un soulèvement est légitime ; notamment Franco lui-même se décide.
Préparé de longue date, le soulèvement militaire et civil du camp nationaliste éclata le , mais sa mise en échec partielle déboucha sur une guerre civile imprévue. Longue et meurtrière, elle dura jusqu'à fin mars 1939.
Entretemps chaque camp impose dans les territoires qu'il contrôle ses orientations politiques, écrasant son opposition par une violence meurtrière. En zone nationaliste, l'ordre traditionnel revient ; dans certains territoires sous contrôle républicain, une révolution sociale aboutit à la collectivisation des terres et des usines, et expérimenta différentes sortes d'organisation de type socialiste (soutenues notamment par des anarchistes de la CNT[8]).
Ce conflit, qui mobilisa les opinions et les États européens, peut apparaître comme une préparation de la Seconde Guerre mondiale. Il permit de jauger les rapports de force européens (attentisme des démocraties française et britannique, engagement de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie, tout comme de l'Union soviétique). Il eut un retentissement médiatique et culturel très important (et donna notamment lieu à des œuvres telles que L'Espoir d'André Malraux, Hommage à la Catalogne de George Orwell, Pour qui sonne le glas d'Ernest Hemingway ou encore Guernica de Pablo Picasso et la trilogie autobiographique d'Arturo Barea).
Proclamation de la Seconde République
En 1931, après la dictature de Primo de Rivera, la situation politique espagnole est catastrophique. L'ordre constitutionnel issu de la constitution de 1876 et la monarchie sont discrédités, la Grande Dépression n'arrange rien, et les tentatives du pouvoir (la « dictamolle » de Dámaso Berenguer) pour obtenir un compromis suffisamment accepté échouent. Les partisans d'une République se sont renforcés et ont signé l'accord de Saint-Sébastien en août 1930.
Dámaso Berenguer démissionne en février 1931, remplacé par Juan Bautista Aznar-Cabañas dont le premier acte est de fixer un calendrier pour les élections : les municipales le 12 avril 1931, et celle du parlement pour les 7 juin (chambre basse) et 14 juin (sénat)[9] qui auraient une valeur constituante, ouvrant la porte à la révision en profondeur de la structure de l’État et la réduction des prérogatives du roi. La préoccupation principale est alors d’obtenir des élections représentatives avec une participation significative, afin de conférer au futur régime quelque légitimité[10].
Mais la question de la forme politique de l'État que le gouvernement aurait voulu tranchée en juin est en fait sous-jacente dès les élections municipales. Et les élections apparaissent comme la défaite du régime monarchiste[11], spécialement à Madrid où, dès le lendemain, les socialistes et les républicains décrètent l'expulsion de la monarchie le 13 avril puis proclament la Seconde République espagnole le 14 avril 1931. Ils forment aussitôt un gouvernement provisoire, présidé par Niceto Alcalá Zamora. Les élections de juin sont maintenues, avec un caractère constituant réaffirmé, mais décalées au 28 du mois.
La proclamation de la République du 14 avril 1931, et l'instauration d'un nouveau gouvernement auto-proclamé, n'étaient évidemment pas conforme à la Constitution de 1876, alors théoriquement en vigueur, mais elle est conforme à l'état des forces politiques du moment et se passe en douceur. Quoi qu'il en soit, qu'on l'appelle coup d'État ou révolution, l'événement se retrouve validé a posteriori :
- Alphonse XIII, qui avait déjà envisagé l'exil, quitte l'Espagne pour Paris, reconnaissant ainsi la fin de la monarchie ;
- les élections générales espagnoles de 1931 voient la défaite définitive des monarchistes, quasiment balayés, et la victoire des partis au gouvernement provisoire, qui obtiennent neuf sièges sur dix.
L'assemblée qui sort de ces élections est dominée par la gauche. Elle adopte le 9 décembre 1931 la Constitución de la República española de la Seconde République. Cette constitution, inspirée de celle de la République de Weimar, déclare que « L’Espagne est une république de travailleurs de toutes sortes ». L'Espagne devient sans religion officielle pour la première fois de son histoire.
Débuts de la République (1931-1933)
Sous la présidence de Niceto Alcalá-Zamora, les deux premiers gouvernements, dirigés successivement par Manuel Azaña puis Alejandro Lerroux, bénéficient de la participation du PSOE, représenté par trois ministres : Indalecio Prieto (Finances), Francisco Largo Caballero (Travail), Fernando de los Ríos (Justice) ; ils mènent une politique de réformes sociales, notamment par une loi de réforme agraire, appliquée cependant de façon assez modérée ; le gouvernement Azaña y ajoute une politique de laïcisation et établit un statut d'autonomie pour la Catalogne (rétablissement de la Généralité).
Ils ont également le souci de l'ordre public (loi de défense de la République, octobre 1931 ; loi sur l'ordre public, juillet 1932) mais vont se heurter à la fois à la droite (tentative de putsch du général Sanjurjo en 1932, dite « Sanjurjada ») et aux actions de formations de gauche plus radicales[12]. Ainsi, des groupes anarchistes organisent une grève à Séville en juillet 1931, un soulèvement dans le district minier du Haut-Llobregat (Catalogne), durant lequel des militants anarcho-syndicalistes (dont Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso, qui seront déportés au Sahara) proclament le communisme libertaire, et les soulèvements de janvier 1933 dans le Levant, la Rioja et en Andalousie ; dans cette région, les militants insurgés à Casas Viejas (province de Cadix) subissent une répression féroce de la Garde civile. Les tensions entre syndicalistes et garde civile causent plusieurs morts à Castilblanco et Arnedo en janvier 1932.
Au cours de l'année 1933, le PSOE met fin à la collaboration avec les républicains, entraînant la chute du gouvernement Azaña ; Alejandro Lerroux, un radical, forme un gouvernement plus centriste.
Bienio negro (1934-1935)
Après les élections générales de novembre-décembre 1933, la CEDA (Confederación Española de Derechas Autónomas), devient le premier parti des Cortes par le nombre d'élus. Disposant de cette majorité relative, le chef de la CEDA, José María Gil Robles s'attend à être appelé pour former le nouveau gouvernement, mais le président de la République, Niceto Alcalá Zamora fait de nouveau appel à Lerroux pour diriger une coalition centriste. La gauche refuse en effet que la CEDA accède au gouvernement.
Le , la CNT déclenche une insurrection à Saragosse.
Au printemps 1934, inquiète de l'entrée prévisible de la CEDA au gouvernement, la direction du PSOE, assurée par Francisco Largo Caballero, suivie par le syndicat proche du parti socialiste, l'UGT, s'oriente vers une stratégie révolutionnaire de prise du pouvoir[N 2]. S'ils se présentent encore aux élections, ils travaillent davantage dans les luttes sociales, avec les anarchistes notamment. Le contexte historique est important pour comprendre cette attitude : en 1933, Hitler a pris le pouvoir légalement en Allemagne ; or un grand nombre de sympathisants de l'extrême-gauche croient que José Maria Gil Robles désire établir une dictature fasciste[réf. souhaitée]. Socialistes et anarchistes multiplient les appels à la grève générale.
Le , Lerroux fait entrer trois représentants de la CEDA dans le gouvernement. L'UGT lance un ordre de grève générale (mais pas la CNT). Des insurrections d'origine socialiste ont lieu à Madrid et en Catalogne, où le président de la Generalitat catalana, Lluis Companys, déclare que l'État catalan est désormais une composante de la République Fédérale Ibérique. Dans ces deux cas, la CNT refusant de suivre le mouvement, l'ordre est facilement rétabli (en Catalogne, Companys est arrêté et le statut d'autonomie suspendu). En revanche, des soviets sont organisés dans la seule région qui y était prête, celle, ouvrière, des Asturies où les socialistes ont obtenu leurs meilleurs résultats en 1933 et où la CNT locale s'associe au mouvement. Cette insurrection est parfois appelée la « Commune espagnole » ou la « révolution d'Octobre » puisqu'elle culmine en octobre 1934 lorsque les mineurs contrôlent un territoire de quelque 1 000 km2 autour d'Oviedo et au sud de cette ville. L'insurrection est matée dans le sang par les troupes d'Afrique commandées par Franco. La répression ordonnée par le gouvernement est terrible (1 000 morts, 20 000 arrestations). Les arrestations concernent même plusieurs dirigeants : Francisco Largo Caballero, Manuel Azaña et Lluis Companys parmi les plus importants. Le socialiste modéré Indalecio Prieto, pourtant opposé à la ligne de Largo Caballero, préfère s'exiler en France. Désormais, un fossé de sang sépare le mouvement ouvrier du pouvoir en place.
Bien que le centre-droit au pouvoir s'attache à revenir sur les réformes adoptées par la gauche entre 1931 et 1933, il ne rassure pas pleinement ses partisans. Les événements des Asturies ont accru l'angoisse de voir en Espagne une révolution s'apparentant à la révolution russe de 1917. La tentation de recours à un coup de force s'étend, entretenue par l'activisme des mouvements royalistes (Carlistes) ou nouveaux (la Phalange). Les deux Espagnes sont désormais hantées par deux grandes peurs : celle de la révolution bolchevique et celle du fascisme. La courte victoire d'un Front populaire groupant l'ensemble de la gauche aux élections législatives de février 1936 est à replacer dans ce contexte.
Au cours de l'année 1935, la participation de la CEDA au gouvernement est renforcée ; José María Gil Robles devient ministre de la Guerre et place à des postes importants certains généraux. En janvier 1936, il demande au Président de la République de lui confier la responsabilité d'un nouveau gouvernement, mais Niceto Alcalá Zamora préfère dissoudre les Cortes.
Élections et les débuts du Frente popular (1936)
Aux élections de février 1936, le Front national dominé par la CEDA remporte 33,2 % des suffrages et 191 sièges, auxquels on peut joindre ceux de 18 députés centristes, mais est devancé par le Front populaire qui avec 34,3 % des voix remporte 254 sièges aux Cortes. Les élections qui se déroulent dans un climat de violence (41 morts et 80 personnes grièvement blessées) sont marquées par des fraudes importantes[14],[15],[16]. À droite, on pense que cette coalition de gauche va tenter une révolution communiste ; à gauche, on considère que la droite avait comme souhait d'établir une dictature fasciste.
Quant à elles, la CNT et la FAI n'ont pas appelé à ne pas voter[17], c'est l'une des rares exceptions à leur principe d'abstention aux élections - les élections de 1931 furent l'unique fois auparavant. Dans la plupart des cas, lorsque les anarchistes votèrent, cela ne fut pas le fait d'un vote d'adhésion ou d'un « vote utile » mais plutôt d'un vote tactique. En effet, le Front populaire a promis la libération de tous les prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvent 15 000 militants anarchistes et syndicalistes, pour la majorité enfermés depuis l'arrivée de la CEDA au pouvoir en 1933.
Le Front populaire tente de reprendre l'action du gouvernement de 1931, mais le climat est difficile. D'un côté, une partie du peuple, subissant souvent des situations de grande pauvreté, met en œuvre, de sa propre initiative, les réformes sociales promises par les partis du Frente popular, mais qui tardent à venir. De l'autre, les notables, industriels ou paysans aisés, qui ont peu confiance dans le régime républicain ou dans le parlementarisme pour maintenir l'ordre, sont radicalement anticommunistes. Les crimes politiques se succèdent, commis par les milices ouvrières (nombreux massacres de prêtres) ou par les milices nationalistes et les représailles s'enchaînent. L'État ne maintient plus l'ordre.
Le groupe de généraux responsables du putsch était formé depuis 1933-1934, et la décision de passer à l'acte intervient en mars 1936. Le chef en est Sanjurjo, en exil au Portugal depuis son putsch raté de 1932 ; l'organisateur est Mola, secondé par Cabanillas, Fanjul, Goded et Queipo de Llano. Franco, mis dès le départ au courant du projet, hésite à s'engager. C'est l'assassinat par des membres des forces de sécurité républicaines d'un des chefs et député de la droite monarchiste, José Calvo Sotelo le , qui le décide à agir[18]. Non sans mal, les militaires obtiennent l'appui des milices carlistes et de la Phalange.