Henri Ier (roi d'Angleterre)
roi d'Angleterre de 1100 à 1135 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Henri Ier d'Angleterre (vers 1068 – ), dit Henri Beauclerc, est roi d'Angleterre de 1100 à sa mort et également duc de Normandie de 1106 à sa mort. Quatrième fils de Guillaume le Conquérant et de son épouse Mathilde de Flandre, il reçoit une éducation en latin et dans les arts libéraux pendant son enfance. À la mort de son père en 1087, ses frères aînés Robert Courteheuse et Guillaume le Roux héritent respectivement du duché de Normandie et du royaume d'Angleterre, tandis qu'il se retrouve lui-même sans terre et contraint de choisir entre ses frères rivaux. Henri obtient de Robert Courteheuse la cession du Cotentin, mais il en est finalement chassé en 1091, victime de la réconciliation de ce dernier avec Guillaume le Roux. Il parvient toutefois à reconstruire graduellement son pouvoir dans le Cotentin et à s'allier avec Guillaume contre Robert au cours des années suivantes.
Pour les articles homonymes, voir Henri Ier, Henri d'Angleterre et Beauclerc.
Présent à la mort accidentelle de Guillaume en 1100, Henri s'empare du trône d'Angleterre et promet de corriger plusieurs mesures impopulaires de son frère. Son avènement est néanmoins contesté par Robert Courteheuse, qui débarque en Angleterre en 1101 afin de faire valoir ses droits avant d'accepter de le reconnaître. La paix entre les deux frères est éphémère et Henri envahit la Normandie en 1105 et 1106, où il défait et capture Robert à la bataille de Tinchebray, qu'il gardera emprisonné pour le restant de sa vie. Le contrôle de la Normandie par Henri se révèle fragile et il est contesté par le roi des Francs Louis VI le Gros, Baudouin VII de Flandre et Foulques V d'Anjou, qui défendent les droits de Guillaume Cliton, le fils de Robert, et soutiennent une révolte majeure entre 1116 et 1119, finalement brisée lors de la bataille de Brémule. Henri Ier et Louis VI concluent un accord de paix l'année suivante.
Considéré par ses contemporains comme un souverain sévère mais efficace, Henri Ier parvient à dompter habilement le pouvoir des barons d'Angleterre et de Normandie. En Angleterre, il établit un système de justice, de gouvernement local et de fiscalité inspiré de l'ère anglo-saxonne, mais le renforce avec des institutions supplémentaires, notamment l'Échiquier royal et les cours de justice itinérantes, également instaurées en Normandie. Henri s'appuie dans son administration davantage sur des hommes d'origine modeste que sur des familles de haut rang. S'il soutient la réforme grégorienne, il n'hésite pas à entrer en conflit avec l'archevêque Anselme de Cantorbéry en 1101, avant de se réconcilier avec lui après un compromis en 1105. Henri implante en outre une influence durable de la monarchie sur la nomination des évêques en Angleterre et en Normandie et apporte son soutien à l'ordre de Cluny.
Henri Ier a de sa première épouse Mathilde d'Écosse deux enfants, Mathilde l'Emperesse et Guillaume Adelin, ainsi que de nombreux enfants illégitimes de ses multiples relations extraconjugales. Pourtant, la mort de Guillaume, son seul fils légitime, dans le naufrage de la Blanche-Nef en 1120 perturbe profondément la succession royale. Henri se remarie avec Adélaïde de Louvain dans l'espoir d'avoir un nouveau fils, mais le mariage reste stérile. Finalement, il se décide à proclamer sa fille Mathilde comme son héritière et la marie à Geoffroy V d'Anjou. Les relations entre Henri et le couple se tendent au fil du temps et conduisent à des tensions armées en Normandie. Henri Ier meurt le 1er décembre 1135 après une semaine de maladie. En dépit de ses volontés, son neveu Étienne de Blois s'empare du trône au détriment de Mathilde, déclenchant une longue période d'instabilité connue sous le nom d'Anarchie.
Enfance, apparence et éducation
Henri naît probablement en Angleterre en 1068, soit au cours de l'été, soit dans les dernières semaines de l'année, voire au début de l'année 1069[N 1],[1],[2]. D'après une légende locale très peu vraisemblable[N 2], il voit le jour dans la ville de Selby, située dans le Yorkshire. Son père Guillaume le Conquérant est duc de Normandie ainsi que roi d'Angleterre depuis la conquête normande de l'Angleterre entamée en 1066. L'invasion normande a favorisé la création d'une élite anglo-normande détenant de nombreuses possessions des deux côtés de la Manche[3],[4], certains barons s'établissant même au pays de Galles. En dépit de leur installation en Angleterre, les barons anglo-normands maintiennent de solides liens avec le royaume de France, divisé à ce moment-là en une multitude de fiefs nominalement sous l'autorité du roi des Francs, mais en réalité farouchement autonomes[5]. La mère d'Henri, Mathilde de Flandre, est elle-même une petite-fille du roi Robert II le Pieux et il est possible qu'elle ait décidé de prénommer son fils en hommage à son oncle Henri Ier[6].
Henri est le plus jeune des quatre fils de Guillaume et de Mathilde. Il ressemble physiquement à ses frères aînés Robert Courteheuse, Richard et Guillaume le Roux, étant décrit comme « court, trapu et avec une poitrine en tonneau » et des cheveux noirs[7] par l'historien David Carpenter. En raison de sa différence d'âge avec ses frères, il est peu probable que Henri ait eu beaucoup de contact avec eux pendant son enfance[8]. Il est plus probable qu'il ait été proche de sa sœur Adèle[9], née vers 1067. On dispose de peu de sources concernant les premières années d'Henri : Warren Hollister et Kathleen Thompson pensent qu'il est élevé en Angleterre, tandis que Judith Green affirme qu'il est initialement élevé en Normandie[N 3],[10],[8],[11]. Il est probablement instruit par l'Église, peut-être par l'évêque et chancelier royal Osmond de Sées à la cathédrale de Salisbury, même si rien ne permet de savoir si ses parents le destinent à une carrière ecclésiastique[N 4],[12],[13]. Son niveau d'éducation est également incertain, mais il est probable qu'il apprenne à lire le latin et étudie les arts libéraux[14]. Henri reçoit enfin un entraînement militaire dispensé par Robert Achard et est adoubé par son père le 24 mai 1086[15],[16].
Héritage de Guillaume le Conquérant
À l'été 1087, Guillaume le Conquérant est blessé lors d'une campagne militaire menée dans le Vexin[15]. Henri rejoint rapidement son père mourant près de Rouen, où ce dernier organise le partage de ses possessions entre ses fils Robert, Guillaume et Henri[17] — Richard est alors déjà mort. Les règles de succession en Occident sont alors incertaines : dans certains territoires du royaume de France, la primogéniture, permettant au fils aîné d'hériter du titre, gagne en popularité[18], tandis que dans d'autres territoires, notamment en Normandie, la tradition veut que les terres soient divisées entre les fils, l'aîné recevant les terres paternelles — souvent celles ayant le plus de valeur — et les plus jeunes fils obtenant des territoires plus modestes ou acquis plus récemment[18]. Guillaume le Conquérant suit la coutume normande en séparant la Normandie, qu'il a héritée, et l'Angleterre, qu'il a conquise[19]. Robert Courteheuse, le fils aîné, bien qu'étant en rébellion contre son père au moment de sa mort, reçoit la Normandie, tandis que Guillaume le Roux, le deuxième fils, alors en faveur auprès de leur père, obtient l'Angleterre[20]. Quant à Henri, il lui est donné une importante somme d'argent, estimée à 5 000 livres[N 5], dans le but de s'établir dans une des terres détenues par sa mère Mathilde de Flandre, décédée en 1083, dans le Buckinghamshire et le Gloucestershire[21],[22]. Guillaume le Conquérant meurt le 9 septembre 1087 et ses funérailles, organisées peu après à Caen, sont entachées par les plaintes d'un habitant concernant sa propriété : Henri pourrait avoir été chargé de l'apaiser en le compensant avec de l'argent[23].
Robert Courteheuse, qui espérait hériter de la Normandie et de l'Angleterre, découvre que son frère puîné a traversé la Manche et s'est fait couronner dès le 26 septembre[24]. Les deux frères sont en désaccord au sujet de l'héritage de leur père et Robert projette rapidement d'envahir l'Angleterre pour s'en emparer[25]. Henri reste en Normandie et devient influent à la cour de son frère Robert, soit parce qu'il refuse de s'allier ouvertement avec Guillaume le Roux, soit parce que Robert aurait saisi l'occasion de son départ pour l'Angleterre pour s'emparer de son héritage financier[N 6],[24],[26]. Quoi qu'il en soit, Guillaume ordonne la confiscation des nouvelles possessions anglaises d'Henri[27]. En 1088, les projets de Robert concernant l'Angleterre commencent à s'effondrer et il s'adresse à Henri, lui demandant de lui prêter une partie de son héritage pour financer l'expédition. Même si Henri refuse[28], les deux frères négocient un accord, par lequel Robert s'engage à lui céder l'Ouest de la Normandie en échange de 3 000 livres[N 7],[28],[29]. Henri obtient ainsi un nouveau comté comprenant la délégation de l'autorité ducale sur le Cotentin, certains domaines de l'Avranchin et le contrôle des diocèses de ces deux régions[30],[31]. Par ailleurs, il contrôle désormais la stratégique abbaye du Mont-Saint-Michel. Ce gain considérable en terres permet en outre à Henri d'accroître son influence sur deux importants seigneurs normands : Hugues d'Avranches et Richard de Reviers[32]. Finalement, même si l'expédition militaire de Robert Courteheuse ne quittera jamais la Normandie[33], Henri a toutefois fort bien monnayé son soutien à ce dernier.
Comte du Cotentin
Henri établit rapidement son autorité dans le Cotentin et se crée un solide réseau de partisans dans l'Ouest de la Normandie et dans l'Est de la Bretagne, que l'historien John Le Patourel désigne comme « le gang d'Henri »[34]. Il compte parmi ses premiers partisans Richard de Reviers, Geoffroy de Mandeville, Hugues d'Avranches et Robert FitzHamon, ainsi que l'ecclésiastique Roger de Salisbury[35]. Conscient de l'influence irrésistible que son frère acquiert dans son duché, Robert Courteheuse tente de revenir sur son accord avec Henri et de se réapproprier le Cotentin, mais l'assise de son frère dans la région est telle qu'il en est découragé[36]. Pendant ce temps, sa propre gestion de la Normandie est chaotique et certaines terres de son duché — notamment celles contrôlées par Henri — deviennent quasiment indépendantes du pouvoir central à Rouen[37]. Si son ascension progressive inquiète Robert Courteheuse, Henri ne gagne pas pour autant la confiance de Guillaume le Roux[38]. En effet, Henri attend que la rébellion fomentée par les partisans de Robert contre Guillaume s'effondre pour pouvoir retourner en Angleterre en juillet 1088[39]. La rencontre entre Guillaume et Henri n'est guère fructueuse, puisque le premier refuse de donner au second les terres de leur mère, malgré les dispositions prises par leur père. De retour en Normandie dès l'automne[40], Henri est arrêté sur-le-champ par son oncle Odon de Bayeux avec l'accord de son frère Robert, ce dernier étant convaincu par Odon que Henri conspire avec Guillaume contre lui[41]. Emprisonné à Neuilly-la-Forêt et privé de son comté du Cotentin[42], il demeure en captivité pendant tout l'hiver et n'est libéré qu'au printemps 1089, lorsque les conseillers de Robert Courteheuse le persuadent de le relâcher[43].
Bien qu'il ne possède plus le Cotentin, Henri continue à contrôler l'Ouest de la Normandie[44], profitant des tensions persistantes entre ses frères. Tandis que Guillaume commence à nouer des alliances avec des barons de Normandie et du Ponthieu contre son frère aîné[45], Robert forme une alliance avec le roi des Francs Philippe Ier[46]. Le conflit entre les deux frères est déclenché à la fin de l'année 1090 par l'appel de Guillaume à Conan Pilate, un bourgeois de Rouen, à se rebeller contre Robert. Soutenu par le peuple rouennais, Conan appelle les garnisons ducales des environs à faire allégeance au roi d'Angleterre[47]. Furieux face à ce défi à son autorité, le duc de Normandie ordonne la mobilisation de ses vassaux : Henri est le premier à répondre à son appel et arrive à Rouen en novembre[48]. La capitale du duché est plongée dans la violence, pendant que les deux camps tentent de s'en arracher le contrôle[48]. Au dernier moment, Robert se retire des combats, laissant Henri seul pour continuer la lutte[49]. La bataille tourne à l'avantage des partisans de Robert et Henri fait prisonnier Conan[49]. Furieux que Conan se soit soulevé contre son suzerain et malgré l'offre de ce dernier de racheter sa liberté par une lourde rançon, Henri ordonne qu'il soit précipité du château de Rouen[50], un geste qu'approuvent les contemporains et qui contribue à sa renommée militaire[51].
Isolement et retour en grâce
Robert ordonne peu après à Henri de quitter Rouen, probablement à cause du rôle prépondérant joué par ce dernier au cours des récents évènements et parce que Henri lui réclame la restitution du Cotentin[52]. Au début de 1091, Guillaume le Roux débarque en Normandie avec suffisamment de forces pour contraindre Robert à négocier[53]. Par le traité de Caen, Guillaume reçoit plusieurs terres et forteresses normandes, mais s'engage à aider Robert à reconquérir le comté du Maine et à reprendre le contrôle des possessions d'Henri[53]. En outre, ils se désignent mutuellement héritiers de leurs possessions respectives, excluant Henri de la succession anglo-normande tant qu'ils seront tous deux en vie[54]. Bientôt, le conflit entre Henri et ses frères aînés éclate[55]. Même si Henri mobilise une armée de mercenaires dans l'Ouest de la Normandie, Robert et Guillaume avancent avec leurs troupes, ce qui décourage les soutiens d'Henri[56]. Ce dernier décide de concentrer ses forces au Mont-Saint-Michel, où il est assiégé en mars[57]. Facile à défendre, le site manque toutefois d'approvisionnement en eau potable[58]. D'après le chroniqueur Guillaume de Malmesbury, Robert Courteheuse fournit des réserves en eau à Henri, ce qui semble irriter Guillaume le Roux[59]. Les évènements de la fin du siège demeurent incertains : les assiégeants commencent à se quereller quant à leur stratégie future, mais Henri capitule, vraisemblablement après avoir négocié[N 8],[60],[61]. Il part ensuite en exil pour la Bretagne, avant de se rendre en France[62],[63].
Les activités ultérieures d'Henri ne sont pas bien documentées : le chroniqueur Orderic Vital suggère qu'il s'établit dans le Vexin avec quelques partisans pendant un an[60]. Dès la fin de 1091, Robert Courteheuse et Guillaume le Roux se séparent après une querelle[64] et, l'année suivante, Henri pénètre en Normandie et s'empare sans effusion de sang de Domfront[65], après que les habitants aient fait appel à son aide contre leur seigneur Robert II de Bellême[66]. Au cours des deux années qui suivent, Henri réactive son réseau de soutiens à l'Ouest de la Normandie, que Judith Green désigne comme « une cour en attente »[67],[68], et commence à leur remettre des terres, indépendamment de la volonté de Robert[68]. Il reçoit même le soutien financier de son frère Guillaume, qui l'encourage à affronter leur frère aîné : Henri utilise ces fonds pour bâtir une nouvelle forteresse à Domfront[69]. En mars 1094, Guillaume le Roux débarque en Normandie pour y affronter Robert Courteheuse et requiert le soutien d'Henri lorsque son avancée s'essouffle[70]. Henri ne rejoint pourtant pas la campagne et se rend à Londres, peut-être à la demande de Guillaume, qui rebrousse chemin peu après[N 9],[71],[72]. Pendant les années suivantes, Henri renforce son influence à l'Ouest de la Normandie et visite occasionnellement la cour de Guillaume en Angleterre[73]. En novembre 1095, le pape Urbain II prêche la Première croisade lors du concile de Clermont et encourage les seigneurs de l'Occident à combattre en Terre sainte[72]. Robert Courteheuse répond favorablement à la requête du souverain pontife dès l'année suivante et emprunte une somme d'argent importante pour ses frais à Guillaume le Roux, qui reçoit en échange la garde du duché de Normandie en son absence[74]. Pendant les quatre années d'absence de leur frère aîné, Guillaume se rapproche d'Henri et les deux frères mènent ensemble une campagne dans le Vexin entre 1097 et 1098 contre Philippe Ier[75],[76].