Histoire de Lyon
ensemble des événements du passé liés à la ville de Lyon, en France / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L'histoire de Lyon inventorie, étudie et interprète l'ensemble des événements du passé liés à cette ville.
Si le lieu est habité depuis la Préhistoire, la première ville, nommée Lugdunum, date de la Rome antique. Sous l'Empire romain, Lyon devient une puissante cité, capitale de la Gaule romaine. La chute de l'Empire romain la relègue à un rôle secondaire dans l'espace européen en raison de son éloignement des centres de pouvoir. Puis la division de l'Empire carolingien la place en position de ville frontière. La cité rhodanienne garde ces deux caractéristiques — influence réduite et situation périphérique — durant tout le Moyen Âge. Jusqu'au XIVe siècle, le pouvoir politique est tout entier entre les mains de l'archevêque, qui protège jalousement l'autonomie de sa ville. Il faut attendre 1312 - 1320 pour voir une institution consulaire prendre le pouvoir, au moment même où la cité intègre définitivement le royaume de France.
À la Renaissance, Lyon se développe considérablement et devient une grande ville commerçante européenne. Mais ce second âge d'or est fauché par les guerres de religion, qui font fuir définitivement une partie des marchands-banquiers étrangers. Durant la monarchie absolue, Lyon reste une cité moyenne en France, dont la principale richesse est le travail de la soie. La Révolution dévaste la ville, qui s'oppose en 1793 à la Convention. Prise militairement, elle est sévèrement réprimée et sort de la tourmente révolutionnaire très affaiblie.
Napoléon aide à son redressement par un soutien aux soyeux, qui arrive en même temps que la mise au point du métier Jacquard. C'est le point de départ d'un essor économique et industriel qui dure, malgré quelques fluctuations, jusqu'à la Première Guerre mondiale. Durant le XIXe siècle, Lyon est une ville canut et connaît en 1831 et 1834 de violentes révoltes ouvrières. La Belle Époque marque la fin de la domination de la soie lyonnaise et l'essor de nombreuses autres industries (automobiles, chimie, électricité). La municipalité, quant à elle, retrouve ses pouvoirs avec la Troisième République et s'engage dans un long siècle de radicalisme, qui se termine avec Édouard Herriot en 1957. La Seconde Guerre mondiale voit Lyon, une des principales villes de la zone libre, être le centre des plus grands réseaux de la Résistance. Jean Moulin, notamment, les unifie au sein des Mouvements unis de la Résistance.
À la sortie de la guerre, Lyon se redresse rapidement et connaît un vigoureux développement urbain, avec l'édification d'un grand nombre de quartiers d'habitation. Dotée d'industries puissantes et d'un secteur tertiaire en plein essor, la ville tient son rang de grande métropole française et européenne.
La présence d'une population dès la Préhistoire est attestée[1]. De nombreux objets datant, pour les plus anciens, du Mésolithique, ont été retrouvés sur le site de Vaise. Les nombreuses traces d'habitats et les céramiques découvertes datant du premier âge du fer (VIe siècle av. J.-C. à cet endroit) prouvent l'existence de circuits commerciaux entre le littoral méditerranéen et le nord de l'Europe passant par le site, sans que l'on puisse parler de lieu urbanisé[2].
Les traces d'occupations humaines du Second âge du fer ne démontrent pas de sédentarisation avant l'époque romaine, mais elles attestent que le site de Fourvière est utilisé par les peuples environnants comme un site sacré[3]. Les indices archéologiques tendent à démontrer l'existence de grands rassemblements gaulois et l'existence d'un emporium. Celui-ci sert de lieu d'échanges entre les Romains et les peuples Ségusiaves et Éduens[4],[5].
Créée par la volonté de Rome, Lugdunum devient, grâce à sa position stratégique, la capitale des Gaules. Centre politique, religieux et commercial important, la cité se développe considérablement, devenant une ville cosmopolite. Sa christianisation a lieu dès le IIe siècle[6].
Fondation de Lugdunum
Lugdunum aurait été fondée dans le cadre d'une politique de création de colonies initiée par Jules César, avec Vienne, Nyon ou Augst, visant à s'assurer de la stabilité de peuples nouvellement conquis et à récompenser des légionnaires vétérans en leur fournissant des terres et des droits. Dans le cas de Lugdunum, il s'agirait de surveiller les Allobroges[7].
Site avant la fondation
Le site de Lyon présente de nombreuses traces d'occupation gauloise avant la fondation ; notamment au quartier Saint-Vincent, à Vaise[8] ou Fourvière[9],[10]. Le toponyme de Lugdunum désigne plus particulièrement la colonie de Fourvière, les pentes de la Croix-Rousse étant Condate et les plaines proches du fleuve les canabae[11]. Avant la fondation, la confluence entre le Rhône et la Saône a une physionomie très différente de l'actuelle. La Saône coule aux pieds de la colline ; ce n'est que lors des premiers siècles de notre ère qu'un deuxième bras de la rivière se forme, et que par comblement progressif, un espace est dégagé à l'endroit de l'actuel Vieux Lyon.
Il est possible que des Romains venus de Vienne se soient installés auparavant, et aient fourni un noyau de population initial pour la colonie, mais cette question est discutée par les historiens[12].
Fondation de la colonie
Ancien officier de Jules César, proconsul de la Gaule chevelue, Lucius Munatius Plancus procède à la fondation en 43 av. J.-C., le jour exact étant discuté par les historiens[13]. Aucune certitude n'existe sur l'origine des colons et leur position sociale. Les spécialistes proposent qu'ils soient issus en partie de la colonie de Vienne[14], et en partie des légions de Munatius Plancus[15].
La colonie n'est pas solidement fortifiée, tout juste dispose-t-elle de levée de terres et de palissades de bois[16]. De taille réduite, elle ne possède pas de forum[17]. Nommée par son fondateur « Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum », elle perd sous l'empereur Claude la référence à Munatius Plancus pour devenir « Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunensium ». Les habitants sont citoyens romains, ceux de naissance libre sont rangés dans la tribu Galeria, les affranchis dans la tribu Palatina[18].
Origine du nom Lugdunum
Il y a débat sur la signification exacte du toponyme « Lugdunum ». Le terme de Dunum désigne en langue celte une hauteur, une colline ou une citadelle. Mais celui de Lug est moins évident. Certains proposent la possibilité d'une référence au dieu celte Lug. Toutefois, les archéologues n'ont pas retrouvé de traces de culte sur place, mais à Condate ou à Vaise. Il serait alors possible de rapprocher lug de la racine lux, signifiant lumière. Enfin, d'autres avancent un extrait de l'ouvrage De Fluviis du pseudo-Plutarque qui donne au lieu le nom de Lougoudounon, avec Lougos signifiant corbeau[19].
Lyon, capitale des Gaules
Située sur un point stratégique, la colonie devient rapidement la capitale des Gaules du fait de la volonté d'Auguste[20]. Trois facteurs contribuent ce choix. Premièrement, l'ambition d'Auguste, dans les années 20 av. J.-C., de conquérir la Germanie. Lugdunum est idéalement située et un réseau de routes est rapidement tracé au départ de la cité. Elle se retrouve ainsi au centre des communications de la Gaule, et constitue la base de départ des opérations vers les territoires du nord. En second lieu, lors des premières décennies de sa fondation, l'organisation administrative de la Gaule n'est pas encore établie et les gouverneurs généraux assurent sa surveillance et sa gestion depuis cette cité. Enfin, et même si cela ne se déroule pas à proprement parler sur le territoire de la colonie, la réunion annuelle des notables gaulois au confluent à partir de 12 av. J.-C. renforce sa position politique[21].
Développement urbain
Grâce à sa localisation et son influence, la ville grandit et s'enrichit rapidement. Des aqueducs sont construits, à des dates délicates à estimer, peut-être entre 20 av. J.-C. et 10 av. J.-C.[22]. De nombreux monuments sont rapidement édifiés. Le premier est le théâtre, le plus ancien de Gaule, inauguré entre 16 av. J.-C. et 14 av. J.-C. sous l'empereur Auguste[23],[16], dont la capacité est de 10 700 places[24]. En 19 apr. J.-C. est inauguré l'amphithéâtre des Trois Gaules[25], agrandi vers 130-136. À la même époque, l'autel du sanctuaire fédéral des trois Gaules est rénové[26].
Au sommet de la colline de Fourvière, à l'emplacement de l'actuelle basilique, qui est le cœur de la cité à son apogée, des vestiges monumentaux ont été interprétés par A. Audin comme le forum, un temple capitolin, la curie et la basilique[27], identifications remises en cause depuis[28].
Au cours du IIe siècle, un cirque est édifié, dont la localisation est incertaine[29], connu en grande partie grâce à une mosaïque le représentant[30]. Antonin, vers 160, procède à l'adjonction au théâtre d'un odéon de 3 000 places[31].
Au-delà des monuments prestigieux, c'est l'ensemble des noyaux urbains de l'agglomération qui se développe. Les communautés de commerçants prospèrent : les nautes, les négociants en vin, les utriculaires, les stucateurs, les potiers, etc. Chaque communauté est hiérarchiquement organisée, avec un conseil et des dignitaires qui structurent la profession et la représentent auprès des autorités. Certaines ont également leur propre cimetière[32].
La population globale a été estimée par Amable Audin à 35 000 habitants[33], par Pelletier à 40 000[34] et par Bruno Benoit entre 50 000 à 60 000[35]. Une des plus grandes cités de Gaule, Lyon est une ville cosmopolite, comprenant de nombreuses personnes portant des noms grecs, probablement plus du quart de la population[36].
Fonctionnement et intégration dans l'empire
Dès sa fondation, la colonie lyonnaise bénéficie du statut de colonie romaine de plein droit (optimo iure), ses citoyens ont tous les avantages politiques et civiques des Romains, mais paient plusieurs impôts directs. Au IIIe siècle, elle possède alors le droit italique, dispensant ses habitants des impôts directs. Elle s'administre elle-même, mais aucun texte sur les lois municipales ne subsiste[37]. En revanche, les nombreuses inscriptions latines (plus de trois mille) renseignent sur ses habitants et leurs fonctions[38].
Les institutions lyonnaises comportent deux groupes : les magistrats et le sénat. Les magistrats sont organisés en trois degrés : la questure, l'édilité et le duovirat. Le fonctionnement normal veut qu'un notable occupe chaque fonction l'une après l'autre, même si nous avons un exemple d'un citoyen devenu duumvir directement après avoir été questeur. Les questeurs sont chargés de lever les fonds municipaux, sous la surveillance des duumvirs. Les édiles sont dévolus à l'entretien de la voirie, des thermes, des marchés, des bâtiments publics, au ravitaillement. Les duumvirs semblent disposer des fonctions judiciaires. On les voit ainsi interroger les chrétiens en 177. Ils se chargent également des opérations électorales ou de la convocation du conseil des décurions[39].
En tant que capitale des Trois Gaules, Lugdunum dispose de plusieurs attributs politiques et spirituels importants. Le légat de la Gaule romaine y réside et y gère les trois provinces qui la constituent : la Gaule belgique, la Gaule aquitaine et la Gaule lyonnaise. Dès l'origine, la cité dispose d'un atelier monétaire[40]. Celui-ci est promu au rang d'atelier monétaire impérial en 15 av. J.-C. par Auguste pour le financement de ses campagnes militaires, privilège unique dans tout l'Empire[41]. Après de nombreux aléas, l'atelier est dévalué en simple supplétif en 294, lorsque celui de Trêves entre en fonction[42] ; il reste en activité, avec quelques moments de forte production, jusqu'en 413[43]. Lyon concentre également plusieurs administrations impériales dirigeant les trois Gaules : les douanes, le bureau des mines de fer, les successions, la poste. Elle est la seule ville romaine avec Carthage à disposer d'une cohorte urbaine[44].
La prêtrise du culte fédéral est la plus haute charge administrative à laquelle les Gaulois citoyens romains peuvent prétendre en Gaule. Elle se tient à Lyon, dans un temple dont il n'existe pas de traces archéologiques. Élus par leurs cités, les prêtres officient toute l'année, le point d'orgue étant une cérémonie en août, durant laquelle des délégués de toute la Gaule viennent rendre un culte à l'empereur. Les réunions des délégués n'ont pas qu'une fonction sacramentelle. Des personnes sont désignées parmi eux pour former le conseil des Trois Gaules. Doté de moyens financiers substantiels, son rôle est mal connu, mais devait servir de relais entre l'élite gauloise et les empereurs[45].
Lugdunum, cité impériale
Du fait de sa situation stratégique et de son influence politique, Lugdunum, durant toute l'Antiquité, participe à certains grands événements touchant l'empire et reçoit la visite de nombreux empereurs.
Auguste y vient par trois fois entre 39 et 8 av. J.-C., pour mener la répression des rébellions en Germanie et en Hispanie[41]. Il ordonne à Agrippa l'aménagement des voies romaines des Gaules et confère une importance notable à la cité en y installant l'atelier monétaire impérial en 15 av. J.-C. pour financer ses campagnes. En 12 av. J.-C., le sanctuaire du confluent est inauguré. Caligula y passe une fois, en 39–40 apr. J.-C. avec son cousin Ptolémée de Maurétanie. De magnifiques spectacles sont organisés en leur honneur. Claude naît à Lyon, en 10 av. J.-C., et y retourne régulièrement, notamment lors de sa conquête de la Bretagne entre 43 et 47 apr. J.-C. Outre plusieurs traces archéologiques de son passage, on conserve de cet empereur son discours soutenant l'entrée des Gaulois au Sénat, retranscrit sur la table claudienne. Son nom entre, peut-être dès cette époque, dans la titulature de la ville[46],[16].
Sous Néron, en 64, les Lyonnais soutiennent les Romains victimes de l'incendie de Rome en envoyant la somme de quatre millions de sesterces. L'année suivante, ils sont eux-mêmes victimes d'un sinistre et Néron leur fait envoyer la même somme pour reconstruire la ville. Cet incendie, connu uniquement par un texte de Sénèque[N 1] et de Tacite[N 2], n'a jamais été corroboré par des traces archéologiques[47].
En 68, le légat de la Gaule lyonnaise Vindex se soulève contre le pouvoir de Néron, avec une partie de la Gaule. Lors de ce conflit, les Viennois assiègent Lyon, mais doivent quitter le terrain du combat après la défaite de Vindex. Toutefois, Galba, le nouvel et bref empereur, punit les Lyonnais de leur soutien à Néron. Mais, dans l'épisode de désordre de l'Année des quatre empereurs, les Lyonnais retrouvent les faveurs du nouveau maître Vitellius, qui châtie les Viennois. Puis, celui-ci se rend à Lyon pour y tenir des assises impériales, au cours desquelles de grandes fêtes sont organisées[N 3],[47].
En 160, une inscription porte mention de ce qui serait le premier taurobole célébré dans l'empire, manifestation religieuse de cultes orientaux en l'honneur de Cybèle[48]. On en a la trace grâce à l'autel taurobolique retrouvé en 1704[49]. En 177, Lyon est le théâtre de la première persécution de chrétiens de Gaule, et même de la première mention de l'existence de chrétiens dans le pays.
Après la mort de l'empereur Commode, la guerre civile voit s'affronter plusieurs prétendants à la tête de l'Empire romain. En Bretagne, Clodius Albinus s'empare du pouvoir. Lorsque Septime Sévère, après avoir vaincu Pescennius Niger, fait déclarer Clodius Albinus ennemi de l'empire, il vient en Gaule, s'installe à Lyon et prend possession également de l'Hispanie. En 197, Septime Sévère l'affronte, le vainc à Tournus et lors de la bataille de Lugdunum, puis laisse ses soldats piller la ville qui l'avait soutenu. Septime Sévère connaissait pourtant bien Lugdunum, pour y avoir été légat, et ses deux fils Caracalla et Geta y étaient nés[30]. C'est lors de cet épisode également que l'atelier monétaire impérial est fermé. En 212 Caracalla, né à Lyon en 186, proclame sa constitutio antoniniana, ce qui accorde aux pérégrins lyonnais la citoyenneté, mais pas la capacité de participer à la vie politique locale, apanage des Lyonnais de souche. La crise du troisième siècle ne semble toutefois pas avoir affecté la ville elle-même, qui n'a pas été envahie. Il n'y a pas, notamment, de traces de l'action des Lyonnais durant l'Empire des Gaules[50].
À la fin du IIIe siècle lors des réorganisations de la Tétrarchie, Lugdunum perd son rang de capitale des Gaules au profit de Trèves, plus proche de la frontière du Rhin. La ville n'est plus que le siège administratif de la petite province de Lyonnaise Ire, qui ne comprend plus que Lyon, Langres et Autun. Cette crise affecte la cité profondément. La colline de Fourvière est abandonnée, les habitants se regroupant sur la rive droite de la Saône[51]. Les échanges commerciaux suivent d'autres chemins et la ville n'est plus liée à de grands événements. Il n'y a, par ailleurs, plus de trace d'activité du conseil des Trois Gaules[42]. Une révolte des Lyonnais contre Aurélien en 274 a des causes inconnues, mais n’empêche pas l'empereur de restaurer l'atelier monétaire impérial. En 353, l'usurpateur Magnence se suicide à Lyon après sa défaite en Croatie contre Constance II et une fuite de deux ans. En 383, le jeune empereur Gratien est assassiné à Lyon sur ordre de Maxime. En 392, Eugène, rhéteur, est proclamé empereur contre Théodose Ier[51],[52].
Religions et christianisation de Lugdunum
Comme toutes les cités romaines, Lyon, aux premiers temps de son existence, connait les cultes officiels de la cité et de l'empereur[53]. Contrairement à d'autres, le culte impérial semble avoir ici une importance nettement supérieure aux autres formes cultuelles. Sur l'ensemble du IIe siècle, il y a mention de soixante-dix sévirs augustaux, qui forment même une « fratres augustales » et de cinq flamines, qui sont tous de haut personnages locaux. Les sévirs jouissent à Lyon d'une position sociale prestigieuse, au même rang que les chevaliers, juste après les décurions[54] Le culte impérial est attesté très tôt, dès Tibère, avec le temple dit du « Clos du Verbe incarné », rare ensemble de ce type connu[55],[56].
Les premières implantations du christianisme en Gaule nous sont connues par une lettre attribuée à l'évêque Irénée, l'un des premiers Pères de l'Église, retranscrite par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique[N 4]. Elle permet de dater l'arrivée de la religion du Christ dans la ville au milieu du IIe siècle[57].
Lyon est un lieu favorable à cette arrivée par sa situation centrale dans les courants d'échange européens, et la forte proportion d'étrangers circulant et s'établissant en ville, notamment des juifs[58]. Or, ces étrangers apportent avec eux leur culte, tels ceux de Mithra, d'Isis ou de Cybèle. Les premiers chrétiens sont donc d'origine orientale, notamment de Phrygie, comme une partie de la population de la cité. Le culte est présent dans toutes les classes sociales. Durant les premiers temps, jusqu'au IIIe siècle, Lyon semble être la seule cité gauloise à disposer d'un évêque[59].
L'épisode le mieux connu de cette époque est détaillé par la lettre d'Irénée à Eusèbe de Césarée ; il s'agit du martyre de nombreux chrétiens en 177[60],[61]. De nombreux personnages apparaissent, dont le premier évêque de Lyon, Pothin. Si le texte ne nous donne pas d'éléments pour expliquer la persécution, les historiens ont proposé plusieurs hypothèses : hostilité traditionnelle des Romains vis-à-vis des chrétiens[60], concurrence entre les religions[62] ou attitude extrémiste de certains chrétiens influencés par le montanisme[63],[64]. Des chrétiens fuient les persécutions en se réfugiant notamment sur l'île Barbe.
C'est durant le IVe siècle que la ville ferme ses temples païens, et réorganise sa vie sociale autour de son évêque et du calendrier de l'Église. Lyon devient l'un des centres intellectuels de la chrétienté, illustré au Ve siècle par Sidoine Apollinaire[65],[66]. L'abbaye de l'Île Barbe est fondée au Ve siècle.
Durant les premiers siècles du Moyen Âge, Lyon passe sous la domination burgonde, puis franque, tout en restant, de fait, très autonome. Le vrai maître de la ville, dès cette époque, devient l'archevêque. Cette période est mal connue, les sources disponibles étant lacunaires.
Une ville repliée sur la Saône
Avec l'effondrement de l'Empire romain, les habitants de Lugdunum quittent progressivement la ville haute pour s'établir sur les deux rives de la Saône[67],[68]. Les textes et les fouilles archéologiques ne permettent pas d'avoir une vue générale de l'urbanisation de cette époque, seuls les bâtiments religieux sont quelque peu connus[69]. Ils comprennent un groupe cathédral avec deux églises (Saint-Jean et Sainte-Croix) et un baptistère (Saint-Étienne), des basiliques cémétériales (Saint-Just et Saint-Irénée) et des couvents de moines ayant différentes formes de vie monastique[70].
D'une domination à l'autre
En 437, des tribus germaniques burgondes sont installées comme fédérées en Sapaudie par le général romain Aetius après la victoire de ce dernier contre leur roi Gondicaire et la destruction de leur royaume situé près du Rhin. Ces Burgondes étendent leur domination lors de la désintégration de l'Empire d'Occident et, dans les années 470–474[N 5], font de Lyon l'une des capitales de leur royaume (411-534) avec Genève et Vienne[72],[73]. Peu nombreux, ils sont rapidement assimilés par la noblesse gallo-romaine lyonnaise, au travers de nombreux mariages. Ariens, ils construisent une cathédrale vouée à leur culte, mais entretiennent de bons rapports avec les autres chrétiens. Un certain nombre se convertissent d'ailleurs au christianisme nicéen. Ils conservent pour eux-mêmes leur propre loi, la loi gombette[74].
En 534, les fils de Clovis intègrent facilement ce royaume sous la domination franque, les Burgondes étant trop peu nombreux et divisés pour résister. Les rois francs suivants se disputent le royaume de Bourgogne (534-843). Lyon se retrouve le plus fréquemment en possession du roi de Neustrie (486-987). Lyon ne semble pas avoir subi de lourds dommages de ces prises de pouvoir, mais la cité perd tout pouvoir politique direct. La capitale du duché est à Chalon-sur-Saône. La cité rhodanienne conserve toutefois un grand prestige religieux[74].
La période postérieure, durant la domination franque, est très mal connue. Les quelques textes des VIe et VIIe siècles qui nous sont parvenus sont essentiellement religieux. Plus encore, la période centrale du VIIIe siècle ne nous a laissé aucune information sur les évêques, dont nous n'avons que les noms[71],[75].
Société lyonnaise au Haut Moyen Âge
En ces temps troublés, les institutions ecclésiastiques pallient la disparition de l'administration impériale. De nombreux évêques sont issus de la noblesse gallo-romaine, qui garde longtemps une culture antique. Les plus marquants sont Rusticus, évêque de Lyon de 494 à 501, son frère saint Viventiolus, Sacerdos, fils de Rusticus et évêque de 549 à 552, qui désigne son neveu saint Nizier pour lui succéder. Ce dernier est inhumé dans l'église qui prend son nom. L'influence de l'évêque de Lyon est très forte dans la région, et il conserve une aura positive dans la chrétienté. Il est appelé « patriarche » lors du concile de Mâcon de 585. Il a l'autorité sur les diocèses d'Autun, Mâcon, Chalon-sur-Saône et Langres. D'autres exemples de cette influence sont perceptibles avec l'envoi d'une ambassade en Espagne dirigée par Arigius (602-614?), ou la consécration d'un évêque de Cantorbéry à Lyon par Goduinus (688-701?)[76].
La vie intellectuelle de cette période est mal connue. Les quelques Lyonnais qui nous ont transmis une œuvre marquante sont Sidoine Apollinaire, Eucher ou Viventiole. Le premier est l'auteur de lettres et panégyriques qui nous renseignent sur l'évolution du monde gallo-romain au Ve siècle sous la domination de peuples germains. Eucher rédige de nombreux ouvrages sur la foi chrétienne, et des lettres. Enfin, de Viventiole nous est parvenue une Vie des pères du Jura[77], qui décrit les débuts du monachisme dans la région. Ces textes datent tous du Ve siècle ou du VIe siècle, et fort peu de textes proviennent de la période suivante[78].
La ville est un foyer de la renaissance carolingienne, sous l'impulsion de son archevêque Leidrade (ami d'Alcuin), du diacre Florus, puis d'Agobard. Après le traité de Verdun et la succession de Charlemagne, la ville est officiellement divisée entre deux de ses petits-fils. La rive droite de la Saône revient à Charles le Chauve, la presqu'île à Lothaire. Toutefois, dans les faits, cette division ne survit pas à l'influence de l'archevêque, qui unifie de fait les deux rives sous sa seigneurie, sous la souveraineté de l'empereur Lothaire. Après la courte période carolingienne, un voile d'ombre, provoqué par la raréfaction des sources disponibles, obscurcit à nouveau l'histoire de Lyon.
Visage de Lyon
Durant cette période, Lyon n'évolue guère topographiquement par rapport aux siècles précédents[79]. Le centre urbain principal est toujours la rive droite de la Saône, compris entre Saint-Laurent de Choulans au sud et Saint-Paul, au nord. Il existe aussi des îlots d'habitants autour de Saint-Just et Saint-Irénée, sur la colline de Fourvière, ainsi que sur la presqu'île. Sans documentation, il est impossible de chiffrer la population à cette époque[80].
Renaissance carolingienne à Lyon
Si les limites de la ville ne bougent pas, celle-ci se transforme. Ainsi, Leidrade crée deux écoles pour élever le niveau intellectuel et moral des clercs de la cité. La première, l'école des chantres, ou schola cantorum, est destinée à enseigner le chant selon le rite du Palais, la liturgie utilisée à la cour de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, elle-même largement inspirée par celle de Rome. La seconde, la schola lectorum, est destinée à initier à la lecture et à la compréhension des textes sacrés. Le but est d'assurer une liturgie de bon niveau[81]. Ces deux écoles sont un succès et établissent les bases intellectuelles de la ville pour les siècles suivants. Dans le même temps, Leidrade réorganise un scriptorium qui produit des ouvrages qui, provenant pour beaucoup de la collection de Florus, sont en partie parvenus jusqu'à nous[N 6] ; des textes scripturaires, des ouvrages des Pères de l'Église, en particulier saint Augustin, dont il semble que l'œuvre soit présente à Lyon à cette époque, des œuvres de saint Jérôme, de Grégoire de Nazianze, de Bède le Vénérable, une loi wisigothe[83].
Agobard et Leidrade tentent également d'améliorer l'observance des règles suivies par les religieux de la région ; ils introduisent la réforme canoniale mise en place par Charlemagne. Cinq chapitres de chanoines sont ainsi signalés à Lyon dans le Livre des confraternités de l'abbaye de Reichenau : les chapitres cathédraux de Saint-Étienne, qui prend plus tard le vocable de Saint-Jean, Saint-Paul, Saint-Just, Saint-Nizier et Saint-Georges[84].
La création des chapitres de chanoines a dû modifier l'équilibre de la population. Les constructions qui ont obligatoirement suivi cette réforme — réfectoires, cloîtres et dortoirs — ont eu certainement une emprise importante au sol. Si les fouilles n'ont pas révélé d'expansion topographique sur le moment, ces nouveautés expliquent que l'expansion future de la cité se soit faite sur la rive gauche de la Saône ; cette extension n'ayant lieu qu'après le Xe siècle[85].
Lyon et les puissants
Si le visage de Lyon demeure immobile, les cadres institutionnels bougent : le pouvoir religieux impose fermement son autorité sur la ville. Pendant cette période, les archevêques dirigent dans les faits la cité située trop loin des centres de pouvoir pour que les différents rois qui l'ont en leur possession puissent la contrôler réellement. Certains se permettent même de s'insérer dans les grands conflits de leur temps[86].
Ainsi, l'archevêque Agobard prend part aux soubresauts du monde carolingien. Jugeant néfaste la coexistence de législations différentes, il demande à Louis le Pieux, fils de Charlemagne, de placer les Lyonnais sous les mêmes règles juridiques que les Francs, et d'abroger ainsi la loi Gombette, qu'il juge barbare. Il vise ainsi, notamment, le duel judiciaire[87]. Par fidélité à ce qu'il considère comme les principes carolingiens, il soutient la révolte des fils de l'empereur[88], ce qui lui vaut d'être déposé lorsque Louis le Pieux, en 834, revient au pouvoir et convoque le concile de Thionville de 835. Le siège épiscopal est alors géré par le liturgiste Amalaire. Mais le clergé de Lyon, resté fidèle à son archevêque et, soudé derrière le diacre Florus, mène la vie dure à l'arrivant. En 838, à la suite de la réconciliation de Lothaire et de son père Louis le Pieux, Agobard retrouve son poste et fait condamner les innovations liturgiques de son remplaçant lors du synode de Quierzy, la même année[89]. À la mort de l'empereur Lothaire en 855, la souveraineté passe à son dernier fils, Charles roi de Provence (et Bourgogne cisjurane).
Durant le IXe siècle, l'élite religieuse lyonnaise est plus proche des souverains que de la ville. Ainsi, Rémi Ier est archichapelain du roi Charles de Provence. Aurélien figure au premier rang de ceux qui conférèrent la royauté au duc Boson lors de l'assemblée de Mantaille en 879. Peut-être est-ce même lui qui le sacre à Lyon. La ville reste donc très liée à la noblesse de Bourgogne, comme l'atteste le fait que Burchard I et Burchard II appartenaient tous deux à cette famille royale. Le second fut ainsi archichancelier de son demi-frère Rodolphe III. En 863, à la mort de Charles de Provence, l'administration de la ville est confiée à Girart de Roussillon, comte de Vienne, l'ancien mentor de Charles, qui tente de prendre son autonomie comme duc de Lyon sous la souveraineté du frère de Charles, Lothaire II ; à la mort de Lothaire II en 869, la souveraineté passe à leur oncle Charles le Chauve, roi de France, qui chasse Girart de la ville en 870. La souveraineté devient donc française sous Charles le Chauve († 877) et son fils Louis le Bègue († 879). Mais Boson, comte et duc de Lyon-Vienne, beau-frère de Charles le Chauve et neveu de Lothaire II, l'incorpore en 879 au Royaume de Provence qu'il a recréé à son profit en octobre 879 à Mantaille ; cependant, Boson échoue dès 880/882 et la souveraineté française se remet vite en place (Carloman, Charles le Gros) ; pourtant le fils de Boson, Louis l'Aveugle, retrouve en 890 à Valence le royaume paternel, avec Lyon, jusqu'à sa mort en 928 ; le roi de France Raoul (neveu de Boson et cousin germain de Louis l'Aveugle) semble récupérer ensuite le Lyonnais et le Viennois, que Louis IV d'Outremer abandonne en 942 à son gendre Conrad le Pacifique de Bourgogne : Lyon fait alors partie du royaume des Deux-Bourgognes (ou d'Arles) jusqu'en avril 1312, date du rattachement au royaume de France. Les errements d'une souveraineté lyonnaise bien chaotique montrent bien la position ambiguë de Lyon, entre France et Bourgogne. Les comtes ou ducs de Lyon eux-mêmes (par exemple Bernard Plantevelue puis son fils Guillaume le Pieux, gendre de Boson ; Hugues le Noir, duc de Bourgogne, frère du roi Raoul et neveu de Boson) ne cessent d'intervenir dans ces deux royaumes. Dans le même temps, signe de féodalité, l'ancien Duché de Lyon se morcelle en comté de Vienne, comté du Lyonnais, puis comté du Forez et seigneurie du Beaujolais. C'est l'époque où l'Église de Lyon accroît considérablement ses biens grâce à ses archevêques, Burchard Ier et Burchard II, parents des rois de Bourgogne[85].
En 1032, le royaume d'Arles est légué par son dernier roi Rodolphe III de Bourgogne à Conrad II le Salique empereur du Saint-Empire romain germanique. Par la suite, la ville est administrée par ses évêques, relevant au temporel de l'Empereur, roi d'Allemagne, d'Italie et de Bourgogne, par l'intermédiaire de l'archichancellerie de Bourgogne. Ces événements politiques se déroulent dans un climat d'insécurité lié à de nombreuses invasions. Les IXe et Xe siècles sont de nouveau une époque de raids de pillages : les Normands remontent le Rhône et sont arrêtés en 860 à Valence par Girart de Roussillon. En 911, les Hongrois ravagent la Bourgogne, les Sarrasins s'installent dans le massif des Maures jusqu'en 975, et multiplient les expéditions par les routes des Alpes. En définitive, cette période voit les archevêques rester largement indépendants d'un pouvoir royal lointain ou affaibli[90]. Même si les sources documentaires ne permettent pas d'établir clairement les modalités de cette domination, elle semble sans contestation. Cela change lors du siècle suivant, avec l'avènement de puissantes dynasties de comtes locaux[91].