Assyrie
royaume de la Mésopotamie antique / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L'Assyrie (māt aššur, le « pays d'Assur », en assyrien) est une ancienne région du nord de la Mésopotamie et un empire qui s'est formé à partir de celle-ci. Elle se constitue autour de la ville d'Assur, qui s'affirme progressivement au IIe millénaire av. J.-C. comme un royaume puissant, qui devient plus tard un empire universel, le premier dans l'Histoire. Aux VIIIe et VIIe siècles av. J.-C., l'Assyrie contrôle des territoires s'étendant sur la totalité ou sur une partie de plusieurs pays actuels, comme l'Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie et l'Iran.
XXVe siècle av. J.-C. – 612 av. J.-C.
Statut | Monarchie |
---|---|
Capitale | Assur, Ninive |
Langue(s) | assyrien (akkadien) |
Religion | cf religion en Mésopotamie |
Entités suivantes :
L'assyriologie, discipline qui étudie l'Assyrie antique et plus largement la Mésopotamie antique, distingue trois phases dans l'histoire assyrienne, sachant qu'avant les environs de 700 av. J.-C. les dates sont approximatives : la période paléo-assyrienne, du XXe au début du XIVe siècle av. J.-C. ; la période médio-assyrienne, jusqu'à 911 av. J.-C. ; et la période néo-assyrienne, jusqu'à 612-609 av. J.-C., date de la fin du royaume assyrien. Schématiquement, durant la première période, l'Assyrie se résume à la cité-État d'Assur, connue surtout par le dynamisme de ses marchands. La deuxième période voit la naissance du royaume assyrien, en tant qu'État territorial puissant, qui connaît cependant un affaiblissement important au tournant des IIe et Ier millénaires av. J.-C. La troisième période voit l'Assyrie se muer en un empire, grâce notamment à sa redoutable armée. C'est par cette période que l'Assyrie est la mieux connue, grâce aux découvertes effectuées à partir du XIXe siècle dans ses capitales successives, Assur, Kalkhu (Nimrud), Dur-Sharrukin (Khorsabad) et Ninive. La puissance de cet empire et de ses souverains a permis au souvenir de l'Assyrie de perdurer par la tradition de la Bible hébraïque et des auteurs grecs classiques.
La grande quantité de documentation épigraphique et archéologique, collectée pour la période assyrienne depuis près de deux siècles, permet de bien connaître de nombreux aspects de ce royaume. Il est l'une des composantes essentielles de la civilisation mésopotamienne ancienne, au même titre que son rival méridional, le royaume de Babylone. C'est toutefois de loin la dernière phase du royaume qui est la mieux connue. On peut dresser un tableau de plusieurs aspects de l'administration du royaume, les activités économiques, les composantes de la société, la culture assyrienne, notamment la religion et l'art. De nombreuses zones d'ombre demeurent, puisque la documentation est inégalement répartie selon les lieux, les périodes et les aspects de la vie des anciens Assyriens. C'est dû à la disparition de nombreuses sources depuis l'Antiquité, mais aussi au fait que les découvertes concernent essentiellement le milieu des élites.
À partir de l'époque médio-assyrienne (XIVe siècle av. J.-C.), les textes assyriens désignent leur royaume, ou du moins son espace central (c'est-à-dire sous administration directe) comme le « pays d'Assur » (māt Aššur). Le terme Aššur peut dans leur langue faire aussi bien référence à une ville qu'à une divinité, qui partagent le même nom, le dieu étant la divinité principale de la ville, où se trouve son sanctuaire (situation qui rappelle celle d'Athéna à Athènes[1]). Pour préciser s'ils font référence à la ville ou au dieu, les scribes assyriens peuvent employer dans l'écriture cunéiforme un type de signe appelé déterminatif qui indiquera soit s'il s'agit d'un lieu (signe KI), soit s'il s'agit d'un dieu (signe D(INGIR)). Dans la plupart des cas « pays d'Assur » est inscrit sans déterminatif, ce qui ne permet pas de trancher. Mais dans un certain nombre d'autres cas, l'expression est écrite avec le déterminatif de la divinité devant le mot Aššur, indiquant qu'on fait alors référence au « pays du dieu Assur » (māt dAššur). Dans d'autres cas, tardifs (sous les Sargonides), c'est le déterminatif du lieu qui est employé, l'expression faisant alors référence à la ville (māt Aššurki). Dans d'autres cas encore, surtout également, les deux déterminatifs sont employés en même temps (māt dAššurki)[2],[3]. Cela reflète des pratiques générales attestées dès les débuts de l'histoire assyrienne, impliquant dans certains car l'écriture du nom du dieu en y ajoutant le déterminatif du lieu et celui de la ville avec le déterminatif du dieu, renvoyant au fait que le dieu, la ville et le pays soient inséparables, au point de se confondre[4],[5]. Le terme français « Assyrie » est dérivé du grec ancien et du latin Assyria, peut-être dérivé de l'araméen ʾĀthor[6],[7].
Le souvenir des Assyriens avant les fouilles du XIXe siècle
Le souvenir du royaume assyrien perdurait dans la tradition occidentale, grâce à plusieurs sources antiques, avant les premières fouilles sur les sites de l'Assyrie[8]. D'abord, la Bible, qui donnait des éléments sur l'histoire des relations entre les royaumes d'Israël et de Juda et l'Assyrie, ainsi que des mentions de Ninive où avait été exilé Jonas, est le premier document faisant référence à l'Empire assyrien. Il en ressortait toutefois une vision négative de l'Assyrie, perçue comme une puissance brutale et oppressive. Des auteurs grecs classiques évoquaient aussi le royaume assyrien, comme Hérodote, Xénophon ou encore Ctésias et Diodore de Sicile. Mais ces témoignages indirects sont souvent imprécis ou confus. À partir de ces sources, plusieurs voyageurs européens avaient essayé de retrouver les capitales de l'ancienne Mésopotamie au XVIIe et XVIIIe siècles. Leurs descriptions et objets qu'ils rapportèrent ouvrirent la voie aux premières fouilles en Assyrie[9].
Les découvertes des capitales assyriennes au XIXe siècle
L'Assyrie eut le privilège d'être la première région du Proche-Orient ancien à faire l'objet de fouilles qui furent rapidement couronnées de succès. Cela lui valut d'avoir donné son nom à la discipline s'intéressant à l'histoire de la Mésopotamie antique, l'assyriologie[10]. Le premier palais dégagé est celui du site de Khorsabad, l'ancienne Dur-Sharrukin, capitale de Sargon II, mis au jour par le consul de France à Mossoul, Paul-Émile Botta, à partir de 1843. L'Anglais Austen Henry Layard lui emboîta le pas à Nimrud, l'ancienne Kalkhu, puis sur le tell de Kuyunjik, le centre de l'ancienne Ninive[11]. Les découvertes des impressionnants bas-reliefs de ces édifices eurent un certain retentissement dans le milieu érudit, et ces trouvailles prirent place dans plusieurs musées européens. C'est à cette époque que l'on mit au jour les dizaines de milliers de tablettes cunéiformes qui constituent encore la plus grosse partie de nos sources sur le royaume néo-assyrien, et qui permirent de déchiffrer cette écriture et la langue akkadienne. En 1903, c'est au tour des Allemands de fouiller la dernière capitale assyrienne non dégagée, Assur, sur le tell de Qala'at Shergat, avec des méthodes archéologiques scientifiques et non plus rudimentaires et improvisées comme précédemment[12].
L'étude de la documentation sur l'Assyrie
Les fouilles des capitales assyriennes se poursuivirent durant la majorité du XXe siècle[13], tandis que furent mis au jour de nouveaux sites de l'ancien royaume assyrien, notamment à l'ouest de l'Assyrie à proprement parler, dans la Djézireh, entre le Tigre et l'Euphrate (Tell Rimah, Tell Ahmar, Arslan Tash)[14]. C'est dans la partie syrienne de cette région que se concentrent aujourd'hui les fouilles car la situation politique de l'Irak entrave les opérations dans ce pays[15]. Les découvertes récentes concernent notamment l'époque médio-assyrienne, par exemple à Tell Sheikh Hamad[16] ou Tell Sabi Abyad[17]. Sur ces sites, ce sont les bâtiments administratifs (palais royaux ou provinciaux) et les temples qui sont fouillés en priorité, et peu de résidences ont été mises au jour en Assyrie. Un cas particulier parmi les sites nous documentant sur les Assyriens est Kültepe, situé en Turquie loin du centre de l'Assyrie, où ont été dégagées après 1924 les résidences de marchands d'Assur installés sur place au début du IIe millénaire av. J.-C. et qui ont fourni une abondante documentation cunéiforme[18]. À cela s'ajoutent les opérations de prospection au sol et plus récemment l'utilisation de prospections par satellite, qui ont permis notamment le développement d'une archéologie des paysages assyriens[19],[20].
Les fouilles accomplies sur plusieurs de ces sites, avant tout les grandes capitales, mais aussi les centres administratifs provinciaux, ont permis la mise au jour d'un nombre considérable de tablettes d'argile inscrites en cunéiforme qui ont permis de connaître de nombreux aspects de la vie des anciens Assyriens[21]. Elles sont constituées de textes de la pratique, de loin les plus nombreux car on en compte des dizaines de milliers. Ce sont des textes administratifs enregistrant les opérations d'un grand organisme ou d'une famille, ou des documents juridiques comme des contrats de vente, de prêt, de correspondance, etc. Ils sont inégalement répartis dans l'espace et dans le temps, ce qui fait que certaines périodes, lieux et activités sont très bien documentés, comme le commerce international assyrien du XIXe siècle (attesté dans les archives de Kültepe) tandis que d'autres nous échappent totalement, comme les activités agricoles autour d'Assur à la même période. Les textes issus des cercles savants, évoluant dans le milieu des palais royaux et des temples, sont très abondants pour la période néo-assyrienne grâce aux documents des palais royaux. On y trouve des textes dits « historiques » (chroniques, annales, inscriptions royales), ainsi que des textes dits de « bibliothèques » et nous renseignant sur la vie religieuse et les connaissances scientifiques.
Récemment, l'étude de l'histoire assyrienne s'est vue dotée de séries de publications des textes provenant des sites assyriens : les inscriptions royales ont fait l'objet de plusieurs volumes de la série Royal Inscriptions of Mesopotamia[22] et les textes des archives royales néo-assyriennes de Ninive sont publiés ou republiés et étudiés dans la série State Archives of Assyria (SAA) du Neo-Assyrian Text Corpus Project de l'Université d'Helsinki[23]. Des textes d'époque néo-assyrienne sont également publiés sur Internet à partir des sites Assyrian empire builders[24], Knowledge and Power in the Neo-Assyrian Empire[25] et Archival Texts of the Assyrian Empire[26] qui présentent des documents déjà traduits par le projet SAA et d'autres publications. The Royal Inscriptions of Assyria online (RIAo) Project[27] et The Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period[28] proposent des éditions en ligne des inscriptions royales assyriennes. Il existe aussi The Geography of Knowledge in Assyria and Babylonia[29] qui traite des archives des « bibliothèques » de Nimrud et Sultantepe.
La première période de l'histoire assyrienne, entre 2000 et 1700 av. J.-C., est la période dite « paléo-assyrienne » (assyrienne ancienne)[30],[31]. À la différence des périodes postérieures, il n'y a alors pas de puissance politique ou militaire assyrienne. Le royaume est limité à la cité d'Assur et à ses alentours, et c'est pour cette raison qu'on peut le qualifier de « cité-État ». Cependant, s'il ne joue pas de rôle politique notable, il a quand même une place particulière dans le Moyen-Orient à cette période en raison du dynamisme de ses marchands.
La Liste royale assyrienne, texte rédigé à partir des alentours du XVIIIe siècle, complété jusqu'à la fin du royaume assyrien et censé donner la liste des rois de cet État depuis ses origines[32], débute par l'énumération de « rois vivant sous la tente », ce qui a laissé penser que les origines de l'État assyrien étaient à rechercher dans le monde nomade. Dans les faits, cette ascendance paraît être une pure construction historiographique, incluant les ancêtres nomades amorrites du roi Samsi-Addu d'Ekallatum (qui intégra Assur dans son royaume au XVIIIe siècle av. J.-C.) aux côtés des rois ayant réellement dirigé Assur. Les origines de la royauté assyrienne sont donc mal connues. Elle se développe dans un milieu urbain, celui de la ville d'Assur.
Une cité-État
La ville d'Assur est un ancien centre urbain, habité au moins dès le début du IIIe millénaire[33]. Elle apparaît dans les sources de l'Empire d'Akkad et de la Troisième dynastie d'Ur, qui la dominent temporairement. Mais sa position excentrée par rapport aux grands centres politiques lui permit de préserver son indépendance, son roi Puzur-Assur regagnant son autonomie lors de l'effondrement du royaume d'Ur vers 2010 av. J.-C., et fondant par là même une nouvelle dynastie. À l'époque amorrite (XIXe – XVIIe siècles av. J.-C.), elle apparaît comme une puissance politique assez faible, mais elle est une très importante ville marchande, qu'on a pu comparer aux républiques marchandes de l'Italie de la Renaissance.
L'État de la période paléo-assyrienne a une organisation particulière. Le titre de roi (šarrum) est réservé au seul dieu Assur[34]. Le souverain qui dirige la cité est appelé « vicaire du dieu Assur » (išši'ak aššur), car il est considéré comme son représentant sur terre, ne devant son pouvoir qu'à la volonté divine. Il est encore parfois appelé « chef » (waklum) ou « grand » (rubā'um)[35], titres qui indiquent son rôle de primus inter pares, parmi les notables de la cité. Il doit en effet partager son pouvoir avec l'oligarchie locale représentée par une institution importante, la « Ville » (ālum) : le centre politique d'Assur est en effet le « Bâtiment de la Ville », ou « Hôtel de Ville » (bēt alim), et non le palais royal. Ces deux parties partagent le pouvoir politique et judiciaire, et les ordres officiels sont proclamés en leurs deux noms[35]. La Ville se réunit en assemblée (puḫrum), apparemment devant le temple du dieu Assur[36]. On ignore s'il s'agit plus précisément d'un regroupement de notables, d'Anciens (ce terme revenant souvent dans les textes), voire de tout le peuple de la ville, et aussi s'il y avait une ou deux chambre(s). L'assemblée a, avec le souverain, un rôle de cour suprême de justice, mais aussi d'organisme donnant des ordres et instructions aux citoyens d'Assur[37]. En matière économique, l'Hôtel de Ville était chargé de la collecte des taxes et redevances, et des dettes sur les taxes impayées. Ces tâches incombaient à un personnage important, le līmum, désigné par tirage au sort pour la durée d'un an, qui dirigeait son propre bureau administratif, le bēt līmim (« Maison du līmum »), aidé d'inspecteurs (bērū)[38]. C'est lui qui donne le nom à l'année durant laquelle il exerce cette fonction, raison pour laquelle on parle souvent de lui comme « éponyme (de l'année) »[39].
Une cité marchande
La cité d'Assur est le siège d'une communauté de marchands particulièrement active à la période paléo-assyrienne, connue essentiellement grâce aux plus de 20 000 tablettes exhumées dans les résidences de leur établissement commercial (karūm) situé dans la ville de Kanesh (l'actuel site de Kültepe), en Cappadoce[40]. On y apprend que les marchands d'Assur entretenaient un réseau commercial très étendu, s'appuyant sur plusieurs comptoirs en Anatolie (dont Hattusha, Purushkhanda, etc., en plus de Kanesh)[41]. Ce commerce s'épanouit tout le long du XIXe siècle av. J.-C., connaît un arrêt au début du XVIIIe, avant de reprendre momentanément sous le règne de Samsi-Addu, et de s'arrêter définitivement quand la ville de Kanesh est incendiée, sans doute au cours de guerres opposant les royaumes d'Anatolie.
Le commerce des marchands assyriens se déroule selon un circuit d'échanges à longue distance impliquant plusieurs régions du Moyen-Orient et tournant autour de la ville d'Assur et de Kanesh, le principal établissement commercial assyrien en Anatolie[42]. Ils vendent en Anatolie de l'étain provenant du Plateau iranien, dont on ignore comment il était obtenu, qui sert à fabriquer du bronze une fois allié avec le cuivre d'extraction locale. Les marchands importent aussi en Anatolie des pièces de tissus fabriquées par leur famille restée à Assur (avant tout des femmes[43]) ou bien importées de Mésopotamie du sud[44]. Ils organisent pour cela des caravanes plusieurs fois dans l'année, suivant des itinéraires précis, et réalisent des profits importants, en vendant les produits importés contre de l'argent ou de l'or. Pour financer le commerce, ils peuvent recourir à des prêts commerciaux à la grosse aventure, ou bien à des associations impliquant plusieurs marchands pour une courte ou une longue durée[45].
Les établissements de marchands paléo-assyriens installés dans les pays étrangers sont gérés par une autorité particulière, également appelée karūm (littéralement « quai », nom du quartier commercial des villes de cette période). Celui de Kanesh est le plus important d'Anatolie, dirigeant les autres comptoirs[46]. Il dispose d'un scribe en chef et d'archives, ainsi que d'une assemblée qui joue le même rôle que celle de la cité-mère. Ses attributions sont essentiellement juridiques, mais probablement consacrées avant tout au commerce, pour les litiges entre Assyriens expatriés[47]. Cela se voit aussi dans son activité diplomatique, puisque le karūm passe des accords commerciaux (sous la forme de traités internationaux, māmītum) avec des royaumes étrangers[48]. Il reste toujours soumis au pouvoir central d'Assur, représenté par le roi et la Ville, qui font office d'institutions juridiques suprêmes, et restent en contact avec les établissements assyriens de l'étranger.
Une cité sous domination étrangère
La ville d'Assur reste indépendante jusque vers 1800 av. J.-C., quand le roi Samsi-Addu d'Ekallatum (1815-1775) s'en empare, et l'incorpore dans son royaume (le royaume de Haute-Mésopotamie, avec pour capitale Shubat-Enlil dans la vallée du Khabur)[49]. Après sa mort, son fils Ishme-Dagan continue de régner sur Assur pendant une quarantaine d'années. La situation après sa mort est mal connue : Assur est peut-être à nouveau dirigée par des souverains d'origine locale, à moins que la dynastie de Samsi-Addu ne continue à régner sur la cité. Il apparaît en tout cas que l'expérience de l'intégration au royaume de Haute Mésopotamie reste forte pour l'histoire de l'Assyrie, et Samsi-Addu est toujours considéré comme un roi assyrien par la tradition historiographique de ce pays, sous le nom assyrien de Shamshi-Adad Ier, et ce en raison de son grand prestige. Ses ancêtres sont comptés parmi les premiers rois de la cité dans la Liste royale assyrienne, dans laquelle ils ont peut-être été introduits à l'initiative même de ce roi[50]. La vie politique d'Assur à la fin de l'époque amorrite n'est donc pas connue. Le prologue du Code de Hammurabi mentionne la cité parmi les possessions de ce roi de Babylone vers 1750[51], mais la domination babylonienne sur la Haute Mésopotamie ne survit pas au fils de ce roi, Samsu-iluna.
Assur dans les « âges obscurs »
Les XVIIe et XVIe siècles, un « âge obscur » de l'histoire mésopotamienne, sont peu documentés et leur chronologie est débattue. L'histoire d'Assur à cette époque doit être reconstruite à partir de listes royales parfois contradictoires, de quelques inscriptions royales fragmentaires, des sources provenant d'autres royaumes, et de chroniques historiques postérieures relatant les relations entre Babylone et l'Assyrie. L'absence de documentation pour la première partie de la période, jusqu'au milieu du XVIe siècle av. J.-C., et le fait que les listes royales indiquent des usurpations, semble plaider en faveur d'un déclin de la cité et d'une importante instabilité politique[52]. Dans la seconde moitié du XVIe siècle av. J.-C. la tendance semble s'inverser puisque des projets de travaux importants sont entrepris à Assur. Puzur-Assur III, régnant vers le début du XVe siècle av. J.-C., a rénové les murailles d'Assur, et passé un accord politique avec Burna-Buriash Ier, roi de la dynastie kassite de Babylone, fixant la frontière entre les deux royaumes vers le cours moyen du Tigre, ce qui indiquerait que la puissance assyrienne a pris de l'envergure[53].
Mais Assur doit alors faire face à l'expansion d'un royaume dont le centre est situé plus à l'ouest, dans la vallée du Khabur : le Mittani, dominé par des Hourrites, peuple non sémitique qui est très présent en Haute Mésopotamie, jusqu'aux alentours d'Assur. Selon le prologue historique du traité passé entre un roi hittite et un roi du Mittani au XIVe siècle, Assur a été prise et pillée par le roi mittanien Shaushtatar (années 1440-1430). Mais l'histoire et l'organisation du Mittani restant mal connues, on ne peut pas très bien connaître la place d'Assur par rapport à cet ensemble politique, quoi qu'il en soit la documentation assyrienne de l'époque ne porte pas de trace de cette domination, peut-être parce qu'elle se ressent peu dans les affaires locales. En faire un vassal de ce royaume sur toute la période est difficile, même si les sources extérieures à la Haute Mésopotamie montrent bien que le Mittani est la puissance dominante de la région, et que Shaushtatar étend son autorité jusqu'à Nuzi, bien à l'est d'Assur[54]. Du reste d'autres sources montrent que les rois d'Assur développent des activités diplomatiques d'envergure : ainsi autour de 1400, Assur-bel-nisheshu conclut un nouvel accord frontalier avec un roi babylonien, Kara-indash[55]. Une telle activité serait normalement impossible si Assur était toujours vassale du Mittani, et cet acte témoignerait donc de l'affaiblissement ou de l'arrêt de l'emprise mittanienne en Assyrie. Les rares activités diplomatiques des rois assyriens qui nous sont connues sembleraient en tout cas traduire une lente montée en puissance de ce royaume.
Le début du XIVe siècle marque le commencement d'une nouvelle phase de l'histoire assyrienne, avec la constitution d'une puissance politique qui acquiert au fil des siècles un poids croissant dans le concert international du Moyen-Orient. La première période d'expansion est celle du royaume médio-assyrien qui domine la Haute Mésopotamie, dans la continuité des constructions politiques du IIe millénaire que sont le royaume de Haute Mésopotamie et le royaume du Mittani qu'il supplante et remplace. Après un déclin marqué durant les deux derniers siècles du IIe millénaire qui sont une période de crise majeure pour tous les royaumes du Moyen-Orient, l'Assyrie se révèle être la seule à retrouver une puissance forte et relativement stable au début de la période néo-assyrienne (IXe – VIIIe siècles). Sans rival à sa taille, ce royaume dépasse alors les cadres territoriaux qu'il avait à son apogée au XIIIe siècle pour devenir un véritable empire dominant tout le Moyen-Orient au VIIe siècle. La puissance assyrienne est alors sans précédent. Cependant, une crise politique grave, probablement renforcée par des faiblesses structurelles, conduit à la fin de cet empire à la fin du VIIe siècle. La fin de la puissance assyrienne ne signifie pas pour autant la fin de l'Assyrie, puisque plusieurs éléments indiquent les évolutions de cette région après l'effondrement de l'empire.
Le roi assyrien devient « grand »
Après 1380, le Mittani subit plusieurs lourdes défaites face au roi hittite Suppiluliuma Ier, qui affaiblissent son emprise sur ses vassaux. C'est dans ce contexte que le roi d'Assur, Assur-uballit Ier (1353-1318), envoie une lettre à Amenhotep IV/Akhénaton roi d'Égypte, retrouvée à Tell el-Amarna, dans laquelle il se proclame « grand roi » (šarru rabû), titre qui fait de lui l'égal des rois du Mittani, des Hittites, des Babyloniens et de son interlocuteur. Assur est manifestement devenue une grande puissance politique, et le prouve dans les années qui suivent[56]. Débute alors la période dite « médio-assyrienne » (1521-911)[57]. Assur-uballit soumet la riche région du Haut-Tigre, en s'emparant notamment de Ninive. Il réussit à vaincre le Mittani, qui se déchire alors dans des guerres intestines, et à faire passer sa partie orientale sous sa vassalité, retournant ainsi la situation qui prévalait auparavant et prenant définitivement sa place sur la scène internationale. Le roi babylonien Burna-Buriash II vit mal cette situation au début, mais une alliance dynastique est finalement scellée et il épouse la fille de son homologue assyrien. Cela n'empêche pas par la suite une série de conflits entre les deux puissances, alors qu'une autre rivalité émerge à l'ouest avec les Hittites qui cherchent à dominer ce qui reste du Mittani.
Victoires et échecs des rois médio-assyriens
Les rois Adad-nerari Ier (1295-1264) et Salmanazar Ier (1263-1234) doivent affirmer leurs prétentions par les armes pour préserver leurs positions contre leurs deux puissants adversaires[58]. Une politique de contrôle du territoire et même de colonisation est mise en place en Haute Mésopotamie occidentale (Hanigalbat), placée sous le contrôle d'une lignée de « rois du Hanigalbat » d'extraction assyrienne qui sont en fait des gouverneurs avec des compétences étendues. Plusieurs sites de cette région ont livré des archives pour la période, comme Tell Sheikh Hamad (Dur-Katlimmu) et Tell Chuera (Harbe). Les événements de cette époque sont mieux connus grâce au développement des inscriptions royales à partir desquelles se forme notamment le genre des Annales royales, décrivant année par année les campagnes militaires d'un roi, et qui connaît son plein développement à l'époque néo-assyrienne[59]. Plusieurs chroniques historiques nous documentent aussi sur cette période[60].
Le règne de Tukulti-Ninurta Ier (1233-1197) voit la puissance assyrienne poursuivre sa croissance[61],[62]. Il bat l'armée hittite de Tudhaliya IV et réussit à s'emparer de Babylone. Ces deux succès font de l'Assyrie la plus grande puissance de son temps, Tukulti-Ninurta porte les couronnes d'Assur et de Babylone[63]. À la suite d'un complot à la cour assyrienne, il meurt assassiné, son règne s’achève dans le chaos et la Babylonie recouvre son indépendance.
Après la crise dynastique, l'Assyrie est affaiblie, et le nouveau roi Enlil-kudurri-usur (1186-1182) est vaincu et capturé par le roi babylonien Adad-shum-usur. Une autre révolution de palais survient, et une nouvelle dynastie monte sur le trône avec Ninurta-apil-Ekur (1181-1169), issu de la lignée des « rois du Hanigalbat » (donc lié à la famille royale). Son successeur Assur-dan Ier (1168-1133) voit ses positions menacées dans le Zagros par le roi élamite Shilhak-Inshushinak, mais ce dernier n'arrive pas à faire durer sa domination. Assur-resh-ishi Ier (1132-1115) réussit quelques campagnes victorieuses dans le Zagros, contre Babylone, et aussi face à des nouveaux ennemis, les nomades Ahlamû[64].
Après lui, Teglath-Phalasar Ier (1114-1076) monte sur le trône[65]. C'est le dernier grand roi de cette période : il combat maintes fois en Syrie du Nord, et parvient à atteindre la côte méditerranéenne, même s'il échoue à affirmer sa suprématie face à Babylone. En Haute Mésopotamie, il doit faire face aux attaques des Araméens dont le nom apparaît alors dans les sources écrites, souvent aux côtés des Ahlamû avec lesquels ils semblent entretenir des liens dont la nature nous échappe. Ces tribus sont de plus en plus pressantes, et il est manifeste que les troupes assyriennes n'arrivent pas à les contrôler. Pourtant, Teglath-Phalasar et ses premiers successeurs réussissent à maintenir leur contrôle sur des forteresses et d'autres établissements situés loin du centre de leur royaume, sur le Moyen-Euphrate au sud (Khirbet ed-Diniye/Haradu) et sur le Haut Tigre au nord (Giricano/Dunnu-sha-Uzibi), et c'est peut être de cette période qu'il faut dater l'apogée territorial du royaume médio-assyrien[66].
Le recul de l'Assyrie
Après la mort de Teglath-Phalasar en 1076, les rois assyriens sont progressivement submergés par les attaques des Araméens, qui finissent de leur enlever leurs possessions dans la Djézireh durant la seconde moitié du XIe siècle, et coupent leurs voies de communication vers l'ouest. Le royaume assyrien se replie autour d'Assur et de Ninive, mais parvient à se maintenir, à l'inverse de la plupart de ses anciens rivaux : les Hittites ont disparu complètement dans les premières décennies du XIIe siècle, tandis que Babylone est incapable de stabiliser sa situation politique, et finit par sombrer dans l’anarchie[67].
Les débuts du royaume néo-assyrien : la reconquête
Après un Xe siècle plus que morose, l'Assyrie reprend de sa superbe vers 934, quand monte sur le trône Assur-dan II (934-912), qui entame une nouvelle phase d'expansion assyrienne. Son successeur Adad-nerari II (911-891) parvient à repousser les Araméens[68]. Il lance ensuite des attaques dans toutes les directions, et finit par mener une campagne victorieuse contre Babylone. Avec eux débute une nouvelle dynamique expansionniste, et la période dite « néo-assyrienne » (934-609) commence[69]. Sa première partie a les apparences d'une reconquête des territoires des rois médio-assyriens, dans la continuité desquels les nouveaux souverains s'inscrivent souvent. Cependant, en l'absence d'adversaire à la mesure de l'Assyrie, le polycentrisme qui prévalait à la période précédente n'a plus cours ; ce royaume se hisse progressivement au rang de puissance hégémonique, instaurant l'ère des empires orientaux, dont la Perse achéménide, l'Empire parthe puis sassanide, etc. sont par la suite les émules.
Les successeurs d'Adad-nerari II poursuivent sur sa lancée : les Araméens en particulier subissent plusieurs lourdes défaites. Les royaumes qu'ils ont établis aux abords de l'Assyrie sont subjugués. Le Zagros est aussi un terrain de campagnes pour les Assyriens. En 883, Assurnasirpal II (883-859) devient roi, et se lance dans une série de guerres victorieuses à l'ouest, contre les royaumes Araméens et néo-hittites (Bit-Adini, Bit-Agusi, Suhu, Laqe, Karkemish, Kummuhu et Gurgum)[70]. Il déplace sa capitale d'Assur à Kalkhu, qu'il repeuple en y déportant des habitants des royaumes vaincus. Parallèlement, la domination assyrienne sur la Haute Mésopotamie reprend sur les bases de la période médio-assyrienne. Salmanazar III (858-824) combat à son tour les royaumes de Syrie du Nord[71]. Après quelques premiers succès (prise de Til-Barsip), il est arrêté à Qarqar par une coalition dirigée par le roi Bar-Hadad de Damas, regroupant des rois de Syrie du Nord, de Phénicie et du Levant. Quelques années plus tard, Salmanazar prend sa revanche en battant le roi de Damas et ses alliés, mais il ne peut pas garder sa mainmise sur la Syrie orientale.
Crise de croissance
Le royaume assyrien connaît de sérieuses difficultés sous les règnes des successeurs de Salmanazar III : Shamshi-Adad V (824-811), Adad-nerari III (811-783), et ses fils Salmanazar IV (783-773), Assur-dan III (772-755) et Assur-nerari V (755-745). Une guerre civile éclate à la fin du règne de Salmanazar III, et son fils et successeur Shamshi-Adad V met plusieurs années à mater une révolte qui agite la noblesse assyrienne[72]. Les royaumes tributaires de l'Assyrie tentent parallèlement de secouer la domination qui pèse sur eux. Les rois assyriens ont le plus grand mal à endiguer ces problèmes, et perdent une partie de leur autorité face aux nobles assyriens, qui se sont enrichis au cours des conquêtes et se sont constitué un patrimoine qui leur donne un grand pouvoir à la cour[73]. Le cas le plus représentatif est Shamshi-ilu, grand général de l'Assyrie, qui dispose d'un grand apanage en Haute Mésopotamie autour de Til Barsip[74]. De plus, le pays assyrien est secoué par plusieurs révoltes dont certaines menées par les villes. Pour ajouter plus de difficultés à la puissance assyrienne, cette période voit la montée en puissance d'un nouvel ennemi : l'Urartu, qui bouscule la domination des Assyriens en Anatolie[75].
Reprise de l’expansion et formation de l'empire néo-assyrien
En 745, le trône d'Assyrie est usurpé par Teglath-Phalasar III (745-727), peut-être un autre fils d'Adad-nerari III[76]. Celui-ci réussit à restaurer la puissance assyrienne, en décidant une série de réformes structurelles qui vont renforcer l'emprise de son royaume sur les territoires dominés. Il remplace certains royaumes vassaux par des provinces administrées directement par un gouverneur assyrien. Il réforme aussi l'armée et remporte de grandes victoires : il bat l'Urartu, plusieurs royaumes syriens et palestiniens (annexions de Damas et de Gaza), et s'empare surtout de Babylone. Il en devient le roi sous le nom de Pulû, instaurant une situation de double monarchie assyro-babylonienne. Quand il meurt en 727, la puissance assyrienne n'a plus de rivale. Son fils Salmanazar V (727-722) monte sur le trône, et son règne est marqué par la destruction du royaume d'Israël[77]. Mais il est détrôné cinq ans plus tard par Sargon II (son frère ?).
Les Sargonides : l’apogée de l’Assyrie
Sargon II (722-705) et ses successeurs Sennacherib (704-681), Assarhaddon (680-669) et Assurbanipal (668-v. 630), que l'on regroupe sous l'appellation de dynastie des « Sargonides », vont mener l'Assyrie à un degré de puissance jusqu'alors jamais atteint, à tel point qu'on peut parler d'un « empire »[78],[79]. Aucune autre puissance n'est en effet en mesure d'y faire face. Certains grands royaumes cherchent à appuyer des révoltes dans l'empire assyrien même pour l'affaiblir, mais ils subissent chacun à leur tour une cuisante défaite sur leur sol même : l'Urartu est écrasé par Sargon II en 714, et se concentre alors sur la région arménienne ; l'Égypte est envahie par Assarhaddon, qui prend Memphis, puis Assurbanipal, qui prend Thèbes ; l'Élam, après avoir soutenu de nombreuses révoltes en Babylonie, est finalement envahi par Assurbanipal, qui pille sa capitale Suse en 646. Si aucun de ces royaumes n'est incorporé durablement dans l'Empire assyrien, il n'empêche que les rois de ce dernier témoignent d'une puissance et d'un rayon d’action sans précédent.
La situation interne de l'empire n'en est pas stable pour autant. La cour assyrienne connaît quelques remous, notamment l'assassinat de Sennacherib et la guerre que son fils Assarhaddon doit mener pour monter sur le trône. De nombreuses révoltes se produisent en divers points de l’empire, et doivent être réprimées. Le plus gros problème reste la Babylonie, dominée par les Assyriens depuis Teglath-Phalasar III. De nombreuses révoltes s'y produisent, dirigées par des Babyloniens de souche, des Chaldéens (dont la figure la plus importante est Merodach-baladan II), soutenus par les Élamites. Plusieurs conflits se produisent, marqués par des moments de grande violence. Babylone est détruite par Sennacherib en 689, puis restaurée par Assarhaddon, qui tente de rétablir la paix en mettant son fils Shamash-shum-ukin sur le trône de la ville, sous la tutelle de son cadet Assurbanipal, roi d'Assyrie. Cette situation ne dure pas, car Shamash-shum-ukin se révolte, et n'est vaincu qu'après un long conflit.
L'Assyrie est alors un très vaste ensemble, qui s'étend de l'Iran occidental à la mer Méditerranée, de l'Anatolie au nord du désert d'Arabie. L'empire est constitué d'un grand nombre de provinces et de royaumes vassaux. Sa grande capitale, Ninive, rebâtie par Sennacherib, en est le cœur, et est l'une des plus grandes villes du monde à cette période. Le début de règne d'Assurbanipal marque l'apogée de la puissance assyrienne : il a vaincu en Babylonie, a assuré sa domination en Syrie, au Levant, jusqu'en Anatolie[80]. La fin de son règne reste très mal connue, et peut avoir été difficile. L'Assyrie connaît des premiers reculs : les Cimmériens, qui ont envahi l'Asie Mineure précédemment, lancent des raids dans la partie orientale de l'empire, et ne sont repoussés que très difficilement, tandis que l'Égypte a profité des troubles pour s'émanciper de la domination assyrienne ; la révolte de Shamash-shum-ukin s'ajoute à ses difficultés.
La chute de l'empire assyrien
L'événement déclencheur de la chute de l'Assyrie est pourtant interne, et c'est sans doute là le facteur le plus important. À la mort d'Assurbanipal en 627 (peut-être dès 630), son fils Assur-etil-ilâni règne sur l'empire. Il disparaît rapidement, dans des circonstances indéterminées. Sa succession met aux prises son frère Sîn-shar-ishkun (625-612), sans doute roi de Babylone (comme Shamash-shum-ukin avant lui), et Sîn-shum-limur, chef des eunuques, qui est défait. Ce conflit a profité en Babylonie à Nabopolassar, gouverneur du Pays de la Mer, qui réussit à monter sur le trône de Babylone. Quand le dernier roi assyrien décide de rétablir la situation en Babylonie vers 620, il ne peut vaincre le Babylonien, qui le repousse avant de l'attaquer en Assyrie. En 616, un nouvel intervenant apparaît en la personne de Cyaxare, roi des Mèdes, qui s'allie au maître de Babylone contre l'Assyrie. Cette coalition scelle le destin de cette dernière. Assur tombe en 614, puis Ninive en 612, et Sîn-shar-ishkun disparaît. Un militaire assyrien du nom de Assur-uballit II tente de résister, et se réfugie à Harran, d'où il espère combattre les Mèdes et les Babyloniens avec l'aide de l'Égypte. Mais son règne est de courte durée puisqu'il est vaincu en 609[81].
L'Assyrie après l'empire
Après la chute de l'empire assyrien, la Haute Mésopotamie ne connaît pas de reprise et cesse d'être le foyer d'un royaume puissant : c'est donc l'effondrement de tout un « système » politique et social lié à l'impérialisme assyrien qui se produit. L’État assyrien disparu, avec la plupart de ses institutions et élites sociales, laisse la place à une société moins hiérarchisée, lettrée et urbanisée qu'auparavant[82]. De ce fait, très peu de sources documentent les trois siècles suivant la chute de l'empire assyrien : cette période est un « âge obscur » pour cette région, comme cela se constate souvent après la chute d'une entité politique antique. Ce phénomène semble partagé par d'autres régions voisines qui ont elles aussi vu leurs structures politiques et sociales bouleversées (Urartu, Syrie et Palestine intérieures)[83].
C'est donc une nouvelle situation politique, économique et démographique qui se met en place pour plusieurs siècles[84]. Le pays devient majoritairement rural, les grandes villes assyriennes ne survivant pas à la fin de l'empire qui avait fait leur croissance, souvent de façon très volontariste. Après les destructions de la fin du VIIe siècle, on ne trouve que quelques traces de réoccupations de parties des anciennes acropoles des capitales assyriennes[85]. Il est possible que le nomadisme prenne alors une place plus importante. La culture matérielle de la période, notamment la céramique, n'ayant pas été bien identifiée et différenciée de celle de la période précédente, les prospections archéologiques sont difficilement mobilisables pour connaître l'évolution du peuplement rural aux VIe – Ve siècles.
Il est probable que les Mèdes et les Babyloniens se sont partagé la Haute Mésopotamie mais on n'y trouve que très peu de traces attestant d'une tentative de contrôle d'un des deux sur cette région[86]. La maigre documentation textuelle pour cette période indique que ce sont les Babyloniens qui ont récupéré la domination de la Haute Mésopotamie : une poignée de tablettes de Tell Sheikh Hamad date du règne de Nabuchodonosor II, un gouverneur babylonien est présent à Guzana (Tell Halaf)[85], les archives du temple du dieu Shamash à Sippar semblent indiquer que celui-ci disposait de terres dans la région du Khabur, aux côtés d'autres temples de Babylonie (ceux de Marduk à Babylone et de Nabû à Borsippa), qui pourraient être issus de distributions de terres par le pouvoir royal après la conquête de la région dans le but d'y asseoir son contrôle[87]. Le dernier roi babylonien, Nabonide, fils d'une Araméenne qui est née en Haute Mésopotamie à Harran à la fin du règne d'Assurbanipal, s'assure la domination de cette cité et y restaure le grand temple du dieu-lune Sîn, dont il est un fervent dévot, comme on l'apprend par deux inscriptions trouvées sur place[88].
Après 539, l'empire babylonien est vaincu et incorporé dans l'Empire perse achéménide de Cyrus II, et l'Assyrie (en perse Aθurā) passe sous le contrôle de cet empire. Cette région est un peu mieux attestée dans les sources de cette époque[89],[90],[91]. Dans une inscription datant de la guerre de succession perse de 520, Darius Ier dit avoir fait exécuter un usurpateur à Arbèles « en Médie », mais l'interprétation de ce passage est discutée[90]. Les Assyriens apparaissent dans les représentations et listes de peuples tributaires retrouvées en Perse, et les tablettes de Persépolis nous apprennent que des travailleurs assyriens sont présents dans cette région. Le témoignage contenu dans l'Anabase du grec Xénophon qui traverse l'Assyrie au cours de la retraite des Dix Mille vers 400, rapporte la présence de quelques villes encore habitées dans la région, comme une Kanai qui est probablement Assur, et les ruines de Ninive et Kalkhu sont encore frappantes même si elles sont désertées[92]. Le cœur de l'ancienne Assyrie est donc un pays à dominante rurale. La seule ville importante pour l'Empire achéménide qui s'y trouve est Arbelès (Erbil), siège du gouverneur provincial, qui est un nœud de communication majeur d'où partent des routes cruciales vers Suse et Sardes[93]. La feuille de route de Nehtihor, intendant du satrape d'Égypte Arsamès à la fin du Ve siècle, indique que les relais de poste des anciennes routes stratégiques assyriennes sont toujours en usage, incorporés dans le système de la voie royale perse[90].
C'est en Assyrie qu'a lieu la bataille de Gaugamèles (sans doute dans la plaine de Ninive), remportée par le Macédonien Alexandre le Grand contre l'armée perse en 331, et qui marque la fin définitive de l'Empire achéménide. La période hellénistique, durant laquelle les Séleucides dominent la Mésopotamie, ne voit pas de modifications majeures survenir en Haute Mésopotamie, à moins qu'il ne faille dater du règne de Séleucos Ier le moment où Ninive devient cité grecque[94]. Quelques localités de la région commencent en tout cas à s'helléniser légèrementet ce processus se poursuit sous la domination des Parthes qui s'établissent à partir de la seconde moitié du IIe siècle. Les anciennes cités assyriennes connaissent alors un renouveau, redeviennent prospères, accueillent une administration : cela concerne Assur, Ninive et Arbelès[95]. C'est dans cette dernière que s'installe une dynastie locale, dirigeant le royaume d'Adiabène, première puissance politique à émerger dans la région depuis la chute du royaume assyrien. Mais elle reste vassale des Parthes, avant que l'Empire romain ne vienne la leur disputer. Les Romains réussissent à y établir une province éphémère sous le règne de Trajan en 115 ap. J.-C., qui prend le nom d'Assyrie, et y constituent une frontière fortifiée (limes). Par la suite, l'Adiabène reste tiraillée entre Romains et Parthes, auxquels s'ajoutent les Arméniens. Plus à l'ouest, un autre royaume émerge en basse Djézireh, à Hatra à partir de 100 ap. J.-C., dirigé par des princes arabes, d'abord vassaux des Parthes, puis alliés aux Romains avant leur destruction sous les coups des Perses sassanides[96].
Dans les décennies suivantes, l'Empire parthe décline et est remplacé par celui des perses Sassanides, qui deviennent les nouveaux rivaux des Romains en Haute Mésopotamie. À cette période, les Assyriens sont des locuteurs d'une langue araméenne, même si certaines de leurs élites sont hellénisées, et l'antique religion continue à être pratiquée, comme on le voit dans le fait que les populations d'Assur et Hatra continuent de vénérer Assur, Nergal, Ishtar, Nanaya et d'autres divinités du panthéon mésopotamien antique[97].
Des Assyriens antiques aux Assyriens modernes
Mais la christianisation fait reculer ces pratiques, qui disparaissent sans doute durant l'Antiquité tardive, période à laquelle on peut considérer que la page de l'histoire ancienne du peuple assyrien est définitivement tournée. Le terme « Assyrien », en araméen ʾāthorāyā, n'est quasiment plus utilisé en Syrie et Haute Mésopotamie pour désigner une population à l'époque pré-moderne, puisqu'il sert surtout à désigner les Assyriens antiques, et dans une moindre mesure les habitants de la région de Mossoul. Les Chrétiens syriaques se désignent plus couramment par les termes « Araméen », ʾārāmāyā, et « Syrien », suryāyā. Le terme « Assyrien » ne commence à servir à désigner les Chrétiens originaires des territoires correspondant à l'ancienne Assyrie qu'à compter du milieu du XIXe siècle, d'abord chez des auteurs et missionnaires anglais. Puis il est adopté par les populations concernées qui se désignent dès lors principalement par le terme « Assyrien », ʾāthorāyā, et développent une identité nationale « assyrienne »[98].