Jean XXII
196e pape de l'Église catholique (1316-1334) / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Jacques Duèze (ou Duèse), né en 1244 à Cahors, mort le 4 décembre 1334 à Avignon, issu d'une famille de la bourgeoisie aisée de Cahors, devient le 196e pape de l’Église catholique en 1316 sous le nom de Jean XXII.
Pour les articles homonymes, voir Duèze.
Ne doit pas être confondu avec Jacques Duez.
Jean XXII | ||||||||
Fresque. XIVe siècle. Avignon. | ||||||||
Biographie | ||||||||
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Nom de naissance | Jacques Duèze | |||||||
Naissance | Cahors (royaume de France) |
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Ordre religieux | Ordre des Prêcheurs | |||||||
Décès | (à 89 ou 90 ans) Avignon |
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Pape de l'Église catholique | ||||||||
Élection au pontificat | ||||||||
Intronisation | ||||||||
Fin du pontificat | (18 ans, 3 mois et 27 jours) |
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Autre(s) antipape(s) | Nicolas V (1328-1330) | |||||||
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Âgé de 72 ans lors de son élection, il inaugure véritablement la série des papes d’Avignon, après Clément V (1305-1314), qui ne s'était pas durablement installé dans la ville en 1309 et mourut à Roquemaure. Élu par des cardinaux pressés de trouver un compromis temporaire et qui espéraient le voir mourir rapidement, Jean XXII est mort à 90 ans environ, après 18 ans de règne.
Arnaud Duèze, le progéniteur de la famille Duèze, et son épouse Hélène de Béraldi (de Bérail, de Béral), appartiennent à des familles de la bourgeoisie aisée de Cahors, ville active dans le domaine du commerce et de le banque au Moyen Âge.
- Arnaud Duèze (Cahors en 1220 julien, Cahors après 1271, bourgeois de Cahors) x Hélène de Béraldi[1]
- Jacques, pape de 1316 à 1334 sous le nom de Jean XXII[1]
- Marie Duèze x Pierre de Via. Ils eurent trois enfants, dont[1] :
- Huguette/Marguerite x Guillaume de Creysse
- descendance[1]
- Marguerite x Bernard de Jean[1]
- Gaucelme de Jean (Cahors, Avignon 1348), cardinal[1]
- Pierre Duèze (Avignon, 1326), consul de Cahors, x Catherine de Grandis (Grand)[2],[3] → descendance jusqu'à nos jours
Jacques Duèze fait ses études chez les dominicains à Cahors puis son droit à Montpellier et à la faculté de théologie catholique de Paris[4]. Il enseigne à Toulouse[5]. Il est nommé archiprêtre à Cahors, chanoine de la cathédrale Saint-Front de Périgueux, archiprêtre de Sarlat et doyen du Puy. Il est le clerc du roi de Naples Charles II d'Anjou et fait partie de l’entourage de son fils Louis à Toulouse. Évêque de Fréjus en 1300, il est appelé par Charles II d'Anjou comme chancelier de Provence en 1308[4]. Il est nommé évêque d’Avignon le puis cardinal-évêque de Porto et Santa Rufina en 1313[4].
Après la mort de Clément V, le Sacré Collège s'installe à Carpentras, le , pour élire un nouveau pape. Or, trois partis étaient en compétition : les Gascons au nombre de dix, les Italiens au nombre de sept, adversaires acharnés des Gascons, avec Napoléon Orsini, Niccolò Alberti d'Ostie et Velletri des cardinaux français d’origines diverses : trois Languedociens, un Quercinois et deux Normands complétaient le Sacré Collège. Les luttes de tendances entre Italiens, Gascons et Français furent telles que deux longs mois passèrent sans qu’ils parviennent à un accord pour trouver un successeur à Clément V.
Une élection difficile
Le , le conclave est attaqué. Les responsables de ce coup de force sont Bertrand de Got, seigneur de Monteux, et Raymond Guilhem de Budos, recteur du Comtat Venaissin, neveux de Clément V. Ils pillent la ville, incendient nombre de demeures et surtout emportent avec eux le trésor de guerre de leur oncle, un million de florins destinés à la croisade. Affolés, les cardinaux s’enfuient.
Deux ans plus tard, la chrétienté est toujours sans pape. Sur l’initiative de Philippe de France, comte de Poitiers, frère du roi Louis X le Hutin, un nouveau conclave est réuni à Lyon. Il commence ses travaux, au début du mois de , avec un certain mauvais vouloir[n 1]. Les cardinaux, entre deux sessions, apprennent que, le , Louis X a rendu l’âme.
Le comte de Poitiers, qui n’est pour l’instant que régent car la reine Clémence de Hongrie attend un enfant, veut accélérer l'élection pour rentrer à Paris. Le , prenant prétexte de la célébration d’un service funèbre en l’honneur du roi défunt, il assemble le Collège des cardinaux dans l’église des Dominicains. Elle est aussitôt cernée par les troupes de Jean Ier de Forez[6] et, lors de l’office, le régent en fait murer toutes les ouvertures. Les cardinaux sont condamnés à trouver un pape.
Cependant, il faut attendre jusqu’au , pour que Napoléon Orsini s’entende avec ses collègues Francesco Caetani et Arnaud de Pellegrue. Les trois cardinaux proposent d’élire le candidat pour lequel s’étaient déjà prononcés Philippe de Poitiers et Robert d’Anjou, nouveau comte de Provence et roi de Naples. C’était Jacques Duèze, originaire de Cahors, ancien évêque d’Avignon et cardinal de Porto, en qui ses confrères ne voyaient qu’un vieillard cacochyme.
Le pape était âgé de 72 ans. Il n’est pas impossible que son âge avancé fût pris en considération par les cardinaux qui pensaient élire ainsi un pape de transition. D'autant que n'étant ni italien ni gascon, il n'avait eu qu'un rôle politique effacé jusqu'alors[7]. Or son aspect chétif, sa petite taille, son teint pâle et sa voix fluette cachaient une robuste santé renforcée par une remarquable hygiène de vie. Le pape mourut à 90 ans, après 18 ans d'un pontificat qui fut le plus long de tous ceux des papes d’Avignon.
Dans Lyon en liesse, le nouveau pape est couronné le et choisit le nom de Jean XXII. Il décide alors de rejoindre Avignon. Le Souverain pontife débarque au pied du pont Saint-Bénézet, le , et s’installe dans le palais épiscopal qu’il avait longtemps occupé[n 2].
Le complot
Une procédure judiciaire avait été ouverte contre l’évêque de Cahors, Hugues Géraud, accusé de malversations[8]. Ce dernier, se sentant perdu, décide d’empoisonner le pape. Il s’assure la complicité de deux personnes de l'hôtel pontifical : Pons de Vassal et Isar d’Escodata.
Il se procure des poisons et des statuettes de cire pour procéder à l’envoûtement du pape. Le rite est d’abord pratiqué contre Jacques de Via qui mourut (coïncidence ?) le . Trois figurines de cire à l’effigie du pape, de Bertrand du Pouget et de Gaucelme de Jean sont cachées dans des pains et confiées à des messagers pour les porter dans le palais épiscopal. L’attitude étrange des voyageurs attire l’attention de la police pontificale qui découvre ces voults. À la fin de , toutes les personnes impliquées, dont Hugues Géraud, sont arrêtées. Celui-ci est déclaré coupable de l’assassinat de Jacques de Via, dégradé de l’épiscopat et livré au bras séculier ; il périra sur le bûcher.
Ce complot illustre les pratiques d’une époque où le recours à la sorcellerie n’était pas exceptionnel. Par une bulle pontificale de 1318, Jean XXII élargit les pouvoirs donnés aux inquisiteurs pour intenter des procès aux sorciers. En 1317, Jean XXII fait aussi mener un procès inquisitoire contre l'archevêque d'Aix-en-Provence Robert de Mauvoisin, un membre de la famille de Clément V et du « parti gascon », ancien ami d'Hugues Géraud. Robert de Mauvoisin est en particulier accusé d'avoir eu recours aux prédictions d'un astrologue juif, Moïse de Trets, pour savoir combien de temps le pape vivrait et à quel moment il valait le mieux lui envoyer des cadeaux pour obtenir sa bienveillance. Moïse lui avait aussi confectionné des talismans. L'archevêque ne fut pas accusé de sorcellerie, mais dut démissionner, et c'est un proche de Jean XXII, Pierre Des Prés, qui lui succéda[9].
Choix d’Avignon pour résidence
Pour Clément V, prédécesseur de Jean XXII, Avignon avait été plutôt une halte qu’une résidence. Au contraire Jean XXII fut le pape qui s’implanta effectivement à Avignon. Le choix de cette ville présentait de nombreux avantages. En effet l’Église possédait déjà le Comtat Venaissin, grâce au traité de Paris, signé le entre Louis IX, roi de France, et le comte Raymond VII de Toulouse. Ce dernier précisait dans ce traité « quant aux païs et domaines qui sont au-delà de ce fleuve (Rhône) dans l’Empire, avec tous les droits qui peuvent m’appartenir, je les ai cédés précisément et absolument à perpétuité à l’église romaine. » Avignon qui ne faisait pas partie de cette donation car la ville appartenait aux comtes de Provence, présentait de nombreux avantages. Elle est située au carrefour d’axes de communication, elle dispose d’un port fluvial et possède le fameux pont Saint-Bénezet, premier ouvrage de franchissement du Rhône en remontant ce fleuve. De plus cette ville se trouve à l’intérieur d’une riche zone agricole produisant les ressources nécessaires au ravitaillement d’une population nombreuse telle que celle de la cour pontificale.
Seulement neuf jours après son élection, Jean XXII se réserve le la disposition du couvent des frères prêcheurs. Son neveu Jacques de Via étant évêque d’Avignon, il le nomme cardinal sans lui désigner de remplaçant, afin de disposer du palais épiscopal qu’il avait habité auparavant[7]. Il sait que ces bâtiments sont dans le secteur de la ville le plus facile à défendre, d’où son choix. Il entreprend d’adapter son ancien palais à sa nouvelle charge[10]. Guasbert Duval (ou Gasbert de la Val), vicaire général, compatriote du pape et futur évêque de Marseille, est chargé des acquisitions nécessaires à l’agrandissement. Il est nommé le archevêque d'Arles, puis archevêque de Narbonne le par le pape Benoît XII. Les premiers travaux sont confiés à Guillaume de Cucuron. Le logement du pape se trouve dans l’aile ouest, ainsi que les bureaux et appartements de ses plus proches collaborateurs. Le côté nord est constitué par l’église paroissiale Saint-Étienne qui est transformée en chapelle pontificale. À l’est, sont installés les logements des cardinaux neveux, ainsi que différents services. Dans cette aile orientale, mais plus au sud, se trouvent les services du trésorier et du camérier. Au sud un bâtiment est construit pour les audiences.
Toute la chrétienté est secouée par un profond débat sur la pauvreté de l'Église. Il a été suscité par les franciscains et a provoqué des fractions en leur sein même, l'ordre des Frères mineurs se divisant entre conventuels et spirituels.
Spirituels et conventuels
Pour tenter de calmer ces tensions, Jean XXII, le , canonise Louis d'Anjou, archevêque franciscain de Toulouse proche des spirituels. Mais le frère aîné du roi Robert est surtout porté sur les autels comme étant un homme de toute science, toute pitié et toute charité, plein de compassion envers les pauvres[n 3].
Ce geste lui attire la gratitude de Michel de Césène, général des franciscains, qui intervient auprès du Souverain pontife pour qu'il fixe la constitution franciscaine. Aussi, le , Jean XXII rend publique sa décrétale Quorumdam Exigit qui reconnaît les délibérés du dernier chapitre général de Pérouse comme lucides, solides et mûrs, tout en attribuant des biens propres aux frères mineurs[n 4].
Le pape ordonne de plus que tous les minorites soient revêtus de l'habit des conventuels et obéissent à leurs supérieurs sous peine d'excommunication. Ce qui met hors d'eux les partisans de la pauvreté absolue de l'ordre[n 5]. Dès le mois de décembre, les spirituels et les fraticelles entrent en révolte ouverte. À la demande de Michel de Césène, ministre général des mineurs, le pape réagit durement en prononçant, par les bulles du et du , l'excommunication des spirituels et des fraticelles.
Parmi ceux-ci, il fallait faire un exemple. Jean XXII charge Michel Monachi, dit Lemoine, inquisiteur franciscain, d'instruire l'affaire et d'excommunier les insoumis. Ainsi, à Marseille, il fait arrêter cinq franciscains. Un seul confesse ses erreurs ; les quatre autres, dénommés Jean Barrani, Dieudonné Michaëlis, Guilhem Sancton et Pons Rocha de Narbonne, ayant refusé de se rétracter, sont jugés coupables et brûlés vifs le dans le cimetière des Accoules à Marseille[11]. De la sorte, spirituels et fraticelles les proclament saints et martyrs. Et dans leurs prêches, ils traitent ouvertement le pape d'Antéchrist et de monstre dévorant[n 6].
Un franciscain languedocien, Bernard Délicieux, se rend à Avignon pour défendre devant le Souverain pontife la cause de ses frères. Dès son arrivée, en , il est arrêté et envoyé à Carcassonne devant le tribunal de l'Inquisition présidé par Jacques Fournier, dit Novellès, évêque de Pamiers[n 7]. Son procès débouche, le , sur une condamnation à la prison perpétuelle[n 8].
Michel de Césène et Guillaume d'Occam
Mais Jean XXII, tout en condamnant les déviances des spirituels, ne se prive pas d'utiliser les compétences des conventuels. Le , à la demande de Philippe V, il envoie une ambassade à Louis de Nevers, fils du comte de Flandre. Celle-ci est conduite par Michel de Césène.
Pour la circonstance, le général des franciscains s'attache les services du très avisé Guillaume d'Occam, célèbre franciscain qui soutient des thèses originales sur l'existence de Dieu et la présence réelle dans l'eucharistie[n 9].
L'ambassade des deux mendiants est couronnée de succès : le comte de Flandre accepte les offres de paix du roi. Jeanne, la fille du Hutin, renonce à toutes ses prétentions sur la couronne de France. Mais elle conserve ses droits sur celle de Navarre, qui lui venait de sa grand-mère, et doit épouser Philippe d'Évreux, cousin du roi de France. Il est prévu qu'un traité ultérieur formalisera cet accord sous l'égide pontificale.
Jean XXII fait encore un geste envers les frères mendiants, le , en portant sur les autels Thomas de Canteloupe, évêque franciscain anglais, mort en 1282 ; en revanche, il refuse de sanctifier la moniale Claire de Montefalco, décédée en 1308, à cause de ses évidentes sympathies pour les fraticelles.
La querelle sur la pauvreté de l'Église
En dépit des concessions pontificales, des divergences éclatent à nouveau au début de l'année 1322. Ubertin de Casale, théoricien des franciscains spirituels, que le cardinal Napoléon Orsini avait pris sous sa protection en le choisissant comme pénitencier, est sollicité par le Souverain pontife pour lui présenter une relation motivée sur la question de la pauvreté. Ses conclusions sont immédiatement condamnées par le pape.
Pour répliquer à cette bulle pontificale du dans laquelle le principe de la pauvreté de l'Église est remis en question, Michel de Césène réunit, à Pérouse, le suivant, le chapitre général. Il défend les arguments du spirituel Béranger Talon que le pontife a jeté en prison pour avoir affirmé que Nicolas III avait fait de la pauvreté un dogme dans sa bulle « Exit qui seminal ».
Le , le pontife avignonnais réplique au chapitre de Pérouse par la bulle Ad conditionem canonum. Il y décide que le siège apostolique se déchargera sur les « pauvres » franciscains de tous les biens qu'il gérait en leur nom.
Le , Jean XXII accepte pourtant, au cours d'un consistoire, d'écouter les arguments des minorites. Leur porte-parole, Bonagrazia de Bergame, dans une péroraison enflammée, se met à contester au pape le droit de régenter leur Ordre car celui-ci était de droit divin. Excédé par cette outrance, le Souverain pontife envoie aussitôt l'impertinent reconsidérer ses thèses entre quatre murs.
Enfin Jean XXII, par sa décrétale Cum inter non nullus, condamne le chapitre de Pérouse. Du coup, Louis de Bavière, auquel le pape contestait l'Empire, se fait un devoir de soutenir les franciscains dans une déclaration faite à Sachsenhausen ; une Église pauvre ne pouvant lui contester le droit de légiférer sur les affaires terrestres. Jean XXII réplique à cette prise de position par sa décrétale Quia quorundam et convoque sans façon Michel de Césène à Avignon. Préférant rester en Italie dans son bastion de Pérouse, le général des franciscains se fait passer pour malade et délègue à sa place les frères Modeste Custodio et Jean Fidanza. Prudent, le cardinal Orsini convainc le pape de charger Ubertin de Casale de porter sa décrétale auprès du roi d'Aragon.
Les premiers palais des papes
Dès son arrivée, profitant de sa connaissance du diocèse d’Avignon, Jean XXII le réorganise. Un de ses premiers actes fut de doter la manse du chapitre canonial de Notre-Dame des Doms en lui adjoignant les abbayes de Saint-Paul-de-Mausole, à Saint-Rémy-de-Provence, et de Saint-Michel de Frigolet, à Barbentane.
D’emblée, le nouveau pape s’impose comme un remarquable administrateur et un grand bâtisseur. À peine installé depuis un trimestre, il fait construire un château neuf, dans ce qui allait devenir Châteauneuf-du-Pape[n 10]. Les comptes de la révérende chambre apostolique nous apprennent que Jean XXII consacra 3 000 florins à la restauration du vieux château datant du XIIe siècle[n 11].
Les travaux vont durer de 1317 à 1333. Son maître d’œuvre est Raynaud Hébrard et son maître charpentier Raymond Mézières. Ce dernier dut faire descendre deux trains entiers de bois flotté sur le Rhône par les radeliers de Seyssel. Dans le même temps, le pontife fait planter, par des vignerons venus de Cahors, le premier vignoble pontifical.
On dit que c’est encore l’amour du bon vin qui décide sa Sainteté, en 1317, à acquérir auprès de Jean II, Dauphin du Viennois, le terroir et la ville de Valréas. Cet achat est conclu le pour 16 000 livres parisis que Jean XXII va récupérer par imposition sur les villes et les villages du Comtat Venaissin. Et le il achète à Giraud Amic de Sabran, son vignoble de Séoule (aujourd’hui Sylla), sur le terroir de Saint-Saturnin-lès-Apt.
À la même période, le pontife fait construire d’autres châteaux neufs à Bédarrides, Barbentane, Châteauneuf-de-Gadagne (alors Giraud-Amic), Noves et Saint-Laurent-des-Arbres. Pour les décorer et orner, il fait venir Pierre du Puy, un franciscain de Toulouse qualifié de « peintre du pape », assisté de Pierre Massonnier. Entre 1316 et 1322, l’architecte de tous ces chantiers est Guillaume Giraud de Cucuron, que le pape va combler de bénéfices à Noves, Saint-Andiol et faire chanoine de Saint-Agricol d’Avignon[12].
- Palais des papes de Sorgues et le pont sur l'Ouvèze, dessin de Laincel.
- Palais des papes de Sorgues, côté ouest, dessin de Laincel.
- Palais des papes de Sorgues, côté sud-est, dessin de Laincel.
- Palais des papes de Sorgues, gravure de Baugéan.
- Vestiges du palais des papes de Sorgues en 1907.
En 1322, quand l’abbé de Cluny rétrocède à Jean XXII Pont-de-Sorgues où depuis 1274 était installé l’atelier de frappe des monnaies pontificales, le pontife y fait aménager le premier palais des papes près du château ayant appartenu aux comtes de Toulouse[n 12].
La restructuration des diocèses occitans
Puis, entre 1317 et 1318, ce fut une énorme mutation que fit subir le pape à la majorité des diocèses du sud de la France. Celui de Toulouse fut amputé des diocèses de Saint-Papoul le , de Lombez le et de Lavaur le . Pour faire passer sa réforme, Jean XXII jugea politique d'élever l'évêché toulousain au statut d'archevêché le . L'archidiocèse de Narbonne, quant à lui, fut amputé des diocèses d’Alet, après la suppression de l'éphémère évêché de Limoux[n 13], le . Saint-Pons-de-Thomières fut créé par bulle du .
Du diocèse de Clermont (Clermont-Ferrand) fut sorti celui de Saint-Flour le ; du diocèse d'Albi, celui de Castres en 1317 ; et du diocèse d'Agen, celui de Condom en 1317. Le diocèse de Poitiers se vit retirer ceux de Luçon et de Maillezais le ; le diocèse de Cahors perd celui de Montauban le ; Pamiers, ceux de Rieux, le , et de Mirepoix, le . Du diocèse de Périgueux, ce fut Sarlat ; de celui de Limoges, Tulle ; et celui de Rodez, Vabres, tous constitués en évêchés le .
En multipliant ainsi les évêchés, le second pape d’Avignon, en bon cadurcien[n 14], remettait le pouvoir spirituel à des prélats citadins, alliés naturels de la bourgeoisie marchande. Jean XXII n'oublia pas la ville des comtes-évêques de Cahors en y créant en 1332 une université afin de renforcer cette élite.
Réorganisation de l'ordre hospitaliers et du Comtat Venaissin
Afin d’asseoir sa puissance en tant que comte du Venaissin, Jean XXII informe le grand maître Foulques de Villaret, le , qu’il désirait se faire restituer toutes les possessions que les Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem géraient dans le Comtat depuis 1276.
L’ordre de l’Hôpital, mal dirigé par Foulques de Villaret, était très endetté. En 1319, les Hospitaliers déposent Foulques et le remplacent par Maurice de Pagnac. Jean XXII convoque les deux protagonistes à Avignon. Pour éviter la dilapidation des possessions, il interdit les aliénations des terres et met en place des ressources nouvelles. Il sauve ainsi cet Ordre prestigieux.
Il entreprit ensuite de restructurer l’administration de ses États. Par la « bulle de dismembration », en date du , il autorisa son neveu Arnaud de Trian, recteur du Comtat, à quitter Pernes pour s’installer à Carpentras qui devint ainsi la nouvelle capitale du Venaissin[n 15].
Le , il nomme sur la recommandation des dignitaires de l'Ordre le prieur de Provence Hélion de Villeneuve grand maître des Hospitaliers[13]. Le pape se fait céder les biens gérés par l’Ordre dans le Comtat[n 16]. Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem se dépossèdent de tous leurs fiefs comtadins, des droits relevant de l’ancienne baillie du Temple à Richerenches ainsi que de la majorité de leurs biens propres.
La croisade des pastoureaux
À la suite d’un pèlerinage au Mont-Saint-Michel, des groupes de miquelets, essentiellement de jeunes paysans du Nord de la France, s’étaient organisés pour partir en croisade[n 17]. Ce sont les pastoureaux[14]. Ce vaste mouvement populaire est soutenu par les prêches enflammés d’un bénédictin apostat et d’un prêtre interdit pour sa conduite, qui les ont convaincus de l’urgence du « Saint Voyage » pour aller combattre les infidèles. Par bandes entières, ces pastoureaux commettent crimes et pogroms à travers le pays, de Paris vers les Pyrénées et le Languedoc.
Le pape accuse alors le roi de France Philippe V d’irresponsabilité, et s’étonne, auprès de son légat Gaucelme de Jean, « que la prévoyance royale ait négligé de réprimer les excès et le pernicieux exemple des Pastoureaux, qu’on devrait plutôt appeler "loups, rapaces et homicides", dont les procédés offensent gravement la Majesté Divine, déshonorant le pouvoir royal et préparant, pour tout le royaume, des dangers inexprimables si on ne les arrête pas ».
Les pastoureaux sont finalement écrasés à Carcassonne - après avoir décimé 120 communautés juives et tué des milliers de leurs membres[15].
Le pape spolie les juifs
Mais les malheurs des juifs n’en sont pas finis pour autant. Charles IV le Bel, troisième fils de Philippe le Bel, après la mort de son frère Philippe, est couronné à Reims par l’archevêque Raymond de Courtenay, le . Considérant que son Trésor est trop limité, il n’hésite pas à poursuivre la politique de son père et par ordonnance du , fait expulser les juifs de France afin de récupérer leurs biens.
Jean XXII trouve la mesure excellente et, pour ne pas être en reste, il fait de même avec les juifs d’Avignon et du Comtat vénaissin qui se réfugient en Dauphiné et en Savoie. Pour parfaire l’expulsion, le pape juge utile et nécessaire de faire jeter à bas les synagogues de Bédarrides, Bollène, Carpentras, Le Thor, Malaucène, Monteux et Pernes[n 18] et de raviver en 1326 des mesures du concile de Latran, en imposant aux Juifs de plus de quatorze ans le port de la rouelle, et aux Juives de plus de douze ans celui de cornailles (chapeaux à cornes)[15].
Cette chasse aux juifs n’empêche pas la justice royale de se pencher sur le cas d’un brigand gascon du nom de Jourdain de l’Isle. Ses actes lui valent d’être arrêté en , à la veille de la Trinité. C’est un neveu par alliance de Jean XXII[16]. Accusé de viols, assassinats, rapines et brigandages, il est condamné à mort et exécuté le mois suivant, revêtu d'une robe blanche aux armes du pape[n 19].
Le pape et la sorcellerie
Jean XXII publia en la bulle Super illius specula, assimilant pratiquement la sorcellerie à l'hérésie. Une voie que suivirent ses successeurs de Benoît XII à Alexandre V en pérennisant la chasse aux sorcières[17].
Le pape conteste en vain les innovations musicales
Le compositeur et théoricien Philippe de Vitry avait publié vers 1320 à Paris son fameux traité Ars nova, qui faisait le point sur des innovations en matière de notation musicale permettant aux compositeurs de l'époque de s'affranchir de certaines contraintes rythmiques et d'enrichir le langage musical.
Le pape, sollicité par certaines autorités ecclésiastiques, rédige en 1324-1325, la décrétale Docta Sanctorum Patrum[18] dans laquelle il fustige[19] ces innovations et leurs conséquences : « ils mettent toute leur attention à mesurer les temps, s'appliquent à faire les notes de façon nouvelle, préfèrent composer leurs propres chants que chanter les anciens, divisent les pièces ecclésiastiques en semi-brèves et minimes ; ils hachent le chant avec les notes de courte durée, tronçonnent les mélodies par des hoquets, polluent les mélodies avec des déchants et vont jusqu'à les farcir de « triples » et de motets en langue vulgaire ».
Cette décrétale resta sans effet et le Pape en prit son parti puisqu'il finit par témoigner à Philippe de Vitry son estime en le comblant de bénéfices et en l'invitant à Avignon.