John Maynard Keynes
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John Maynard Keynes (/keɪnz/), né le à Cambridge et mort le dans sa ferme de Tilton à Firle, est un économiste, haut fonctionnaire et essayiste britannique. Sa notoriété est mondiale. Il est le fondateur de la macroéconomie keynésienne[Note 1]. Le keynésianisme, la nouvelle économie keynésienne, le néokeynésianisme ou le post-keynésianisme sont issus de son œuvre. Considéré comme l'un des théoriciens les plus importants de l'économie du XXe siècle[1], il fut, en tant que conseiller officiel ou officieux de nombreux hommes politiques, l'un des acteurs principaux des accords de Bretton Woods, après la Seconde Guerre mondiale.
Membre de la Chambre des lords | |
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Baron Keynes (d) | |
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Baron |
Naissance | |
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Décès |
(à 62 ans) Firle |
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Formation |
King's College (- Université de Cambridge Collège d'Eton St Faith's School (en) |
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Lydia Lopokova (de à ) |
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Maîtres |
Alfred Marshall, William Ernest Johnson (en) |
Directeurs de thèse |
William Ernest Johnson (en), Alfred North Whitehead |
Adjectifs dérivés | |
Distinctions |
Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (), Indian Currency and Finance (d) (), Les Conséquences économiques de la paix (), A Treatise on Probability (d) (), A Treatise on Money (d) () |
Jeune, il rencontra aussi le succès en tant qu’auteur, avec l'écriture d'un livre sur le traité de Versailles intitulé Les Conséquences économiques de la paix, publié en 1919, et la rédaction d'articles pour des journaux et des revues. Sa première somme théorique fut le Traité sur la monnaie, mais son œuvre majeure est sans conteste la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), livre qui, après d'autres, s'en prend à la loi de Say, l’un des fondements du laissez-faire.
La force de John Maynard Keynes réside dans le fait qu'à la différence de ses prédécesseurs, il élabore une théorie nouvelle ainsi que les outils conceptuels nécessaires à la mise en place de politiques économiques alternatives, à une époque où la crise de 1929 ravage l'économie internationale et résiste aux politiques conventionnelles. Ses travaux sont notamment utilisés après la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de la mise en place de l'État-providence. Selon Kenneth R. Hoover, Keynes[Note 2] aurait eu à son époque une position « centriste » entre d'une part Friedrich Hayek et d'autre part Harold Laski, un des inspirateurs de l'aile gauche du parti travailliste au Royaume-Uni. Il est souvent considéré comme ayant donné aux sociaux-libéraux britanniques la théorie économique qui leur manquait.
Ses héritiers, notamment les penseurs du courant néokeynésien dit de la synthèse néoclassique qui prédomina longtemps aux États-Unis[Note 3], perdirent, de l’aveu même de leurs partisans, une grande partie de leur influence à partir du début des années 1980 avec la montée en puissance du monétarisme et de la nouvelle économie classique, qui promouvaient alors la dérèglementation financière. Cependant, la crise économique de 2008-2009 sembla entraîner un regain d'intérêt pour sa pensée, tant dans la version sociale libérale de la nouvelle économie keynésienne que dans des versions plus hétérodoxes, telles que le post-keynésianisme ou encore, en France, l'économie des conventions.
Famille et milieu d'origine
John Maynard Keynes est né dans une famille d'universitaires appartenant à la bourgeoisie victorienne[Note 4]. Son père, John Neville Keynes, maître de conférences à l'université de Cambridge est l'auteur d'un ouvrage classique de méthodologie économique : The Scope and Method of Political Economy paru en 1890. Très tôt le père est fasciné par son fils comme en témoigne le journal qu'il tenait[S 1]. La mère de John Maynard, Florence Ada Keynes est une autrice à succès et une pionnière des réformes sociales. Elle fait également de la politique et est élue maire de Cambridge en 1932[2]. Outre John, le couple Keynes a un autre fils, le futur Sir Geoffrey Keynes (1887–1982), chirurgien et bibliophile, et une fille, Margaret.
Le nom de famille Keynes viendrait de Cahagnes en Normandie. « Cahagnes » proviendrait lui-même du bas latin casnus (chêne). Selon les recherches généalogiques faites par Keynes, il descendrait de William de Cahagnes, un compagnon de Guillaume le Conquérant. Pendant les révolutions anglaises du XVIIe siècle, sa famille alors catholique – plusieurs membres ont été jésuites — aurait souffert de persécution et aurait été dépouillée de ses biens[3].
Jeunes années
À sept ans, John Maynard Keynes entre à l'école primaire de St Faith's (Preparatory School) où il fait preuve d'un certain talent en mathématiques[5]. Un an plus tard, il intègre le collège d'Eton. Brillant élève, il obtient de nombreux prix (dix en première année, dix-huit en seconde année, onze en troisième année). Il se montre particulièrement doué en mathématiques où il obtient tous les premiers prix[S 2]. En 1902, il entre au King's College de Cambridge. En 1903, Lytton Strachey et Leonard Woolf l'introduisent à la société des Cambridge Apostles ; un club voué à « la poursuite, de la vérité sans réserve et avec une absolue dévotion par un groupe d'amis intimes. »[BD 1]. Il y rencontre Henry Sidgwick, Bertrand Russell, Lowes Dickinson, Ludwig Wittgenstein et George Edward Moore, dont le livre Principia Ethica exerce sur Keynes une influence durable[BD 1]. C'est aussi dans ce milieu que se formera le groupe de Bloomsbury dont il sera membre. Diplômé en mathématiques de Cambridge en 1905, il se prépare ensuite[6] au concours de la haute fonction publique anglaise. C'est aussi à Cambridge qu'il fait la connaissance de certains des meilleurs économistes de son époque : Francis Ysidro Edgeworth, Alfred Marshall ; puis plus tard Joan Robinson, Piero Sraffa, Richard Kahn, James Meade ou encore Bertil Ohlin.
En 1907, il entame une carrière au service de l'État britannique, mais arrivé second au concours[S 3] il ne peut intégrer le Trésor. Il est affecté à l’Indian Office (ministère de l'Inde). Au bout de deux ans, il s'y ennuie[S 4] et vers 1907, commence à travailler sur ce qui deviendra le Treatise on Probability (en) (Traité sur la probabilité). Il entreprend également des études d'économie sous la direction d'Alfred Marshall. Quand Arthur Cecil Pigou est élu à la chaire d’Alfred Marshall, le bureau d'économie et de politique, présidé par John Neville Keynes, crée deux postes de maître de conférences dont l’un est attribué à John Maynard Keynes[S 5]. En 1913, il publie son premier livre d'économie, l’Indian Currency and Finance. Selon Schumpeter le succès de l’ouvrage lui vaut la réputation de maîtriser aussi bien les problèmes techniques que politiques et humains[7]. Grâce à ce livre, il est nommé membre de la Royal Commission on Indian Currency and Finance (1913-1914)[8].
Vie privée, art et groupe de Bloomsbury
La vie de Keynes sera toujours double : d’un côté l’homme privé, esthète, lié au groupe de Bloomsbury et de l’autre l’homme public, économiste et conseiller politique[BD 2]. Certains de ses amis, tel Walter Lippmann, ne sauront jamais concilier cette ambiguïté ou préféreront s'en tenir à l’homme public[10]. Il est un membre important du groupe de Bloomsbury, un club qui compte notamment le peintre Duncan Grant, Lytton Strachey, E. M. Forster, Vanessa Bell et sa sœur Virginia Woolf. Il écrit les Conséquences économiques de la paix dans la maison de campagne de Vanessa Bell et Duncan Grant, son ancien amant, dans leur maison de campagne de Charleston, près de Firle.
Keynes est bisexuel[11],[12] : ayant un comportement principalement bisexuel dans sa jeunesse[12], ce qu'il ne cache pas à ses amis du Bloombsbury Group, Keynes épouse ensuite en 1925 la ballerine russe Lydia Lopokova (une danseuse étoile de la compagnie des Ballets russes de Serge Diaghilev à la carrière non conventionnelle). Elle ne sera pas très bien acceptée par le Bloomsbury Group et notamment par Vanessa Bell qui la trouve trop peu rationnelle. Réciproquement, elle n'a guère d'affinité avec eux. Pour Robert Skidelsky[S 6], en éloignant Keynes du groupe de Bloomsbury, elle lui a permis de mieux intégrer les milieux proches des cercles du pouvoir et d'atteindre la maturité nécessaire à l'écriture de ses grandes œuvres économiques. Néanmoins il ne cessera jamais de les fréquenter à Londres et à la campagne. La ferme de Tilton louée par John Maynard Keynes est à quelques centaines de mètres de Charleston et proche de la maison de Leonard et Virginia Woolf à Rodmell. Il aide Julian Bell, fils de Vanessa Bell, à devenir Apôtre et fait connaissance de ses amis notamment Anthony Blunt et Guy Burgess, qui seront identifiés plus tard comme membres des Cinq de Cambridge[13].
Toute sa vie, Keynes manifeste un grand intérêt pour l'opéra (Covent Garden) et la danse qu'il aide financièrement. Durant la guerre, il est membre du Comité pour la promotion de la musique et des arts (CEMA). L'intervention de Keynes sera importante en matière de politique publique en faveur des arts et de la culture. Lui et les membres du groupe de Bloomsbury créèrent des structures coopératives ou associatives (Hogarth Press, The London Artists' Association) destinées à donner un cadre stable à des artistes prêts à se plier à des règles minimales, qui ne toucheront pas à leur liberté de création, en échange de revenus plus réguliers. Dans le secteur privé, une de leurs réalisations majeures fut la Contemporary Art Society, fonctionnant comme une autorité de certification d'artistes contemporains afin d'éduquer le goût du public et de rassurer les acheteurs potentiels sur la qualité de leurs achats[14]. Ce rôle fut repris, et considérablement étendu, avec la fondation après la Seconde Guerre mondiale du British Arts Council, dont Keynes fut l'un des premiers directeurs.
Keynes est un grand collectionneur de livres et partage cette passion avec Friedrich Hayek, philosophe et économiste libéral classique avec lequel il entretient une certaine amitié bien qu'ils soient en profond désaccord en matière d'économie. Il réunit ainsi dans sa collection de nombreux manuscrits d'Isaac Newton sur l'alchimie[15] et les notes de John Conduitt. Une des dernières publications de Keynes est Newton, l'Homme (Newton, The Man) parue pour le tricentenaire de la naissance du physicien (1942).
Keynes, le haut fonctionnaire du Trésor
En , il se fait remarquer en recommandant à Lloyd George, alors ministre des finances, de ne suspendre la convertibilité de la Livre sterling qu'en cas d'absolue nécessité. Le , sur proposition d’Edwin Montagu qui avait déploré son départ de l’Indian Office, il est engagé au Trésor pour la durée de la guerre. Lorsque McKenna succède à Lloyd George aux finances, il devient vite son principal conseiller[S 7] et, à la même époque, il est affecté à la division du Trésor chargée du financement de la guerre[S 8].
Keynes participe activement au débat qui agite le gouvernement anglais : doit-on augmenter le nombre de divisions alignées sur le front français et par là même recourir à la conscription ou non ? Keynes et McKenna sont opposés à cette option. Deux arguments sont mis en avant : la conscription gênerait la production britannique rendant le pays dépendant des États-Unis en matière de financement ; la conscription s’oppose au principe libéral qui veut qu’un gouvernement ne puisse exiger des citoyens qu’ils donnent leur vie sans leur consentement explicite. La victoire de l’autre option, la guerre totale, fait envisager à Keynes une démission du Trésor[Note 5]. Malgré les pressions de ses amis de Bloomsbury, il choisit de rester en poste au grand soulagement de ses parents. Le , le conservateur Andrew Bonar Law devient le nouveau ministre des finances en remplacement de Mc Kenna. Le nouveau ministre maintient de bonnes relations avec Keynes et, en , il est nommé chef de la division A chargé des financements extérieurs et décoré de l’ordre du Bain.
Keynes participe à nombre de réunions préparatoires portant sur l'aspect économique du futur traité de paix. Il est opposé à des réparations trop importantes et pour une annulation des dettes de guerre contractées par la France et le Royaume-Uni auprès des États-Unis. Par ailleurs, il trouve que les propositions de Woodrow Wilson sur ce que sera la Société des Nations négligent trop l’aspect économique – il fera en sorte de réparer cette omission durant la Seconde Guerre mondiale. Il n'est pas écouté et préfère démissionner.
Pour exprimer ses idées et ses réserves envers le traité de Versailles, il écrit en 1919 Les Conséquences économiques de la paix. Ce livre lui apporte à la fois l’aisance financière et une notoriété internationale. Il y reproche moins à Georges Clemenceau d’avoir défendu et imposé une solution influencée par le réalisme en relations internationales qu’à Woodrow Wilson et à Lloyd George de ne pas avoir défendu plus fermement leurs idées proches du libéralisme en relations internationales plus favorables à la paix et au développement économique. En conséquence, c'est à ces derniers qu'il réserve ses flèches les plus acérées. Ce livre passe mal en France[Note 6]. Dès 1920, Jacques Bainville lui répond dans Les Conséquences politiques de la paix, ouvrage prémonitoire où Bainville décrit l'enchaînement historique qui conduira à la seconde guerre mondiale et où il déplore l'approche purement économique de Keynes. En 1946, Étienne Mantoux fera paraître un livre destiné à réfuter les thèses de Keynes : The Carthaginian Peace or the Economic Conséquences of Mr. Keynes. Pour l'économiste historien américain Charles Kindleberger[Note 7] l'ouvrage de Keynes a heurté le sentiment national français, et cela expliquerait en partie pourquoi les économistes français ne s'intéressèrent vraiment à l'œuvre de Keynes qu'après la Seconde Guerre mondiale.
Keynes dans les années 1920
Keynes, l'homme d'influence
À la différence de nombre de ses amis de Bloomsbury, Keynes n'est pas un héritier. Aussi, quand il quitte le Trésor, il doit financer son train de vie, d'autant qu'il a réduit son temps d'enseignement à Cambridge. Keynes se lance dans les placements financiers et siège à partir de 1919 au conseil d'administration de la National Mutual Life Assurance Company[S 9] puis à compter de 1923 à celui de la Provincial Insurance Company[D 1]. Il spécule sur les matières premières (administrateur du collège de Cambridge, il demande d'utiliser la nef de l'église pour y stocker du blé) ou sur la livre sterling, jouant avec l'argent de sa famille sans qu'elle le sache. Keynes est pour les entrepreneurs et les spéculateurs, les deux prenant selon lui des risques, contrairement aux rentiers dont il « souhaite l'euthanasie »[16].
Comme Winston Churchill ce sont principalement ses travaux d'écriture qui le font vivre : il publie au Manchester Guardian pour qui il couvre notamment la conférence économique de Gênes de 1921, au Nation and Athenaeum, et rédige des livres dont il assume les frais d'impression ce qui lui permet de ne donner à son éditeur que 10 % du produit des ventes. Sur un plan académique, enfin, il dirige de 1911 à 1937, l'Economic Journal.
Au fort pouvoir médiatique que lui offrent ses travaux d'écriture, il faut ajouter le pouvoir d'influence qu'il exerce à travers sa participation à de nombreux clubs. Il sera membre de l'Other Club fondé par Winston Churchill, il est un des fondateurs du Tuesday Club qui réunit le troisième mardi de chaque mois des hommes politiques, des financiers, des universitaires et des journalistes[D 2], à Cambridge, il a fondé le Political Economy Club qui se réunit le lundi.
Keynes et la bataille de la monnaie
Keynes peut constater dans les années 1920 la justesse de ses thèses : les réparations ne sont que très partiellement payées de même que les dettes de guerre et la situation économique en Europe n'est pas très florissante. Dans son livre Tract on Monetary Reform de 1923, il souligne, entre autres idées[M 1] que l’inflation peut conduire à la révolution, qu’une réforme monétaire est nécessaire pour reconstruire l’Europe et qu’il vaut mieux dévaluer que recourir à la déflation.
Dans cette perspective, il s’oppose à Churchill[Note 8] quand celui-ci après beaucoup d’hésitations revient à l’étalon-or avec une parité remontant à Isaac Newton[17] et s’engage dans une politique de déflation qui provoque des grèves et des problèmes économiques. Cet épisode lui inspire un autre livre : Les Conséquences économiques de M. Churchill (1925). Si Keynes s'oppose à l'étalon-or durant cette période c'est parce qu'il trouve qu'il force les pays en difficulté à supporter tout l'ajustement en les plongeant dans la dépression. Ce souci constitue un trait constant de ses projets de réforme du système monétaire mondial.
Keynes et le parti libéral anglais
Fin 1922, Keynes achète avec d'autres à la famille Rowntree le journal The Nation fondé en 1907. Ce journal avait été le bastion d'un libéralisme assez intellectuel qui avait émergé autour de l'Université d'Oxford avant la guerre. Ce courant libéral qui insistait sur la nécessité de mieux contrôler tant les pouvoirs publics que les pouvoirs privés et qui voyait la démocratie comme un bien en elle-même, heurtait les penchants étatistes et élitistes de Keynes[S 10]. Par ailleurs, il était marqué par « Oxford » et la pensée de Thomas Hill Green qui contestait le laissez-faire à partir d'« un mélange d'hégelianisme et de langage biologique que Keynes et sa génération à Cambridge trouvait condamnable »[S 11]. Si Keynes acquiert ce journal c'est en partie pour avoir une tribune pour ses théories monétaires et peut-être aussi pour diffuser les idées de l'école d'économie de Cambridge.
Parallèlement, des libéraux de Manchester lancent des écoles d'été (summer school) qui doivent se tenir alternativement à Oxford et à Cambridge dans le but de doter le parti libéral d'une politique adaptée aux années 1920[S 12]. Keynes participe à des sessions y donnant en 1926 une conférence intitulée Suis-je encore un libéral ? Pensant peut-être à Asquith qu'il quitte quelque temps après pour Lloyd George, il écrit : « il n'y a pas place, sinon à l'aile gauche du Parti Conservateur, pour ceux qui sont attachés avec ferveur à l'individualisme à l'ancienne et au laissez-faire dans toute leur rigueur bien qu'ils aient grandement contribué au succès du XIXe siècle »[18].
D'une manière générale, Keynes est très impliqué avec le parti libéral entre 1924 et 1929. En 1927, il participe à la rédaction du Livre jaune du parti, intitulé Britain's Industrial Future. En 1928, il rédige avec Hubert Henderson une brochure intitulée Can Lloyd George Do It (Est-ce que Lloyd George a des chances de réussir ?) pour soutenir les mesures prévues dans le document du parti libéral, We can Conquer Unemployment (Nous pouvons vaincre le chômage)[19]. Finalement, le Parti libéral perd les élections et c'est le travailliste Ramsay MacDonald qui revient au pouvoir en 1929 avec Snowden comme chancelier de l'Échiquier qui continueront la politique déflationniste initiée par Winston Churchill qui n'est définitivement abandonnée qu'en 1931[20].
Keynes le théoricien : la trilogie
Keynes n'abordera vraiment la théorie économique que relativement tard avec ce que Don Patinkin[DP 1] nomme la « trilogie de Keynes », à savoir les deux tomes du Traité sur la monnaie (1930) et la Théorie générale (1936), son ouvrage majeur.
Traité sur la monnaie
Le Traité sur la monnaie (A Treatise on Money) paraît en 1930. Keynes[DP 2] qui est alors membre du Comité Macmillan chargé de « conseiller » le gouvernement de Ramsay MacDonald, n'a pas le temps de soumettre ses écrits à la critique d'autres économistes ni de réellement les réviser comme il l'aurait voulu. Aussi, ce livre le déçoit vite d'autant qu'il n'arrive pas à mettre en lumière les facteurs qui influent sur le niveau de production.
L'ouvrage se compose de deux volumes. Dans le premier intitulé « La Théorie pure de la monnaie », Keynes définit d'abord la nature de la monnaie puis décrit ses origines historiques avant de présenter une théorie de la monnaie qui aborde à la fois les aspects statiques et dynamiques de la question[DP 3]. Dans le volume deux intitulé « La Théorie de la monnaie appliquée », Keynes procède d'abord à une étude empirique des variables critiques de sa théorie puis se focalise sur les grandes caractéristiques institutionnelles qui leur servent de cadre[DP 3]. Enfin il expose les politiques monétaires dont les grands traits selon Don Patinkin[DP 4] « découlent directement de son analyse théorique ». « Si le « cycle du crédit » est généré par l'altération des prix en lien avec les problèmes de coûts qui provoquent des profits (ou des pertes) puis une hausse ou (une baisse) de la production et de l'emploi alors, proclamait Keynes (comme avant lui Wicksell, Fisher, Pigou et après lui l'école de Chicago des années 1930…) le moyen de stabiliser l'économie était de stabiliser les prix. Et, poursuit Keynes, la variable majeure pour atteindre cet objectif est le taux directeur de la banque centrale qui doit être augmenté quand les prix montent et abaissé quand ils baissent ».
Vers la Théorie générale
À partir de la fin 1931, le parti libéral n'est plus très actif. Les réseaux de Keynes qui gravitent dans son orbite perdent de leur influence à la suite de la montée des conservateurs groupés autour de Neville Chamberlain tandis qu'à la suite de la fusion de la Nation avec le New Statesman issu de la Fabian Society, son influence sur la nouvelle revue décline car il doit compter avec le nouvel éditeur Kingsley Martin dont il ne partage guère les idées. Keynes moins impliqué dans l'action a plus de temps à consacrer à la théorie.
Enfin, le début des années 1930 marque des changements importants sur le plan relationnel. Certains de ses amis meurent (Lytton Strachey, Roger Fry) tandis que d'autres s'éloignent de lui comme Herbert Henderson. Il se rapproche alors des économistes de Cambridge. L'année qui suit la diffusion du Traité sur la monnaie ce livre est discuté par le « Cambridge circus » (cercle de Cambridge) comprenant parmi les membres les plus connus Richard Kahn, Joan et Austin Robinson, James Meade, Piero Sraffa et d'autres[DP 5]. C'est à partir de début 1932 qu'il va se mettre réellement à la rédaction de ce qui deviendra la théorie générale.
Son ouvrage, issu d'articles du Times, « The Means of Prosperity », constitue une date importante dans l'émergence de ce qui sera la révolution keynésienne[S 13]. Keynes s'y montre plus grave et moins centré sur les problèmes anglais[S 14]. Par rapport à ses ouvrages antérieurs, il a moins en tête la situation de l'Angleterre que celle des États-Unis d'où une moindre emphase sur la flexibilité (ce n'était pas le problème dans ce pays) et une plus grande place faite à l'incertitude[S 15]. À l'automne 1934, il a fini le premier jet de la Théorie générale et commence à la soumettre à des lecteurs comme Roy Forbes Harrod, Ralph George Hawtrey ou Dennis Robertson[DP 5]. Cet ouvrage paraît en 1936 et vaut à Keynes d'être considéré comme une figure majeure de l'économie (certains vont jusqu'à dire qu'il est la « figure tutélaire[21] » de la macroéconomie moderne).
Retour au Trésor
En , Keynes est victime d'un malaise cardiaque dont il se remettra lentement. Pendant sa convalescence, il contribue à la diffusion de sa pensée mais il ne devient réellement actif qu'en 1939. Le rythme de vie et les précautions qu'imposent sa maladie le préserveront durant la Seconde Guerre mondiale de la suractivité qui minera la santé d'hommes plus jeunes. Il travaille d'abord sur la façon de financer la guerre sans créer d'inflation et publie le fruit de ses réflexions sous le titre How to Pay the War (1940). Cet ouvrage est bien accueilli au Trésor qui apprécie son idée maîtresse : comment éviter de recourir à la planification pendant la guerre. Malgré tout son idée d'épargne forcée ne sera pas suivie.
Il réintègre le Trésor[Note 9] à titre bénévole en . Il y restera jusqu'à sa mort. Il aide le ministre des finances à mettre au point le budget de 1941. Comme pendant la Première Guerre mondiale, il participe à la réflexion sur le financement de l'effort de guerre anglais qui forme l'arrière-fond des négociations qui déboucheront sur les accords de Bretton Woods. Keynes a un double rôle de concepteur et de négociateur, ce qui parfois compliquera les négociations.
Lorsqu'en 1942, William Beveridge présente son plan sur la sécurité sociale, Keynes obtiendra du Trésor la constitution d'un groupe de travail composé de lui-même, de Lionel Robbins et d'un actuaire afin de "reprofiler" le projet de façon à le rendre financièrement acceptable[Note 10].
Durant la guerre, les problèmes économiques sont du ressort de trois grands pôles : le Trésor, l'Economic Section dirigée par Lionel Robbins que seconde James Meade et, de façon moins influente, la Banque d'Angleterre. Contrairement aux États-Unis où les ministres comme Cordell Hull ou Henry Morgenthau ont des objectifs clairs pour l'après-guerre, les hommes politiques anglais laissent les experts dessiner l'avenir. Pour Robert Skidelsky[SF 1] ce manque de vision à long terme et d'implication dans des dossiers engageant l'après-guerre explique l'échec de Winston Churchill aux élections qui suivent la fin de la guerre. Keynes lors des négociations avec les États-Unis a parfois conscience de tenir un rôle qui reviendrait à son ministre. La présence de Keynes donnera au Trésor un fort dynamisme. L'auteur d'une biographie importante de Keynes[SF 2], le désigne comme « le Churchill » de l'économie, un domaine dans lequel le grand politique anglais n'avait que peu de lumières.
Dans les dernières années de sa vie, Keynes reçoit de nombreuses distinctions, devient administrateur d'Eton, est fait Lord en 1942, sur proposition de Winston Churchill, etc. Il meurt le sans descendance. Son frère fait disperser ses cendres à Tilton, sa résidence secondaire, alors que John Maynard Keynes avait exprimé le souhait qu'elles reposent à la Chapelle du King's College (Cambridge)[D 3].
Avant de s'intéresser à l'économie, Keynes a d'abord écrit sur la philosophie (il s'agit souvent d'écrits destinés soit aux Cambridge Apostles, soit au Bloomsbury Group comme My Early Beliefs), sur les probabilités (de manière plus universitaire - son premier grand livre est son Treatise on Probability) et sur la politique (un de ses écrits de jeunesse est un texte sur Edmund Burke).
Keynes et la philosophie
Keynes comme les Cambridge Apostles de son temps est très influencé par les Principia Ethica de George Edward Moore. Pour ce dernier, le bien ne peut être défini et seule l'intuition permet de le saisir (nous verrons plus loin la place de l'intuition chez Keynes)[D 4]. Cela l'amène à critiquer à la fois la tradition utilitariste issue de Jeremy Bentham qui confond plaisir et bien, et les idéalistes tels que McTaggart ou Lowes Dickinson.
Dans la pensée de Moore, l'important ce sont les « états d'esprit » (les joies que nous ressentons) dont les plus estimables sont le plaisir des relations entre humains et celui que procure la vue de beaux objets[S 16],[D 5]. Ces états d'esprit sont de « très complexes unités organiques composées à la fois d'un sujet expérimentant et d'un objet de l'expérience »[S 17]. Pour lui, l'action juste doit conduire à un état d'esprit désirable. Il faut donc chercher des actions qui provoquent de bons résultats mais il est très difficile de connaître les résultats de nos actions. D'où, chez Moore, l'idée que nous devons nous en tenir à des institutions qui ont fait leurs preuves pour guider nos actions.
Cette idée assez proche de celle développée plus tard par Friedrich Hayek est rejetée par Keynes. C'est pour cela qu'il va s'intéresser aux probabilités. En effet, alors que pour Moore comme pour David Hume toute la connaissance probable est fondée sur l'expérience, pour Keynes au contraire les probabilités nous permettent d'appréhender jusqu'à un certain point le futur ou du moins le résultat de nos actions. Par contre, il retient de Moore que la fin est tout aussi importante que les moyens et que cette fin n'est pas exclusivement matérielle d'où comme chez Moore, une opposition à l'utilitarisme de Bentham et à la « réduction ad absurdum du benthamisme » qu'est pour Keynes le marxisme[S 18].
Probabilités comme branche de la logique
Keynes commence à s'intéresser aux probabilités en 1904. Il rédige alors un article qu'il lit aux Cambridge Apostles, puis il revient sur le sujet vers 1907 en écrivant un document pour l'obtention de la fonction de Fellow du King's. Il échouera en 1907 et devra produire en 1908 un document révisé pour obtenir ce poste[D 6]. Finalement ce n'est qu'en 1921 qu'il terminera son projet avec le Treatise on probability.
À travers ces écrits, son but est de montrer que, contrairement à ce que pense Moore, les individus ont une plus grande prise sur leur destinée et n'ont pas à s'en remettre entièrement aux coutumes[S 19]. Pour ce faire, il s'oppose aux probabilités entendues comme fréquences. À la manière de Gottfried Wilhelm Leibniz, il les voit comme une branche de la logique[D 7]. Cette vision des choses influencera Bertrand Russell et Alfred North Whitehead, un de ses examinateurs qui a été au premier abord choqué par l'approche de Keynes[D 6]. En effet, pour Keynes, une probabilité n'est pas comme dans l'analyse fréquentielle un fait de nature, mais exprime un degré de croyance raisonnable. Pour lui, nous percevons intuitivement certaines relations de causalité dont celle qui aura le plus de poids et donc de possibilité d'être vraie, la meilleure probabilité sera donc celle « fondée sur un grand nombre de preuves pertinentes »[22]. Comme pour Russell qui a vu dans Keynes un puissant allié de l'empirisme logique, la logique n'est chez lui ni empirique ni analytique[23].
Pour Robert Skidelsky[S 20] la vision probabiliste de Keynes a deux conséquences sur sa pensée économique : d'une part, l'hypothèse qu'il y ait une connaissance certaine n'est pas possible en économie - sur ce point il n'est pas si loin d'Alfred Marshall pour qui les lois économiques étaient de simples tendances ; et d'autre part, il est opposé à un formalisme excessif qui tend à faire apparaître pour certain ce qui est seulement probable.
La réception du traité par les jeunes philosophes et mathématiciens des années 1920 — Frank Ramsey et Ludwig Wittgenstein — sera fraîche. En effet, ils appartiennent à une autre école philosophique plus technicienne, « le monde de Ramsey est fait de préférences et de paris… Les humains chez Keynes sont des penseurs qu'il dote de l'outil de la pensée : la logique. Les humains chez Ramsey sont des acteurs qu'il dote des outils de l'action, la capacité de calculer »[S 21].
Keynes et la politique
Keynes et Burke
Keynes a écrit en 1904, un manuscrit inédit intitulé The Political Doctrine of Edmund Burke[24]. Selon Dostaler, Keynes en décrivant Burke semble se dépeindre : il trouve qu'il est plein de contradictions « simultanément conservateur et libéral, libre-échangiste et impérialiste, apôtre de la Glorieuse révolution anglaise et adversaire de la Révolution française[24] ». Par ailleurs, il lui trouve un certain égotisme pas déplaisant chez les grands hommes. Deux traits de la pensée d'Edmund Burke provoquent son adhésion : d'une part comme lui, il pense qu'il est dangereux de sacrifier un bien présent pour un bien futur tant le futur est incertain ; d'autre part il considère que « le titre de gloire de Burke dans le domaine de la politique est la doctrine de l'expediency »[24] et son refus de s'en tenir à un droit abstrait.
S'il estime que Burke est le premier philosophe politique à accepter de façon conséquente le principe du plus grand bonheur du plus grand nombre au niveau politique, il lui reproche sa grande timidité envers les réformes et, il trouve que Burke pousse la défense du droit de propriété à un point où elle peut menacer le cœur du libéralisme. Concernant Burke, Keynes écrit :
- Ses aspects positifs sont tous dans le présent.- paix et tranquillité, amitié et affection, vie familiale et tous ces petits actes de charité par lesquels on peut parfois aider ses semblables. Il ne pense pas une humanité qui par le feu et le sang marche vers quelque grand et glorieux bien dans le lointain futur ; pas de grand millénaire politique à mettre en avant et à soutenir par l'effort et le sacrifice présent… Les hommes d'État doivent apprendre la sagesse à l'école de Burke ; s'ils veulent la mettre au service de quelques grands et difficiles buts, ils doivent chercher l'essentiel des idées ailleurs[25].
Issue pour partie de Burke, il existe chez Keynes une certaine pente élitiste et technocratique. Gilles Dostaler note que « pour Keynes en effet, à l'image de la société, un parti doit être dirigé par une élite éclairée plus précisément par l'union d'un leadership fort et de conseillers d'élite ». Cette pente aristocratique irritera Harry Dexter White à Bretton Woods, tout comme le Premier ministre travailliste Ramsay MacDonald se sent vexé lorsqu'à la sortie d'une réunion il lui déclare « qu'il se considère comme le seul véritable socialiste présent ! ». À rebours, elle a facilité ses contacts avec Winston Churchill durant la Seconde Guerre mondiale.
Dans le débat sur le planisme qui agite les années 1930, la seule intervention marquée de Keynes est une défense de Herbert George Wells contre les critiques de Staline et George Bernard Shaw[Note 11]. Dans un livre de 1927, The World of William Clissod, Herbert George Wells avance l'idée qu'une classe intermédiaire de techniciens et d'ingénieurs a un rôle important à jouer à l'Ouest alors que Staline lui dénie ce rôle réservé, selon lui, au prolétariat. Si Keynes soutient Wells, c'est pour remarquer aussitôt que ce dernier ne dit pas ce que doit faire ce groupe social. C'est justement ce que Keynes cherche à définir et d'une certaine façon à théoriser.
Keynes et la fin du laissez-faire
Dans « La fin du laissez-faire », issu d'une communication prononcée le à la conférence annuelle de la Sidney Ball Foundation à Oxford, puis à l'université de Berlin en , selon Van de Velde[Note 12], il soutient la thèse qu'« une page de l'histoire anglaise et occidentale a été irrémédiablement tournée au seuil du XXe siècle ; celle qui avait consacré un consensus autour du laissez-faire comme unique moyen d'accéder à la prospérité ». S'interrogeant sur les raisons de l'« autorité du laissez-faire » au XIXe siècle, il émet plusieurs hypothèses :
- l'influence de l'école de Manchester et « les histoires éducatives de Miss Martineau et Mrs Marcet qui impriment dans les mentalités populaires l'idée que le laissez-faire est la conclusion pratique de l'économie orthodoxe ». Sur ce point il estime que « l'expression la plus outrée et la plus dithyrambique de la religion de l'économie » se trouve dans le livre de Frédéric Bastiat[K 1], les Harmonies économiques ;
- le parallélisme étroit entre le laissez-faire et le darwinisme qu'Herbert Spencer est le premier auteur connu à observer[K 2] ;
- les insuffisances scientifiques du protectionnisme d'une part et du socialisme marxiste d'autre part[K 3].
Sur le plan des politiques économiques, Keynes propose certaines pistes. Concernant les grandes entreprises d'utilité publique, il préfère la mise en place d'entités autonomes (telles que les grandes universités) ou semi-autonomes à des organismes placés sous la responsabilité directe des ministères d'État[K 4]. S'il est contre le socialisme d'État qui pour lui découle des théories de Jeremy Bentham[K 5], il assigne quand même quatre responsabilités[K 6] aux pouvoirs publics : le « contrôle délibéré de la monnaie et du crédit », la « collecte de données relatives à l'état des affaires et leur diffusion à grande échelle », la détermination du niveau de l'épargne et de l'investissement et une « politique réfléchie touchant la taille de la population ».
Ces idées sont reprises avec une texture institutionnaliste dans un discours prononcé à la Liberal Summer School de Cambridge en , intitulé « Suis-je un libéral ? » qui sera publié dans The Nation et l’Atheneum les 8 et .
Keynes suit John Rogers Commons qui distingue trois ordres économiques successifs : l'ère de la rareté, celle de l'abondance (dont il situe l'apogée au XIXe siècle) et enfin l'ère de la stabilisation dans laquelle les deux hommes pensent entrer[K 7]. Cette troisième période est marquée par une diminution de la liberté individuelle liée surtout à la montée en puissance des grandes entreprises et des cartels, des corporations et des syndicats. Dans ces circonstances, la véritable mission du nouveau libéralisme est d'arriver à « contrôler et à diriger les forces économiques dans l'intérêt de la justice et de la stabilité sociale »[K 8], aussi en appelle-t-il à la définition d'« une politique nouvelle et d’instruments nouveaux pour adapter et contrôler le jeu des forces économiques, de façon que celles-ci ne heurtent pas brutalement ce qu'on regarde aujourd'hui comme normal en matière de stabilité et de justice sociale »[K 9].
Keynes et son rapport au féminisme
Il est important de mettre en avant l'engagement marqué de Keynes en faveur des droits des femmes. Ce dernier faisait partie du groupe Bloomsbury, aux côtés de Virginia Woolf; groupe dont l'objectif est de "dénoncer les valeurs conservatrices et la morale sexuelle de la société victorienne". Keynes adopte une position similaire à celle de John Stuart Mill, voyant ainsi en les lois concernant le mariage et la contraception des obstacles à l'émancipation des femmes. Keynes lie également cette question épineuse qu'est la liberté des femmes à un enjeu économique, en évoquant l'indissociabilité de cette liberté au contrôle des naissances, dont l'enjeu était la taille de la population. Il évoque également le "salaire familial", qui serait un moyen de quantifier l'activité non rémunérée de la femme au sein de sa famille[26].