Commune de Paris
période insurrectionnelle de l'histoire de Paris, 1871 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La Commune de Paris est la plus importante des communes insurrectionnelles de France en 1870-1871, qui dura 71 jours, du à la « Semaine sanglante » du 21 au . Cette insurrection, faisant suite aux communes de Lyon et de Marseille, refusa de reconnaître le gouvernement issu de l'Assemblée nationale constituante, qui venait d'être élue au suffrage universel masculin dans les portions non occupées du territoire, et choisit d'ébaucher pour la ville une organisation de type libertaire, fondée sur la démocratie directe, qui donnera naissance au communalisme. Ce projet d'organisation politique de la République française visant à unir les différentes communes insurrectionnelles ne sera jamais mis en œuvre du fait de leur écrasement lors de la campagne de 1871 à l'intérieur dont la Semaine sanglante constitue l'épisode parisien et la répression la plus célèbre.
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2 mois et 10 jours
Drapeau rouge. |
Statut | Commune autonome administrée selon les principes de la démocratie directe |
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Capitale | Paris |
Langue(s) | Français |
Monnaie | Franc français |
Population (1866) | 1 799 980 hab. |
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Les Parisiens, essentiellement ouvriers, artisans et professions libérales, se soulèvent contre le gouvernement d'Adolphe Thiers qui veut désarmer la Garde nationale, et empêchent l'enlèvement des canons de la Garde nationale ; le gouvernement quitte Paris pour Versailles. | |
Élections des membres du Conseil de la Commune. | |
Proclamation du Conseil de la Commune, surnommé « Commune de Paris », à qui le Comité central de la Garde nationale remet ses pouvoirs. | |
Pour gouverner, la Commune se dote d'une Commission exécutive, à la tête de 9 commissions. | |
La Commune présente son programme dans sa Déclaration au peuple français. | |
La Commission exécutive est remplacée par un organisme plus autoritaire : le Comité de salut public. | |
Démolition de la colonne Vendôme, considérée comme symbole du despotisme impérial. | |
21-28 mai 1871 | La semaine sanglante met fin à la Commune de Paris. Procès, exécutions et déportations des prisonniers communards. |
Jourde, Varlin, Grousset… | |
Cluseret, Frankel, Vaillant… | |
Rossel, Delescluze… |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
La Commune est à la fois le rejet d'une capitulation de la France face aux menées de Bismarck lors de la guerre franco-prussienne de 1870 et du siège de Paris, et une manifestation de l'opposition entre un Paris républicain, favorable à la démocratie directe, et une Assemblée nationale à majorité acquise au régime représentatif. Cette insurrection et la violente répression qu'elle subit eurent un retentissement international important, notamment au sein du mouvement ouvrier et des différents mouvements révolutionnaires naissants. La Commune est de ce fait encore aujourd'hui une référence historique importante pour les mouvements d'inspiration libertaire, la mouvance révolutionnaire issue du mouvement ouvrier et plus largement pour les sympathisants de gauche, y compris réformistes, ou encore d'autres mouvements favorables à la démocratie directe. L'implication de nombreuses femmes est également un trait remarquable de cet épisode.
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De 1804 à 1870, la France a vécu principalement sous des régimes politiques plus ou moins autoritaires : Premier Empire, Restauration, monarchie de Juillet, Deuxième République, Second Empire. Le régime républicain et la démocratie représentative n'ont été que des expériences passagères.
La Commune de Paris trouve sa source dans un élan républicain se référant à la Première République et au Gouvernement révolutionnaire de la Commune de 1792, ainsi qu'aux premiers mois de la Deuxième République, allant de la révolution de février aux insurrections des journées de Juin, réprimées de façon sanglante par le gouvernement issu de l'Assemblée constituante élue le .
Les conditions de vie des ouvriers sont particulièrement dures. Sous le Second Empire, les salaires sont inférieurs au coût de la vie. L'un des hauts fonctionnaires favoris de Napoléon III, le baron Haussmann, note que plus de la moitié des Parisiens vivent dans une « pauvreté voisine de l'indigence », même s'ils travaillent onze heures par jour[1].
Défaite de 1870 et conséquences
En , le Second Empire entreprend contre la Prusse une guerre mal préparée, qui le conduit rapidement à la défaite. Le , à la suite d'une journée d'émeutes parisiennes, l'Empire est renversé. Un gouvernement de défense nationale s'installe à l'hôtel de ville de Paris officiellement pour poursuivre la guerre contre les États allemands, dont les troupes occupent le nord du pays.
Paris est assiégé et connaît une grave famine au cours de l'hiver 1870-1871. Les Français, humiliés, apprennent que l'Empire allemand a été proclamé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles le . Le , Jules Favre signe avec le chancelier allemand Otto von Bismarck un armistice qui prévoit, outre l'arrêt des hostilités pour une période de quinze jours renouvelables, la convocation d'une assemblée nationale chargée notamment de décider de la poursuite de la guerre ou de la conclusion de la paix.
Les événements font monter la tension à Paris au sein du peuple où se retrouve « ce qui a produit la sans-culotterie en 1792-1794 : ébénistes, tanneurs, cordonniers, tailleurs, maçons, charpentiers, etc. »[2]. Le nouveau gouvernement avait réussi à contenir, le 31 octobre, une tentative de renversement venue de la gauche. Il parvint de justesse à en empêcher une seconde, le 22 janvier, en utilisant des troupes régulières pour tirer sur la foule dans le secteur ouvrier de Belleville[1].
Les élections législatives du , organisées dans la précipitation pour ratifier au plus vite l'armistice, envoient une forte proportion de monarchistes (400 députés), candidats des listes « pour la paix », à l'Assemblée nationale. La gauche parisienne n'eut pas le temps de faire campagne dans les circonscriptions rurales, où la majorité de l'électorat était encore concentrée, et l’Église et les propriétaires terriens purent exercer une influence décisive sur le scrutin (chaque commune votait généralement en masse pour le candidat soutenu par les notables locaux). La plus grande partie des élus représentant Paris sont eux des républicains des listes « pour la guerre », souvent extrémistes. En effet, le peuple parisien pense s'être correctement défendu et ne se considère pas comme vaincu. Il existe un fossé grandissant, confinant parfois à l'exaspération, entre les provinces et la capitale[1].
La guerre de 1870 a profondément marqué la ville, qui a subi un siège très dur et dont la population a souffert de la faim. Les ouvriers, les artisans et leurs familles furent ceux qui souffrirent le plus de l'envolée des prix. S’enrôlant en grand nombre dans la Garde nationale, ils portèrent ses effectifs à 350 000 hommes et, en élisant leurs officiers, ils mirent fin à la prégnance de la bourgeoisie parmi eux. L'armistice de paraît insupportable aux Parisiens, qui ont résisté à l'ennemi pendant près de quatre mois. « Les insurgés vibraient d'un patriotisme de gauche que la honte de la défaite exaspérait »[3].
L'attitude du gouvernement n'est pas conciliante, notamment lorsqu'il nomme trois bonapartistes aux postes de préfet de police (Louis Ernest Valentin), de chef de la Garde nationale (le général Louis d'Aurelle de Paladines) et de gouverneur (le général Joseph Vinoy), nominations vécues comme une provocation par les Parisiens. Le , le préfet de police interdit les principaux journaux de la gauche radicale, dont Le Cri du peuple de Jules Vallès.
L'attitude de l'Assemblée, royaliste et pacifiste, qualifiée d'« assemblée de ruraux » par les Parisiens, contribue à l'exacerbation des tensions. Le , elle transfère son siège de Paris à Versailles parce qu'elle voit, à juste titre, dans Paris « le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l'idée révolutionnaire »[4]. Par une loi du même jour, elle met fin au moratoire sur les effets de commerce, acculant à la faillite des milliers d'artisans et de commerçants, et supprime la solde d'un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux.
Contexte social parisien
Origine de l'insurrection
À Paris, la mixité sociale dans les quartiers, de règle depuis le Moyen Âge, a presque disparu avec les transformations urbanistiques du Second Empire. Les quartiers de l'ouest (7e, 8e, 16e et 17e arrondissements) concentrent les plus riches des Parisiens avec leur domesticité. Les quartiers centraux conservent encore des personnes aisées. Mais les classes populaires se sont installées à l'est (10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements). Les ouvriers sont très nombreux : 442 000 sur 1,8 million d'habitants, selon le recensement de 1866, ainsi que les artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Ces classes populaires ont commencé à s'organiser.
Deux éléments ont pu favoriser l'insurrection du peuple. Tout d'abord, le droit de grève, accordé en 1864, a été très utilisé dans les dernières années du Second Empire. À l'occasion des élections législatives de février 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l'accès au crédit et la solidarité. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière qui a des représentants à Paris (en 1868, le gouvernement impérial dissout sa section française dont les membres ont participé à des manifestations républicaines). Ensuite, la loi sur la liberté de la presse de 1868 permet l'émergence publique de revendications économiques anti-capitalistes : le programme de Benoît Malon et Eugène Varlin pour les élections législatives de 1869 prône la « nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer… Les blanquistes, inspirés par les idées d'Auguste Blanqui et partisans de l'insurrection, se manifestent de plus en plus, ce qui inquiète l'opinion et les élus républicains.
Les classes populaires parisiennes (ou tout du moins une partie d'entre elles) craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » révolution de septembre 1870 (renversement du Second Empire). Déjà, après les journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 comme après celles de février 1848, suivies des élections d'avril 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit[réf. nécessaire] en installant la monarchie de Juillet et la Deuxième République, qui débouchera sur le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l'assemblée élue en février, où les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes. Comme l'écrit Jean-Jacques Chevallier, « la Commune était l'expression, chez ses meneurs, d'un républicanisme ultra rouge, antireligieux, jacobin, prolétarien, fouetté par la haine pour cette assemblée monarchiste »[3].
D'autres facteurs ont contribué à son déclenchement. L'historien Jacques Rougerie, par exemple, voit dans l'insurrection des Parisiens une conséquence de la révolution haussmannienne, et interprète la Commune comme « une tentative de réappropriation populaire de l'espace urbain »[5].
Jules Ferry, quant à lui, déclara devant la commission d’enquête sur les causes de l’insurrection, qu’il en voyait trois : premièrement, ce qu’il appelle « la folie du siège », née de l’inactivité, du bouleversement des habitudes civiles, d’une tension des esprits tournés vers la guerre, et enfin de « l’immense déception » d’une « population tout entière qui tombe du sommet des illusions ». La deuxième se trouve dans la désorganisation de la garde nationale, source de graves désordres. Pour terminer, la ferme volonté des Prussiens d’entrer dans Paris finit par convaincre une grande partie de la population qu’elle était trahie[6].
Qui sont les insurgés ?
Les archives de la répression qui frappa l'insurrection permettent de brosser le portrait social des communards. L'insurgé-type de 1871 est un travailleur parisien, un homme d'une trentaine d'années. Parmi ces insurgés, on rencontre principalement les ouvriers du bâtiment, les journaliers, et les travailleurs du métal, ouvriers d'ateliers ou de petites fabriques. Ils forment respectivement 17 %, 16 % et 10 % du total. Viennent ensuite les employés (8 %), les cordonniers-savetiers (5 %), les marchands de vin (4 %) et les ouvriers du livre (3 %), fortement politisés[7].
L’écrivain Maxime du Camp, témoin hostile de la Commune, fait, en 1881, une description sévère des insurgés : « Malgré certaines apparences et malgré leur uniforme, les bataillons fédérés n’étaient point une armée ; c’était une multitude indisciplinée, raisonneuse, que l’alcoolisme ravageait. Dans toutes les luttes qu’ils engagèrent, même à forces triples, contre l’armée de Versailles, ils furent battus. Lors du combat suprême commencé le 21 mai et terminé le 28, malgré les positions formidables qu’ils occupaient, malgré les abris qui les protégeaient, malgré les refuges que leur offraient les rues, les ruelles, les maisons à double issue, malgré leur énorme artillerie, malgré leur nombre, ils furent vaincus par nos soldats marchant à découvert. Plus d’une cause leur a infligé une infériorité qui devait nécessairement amener leur défaite : au point de vue technique, ils ne savaient pas obéir, et l’on ne savait pas les commander ; au point de vue moral, la plupart ne savaient pas pourquoi ils se battaient ; presque tous trouvaient le métier fort dur et ne le faisaient qu’en rechignant »[8].
Déclenchement
Adolphe Thiers avait commandé la construction des fortifications qui entouraient Paris alors qu'il était ministre de Louis-Philippe. Il avait conçu cette enceinte pour défendre la ville contre des ennemis. Mais elles pouvaient aussi servir à isoler la ville du reste du pays, en cas de révolte populaire, permettant au gouvernement, aux autorités et aux troupes de se replier à Versailles et de laisser le contrôle de la ville aux insurgés. Il suffisait ensuite d’assiéger puis de reconquérir la ville avec des troupes fidèles venues du reste du pays. Durant la révolution de 1848, Thiers avait vainement proposé ce plan au roi Louis-Philippe pour briser la révolution parisienne.
Le 17 mars 1871, Adolphe Thiers et son gouvernement, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, envoient au cours de la nuit la troupe sous le commandement du général Lecomte s'emparer des canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre. Alors que la population et les gardes nationaux se rassemblent, Lecomte ordonne de faire feu, mais ses soldats refusent d’obtempérer. Le général est capturé par les insurgés et tué le lendemain, comme le général Clément-Thomas, malgré la demande de protection du maire du 18e arrondissement, Georges Clemenceau. Ce même jour, Thiers organise l'arrestation d'Auguste Blanqui[9] qui se reposait chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). De là, il le fait transférer en Bretagne, sous surveillance militaire, avec ordre de tirer en cas d'évasion.
Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens, ceux-ci se sentent directement menacés. Il s'agit de leur soustraire les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent comme leur propriété ces canons qu'ils ont eux-mêmes payés par souscription lors de la guerre contre la Prusse. Ils se voient sans défense vis-à-vis d'éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Cependant ils disposent de près de 500 000 fusils. De son côté, le gouvernement craint la présence de cette artillerie en cas d'émeute ouvrière, et justifie le retrait des canons par l'application des conventions prises avec le vainqueur dont le désarmement de la capitale fait partie. Les Prussiens sont en effet toujours présents autour de la ville.
Mise en place
Soulèvement du 18 mars
À Montmartre, Belleville, Ménilmontant, l'armée réussit sans difficulté à reprendre les canons. Cependant il faut les transporter et les chevaux manquent. Une note du 16 mars 1871 du 3e bureau au ministre de la Guerre a pressé la réaffectation des 1 800 chevaux disponibles. Ce 18 mars, donc, l'armée attend les chevaux. On tente même de descendre les canons à bras d’homme. À Montmartre, au matin, le peuple parisien s'éveille et s'oppose à la troupe venue chercher les canons. Puis, rapidement, celle-ci fraternise avec lui. Un peu partout dans Paris, la population s'en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et fraternise avec la troupe. Deux généraux, Lecomte, déjà cité, et Clément-Thomas, qui avait participé à la répression du soulèvement de juin 1848, sont massacrés par la foule rue des Rosiers[10] malgré les ordres contraires du Comité de vigilance de Montmartre[11] et l'intervention du maire du 18e arrondissement, Clemenceau. C'est le début de l'insurrection. Apprenant les événements, Victor Hugo écrit dans son journal : « Thiers, en voulant reprendre les canons de Belleville, a été fin là où il fallait être profond. Il a jeté l’étincelle sur la poudrière. Thiers, c’est l’étourderie préméditée »[12].
Thiers gagne Versailles. Des Parisiens (100 000 selon Thiers[réf. nécessaire]), habitant surtout des quartiers aisés de l'Ouest parisien ou fonctionnaires, l'y suivent. La Commune ne représentait à peu près que la moitié de la population parisienne[13].
Élection du Conseil de la Commune
Le 25 mars, un jour avant les élections, le Comité central de la Garde nationale lance auprès des Parisiens un appel à la vigilance et à la réflexion avant d’élire leurs représentants. Les élections sont organisées le 26 mars pour désigner les 92 membres du Conseil de la Commune. Compte tenu des départs de Parisiens, avant et après le siège de Paris par les Prussiens, et de ceux qui suivent Thiers à Versailles, le taux d'abstention est de 52 %. L'élection d'une vingtaine de candidats « modérés », représentant les classes aisées[réf. souhaitée], montre que le scrutin ne fut au moins pas totalement biaisé. Les arrondissements de l'Est et du Nord (18e, 19e, 20e, 10e, 11e), le 12e et le 13e dans le Sud ont voté massivement pour les candidats fédérés. Les 1er, 2e, 3e, 9e et 16e ont quant à eux voté massivement pour les candidats présentés par les maires du parti de l'Ordre (environ 40 000 voix) et les abstentions y ont été très importantes. En réalité, 70 élus seulement siègeront, du fait de la démission rapide de modérés, de l'impossibilité d'être à Paris pour certains (par exemple Blanqui) et des doubles élections. Le Conseil est représentatif des classes populaires et issues de la petite bourgeoisie parisienne : 33 artisans et petits commerçants (cordonniers, relieurs, typographes, chapeliers, teinturiers, menuisiers, bronziers), 24 professions libérales ou intellectuelles (12 journalistes, 3 avocats, 3 médecins, 2 peintres, 1 pharmacien, 1 architecte, 1 ingénieur, 1 vétérinaire), et 6 ouvriers (métallurgistes).
Toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées, jusqu'aux anarchistes. Parmi la vingtaine de « jacobins », admirateurs de la Révolution de 1789 et plutôt centralisateurs, on trouve Charles Delescluze, Félix Pyat, Charles Ferdinand Gambon ou Paschal Grousset. À peine plus nombreux sont les « radicaux », partisans de l'autonomie municipale et d'une république démocratique et sociale, tels Arthur Arnould, Charles Amouroux, Victor Clément et Jules Bergeret. On compte une dizaine de « blanquistes », adeptes de l'insurrection et avant-gardistes, comme l'avocat Eugène Protot, le journaliste Édouard Moreau de Beauvière, Jean-Baptiste Chardon, Émile Eudes, Théophile Ferré, Raoul Rigault ou Gabriel Ranvier. Des collectivistes, membres de l'Association internationale des travailleurs, sont élus, dont Léo Fränkel, Benoît Malon et Eugène Varlin. Quelques « proudhoniens », partisans de réformes sociales, siègent, comme Pierre Denis. Enfin, des « indépendants » ont été élus, tels Jules Vallès et Gustave Courbet. Vingt des soixante élus du Conseil de la Commune sont des francs-maçons[14].
Rapidement, le Conseil de la Commune se divise en « majorité » et « minorité » :
- les majoritaires sont les jacobins, les blanquistes et les indépendants ; pour eux, le politique l'emporte sur le social ; se voulant les continuateurs de l'action des « montagnards » de 1793, ils ne sont pas hostiles aux mesures centralisatrices, voire autoritaires ; ils voteront cependant toutes les mesures sociales de la Commune ;
- les minoritaires sont les radicaux et les « internationalistes », collectivistes ou proudhoniens ; ils s'attachent à promouvoir des mesures sociales et anti-autoritaires ; ils sont les partisans de la République sociale.
Ces tendances se cristallisent le 28 avril à propos de la création d'un Comité de Salut public, organisme que les minoritaires refusent comme contraire à l'aspiration démocratique et autonomiste de la Commune. Les majoritaires en imposent la création le 1er mai par 45 voix contre 23[15]. La minorité au conseil de la Commune publie un Manifeste le 15 mai. Toutefois, ces luttes d'influence restent incomprises d'une grande partie des Parisiens et les deux tendances feront combat commun dès l'entrée des troupes versaillaises dans Paris.
Au début de la Commune, la volonté est de convaincre les «Versaillais» (les membres du gouvernement de Thiers partis à Versailles) d'accepter l'autonomie communale qui vient de se constituer à Paris, cette proposition rencontrant un certain écho parmi les Versaillais modérés. Les communards souhaitent la paix et veulent éviter la guerre civile, proposant à l'assemblée de Versailles de négocier. Paris invite le reste de la France à rejoindre l'autonomie communale mais l'instauration de la République sociale à Paris renvoie au souvenir de 1793 et de la Terreur chez les Versaillais. Du côté de la Commune, l'assemblée de Versailles est vue comme une assemblée des ruraux, gouvernée par la province qui est accusée de soutenir Thiers et la monarchie. Toutefois Versailles refuse de reconnaitre la validité des élections à Paris, refuse de négocier et prend l'initiative de l'affrontement le 2 avril 1871[16].
Vie politique
À côté des personnalités élues, les classes populaires de Paris manifestent une extraordinaire effervescence politique. Les élections à répétition, le 26 mars pour le Conseil de la Commune et le 16 avril pour des élections complémentaires, maintiennent la tension politique. Les cérémonies officielles permettent aussi les rassemblements : l'installation du Conseil de la Commune à l'hôtel de ville le 28 mars, les obsèques du socialiste Pierre Leroux à la mi-avril, la destruction de l'hôtel particulier de Thiers, la démolition de la colonne Vendôme le 16 mai. Le photographe Bruno Braquehais rend compte de la chute de la colonne Vendôme dans une série de clichés.
Surtout, la population peut se retrouver dans de nombreux lieux pour y discuter de la situation, proposer des solutions, voire faire pression sur les élus ou aider l'administration communale. Réunis dans les lieux les plus divers, ils permettent à des orateurs réguliers ou occasionnels de faire entendre les aspirations de la population et de débattre de la mise sur pied d'un nouvel ordre social favorable aux classes populaires (comme au Club de la Révolution, animé par Louise Michel). Si ces clubs sont nombreux dans les quartiers centraux (1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e arrondissements), les quartiers aisés de l'ouest parisien (7e, 8e et 16e) n'en comptent aucun. Les clubs se fédèrent le 7 mai afin d'avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune.
S'ajoutant aux titres déjà existants, plus de soixante-dix journaux sont créés pendant les soixante-douze jours de la Commune. Mais la liberté de la presse est restreinte dès le 18 avril et, le 18 mai, le Comité de Salut public interdit les publications favorables au gouvernement Thiers. Parmi les journaux les plus influents figurent Le Cri du peuple de Jules Vallès, Le Mot d'ordre d'Henri Rochefort, L'Affranchi de Paschal Grousset, Le Père Duchêne d'Eugène Vermersch, La Sociale avec la féministe André Léo et Le Vengeur de Félix Pyat.
Organisation
Le , la Commune se dote pour gouverner d'une Commission exécutive, à la tête de 9 commissions. Au , leur composition est la suivante[17].
Politiques suivies
Dans son programme daté du 19 avril 1871, la Commune résume[21] :
« La Révolution communale, commencée par l'initiative populaire du 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique expérimentale, positive, scientifique. C'est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l'exploitation, de l'agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres. »
Le 21 avril le Conseil décide de nommer un membre de la commission exécutive « délégué » auprès de chacune des neuf autres commissions pour en diriger les travaux. Gustave Cluseret devient délégué à la Guerre (remplacé le 1er mai par Louis Rossel, lui-même remplacé le 10 mai par Charles Delescluze) ; Eugène Protot est délégué à la Justice ; Auguste Viard est délégué aux Subsistances ; Édouard Vaillant à l'Enseignement ; Raoul Rigault à la Sûreté générale (où il sera remplacé le 24 avril par Frédéric Cournet, puis le 13 mai par Théophile Ferré) ; Léo Frankel est nommé au Travail, à l'Industrie et aux Échanges ; Jules Andrieu aux Travaux publics. Le Comité de Salut public, créé le 1er mai, dont les attributions n'ont pas été précisées, vient empiéter sur celles des commissions et crée une certaine confusion (qui aboutit le 10 mai à la démission de Louis Rossel).
La Commune administre Paris jusqu'au 20 mai. De nombreuses mesures sont prises et appliquées pendant les 72 journées d'une intense activité législative. La Commune n’ayant aucune légitimité au regard du gouvernement légal du pays, ces mesures disparaissent avec elle sans qu’il soit nécessaire de les abolir explicitement ensuite. Certaines seront reprises par la République plusieurs décennies plus tard.
Mesures d'urgence
Le Conseil de la Commune commence par régler les questions qui sont à l'origine du soulèvement du 18 mars : le 29 mars, un décret remet les loyers non payés d'octobre 1870 à avril 1871 (il ne s'agit pas d'un moratoire, les locataires ne sont tout simplement plus redevables de ces loyers)[22], la vente des objets déposés au Mont-de-Piété est suspendue ; le 12 avril, les poursuites concernant les échéances non payées sont suspendues ; le 16 avril, un délai de trois ans est accordé pour le règlement des dettes et des échéances ; le 6 mai, le dégagement gratuit des dépôts de moins de 20 francs au Mont-de-Piété est permis (décret du 6 mai 1871, J.O. du 7 mai).
La solidarité est également organisée : une pension est versée aux blessés ainsi qu'aux veuves (600 francs) et aux orphelins (365 francs) des gardes nationaux tués au combat (8 et 10 avril) ; le 25 avril, un décret réquisitionne les logements vacants au profit des sinistrés des bombardements allemands et versaillais ; des orphelinats sont créés avec l'aide en fourniture des familles parisiennes.
La question du ravitaillement est devenue moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Prussiens. À l'exception du pain qui est taxé, les aliments se trouvent en suffisance grâce aux stocks accumulés après le siège et aux arrivages des terres agricoles et des jardins situés entre les fortifications et les lignes allemandes. Mais par circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale. Le 22 avril, des ventes publiques de pommes de terre et des boucheries municipales sont créées pour soulager le budget des familles (dont les dépenses alimentaires constituent à l'époque l'essentiel). Cantines municipales et distributions de repas (à l'exemple des « marmites de Varlin ») fonctionnent, des bons de pain sont distribués.
— Placard de la Commune de Paris |
La Commune prend aussi quelques mesures symboliques : le drapeau rouge est adopté le 28 mars et le calendrier républicain (an 79 de la République) remis en vigueur. La destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial, est décrétée le 12 avril et réalisée le 16 mai. Sont aussi décidées la confiscation des biens de Thiers et la destruction de son hôtel particulier à Paris (Thiers se fera rembourser plus d'un million de francs).
Démocratie et citoyenneté
L'appel du 22 mars[24] du Comité central de la Garde nationale énonce que « les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables » et que leur mandat est impératif. Il s'agit d'une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, renouant avec l'esprit de la constitution de 1793 qui fait du droit à l'insurrection « le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs » (article XXXV de la Déclaration des droits de l'Homme de 1793).
La Commune de Paris ouvre la citoyenneté aux étrangers : « Considérant que le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent… »[25].
Travail et démocratie sociale
Le Conseil de la Commune, issu d'un mouvement populaire, se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires. La Commune entend réaliser l'aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : « l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes » (mot d'ordre de l'Association internationale des travailleurs dès 1864).
Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) ; il prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire. Deux ateliers fonctionnent ainsi pour la fabrication d'armes ; la journée de travail y est de 10 heures et l'encadrement est élu par les salariés. Le 20 avril, les bureaux de placement de la main d'œuvre, entreprises privées très florissantes sous l'Empire, monopoles agissant bien souvent comme des « négriers », sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux. Le même jour, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et l'affichage de la sanction dans les boutiques. Pour contrer une pratique très répandue, la Commune interdit les amendes patronales et retenues sur salaires, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées (28 avril). Pour lutter contre le sous-salariat dans les appels d'offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum est créé.
La Commune annonce les prémices de l'autogestion[26]. Dans les entreprises, un conseil de direction est élu tous les 15 jours par l'atelier et un ouvrier est chargé de transmettre les réclamations.
Vers l'émancipation des femmes
Pendant la Commune, sous l'impulsion d'Élisabeth Dmitrieff, jeune militante russe de l'Internationale, et de Nathalie Lemel, ouvrière relieuse, se crée l'un des premiers mouvements féminins de masse, l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. L'Union réclame le droit au travail et l'égalité des salaires (un commencement d'application est mis en place pour les institutrices), elle participe au recensement des ateliers abandonnés par leurs patrons (les francs fileurs) réfugiés à Versailles et organise des ateliers autogérés. La Commune reconnaît l'union libre (elle verse une pension aux veuves de fédérés mariées ou non, ainsi qu'à leurs enfants légitimes ou naturels)[28],[29], interdit la prostitution, met en place un début d'égalité salariale et décrète la séparation des Églises et de l'État dans les écoles et les hôpitaux. Des femmes se battent — comme Louise Michel et d'autres — sous l'habit des « fédérés » et défendent Paris contre les « Versaillais » sur les barricades (elles sont une centaine, place Blanche, avec Nathalie Lemel), rejoignent le front en tant qu'ambulancières ou vivandières — les témoignages de Victorine Brocher ou d'Alix Payen nous sont parvenus — ou poursuivent les gardes nationaux réfractaires dans Paris — une légion des Fédérées armée est levée pour cette tâche. Sur le chemin de l'émancipation des femmes, la Commune a marqué une étape importante[28],[29].
Presse
La liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité central de la Garde nationale et les journaux anti-communards continuent donc de paraître à Paris. Ils se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d'ordre politiques de Thiers. Aussi, dès le 5 avril, le Journal des Débats et La Liberté, jugés pro-versaillais, sont interdits. Le 12, Le Moniteur universel connaît le même sort. La presse pro-versaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale rappelle que la « déclaration préalable » reste en vigueur. Dès le 18 avril, la Commune menace d'interdiction les journaux « favorables aux intérêts de l'armée ennemie » qui continuent tout de même de paraître. C'est surtout en mai que la lutte contre la presse pro-versaillaise prend de la vigueur : le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux dont Le Vengeur et le 18 mai, 9 autres. Néanmoins, les publications interdites peuvent reparaître quelques jours plus tard du fait de la totale liberté laissée pour la fondation d'un journal. De son côté, la presse parisienne procommunarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers[réf. nécessaire].
Fonctionnaires
La Commune doit faire face à l'absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou restent chez eux comme ce dernier le leur ordonne. Il s'agit aussi de changer l'état d'esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l'élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l'enseignement), l'instauration d'un traitement maximum (2 avril) de 6 000 francs annuels (l'équivalent du salaire d'un ouvrier[réf. nécessaire]) et l'interdiction du cumul (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel.
Justice
La plupart des professionnels de la justice ou du droit ayant disparu (il n'y a plus que deux notaires en activité dans Paris), il faut pourvoir à tous les postes. Il y a beaucoup de projets, mais faute de temps, peu sont mis en application. Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit ; le mariage libre par consentement mutuel est instauré (avec un âge minimum de 16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) ; la gratuité des actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) est décidée. Pour tempérer l'activité répressive de Rigault à la Sûreté générale, une sorte d’habeas corpus est mise en place par Eugène Protot : les cas des suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté doivent recevoir une instruction immédiate (8 avril) ; les perquisitions et réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d'inscrire le motif de l'arrestation sur les registres d'écrou (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril).
Enseignement
Dans l'enseignement, le personnel de l'administration centrale s'est réfugié à Versailles, les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés et les écoles privées congréganistes, nombreuses, car favorisées par la loi Falloux de 1850, ont été vidées de leurs élèves[30] depuis le décret du 2 avril « séparant l'Église de l’État ». Édouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l'uniformisation de la formation primaire et professionnelle. Deux écoles professionnelles, une de garçons et une de filles, sont ouvertes. L’enseignement est laïcisé : l'enseignement de la religion est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l'instruction des filles. Quelques municipalités d'arrondissement, celle du 20e en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l'enseignement primaire, rendent l'école gratuite et laïque. Le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aides-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre hommes et femmes.
Cultes
— Journal Officiel du 2 avril 1871. Voir Les Classiques des Sciences Sociales, Le Journal Officiel de la Commune de Paris |
Dans le domaine des cultes, la Commune rompt avec le concordat de 1801 qui faisait du catholicisme « la religion de la majorité des Français » et des membres du clergé des fonctionnaires. À la fin de l'Empire, les classes populaires parisiennes sont assez hostiles au catholicisme, trop lié au régime impérial et aux conservateurs (liens notamment incarnés en la personne de l'impératrice Eugénie). L'anticléricalisme a été revigoré par la propagande blanquiste, d'un athéisme militant, et par l'attitude du pape Pie IX face à l'unification de l'Italie. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l'Église (catholique) et de l'État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses.
Le même jour, l'archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames-Blanches et d'Arcueil sont inquiétés ou arrêtés sous divers motifs. Les églises Saint-Laurent et Notre-Dame-des-Victoires sont perquisitionnées. Les propositions d'échange de l'archevêque contre Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement d'Adolphe Thiers, sont repoussées par celui-ci le 12 avril, puis le 14 mai. Le prélat est fusillé par les communards, avec quatre autres ecclésiastiques, en réplique à l'avance des troupes versaillaises. D'autres exécutions de religieux vont avoir lieu et portent le nombre total à plus d'une vingtaine[31].
Arts
Gustave Courbet publie le un appel aux artistes afin de les encourager à participer aux réunions politiques. La première réunion se tient à l'amphithéâtre de l'école de médecine le 14 avril devant plus de 400 personnes, et Eugène Pottier lit devant une assemblée d'artistes et d'artisans parisiens le manifeste de la Fédération des artistes de Paris, qui se conclut par la phrase : « Le comité concourra à notre régénération, à l'inauguration du luxe communal et aux splendeurs de l'avenir, et à la République universelle »[32],[33] (p. 64). L'apport de Courbet consista principalement à l'établissement d'une fédération laissant libre les artistes de gérer leurs propres affaires en dehors de toute tutelle administrative ou étatique[33](p. 65). La fédération des artistes réprouve l'idée d'octroi de subventions, les considérant comme une forme de tutelle et privilégiant une organisation corporatiste prenant la forme d'un syndicat des artistes. Il s'agit aussi d'une critique par rapport à l'administration muséale et l'emprise des musées sur le travail des artistes, et pour ce qui concerne la production littéraire une critique de l’administration par la censure pratiquée sous le Second Empire[33] (p. 66).
Les artistes durant cette première assemblée élurent 47 représentants révocables pour les domaines suivants : peinture, sculpture, architecture, lithographie, dessin industriel. Le manifeste se préoccupe de la propriété artistiques et du droit pour les artistes de signer leur œuvre et de garder le contrôle de la distribution :
« [la Fédération] n'admet que des œuvres signés de leurs auteurs, créations originales ou traductions d'un art par un autre, telles que la gravure traduisant la peinture, etc.. Il repousse d'une manière absolue toute exhibition mercantile tendant à substituer le nom de l'éditeur ou du fabricant à celui du véritable créateur[33] (p. 68). »
Gustave Courbet devient le président de cette nouvelle fédération des artistes. D'autres sont élus, comme Corot, Manet, Daumier (ils sont pourtant absents de Paris) mais Courbet est le seul peintre connu à s'y impliquer de façon résolue (Cézanne, Pissaro et Degas quittent la ville durant le siège prussien avant la période de la Commune). Courbet sera rendu responsable financièrement de la chute de la colonne Vendôme, et sévèrement critiqué par les artistes et écrivains bourgeois comme Émile Zola et Alexandre Dumas pour être sorti de son rôle d'artiste et s'être engagé politiquement[33](p. 53). Zola tentera tout de même de sauver « ce grand artiste »[34].
D'après l'universitaire américaine Kristin Ross, « par « luxe communal », les artistes et les artisans de la Commune semblaient penser à une sorte de « beauté publique » : l'amélioration des espaces partagés dans toutes les villes et tous les villages, le droit pour chacun de vivre et de travailler dans un environnement agréable. En créant un art public, un art vécu, au niveau de municipalités autonomes, le luxe communal œuvrait contre la conception même de l'espace monumental et sa logique centralisatrice (nationaliste) »[32].
Il s'agit également de gommer la séparation entre arts décoratifs et beaux arts réservés à une élite consommant des produits de luxe. Élisée Reclus dans son livre L'art et le peuple décrira une volonté utopiale de transformer ce qu'il appelle le « palais coutumier » (lieu où sont enfermés les beaux arts pour une petite élite) en un feu de joie créatif d'art vécu, indispensable et non superflu :
« Ah ! Si les peintres et les sculpteurs étaient libres, ils n'auraient pas besoin de s'enfermer en de salons. Ils n'auraient qu'à reconstruire nos cités ; tout d'abord démolir ces affreux cubes de pierre où sont entassés les êtres humains dans une affreuse promiscuité […]. Ils brûleraient tout le barraquement des temps de misère en un immense feu de joie et j'imagine que, dans le musée des œuvres à conserver, ils ne laisseraient pas grand chose des prétendues œuvres artistiques de nos jours[33] (p. 74). »
Le cordonnier Napoléon Gaillard par exemple se réclame d'une pratique quotidienne des arts intégrée dans le travail des artisans. Il revendique une forme d'art dans sa pratique de cordonnier, Il se fait de façon emblématique photographier signant la barricade qu'il a créée place de la Concorde, ce qui lui vaut le surnom de Château Gaillard par la suite[33](p. 70). Gaillard indique aussi être fier de « faire une chaussure bien chaussante » et revendique en tant que cordonnier un statut « d'artiste chaussurier ». Outre le fait qu'il est l'inventeur des chaussures en caoutchouc (gupta percha), il rédige des textes sur le pied et la chaussure[35].
Toutes ces réflexions sur l'art menées par la fédération des artistes influencèrent un artiste tapissier tel que William Morris, qui devient dans les années 1880 un défenseur de la mémoire artistique de la Commune[33] (p. 76).
Frank Jellinek qualifiera la commune de « révolution de cordonniers » dans son livre The Paris commune of 1871[36]. Selon Kristin Ross, les artisans d'art ont joué un rôle important dans la commune de Paris et on compta 10 000 détenus plus tard parmi eux[33] (p. 77-78).
Médiatisation
Selon l'historien Quentin Deluermoz, « dès mars 1871, la révolte parisienne est sans doute l'un des événements les plus médiatisés de l'époque »[37]. La Commune est suivie par les journaux européens aussi bien que dans l'aire d'influence britannique (Canada, Inde, Australie) et dans l'espace atlantique (Brésil, Mexique, États-Unis)[37]. D'après l'examen des télégrammes Reuters circulant sur le réseau du câble télégraphique transatlantique, l'écrasante majorité des informations concerne l'insurrection parisienne « alors que de nombreux « faits » signifiants se déroulent bien entendu à l'échelle de la planète »[37]. Selon l'historien Samuel Bernstein (en), « aucun thème économique ou politique […], à l'exception de la corruption gouvernementale, n'a reçu plus de gros titres dans la presse américaine des années 1870 que la Commune de Paris »[38]. En France, l'insurrection parisienne a été très largement combattue par la presse, tant monarchiste que républicaine modérée[39].