Le Monde
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Le Monde est un journal français fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944. Se voulant journal « de référence »[5],[6],[7], il est régulièrement considéré comme tel[8],[9],[10], y compris à l'étranger[11],[12].
Cet article concerne le journal français « Le Monde ». Pour les autres significations associées au Monde, voir Le Monde (homonymie).
Une sur le traité d'alliance entre la France et l'URSS du premier numéro du Monde, le 19 décembre 1944. | |
Pays | France |
---|---|
Zone de diffusion | International |
Langue | français anglais (édition numérique, depuis avril 2022)[1],[2] |
Périodicité | Quotidien |
Format | Berlinois |
Genre | Généraliste |
Prix au numéro | 3,60 € (numéros datés du dimanche-lundi à vendredi inclus)[3], 5,20 € (numéro daté du samedi) |
Diffusion | 479 243[4] ex. (2022, +5,82 %) |
Fondateur | Hubert Beuve-Méry |
Date de fondation | 1944 |
Éditeur | Société éditrice du Monde |
Ville d’édition | Paris |
Propriétaire | Groupe Le Monde |
Directeur de publication | Louis Dreyfus, Jérôme Fenoglio |
Directeur de la rédaction | Caroline Monnot |
Rédacteur en chef | Grégoire Allix (directeur adjoint de la rédaction) Maryline Baumard (directrice adjointe de la rédaction) Hélène Bekmezian (directrice adjointe de la rédaction) Philippe Broussard (directeur adjoint de la rédaction) Nicolas Chapuis (directeur adjoint de la rédaction) Emmanuelle Chevallereau (directrice adjointe de la rédaction) Alexis Delcambre (directeur adjoint de la rédaction) Marie-Pierre Lannelongue (directrice adjointe, M le magazine du Monde) Harold Thibault (directeur adjoint de la rédaction) |
ISSN | 0395-2037 |
ISSN (version électronique) | 1950-6244 |
OCLC | 833476932 |
Site web | lemonde.fr |
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C'est le quotidien national payant le plus lu en France avec 2,44 millions de lecteurs en 2021[13] et le plus diffusé avec 500 000 abonnés, partagés entre 414 000 abonnés numériques et 87 000 abonnés papier[14].
Parmi l'un des derniers quotidiens français dits « du soir », il paraît, daté du lendemain, à Paris en début d'après-midi, ainsi qu'un peu plus tard dans certaines grandes villes. Il est ensuite distribué ailleurs le matin suivant.
En 2010, sa ligne éditoriale est présentée comme étant de centre gauche[15]. En , un sondage Ifop indique que, parmi les personnes interrogées, 63 % de celles lisant régulièrement Le Monde ont voté pour des partis de gauche au premier tour de l'élection présidentielle[16],[17].
Le journal Le Monde est détenu par le Groupe Le Monde.
Il a pour actionnariat la holding Le Monde Libre détenue par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et le groupe espagnol Prisa, et le Pôle d'indépendance détenu par les salariés, les syndicats et des associations[18].
1944-1968 : fondation et institution d'un journal de référence
Le premier numéro du Monde paraît le , daté du sur une seule page recto verso. Il succède au journal Le Temps qui, victime de l'ordonnance du sur les titres ayant paru sous l'occupation de la France par l'Allemagne, a vu ses locaux réquisitionnés et son matériel saisi. Le Monde, bénéficiaire de cette confiscation, en reprend le format et la présentation, l'équipe rédactionnelle, les ouvriers et employés ainsi que les anciens locaux situés rue des Italiens, locaux où il restera 44 ans et qui lui valent le surnom de « quotidien de la rue des Italiens ». Le général de Gaulle, qui souhaite doter la France d'un « journal de prestige » tourné vers l'étranger et qui serait « l'officieux » de la République, est un élément moteur de sa création[19]. Il charge son ministre de l'Information Pierre-Henri Teitgen d'en trouver le directeur, choix difficile car la plupart des hommes de presse de l'époque étaient d'anciens collaborateurs ou déjà à la tête de journaux de la presse clandestine[20]. Georges Bidault, le président du Conseil national de la Résistance lui suggère le nom d'Hubert Beuve-Méry. Ce dernier hésite longtemps car il veut diriger un journal indépendant vis-à-vis des pouvoirs politiques, économiques et religieux. Le , Hubert Beuve-Méry fonde la société à responsabilité limitée (SARL) Le Monde au capital de 200 000 francs répartis en 200 parts sociales, son premier comité de rédaction comprend également René Courtin, professeur de droit, et Christian Funck-Brentano, ancien chargé des questions de presse au cabinet du général de Gaulle[21]. Le quotidien, destiné comme Le Temps aux élites[Note 1], tire à 150 000 exemplaires dès 1945. Né dans l'ombre du pouvoir, Le Monde s'en émancipe progressivement grâce à Hubert Beuve-Méry qui acquiert son indépendance rédactionnelle durant la guerre froide et la guerre d'Indochine[22].
Les salariés du journal tiennent une place centrale dans la gestion du quotidien. En 1951, la Société des rédacteurs du Monde est créée, qui a pour mission de veiller à l'indépendance journalistique du titre. Elle se voit initialement attribuer un peu plus de 28 % des parts de la SARL Le Monde[23]. (ont suivi la société des employés et des cadres en 1968, et celle des lecteurs en 1985). En 1956, Le Monde devient propriétaire de son immeuble au 5, rue des Italiens. À partir du début des années 1960 la diffusion du titre connaît une forte expansion, qui la fera tripler en 20 ans, passant de 137 433 exemplaires en 1960 à 347 783 en 1971, puis près de 500 000 à la fin des années 1970[24].
Cette indépendance financière, éditoriale, est aussi politique. Le journal est le point de jonction de plusieurs grands courants d'idées principalement liés au courant de la social-démocratie chrétienne sur le plan intérieur et un anticolonialisme modéré sur le plan extérieur.
Cela entraîne des débats. Outre la querelle avec De Gaulle, on note que Jean-Jacques Servan-Schreiber, responsable de la page de politique extérieure, quitte le journal au début des années 1950 en lui reprochant son neutralisme dans les relations Est-Ouest[25]. En 1954, est lancé le Monde diplomatique[26]. En 1955/56, le CNPF présidé par Georges Villiers pense alors que Le Monde est trop orienté à gauche et décide d'aider au lancement d'un quotidien concurrent, Le Temps de Paris. L'opération est coordonnée par l'ancienne éminence grise de Pierre Laval, Jean Jardin ; dès la publication du premier numéro, en , le directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry, fut rassuré par la qualité jugée plutôt médiocre du journal concurrent, dont la publication s'arrêta au bout de quelques mois[27]. Le journal refuse en 1957 la publication d'un article de Jean-Paul Sartre consacré à l'usage de la torture en Algérie[28]. Sous la Ve République, le journal soutient la politique étrangère du général de Gaulle[29], tout en critiquant sa politique intérieure.
1969-1981 : journal du soir du centre gauche
Hubert Beuve-Méry, le fondateur du titre, prend sa retraite en 1969[30] Dans les années 1970, il s'oriente clairement vers un soutien à l'Union de la gauche[31] et dénonce les scandales financiers qui éclatent sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (affaire des diamants[32], etc.) L'hostilité forte des journalistes du quotidien vis-à-vis de Valéry Giscard d'Estaing est étudiée en 2014, dans une enquête intitulée Le jour où… « Le Monde » choisit de torpiller Giscard[33]. Raphaëlle Bacqué y revient sur l'affaire des diamants telle qu'elle fut vécue à l'intérieur du Monde et évoque l'aspect très politique de son exploitation. Son enquête mentionne notamment l'hostilité générale des journalistes de la rédaction à Giscard d'Estaing et leur proximité avec l'opposition socialiste et communiste. Elle indique aussi les débats internes entre ceux, tels que le chef du service politique, Raymond Barillon, qui sont circonspects et réticents à reprendre les révélations du Canard enchaîné et ceux, tels l'éditorialiste Philippe Boucher, « abhorrant le giscardisme », qui veulent pousser l'affaire en l'amalgamant notamment avec des révélations mentionnées par Minute sur un permis de construire obtenu par Raymond Barre et des informations sur le patrimoine en Afrique de cousins de Giscard. Philippe Boucher, plus tard nommé au Conseil d'État par François Mitterrand, reconnaîtra en 2014 avoir eu la dent un peu dure dans l'exploitation de cette histoire[33]. À l'époque, la ligne éditoriale, sans se revendiquer explicitement de gauche, est généralement solidaire des mouvements révolutionnaires « socialistes » (Viêt Nam, Portugal, allant jusqu'à titrer « Phnom Penh libérée » lors de la prise de la ville par les Khmers rouges, en [34],[35]).
En 1981, Claude Julien succède à Jacques Fauvet. Le nombre de lecteurs est à son plus haut. Le journal soutient la candidature de François Mitterrand à l'élection présidentielle française de 1981[36]. Après la victoire du candidat socialiste, Jacques Fauvet écrit dans le numéro du : « Cette victoire c'est enfin celle du respect sur le dédain, du réalisme sur l'illusion, de la franchise sur l'artifice, bref, celle d'une certaine morale[37]. » Après l'élection, le soutien affiché du journal à François Mitterrand lui coûte de nombreux lecteurs[38].
1982-1994 : difficultés financières et éditoriales
En 1985, André Laurens qui a succédé en 1982 à Claude Julien, est écarté de la direction à la suite de la baisse des ventes ; alors qu'il tire en moyenne 434 000 exemplaires entre 1974 et 1981, il voit sa diffusion chuter à 335 000 exemplaires en 1985, le faisant descendre en dessous de son seuil de rentabilité[39]). On reproche à Laurens son rapport au socialisme mitterrandien.
Il est alors remplacé par André Fontaine[40]. La ligne éditoriale a pris ses distances avec le miterrandisme, affichant notamment son scepticisme sur la politique de nationalisations menée par Pierre Mauroy[36]. L'affaire du Rainbow Warrior permet notamment au journal de faire preuve de son indépendance et de voir ses ventes rebondir[41]. Le Monde est ensuite en première ligne dans la dénonciation des scandales de l'ère Mitterrand (Affaire des Irlandais de Vincennes[42], Carrefour du développement, etc.). Une véritable animosité oppose alors Mitterrand au journal, visant plus particulièrement le journaliste Edwy Plenel[43]. Plusieurs journalistes du Monde font ainsi l'objet d'écoutes téléphoniques clandestines de la part du pouvoir[44].
En 1985, la BNP exige que le journal vende son immeuble de la rue des Italiens[45]. Le Monde s'installe 15, rue Falguière (15e) en dans un bâtiment conçu par les architectes Pierre du Besset et Dominique Lyon, puis 21 bis rue Claude-Bernard (5e) en 1996 et enfin, en 2004, boulevard Auguste-Blanqui (13e) dans un bâtiment conçu par l'architecte Christian de Portzamparc, dont l'architecture s'inspire de l'ancien siège social du New York Times[46].
En 1989, en raison de la concurrence de Libération et d'un renouveau du Figaro, la diffusion a reculé de 40 000 exemplaires en dix ans[47].
En , un triumvirat doit succéder à André Fontaine. Composé de Daniel Vernet (gérant-directeur), Bruno Frappat (directeur de la rédaction) et Martin Desprez (directeur-gestionnaire), il cède finalement sa place, à la suite de rivalités internes, à Bruno Frappat (toujours à la tête de la rédaction) et à Jacques Lesourne, économiste, élu directeur de la publication du Monde le qui devient le premier non-journaliste à ce poste[48].
1994-2003 : stratégie d'expansion de Colombani
En 1994, Le Monde troque le statut de société à responsabilité limitée (SARL) pour celui de société anonyme (SA) à directoire et conseil de surveillance. À la suite de la démission de Jacques Lesourne qui n'a pu enrayer la chute de la diffusion du titre et du chiffre d'affaires publicitaire, Jean-Marie Colombani, rédacteur en chef, est élu directeur de la publication du journal en [47], d'abord par la société des rédacteurs puis par les actionnaires du journal. Il nomme, en , Noël-Jean Bergeroux directeur de la rédaction. En 1995, il lance une nouvelle formule du quotidien. Lors de l'élection présidentielle française de 1995, l'hostilité de Colombani à Jacques Chirac (à la suite de la tragédie d'Ouvéa), l'anti-mitterrandisme d'Edwy Plenel[Note 2] et le mondialisme balladurien d'Alain Minc, président du conseil de surveillance de la SA Le Monde, font que leur journal est accusé par ses confrères de balladurisme[49]. Le Canard enchaîné titre, le « Le Monde balladurisé ? C'est pas une Minc affaire ». Cela jette le trouble dans son lectorat[50].
Après une première recapitalisation de 295 millions de francs en 1995, Le Monde se lance sur Internet en 1996 : Lemonde.fr propose des dossiers en ligne, la une en version graphique à partir de 13 h, l’intégralité du journal avant 17 h, l’actualité en liaison avec l'AFP et des rubriques sur la bourse, les livres, le multimédia et le sport. Deux ans plus tard, le journal complet en ligne coûte cinq francs (l'équivalent de 0,76 euro) alors que le journal imprimé coûte 7,50 francs (1,15 euro)[51]. Certains articles du supplément imprimé hebdomadaire Télévision-Radio-Multimédia sont disponibles gratuitement en ligne Multimédia, rebaptisée ensuite « Nouvelles technologies ».
Jean-Marie Colombani, réélu en 2000 engage la construction d'un groupe de presse, le Groupe Le Monde. Après avoir tenté en vain de racheter L'Express à Vivendi Universal Publishing (ex-Havas) en 1997[52], il prend le contrôle du groupe Les Journaux du Midi (anciennement Midi Libre SA) en 1999 et acquiert 30 % des « Publications de la vie catholique » en 2003 (notamment La Vie, Courrier international et Télérama dont il revend le patrimoine immobilier[53]). En 2002 et en 2003, plus de 60 millions d'euros sont émis en obligations remboursables en actions (ORA), ce qui alourdit l'endettement à long terme déjà élevé[54],[55],[56].
2003-2008 : crise du journal et du directoire
En 2003, une série d'ouvrages et de travaux critiquent la neutralité du journal et dénonce les trois dirigeants du Monde, Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc. Dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, le sociologue de l'école bourdieusienne Patrick Champagne analyse l'évolution du quotidien et l'influence de Jean-Marie Colombani dans l'article « Le médiateur entre deux mondes ». Ces critiques deviennent accusations dans l'essai La Face cachée du « Monde ». En , ce livre de Pierre Péan et Philippe Cohen affirme, entre autres, que l'équipe dirigeante a pris le parti de s'orienter vers une logique de rentabilité et de vente faisant fi des règles déontologiques[57]. Ils dénoncent par ailleurs le salaire mensuel du directeur de la rédaction du Monde (26 000 euros par mois) en dépit d'une perte estimée à vingt-cinq millions d'euros pour l'exercice 2003 au niveau du groupe (périmètre de CA de 460 millions d'euros, année d'acquisition du groupe La Vie catholique). La ligne éditoriale originelle aurait été altérée afin de répondre aux objectifs de pouvoir d'un petit groupe affilié, avec des collusions dans des cercles économiques. Le non-respect de la raison d'État est également au cœur de la critique. D'autres dénoncent certains parti-pris éditoriaux : le journal aurait mené une campagne active pour Lionel Jospin lors de l'élection présidentielle de 2002[58]. Une plainte du groupe pour diffamation[59],[60]médiatisée, est finalement résolue par la médiation de Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, en , évitant le procès[61],[62]. Cette médiation est critiquée comme un étouffoir par l'association Acrimed qui raille « Votez John Kerry, allez voir le film de Michael Moore..., mais surtout ne vous plongez pas dans une critique du journal »[63].
Alain Rollat, journaliste au Monde de 1977 à 2001, a lui aussi sévèrement critiqué des errements survenus dans la gestion de l'entreprise sous la direction de Jean-Marie Colombani, principal responsable, à ses yeux, de l'emprise croissante des « puissances d'argent » sur le « quotidien de référence ». La publication de son témoignage est délibérément occultée par ses anciens compagnons[64]. Daniel Schneidermann, employé du Monde, critique dans son ouvrage Le Cauchemar médiatique la réaction de la direction du quotidien, en estimant que celui-ci ne répond pas aux arguments du livre La Face cachée du « Monde ». Les dirigeants du Monde le licencient en pour « cause réelle et sérieuse » : selon eux, un passage du livre de Daniel Schneidermann est « attentatoire à l’entreprise pour laquelle il travaille ». Le journaliste a poursuivi le quotidien aux prud'hommes de Paris, qui lui ont donné gain de cause en [65] confirmé en appel en [66]. Un autre livre-enquête, publiée l'année suivante, Patrick de Saint-Exupéry sur le génocide du Rwanda[67] provoque, selon Éric Fottorino, le malaise des journalistes du Monde[Quand ?], le journal ayant au moment du drame en 1994 « entériné la vision fausse et facile d'un double génocide qui dédouanait la diplomatie française, gauche et droite confondues »[68] alors que Patrick de Saint-Exupéry avait vu lui en 1994 « non pas des mais un génocide »[69].
Le , Edwy Plenel démissionne de la direction de la rédaction[70],[71],[72], puis quitte le journal en [73],[74]. Colombani fait revenir, pour l'intérim, Patrick Jarreau de Washington[75].
Face à cette crise, Le Monde accepte l'augmentation de capital du groupe Lagardère et publie une nouvelle formule, préparée par Éric Fottorino et son groupe de réflexion « Vivaldi »[76], le . D'après lui, ce profond changement de l'architecture du quotidien[77],[78] permet une remontée durable de la satisfaction des lecteurs, au-dessus de 80 %[76]. Le groupe Le Monde revend les Éditions Desclée de Brouwer à l'éditeur suisse Parole et Silence spécialisé dans la spiritualité chrétienne.
Jean-Michel Dumay voit son mandat de président de la société des rédacteurs renouvelé en 2006, mais Pierre Jeantet remplace Jean-Paul Louveau comme directeur général et, avec Bruno Patino, entre dans un directoire aux côtés d’Éric Fottorino.
Les tensions liées au rôle du groupe Lagardère s'aggravent. En , après 24 ans de partenariat avec l'émission de RTL Le Grand Jury[79], le journal est remplacé par Le Figaro, en raison de l'augmentation de capital de Lagardère propriétaire de la station concurrente de radio Europe 1[80]. En octobre, la société des rédacteurs du Monde s'oppose à la création d'un « pôle sud » de la presse quotidienne régionale réunissant les actifs du Monde (Midi libre, L'Indépendant, Centre Presse) et ceux du groupe Hachette-Filipacchi de Lagardère (La Provence, Nice-Matin, Corse-Matin et Var-Matin) à travers une holding commune. Enfin, Laurent Mauduit qui est devenu éditorialiste, après s'être prononcé publiquement contre l'entrée au capital du journal du groupe Lagardère, quitte le journal en , dénonçant la censure de l'un de ses articles à propos des Caisses d'épargne[81].
Rapidement émerge une controverse déclenchée à la fin de l'année 2005 par la mise en place par Jean-Marie Colombani du concept de journalisme de validation, censé se substituer à celui de journalisme d'investigation[82],[83],[84],[85]. ce journalisme de validation fut évoqué dès l'automne 2004 dans un message de Colombani à la rédaction, au départ d'Edwy Plenel[86]. Le journal tente aussi de cadrer ses contenus numériques « parfois contradictoires avec l'édition papier »[87].
Le , le directeur du Monde Jean-Marie Colombani appelle à voter Ségolène Royal dans les colonnes du journal[88], après avoir été critiqué pour un éditorial avant le premier tour incitant les lecteurs du journal de sensibilité centriste à préférer Nicolas Sarkozy à François Bayrou[89].
Trois semaines après, , la société des rédacteurs du Monde refuse d'accorder un troisième mandat à Jean-Marie Colombani à la tête du directoire du groupe, avec 48,5 % des suffrages en faveur de la reconduction et 46,7 % contre, 60 % des voix étaient nécessaires selon les règles internes du journal. Le , Pierre Jeantet (recruté un an plus tôt comme directeur général) lui succède au poste de président du directoire du groupe Le Monde, avec Bruno Patino comme vice-président, tandis qu'Éric Fottorino (précédemment directeur de la rédaction) lui succède au poste de directeur du journal (les fonctions de président du groupe et de directeur du journal étant désormais dissociées). Mais, le , à la suite de désaccords en matière financière entre la direction et la Société des rédacteurs du Monde, le président du directoire Pierre Jeantet, le vice-président Bruno Patino et le directeur du journal Éric Fottorino démissionnent en bloc[90]. Ce dernier revient sur sa décision le [91] et devient président du directoire le [92]. Cela provoque la démission de Jean-Michel Dumay, qui claque la porte de la société des rédacteurs du Monde (SRM) en dénonçant un « marchandage indigne»[93].
Le même mois, le journal est condamné par un tribunal de Barcelone, à 300 000 euros de dommages-intérêts pour avoir publié un article jugé diffamatoire évoquant les pratiques du dopage au FC Barcelone[94].
Le quotidien perd 15 millions d'euros sur la seule année 2007, sa diffusion a baissé de 10 % en 4 ans et ses recettes publicitaire de 40 %[95]. Aux difficultés s'ajoute le mécontentent suscité par le recrutement de Françoise Fressoz l'éditorialiste politique du concurrent et les journalistes votent massivement une grève pour [96].
Le groupe, qui reste endetté, doit se réorganiser. En , il met en vente la société éditrice des Cahiers du cinéma, les Éditions de l'Étoile, achetée en par le groupe d'édition d'art Phaidon. Le groupe vend également sa branche jeunesse, composée de Fleurus presse et de Junior hebdo, à Héros et Patrimoine, une société détenue par Financière de loisirs et par le fonds d'investissement américain Open Gate Capital. Fin 2008, il cède la librairie religieuse La Procure pour trois à quatre millions d'euros.
Années 2009-2018 : le trio Bergé-Pigasse-Niel
En , Éric Fottorino reproche sa « vantardise et sa frénésie » à Nicolas Sarkozy dans un éditorial, ce qui provoque une crise avec les actionnaires. Le milliardaire Vincent Bolloré, ami du chef de l’État, annonce qu’il cesse de faire imprimer son quotidien gratuit Direct Matin sur les rotatives du Monde. Le Journal du dimanche, qui appartient au milliardaire Arnaud Lagardère, autre ami de Nicolas Sarkozy, fait savoir qu’il change d’imprimerie. Enfin, Les Échos, propriété du milliardaire Bernard Arnault, lui aussi ami personnel du président, dénonce le contrat souscrit avec l’imprimerie dont Le Monde est propriétaire. Pour Éric Fottorino, « le pouvoir tentait de nous asphyxier par la voie industrielle ». Dans la même période, une enquête du Monde signale le rôle central de la banque BNP Paribas dans le capitalisme de connivence français, citant plusieurs fois son PDG, Michel Pébereau. Cet épisode entraîne le refus de BNP Paribas, pourtant banque historique du Monde, d'aider le quotidien en grave difficulté. Pour Éric Fottorino, « sans doute n’était-il pas opportun, au moment où nous discutions notre avenir, d’irriter celui qui tenait une partie de la solution entre ses mains. (...) Déplaire nous condamnait-il à dépérir ? Il était de toute façon trop tard pour faire marche arrière[97]. » Le journal doit être repris.
En , cinq repreneurs sont présentés[98] : Le Nouvel Observateur, El País, le groupe de presse qui édite L'Espresso (Italie), le groupe de presse Ringier (Suisse) ainsi qu'un trio formé par Pierre Bergé (entrepreneur, propriétaire du magazine Têtu), Matthieu Pigasse (homme d'affaires, propriétaire et président du magazine Les Inrockuptibles) et Xavier Niel (fondateur de Free). Cette candidature provoque une rencontre entre le président de la République Nicolas Sarkozy et Éric Fottorino le : le chef de l'État met en garde en déclarant que si l'option du trio Bergé-Pigasse-Niel était choisie, l'État renoncerait à verser vingt millions d'euros pour participer au sauvetage de l'imprimerie du journal[99],[100]. L'autre offre, sérieuse, est formée par Perdriel-Prisa-Orange[101] soutenue par Alain Minc, alors en relation secrète avec Emmanuel Macron[102],[103], et parait à la société des journalistes du Monde comme étant « particulièrement dangereuse »[pourquoi ?][102],[103]. Fin juin, l'offre du trio Bergé-Pigasse-Niel est plébiscitée par les salariés actionnaires[104]. Orange et Le Nouvel Observateur décident de se retirer[105] et le choix est validé par le vote du conseil de surveillance (11 voix pour et 9 abstentions) le [106]. Le , le rachat du journal par le trio est entériné[107],[108]. Le groupe Le Monde est alors contrôlé par la société Le Monde libre qui possède 64 % du capital, cette société étant détenue par les trois hommes d'affaires ainsi que par le groupe de presse espagnol Prisa[109].
Les circonstances de la vente du journal ont été dénoncées par un article du Monde diplomatique, Comment « Le Monde » fut vendu, en [110].
Le , Le Monde annonce qu'il porte plainte contre X pour « violation du secret des sources » après que les services secrets français (Direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) ont été mis à contribution par l'exécutif pour identifier la source d'un journaliste de la rédaction. Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, le reconnaît dans un entretien au Nouvel Observateur : il a ordonné un « éclairage DCRI » sur des fuites provenant du ministère de la Justice au sujet de l'affaire Woerth-Bettencourt, une enquête qui peut être considérée comme une atteinte au secret des sources, protégées par la loi, et donc à la liberté de la presse.
Le , Éric Fottorino est révoqué de la présidence du directoire du groupe Le Monde et de sa fonction de directeur de la publication, pour divergences de point de vue avec les actionnaires. Il est remplacé par Louis Dreyfus à la présidence du directoire[111],[112] et par Érik Izraelewicz, le , comme directeur des rédactions du groupe. Ce choix est ratifié le par les journalistes avec 74 % des voix[113],[114] mais Érik Izraelewicz meurt, le , à l'âge de 58 ans, victime d'une crise cardiaque au siège même du Monde[115]. Après un intérim d'Alain Frachon[116], Natalie Nougayrède est proposée le à ce poste par les trois principaux actionnaires du groupe. Elle devient la directrice du Monde après un vote positif de la Société des Rédacteurs du journal[117] pour six ans. Son tandem avec Louis Dreyfus reçoit pour mission de « placer la révolution numérique au cœur de leurs mandats »[118]
Cela provoque rapidement une crise avec la rédaction. En , un mouvement de contestation est déclenché dans le journal par l'annonce d’un plan de mobilité prévoyant le passage vers la version numérique d’une cinquantaine de postes et la suppression d'un certain nombre de rubriques (Logement et exclusion, Économie sociale et solidaire, Banlieue...)[119],[120]. Le , sept membres de la rédaction en chef du Monde — François Bougon, Vincent Fagot, Julien Laroche-Joubert, Damien Leloup, Cécile Prieur, Françoise Tovo et Nabil Wakim — démissionnent et dénoncent « des dysfonctionnements majeurs, ainsi qu'une absence de confiance et de communication avec la direction de la rédaction »[121],[122]. Trois jours plus tard, Vincent Giret et Michel Guerrin, les deux adjoints de la directrice du Monde, démissionnent mis en cause par une partie de la rédaction qui demande leur départ[123]. En l'absence de soutien des actionnaires[124], Natalie Nougayrède jette l'éponge et démissionne de son poste[125],[126]. Dans un texte envoyé à l’AFP[127], elle explique n’avoir « plus les moyens d’assurer en toute plénitude et sérénité » ses fonctions.
Le , un nouvel organigramme est mis en place[128] : Gilles van Kote est promu membre du directoire et directeur du Monde par intérim par le trio Bergé-Niel-Pigasse dans l'attente d'un vote de la Société des rédacteurs du Monde (SRM) tandis que Jérôme Fenoglio devient directeur des rédactions.
Le , Le Monde lance une nouvelle formule voulue « plus claire et plus aérée », selon son directeur général Louis Dreyfus[129].
Le , à la suite de la démission de Gilles van Kote due au refus de la Société des rédacteurs du Monde de soutenir sa candidature définitive[130] et à l'issue d'un deuxième vote de celle-ci[131], Jérôme Fenoglio accède au poste de directeur du quotidien tandis que Luc Bronner le remplace en tant que directeur des rédactions[132].
Les Décodeurs, rubrique du site web du journal Le Monde, est créée le [133] et le , les journalistes de la rubrique créent un moteur de recherche baptisé Décodex (cf. la section Critiques ci-dessous).
À la suite du décès de Pierre Bergé en , Xavier Niel et Matthieu Pigasse rachètent chacun la moitié de ses parts dans Le Monde libre, holding qui détient 72,5 % du Groupe Le Monde[134]. Le , Matthieu Pigasse vend 49 % de ses parts de la société Le Nouveau Monde au milliardaire tchèque Daniel Křetínský, déjà propriétaire du groupe de médias Czech Media Invest, de l'hebdomadaire Marianne[135] et d’une partie du pôle magazine du groupe Lagardère (Elle, Télé 7 jours, Ici Paris, France Dimanche...)[136], suscitant la méfiance du« Pôle d’indépendance » du journal qui qualifie l'opération jugée « brutale »[137] et générant des tensions avec Xavier Niel[138].
Années 2019-2020
En , la Fondation Bill-et-Melinda-Gates octroie à la société de presse 2 126 790 $ sur trois ans pour Le Monde Afrique[139],[140], afin de soutenir « sa couverture du développement et de la santé globale en Afrique, informer et engager son public par un journalisme de haute qualité[139] ». La Fondation est alors déjà « partenaire » du Monde Afrique[141], l’accompagnant depuis sa création en 2015[142], et a auparavant octroyé des subventions dans ce cadre[143].
En juillet de la même année, Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky négocient le rachat des parts du groupe espagnol Prisa qui détient 20 % dans le groupe Le Monde, suscitant de nouvelles tensions avec Xavier Niel[136] et il est question que Daniel Kretinsky prenne le contrôle de la holding Le Nouveau Monde[138]. Ces évolutions dans l'actionariat suscitent l'inquiétude de la rédaction qui appelle à préserver « l’indépendance éditoriale »[138] dans une tribune collective[144]. Les deux actionnaires de référence, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, acceptent la signature du droit d'agrément demandé par les rédactions du journal[145] et la négociation entre Le Nouveau Monde et Prisa n'aboutit finalement pas[146]. Ce droit d'agrément confie au pôle d'indépendance la possibilité de bloquer un changement dans le contrôle de l'actionnariat[147].
Début 2020, l'ensemble des services du groupe Le Monde s'installe dans un bâtiment dessiné par le cabinet d'architectes norvégien Snøhetta. Le nouveau siège est situé avenue Pierre-Mendès-France, dans le quartier Paris Rive Gauche (13e), en surplomb des voies de la gare d'Austerlitz[148].
En , le groupe annonce avoir dégagé en 2019 un bénéfice net à 2,6 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 302,7 millions d'euros, avec « l’essor très marqué du portefeuille d’abonnés numériques du Monde »[149]. Pour la troisième année d'affilée, le groupe affiche un bilan positif[150]. En revanche, la première moitié de l'année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19, devrait impacter le chiffre d'affaires de 18 millions d'euros du groupe, avec une chute de 50 % des revenus publicitaires[151].
Pour Marianne, la rédaction du Monde, comme d'autres titres de la presse de gauche, est fracturée entre deux camps que le magazine décrit comme les multiculturalistes et les universalistes. La discorde ne porterait plus sur le modèle économique et politique – lutte des classes contre social-démocratie – mais sur des thèmes de société tels que le féminisme, les minorités et l’islam, principalement[152]. Ainsi, le déclenchement du phénomène #metoo contre le harcèlement des femmes provoque une « grosse crise interne » au sein du quotidien ou encore un article de Zineb Dryef consacré à Assa Traoré fait l'objet de critiques internes, même si Luc Bronner, alors directeur de la rédaction du quotidien, rejette les accusations en complaisance visant son journal[152].
Depuis 2021
En , Le Monde annonce la création d'un fonds de dotation qui doit pérenniser « l'indépendance capitalistique du groupe »[153].
Le , la direction annonce l'augmentation du tarif en kiosque de 20 centimes en raison de la hausse des coûts de production, particulièrement le prix du papier[154].
Le quotidien doit par ailleurs faire face au départ de ses deux dessinateurs les plus connus. Plantu, engagé au journal depuis le , a mis fin en à sa carrière au service du Monde après 50 ans de travail laissant sa place à la Une à ses confrères du collectif « Cartooning for Peace ». En , la directrice de la rédaction du Monde Caroline Monnot présente ses excuses pour avoir publié un dessin de Xavier Gorce pouvant « être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres[155] ». Après 18 ans de collaboration, Xavier Gorce annonce qu'il quitte la rédaction en déclarant que « la liberté ne se négocie pas » et déplore la pression des militants des réseaux sociaux[156],[157].
En septembre 2022, la direction du journal décide de dépublier une tribune du chercheur Paul-Max Morin intitulée « Réduire la colonisation en Algérie à une "histoire d'amour" parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle » à la suite de protestations de l'Élysée[158],[159],[160]. Pour l'Élysée, l'article contenait une erreur factuelle née d'une mauvaise interprétation des propos tenus à Alger par le chef de l’État.
Actionnariat
Le Monde est une filiale du Groupe Le Monde, qui publie également L'Obs, Télérama, Le Monde diplomatique, La Vie, et Courrier international.
Le Groupe Le Monde est détenu :
- Par la holding Le Monde Libre à hauteur de 75 %
- Par le Pôle d'Indépendance du Monde à hauteur de 25 %
Le Monde Libre est détenu par le Nouveau Monde (Matthieu Pigasse, NJJ Presse (Xavier Niel)[161], Berly Media (Madison Cox) et le groupe espagnol Prisa.
Le Pôle d'indépendance du Monde regroupe plusieurs syndicats comme la société des rédacteurs du Monde, la société des lecteurs du Monde, la société des employés du Monde, la société des personnels de Courrier international, la société du personnel de L'Obs ainsi que l'association des actionnaires minoritaires.
Indépendance
Afin d'éviter une pression des actionnaires sur les journalistes, comme c'est le cas dans certains médias[162],[163][Interprétation personnelle ?], Le Monde présente certaines originalités.
Selon les statuts officiels du journal, la nomination du directeur de la rédaction doit impérativement être votée par au moins 60 % de la rédaction des journalistes.
Depuis 2017, le Pôle d’indépendance du Monde obtient dans le cadre d’une modification des statuts du Monde une « golden share » protégeant ses droits statutaires quelle que soit sa part du capital. Ainsi, les actionnaires minoritaires ont le pouvoir de bloquer des décisions des actionnaires majoritaires.
En 2020, Xavier Niel, un des actionnaires de la holding Le Monde Libre, place toutes ses actions dans un fond de dotation spécial. Ce fonds est légalement incessible. La chercheuse Julia Cagé, qui dirige la Société des Lecteurs du Monde, salue la décision de l'homme d'affaires, mais estime que cela pourrait aller plus loin[164].
Finances
Chaque année, le Groupe Le Monde partage ses documents financiers (bilan, compte de résultat), avec les lecteurs du Monde[165]. En 2021, le chiffre d'affaires du groupe est de 301 millions d'euros[165].
L'abonnement est actuellement la principale source de revenu du journal[165] .
La rédaction du journal Le Monde compte 520 journalistes en CDI[165],[166]. Ce chiffre n'incluant pas les autres rédactions du groupe Le Monde (L'Obs, Télérama ou La Vie).
Les journalistes font partie d'un syndicat, la société des rédacteurs du Monde[167].
Le journal Le Monde bénéficie des aides à la presse. Ainsi, il a perçu 2,95 millions d’euros d’aide du fonds d'aide à la modernisation de la presse de 2003 à 2010[168] (voir Aides à la presse en France). En 2010, il est le second quotidien français qui reçoit le plus de subventions de l'État, avec 17 millions d'euros d'aides directes[169]. En 2011 et 2012, il est le premier avec 16,9 et 18,6 millions d'euros[170].
En 2021, sa subvention est de 8 millions d'euros[171].