Louis XVII
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Louis-Charles de France, plus connu sous le nom de Louis XVII, né à Versailles le et mort à Paris le , est le deuxième fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Titré duc de Normandie à sa naissance, il devient dauphin de France en 1789 à la mort de son frère aîné, puis prince royal aux termes de la Constitution de 1791 à 1792.
Pour les articles homonymes, voir Louis, prince de France.
Titres
Prétendant aux trônes de France et de Navarre
–
(2 ans, 4 mois et 18 jours)
Nom revendiqué | Louis XVII |
---|---|
Prédécesseur | Louis XVI |
Successeur | Louis-Stanislas de France |
–
(1 an et 7 jours)
Prédécesseur | Création du titre |
---|---|
Successeur |
Abolition du titre Ferdinand-Philippe d'Orléans (indirectement) |
–
(2 ans, 3 mois et 10 jours)
Prédécesseur | Louis-Joseph de France |
---|---|
Successeur |
Abolition du titre Louis de France (indirectement) |
Titulature |
Fils de France Duc de Normandie Dauphin de France Prince royal |
---|---|
Dynastie | Maison de Bourbon |
Nom de naissance | Charles, puis à la mort de son frère aîné Louis-Joseph, devint Louis-Charles |
Naissance |
Château de Versailles (France) |
Décès |
(à 10 ans) Prison du Temple, Paris (France) |
Sépulture | Basilique de Saint-Denis |
Père | Louis XVI, roi de France |
Mère | Marie-Antoinette d'Autriche |
Fratrie |
Marie-Thérèse de France Louis-Joseph de France Sophie de France |
Religion | Catholicisme |
Signature
Durant la Révolution française, la famille royale est emprisonnée le à la tour du Temple, puis Louis XVI est exécuté le . Louis-Charles est alors reconnu par les gouvernements des puissances coalisées contre la France et par son oncle, le futur Louis XVIII, comme le titulaire de la couronne de France, sous le nom de « Louis XVII ». Il meurt en captivité en 1795, à l’âge de dix ans.
L'éventualité de sa survie a longtemps suscité la curiosité de certains auteurs.
Naissance et baptême
Louis-Charles de France est né au château de Versailles le . Il est baptisé le même jour dans la chapelle du château de Versailles par Louis René Édouard de Rohan, grand aumônier de France, en présence d'Honoré Nicolas Brocquevielle, curé de l'église Notre-Dame de Versailles[1] : son parrain est Louis Stanislas Xavier de France, futur Louis XVIII, et sa marraine est Marie-Caroline de Lorraine, archiduchesse d'Autriche, reine des Deux-Siciles, représentée par Madame Élisabeth[2].
Titré duc de Normandie avant la mort de son frère aîné, il a pour armes un écartelé de France (d'azur à trois fleurs-de-lis d'or) et de Normandie (de gueules à deux léopards d'or)[3].
Des rumeurs de l'époque se sont répandues à la naissance de l'enfant, selon lesquelles il ne serait pas le fils de Louis XVI mais d'Axel de Fersen (aucune étude scientifique ne valide ou n'invalide cette thèse) gentilhomme suédois qui nourrissait un profond amour pour la reine[4]. Dès , Mercy note dans une lettre à l'empereur Joseph II que « les habitudes du roi ne donnent guère d'espérance à lui voir une nombreuse postérité »[5]. Et Evelyn Farr remarque que chaque fois que Marie-Antoinette est tombée enceinte, en 1783, 1784 et 1785, Fersen était présent à Versailles[6]. Au baptême de Louis-Charles de France, le comte d'Artois est absent et il n'y a « ni compliment, ni révérences »[7]. En , La Fayette et à sa suite l'Assemblée nationale menaceront Marie-Antoinette d'un procès en adultère et de faire déclarer bâtards ses enfants[8] (bien que Fersen ne puisse être impliqué dans la naissance de Madame Royale), ce qui montre la persistance de ces rumeurs. Il n'en sera cependant plus question lors du procès de la reine[9].
Louis-Charles est surnommé « Chou d'amour » par sa mère et Gabrielle de Polignac, gouvernante des Enfants de France depuis le . Marie-Antoinette le rappellera à Gabrielle dans une lettre qu'elle lui écrira alors que cette dernière est partie en exil[10].
- Louis XVI, père de Louis-Charles, vers 1774-1776, par Joseph-Siffred Duplessis,
- Marie-Antoinette d'Autriche, reine de France, mère de Louis-Charles 1788, par Élisabeth Vigée Le Brun.
- Marie-Thérèse Charlotte de France, dite Madame Royale, sœur aînée de Louis-Charles, après 1795, par Heinrich Friedrich Füger.
- Louis-Joseph-Xavier François, dauphin de France, frère aîné de Louis-Charles vers 1787-1788, attribué à Dagoty.
- Louis-Charles de France, duc de Normandie, 1786, par Élisabeth Vigée Le Brun.
- Sophie-Béatrix de France dite Madame Sophie, petite sœur de Louis-Charles, vers 1787, par Élisabeth Vigée Le Brun.
- Marie-Antoinette d'Autriche, reine de France et ses enfants, 1787, par Élisabeth Vigée Le Brun.
Enfance (jusqu'en août 1792)
Il passe sa première enfance dans l'insouciance, sa vie parmi les enfants de la Cour se déroulant entre les escaliers du château de Versailles et la terrasse du Midi où a été aménagé un petit jardin qui fait le bonheur de l'héritier du trône[11]. Faisant preuve d'une certaine maturité et d'une grande sensibilité malgré son jeune âge, il cultive un petit jardin et offre fréquemment des fleurs à la reine ou à sa sœur car il « [veut] les faire croître [lui]-même, pour qu’elles soient plus agréables à maman qui les aime beaucoup »[12] est entouré d'une nombreuse Maison, comprenant de très nombreux serviteurs attachés à sa personne, parmi lesquels Agathe de Rambaud, sa berceuse[Note 1], Louise-Élisabeth de Croÿ de Tourzel comme gouvernante[Note 2] et Jean-Baptiste Cant Hanet dit Cléry, son valet[Note 3].
Second fils de Louis XVI, Louis-Charles de France n'est pas destiné, au départ, à succéder à son père ; la mort de son frère Louis-Joseph le fait cependant de lui le dauphin de France.
Au début de la Révolution française, il déménage avec sa famille au palais des Tuileries le 6 octobre 1789.
En 1791, la Constitution du Royaume de France remplace ce titre par celui de « prince royal » : ce changement est la conséquence logique du remplacement du titre de roi de France par celui de roi des Français[13].
Prisonnier au Temple
Après la journée du , Louis-Charles qui a perdu son titre de prince royal est transféré avec ses parents au couvent des Feuillants puis le emprisonné à la Prison du Temple. Le , Louis XVI est séparé de sa famille et conduit au deuxième étage tandis que le troisième étage est réservé à Marie-Antoinette, ses deux enfants et sa belle-sœur. À partir du , l'« enfant Capet » est confié à la garde de son père, qui poursuit son éducation avec le valet de chambre Jean-Baptiste Cléry. Séparé de sa mère qu'il peut retrouver à l'occasion de promenades, le dauphin est à nouveau confié à elle le lorsque commence le procès de Louis XVI. Il ne revoit son père que le , pour un ultime adieu, avant l'exécution de ce dernier le matin du [14].
Aux yeux des royalistes, le dauphin Louis-Charles succède à son père en vertu du principe selon lequel la continuité dynastique est automatique en France (un nouveau roi succède au roi précédent dès l'instant de la mort de ce dernier). Il est reconnu sous le nom de Louis XVII par le comte de Provence, frère cadet de Louis XVI et futur Louis XVIII, alors émigré à Hamm, près de Dortmund, en Westphalie. Les Vendéens et les Chouans, ainsi que les royalistes d'autres provinces, vont se battre en son nom. Leurs étendards portent l'inscription : « Vive Louis XVII »[15]. Louis-Charles est également reconnu comme roi de France et de Navarre par toutes les puissances étrangères, y compris les États-Unis, qui ne reconnaissent pas la Première République française[16],[17].
Louis-Charles est confié à sa mère au troisième étage du Temple, jusqu'au . Les captifs bénéficient à cette époque d'un confort incontestable (baignoire, garde-robe, nourriture abondante)[18]. Plusieurs tentatives d'évasion sont tentées par des royalistes afin de délivrer Marie-Antoinette et ses enfants[19].
Par arrêté du Comité de salut public du , Louis est enlevé à sa mère et mis sous la garde du cordonnier Antoine Simon (« l'instituteur » désigné, qui sait pourtant à peine écrire) et de sa femme, qui résident au Temple[20]. Enfermé au deuxième étage, le but est alors d'en faire un petit citoyen ordinaire et de lui faire oublier sa condition royale[Note 4]. Il est impliqué, ainsi que sa sœur, dans le procès de sa mère, Marie-Antoinette. On lui fait signer une déclaration de reconnaissance d'inceste[Note 5], pour ajouter un chef d'accusation contre cette dernière[21].
Selon Georges Bordonove, c'est l'épouse de Simon, attachée à l'enfant, qui prend soin de le nourrir correctement[22]. Cependant, Simon, rappelé à ses fonctions municipales, quitte le Temple le . Sa femme, malade, quitte également la prison. Louis-Charles est alors enfermé au secret dans une chambre obscure, sans hygiène ni secours, pendant six mois, jusqu'au . Son état de santé se dégrade, il est rongé par la gale et surtout la tuberculose. Il vit accroupi[Note 6]. Sa nourriture lui est servie à travers un guichet et peu de personnes lui parlent ou lui rendent visite. Ces conditions de vie entraînent une rapide dégradation de son état de santé. L'isolement total dans lequel il est placé laisse planer un certain mystère et donne l'occasion à l'imagination populaire de soulever l'hypothèse de substitution de l'enfant et de son exfiltration, donnant naissance au « mythe évasionniste et survivantiste »[23].
Le député Barras découvre ainsi un enfant mutique, brisé psychologiquement. Le , les comités de salut public et de sûreté générale nomment Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section du Temple, pour le garder, lui et sa sœur[24]. Son sort s'améliore relativement, mais le prisonnier de la tour du Temple est rongé par la tuberculose, ce qu'omet de signaler Laurent lorsqu'il écrit, sur le bulletin de la tour du Temple, que les prisonniers « se portent bien ». Le , Laurent démissionne. Il est remplacé par Étienne Lasne (1757-1841) de la section des Droits de l'homme.
- Louis XVII, au Temple par Jacques-Émile Lafon (détail), huile sur bois, vers 1867.
Dégradation de sa santé (mai 1795)
Le (14 floréal an III), les gardiens Gomin et Lasne inscrivent sur les registres du Temple : « Le petit Capet est indisposé ».
Le (17 floréal an III), la tuberculose prend un tour critique, caractérisé par l'apparition d'une péritonite, si bien que dans les derniers jours de mai, les gardiens signalent au comité de Sûreté générale que l'enfant Capet manifeste « une indisposition et des infirmités qui paraissent prendre un caractère grave »[25]. Le Comité « arrête que le premier officier de santé de l'hospice de l'Humanité (Hôtel-Dieu de Paris) visiterait le malade en présence de ses gardiens et administrerait des remèdes ». Le docteur Pierre Joseph Desault passe à cette époque pour être le premier praticien de Paris. Le , Desault fait sa dernière visite au malade, car il meurt le , à l'âge de 57 ans.
Le , lui succède Philippe-Jean Pelletan, 48 ans, chirurgien en chef de l'Hospice de l'Humanité. Ne voulant pas le laisser prendre seul la responsabilité de soigner l'enfant, le Comité de sûreté générale lui adjoint le docteur Jean-Baptiste Dumangin, 51 ans, médecin chef de l'hospice de l'Unité (Hôpital de la Charité de Paris). Dans la nuit du au , Gomin et Lasne, alarmés par l'état de santé de l'enfant, ont envoyé chercher en urgence le docteur Pelletan. Il répond qu'il viendra le lendemain matin avec le docteur Dumangin[26].
Le lundi (20 prairial an III), les docteurs Dumangin et Pelletan arrivent ensemble à 11 heures du matin au Temple, l'état de l'enfant s'était aggravé[27].
Mort
Témoignage de Damont commissaire civil au Temple : « Le sieur Lasne gardien et moi, nous prêtions nos soins au petit dauphin, et enfin à 3 heures (de l'après-midi) lorsque le sieur Gomin fut revenu, l'enfant venoit de mourir ». Pelletan arrivé à 4 heures confirme la mort. Le docteur Dumangin arrive à 8 heures, il apprend le décès du fils Capet.
Louis XVII meurt dans sa prison, probablement d'une péritonite ulcéro-caséeuse[Note 7] venue compliquer la tuberculose (le « vice scrofuleux » qui a déjà coûté la vie à son frère aîné)[28], le , à l'âge de dix ans et après presque trois ans de captivité.
Le lendemain , le chirurgien Philippe-Jean Pelletan réalise son autopsie qui confirme le diagnostic de tuberculose. Il est secondé par trois médecins, voici l'extrait de la lettre du docteur Dumangin adressé au docteur Pelletan sous la Restauration en 1817 : « Vous m'aviez à la vérité proposé d'autres adjoints ; et sur mon observation que, d'après les qualités personnelles et les rapports qu'avaient eus M. Pierre Lassus (1741-1807) avec Mesdames de France et Nicolas Dieudonné Jeanroy (1750- 1816) dans la Maison de Lorraine, leurs signatures seraient d'un tout autre poids, vous aviez agréé ce choix[29] ». Le docteur Jean-Baptiste Dumangin rédige le procès-verbal d'autopsie, recopié en quatre exemplaires : un pour le Comité de sûreté générale et un pour chaque médecin. L'exemplaire présent aux Archives nationales depuis 1891 a été restitué par un libraire de la ville d'Alger. Ce procès-verbal d'autopsie avait été mis en gage par M. Grasset qui l'avait dérobé avant 1848 à Théophile Dumangin, fils du docteur Dumangin, à Vielmanay ou à Narcy dans la Nièvre[30].
Il est officiellement enterré le dans le cimetière Sainte-Marguerite[23]. Sous la Seconde Restauration, Louis XVIII fait rechercher la sépulture de son neveu : l'énigme de « l'enfant du Temple » se développe alors avec les témoignages contradictoires de ceux qui ont assisté à l'enterrement le (fossoyeur, concierge du cimetière, abbé…) qui évoquent une inhumation en fosse commune (le corps ne pouvant dès lors plus être identifié[Note 8]), une ré-inhumation dans une fosse particulière près de la Chapelle de la Communion de l’église, voire dans le cimetière de Clamart[31].
Titulature reconnue
- - : Son Altesse Royale Louis-Charles de France, fils de France, duc de Normandie (étant le second fils du roi de France, il reçoit un titre d'apanage, ici celui de duc de Normandie porté pour la dernière fois par Charles de France, frère cadet du roi Louis XI) ;
- - : Son Altesse Royale le dauphin de France ;
- - : Son Altesse Royale le prince royal.
Titulature revendiquée
- - : Son Altesse Royale le dauphin de France (titre de courtoisie reconnu par les royalistes fidèles à la famille royale, et par les pays qui ne reconnaissent pas la Première République) ;
- - : Sa Majesté le roi de France et de Navarre (bien qu'il n'ait jamais régné sur la France, qui était alors une république, il est reconnu comme roi par les royalistes toujours fidèles à la famille royale, et par les pays qui ne reconnaissent pas la république en France ; son oncle le comte de Provence se proclame régent au nom de son neveu enfermé à la prison du Temple).