Louise Dupin
femme de lettres et salonnière française / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Madame Dupin?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine, par son mariage Madame Dupin, est née à Paris le et morte au château de Chenonceau, le .
Madame Dupin Louise Guillaume de Fontaine | ||
Madame Dupin par Jean-Marc Nattier. Ce portrait se trouvait au boudoir de l'hôtel Lambert. | ||
Biographie | ||
---|---|---|
Nom de naissance | Louise, Marie Madeleine Guillaume de Fontaine | |
Naissance | Paris, Royaume de France |
|
Décès | (à 93 ans) Château de Chenonceau, République française |
|
Père | Jean-Louis-Guillaume de Fontaine | |
Mère | Marie-Anne-Armande Carton Dancourt | |
Conjoint | Claude Dupin | |
Enfants | Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux | |
modifier |
Célèbre pour sa beauté et son statut de femme d'esprit, Louise Dupin est une personnalité du siècle des Lumières et tient un brillant salon littéraire. Elle est l'arrière-grand-mère par alliance de George Sand.
Louise Dupin est l'une des pionnières du féminisme. Elle poursuit avec ténacité pendant dix ans une étude pour la défense des femmes avec pour secrétaire Jean-Jacques Rousseau. Elle revendique l'égalité, l'accès au savoir et à la liberté conjugale. Elle propose un contrat de mariage temporaire ou renouvelable. Elle s'en prend au mariage civil qu’elle juge injuste et elle est favorable à celui des prêtres.
Contexte familial
Louise Guillaume de Fontaine est la première des trois filles naturelles du banquier Samuel Bernard et de Marie-Anne-Armande Carton Dancourt (1684-1740), dite Manon, fille de l'acteur Florent Carton Dancourt.
Sa mère monte sur scène dès l'âge de dix ans et elle est reçue à la Comédie-Française à quinze ans. Armande Dancourt épouse le à Paris[1], paroisse de Saint-Sulpice, Jean-Louis-Guillaume de Fontaine (1666-1714), commissaire et contrôleur de la Marine et des Guerres au département des Flandres et de Picardie. Le couple est d'abord fixé à Dunkerque de par les fonctions de l'époux, mais la jeune mariée revient bientôt à Paris[2] puis elle crée un salon. Quant à sa liaison avec Samuel Bernard, leur rencontre a peut-être débuté avant le mariage d'Armande. Il n'existe aucune certitude sur le commencement de leur relation. Le mari d'Armande était plus souvent dans les ports à inspecter la marine, qu'à Paris. Samuel Bernard usa de son influence pour promouvoir Jean-Louis Guillaume de Fontaine dans les affaires de la marine et peut-être se le concilier ainsi[3].
Guillaume de Fontaine reconnaît avec complaisance Louise, ainsi que les deux cadettes : Marie-Louise le et Françoise-Thérèse le , toutes les trois de la paroisse Saint-Roch à Paris.
Les enfants de Samuel Bernard sont évoqués par Jean-Jacques Rousseau dans Les Confessions[4] :
« Elles étaient trois sœurs qu’on pourrait appeler les trois grâces : Madame de la Touche, qui fit une escapade en Angleterre avec le duc de Kingston ; Madame d'Arty, la maîtresse et bien plus, l’amie, l’unique et sincère amie de Monsieur le prince de Conty, femme adorable autant par la douceur, par la bonté de son charmant caractère que par l’agrément de son esprit et par l’inaltérable gaieté de son humeur ; enfin Madame Dupin, la plus belle des trois, et la seule à qui l'on n'ait point reproché d'écart dans sa conduite. »
De l'union entre Jean-Louis Guillaume de Fontaine et Armande Dancourt, sont nés deux enfants légitimes. L'aînée, Jeanne-Marie-Thérèse vient au monde en 1703[note 1]. Elle a épousé François II de Barbançois seigneur de Celon dans le Berry[note 2] le . Elle donne naissance à un fils, François-Armand de Barbançois le 17 septembre 1723 à Paris en la paroisse de Notre-Dame-de-Grâce-de-Passy[note 3], mais elle meurt à l'accouchement.
Le second, Jules-Armand, également de la paroisse Saint-Roch à Paris, est né le . Il devient le commissaire des guerres pour les villes, citadelles et forts de Metz, Toul, Verdun, Montmédy, Longwy le [5] puis fermier général. Il est l'époux de Louise Liégault de l'Isle de Châteauneuf, tous deux propriétaires du château du Coq à Auteuil[note 4], en copropriété avec l'une de ses sœurs, Marie Louise Guillaume de Fontaine, épouse alors séparée d'Antoine Alexis Panneau, écuyer et seigneur de d'Arty[6]. Ce château appartenait à leur mère[note 5]. Jules Armand Guillaume de Fontaine est mort à Paris le à l'âge de 49 ans et le couple est sans postérité[7].
Armande Dancourt devient Dame de la seigneurie de Passy le par l'acquisition du château de Passy auprès de Jacques-Daniel de Gueutteville, seigneur d'Orsigny et grâce aux générosités de Samuel Bernard qui lui donne les fonds nécessaires[8]. Après le décès de ce dernier, elle vend le château le à Gabriel Bernard, comte de Rieux, le fils cadet de Samuel Bernard. L'acte de vente précise qu'elle demeurait rue du Luxembourg, paroisse Saint-Roch à Paris. L'année suivante, Armande Carton Dancourt meurt à Paris le 13 février 1740 d'un cancer au sein[9].
Jeunesse
Louise de Fontaine voit le jour à Paris, paroisse Saint-Roch, le [note 6] :
« Louise-Marie-Madeleine, fille de Mre Jean-Louis-Guillaume escuyer Sr de Fontaine, Coner du Roy Comre de la marine et galères de France prt, et de dame Marie Anne Armande Dancourt son épouse née le vingt-huit octobre dernier rue de la Sourdière en cette par. a été batisée, le parein très haut et très puissant seigneur Monseigneur Louis d'Aumont de Roche baron duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre du Roy et gouverneur des ville et château de Boulogne et pays Boulonois, demt rue de Joüy, par. St Gervais ; la mareine Dame Magdeleine Clerjaut, épouse de messire Samuel Bernard cher de l'ordre du Roy demt place des Victoires, paroisse St Eustache.
Signatures : Louis d'Aumont duc d'Aumont - Madeleine Clergeau Bernard - Jean Louis Guillaume de Fontaine - Goy. »
Gaston de Villeneuve-Guibert décrit ainsi l'enfance de Louise Fontaine[10] :
« Ses parents, qui possédaient une fortune considérable, ne négligèrent rien pour développer les heureuses dispositions et les qualités naturelles dont elle était douée. Aux charmes les plus séduisants de la figure elle joignait un esprit vif, un caractère élevé, une intelligence précoce et une grande mémoire ; elle plaisait autant par sa douceur que par la grâce et la distinction de sa personne. Sa mère la mit au couvent; elle aussitôt devint l'idole de la communauté : élèves et maîtresses étaient ravies de sa gaieté, de ses talents, de ses saillies; la supérieure la citait comme une petite merveille que tout le monde gâtait et dont on était enchanté. »
L'insouciance propre à ces années dure peu et la jeune Louise sera confrontée à la réalité du monde adulte, sur la place de la femme dans la société du XVIIIe siècle et la toute-puissance de l'autorité paternelle. Les pères seuls décident du sort de leurs enfants. Le rôle de l'institution religieuse sur le statut des femmes est déterminante. L'éducation au couvent consiste à imposer l'obéissance, la soumission, accepter l'autorité des parents et de l'époux auquel elle est destinée.
Claude Dupin
Samuel Bernard décide d'offrir sa fille Louise à Claude Dupin, modeste receveur des tailles à Châteauroux. D'après le chroniqueur Barthélémy Mouffle d'Angerville, en 1722, Claude Dupin était venu en aide à l'aînée de la famille, Jeanne-Marie-Thérèse de Fontaine-Barbançois, de passage dans le Berry[note 7]. Madame de Barbançois revenait des thermes de Bourbon-l'Archambault, mais souffrante, elle reçoit l'hospitalité de Claude Dupin. Une fois son invitée rétablie, le bienfaiteur l'accompagnera jusqu'à Paris[11]. Calcul ambitieux ou réel désintéressement ? Toujours est-il que ce geste permet à Claude Dupin de rencontrer Samuel Bernard. Ce dernier, fortement impressionné, s'informe de sa situation et propose la main de Louise, âgée seulement de seize ans, à Claude Dupin. Pour ce quadragénaire, veuf et père d'un fils de six ans, Louis Dupin de Francueil, cette situation est inespérée puisqu'elle est assortie de la charge de receveur général des finances[12].
Le a lieu le mariage par contrat et la cérémonie religieuse est célébrée le 1er décembre[13] suivant, à Paris en l'église Saint-Roch. Grâce aux relations et l'appui de son beau-père, Claude Dupin devient fermier général le , après avoir vendu sa charge de Châteauroux. Samuel Bernard avance la caution de la Ferme à son protégé, pour un montant de 500 000 livres[14]. Le financier abandonne quelques années plus tard la créance, en dispensant le couple de toute reconnaissance de dettes[15]. Le , Claude Dupin achète une charge de « conseiller secrétaire du Roy, Maison, Couronne de France et des finances ». L'acquisition de cette charge lui permet d'obtenir la noblesse au premier degré, ainsi que sa descendance.
Louise donne naissance à un fils, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, le rue de Gaillon à Paris[16].
Grâce aux générosités de Samuel Bernard et aux revenus de la Ferme générale, Claude Dupin constitue une fortune considérable, principalement foncière. Monsieur et Madame Dupin occupent une situation éblouissante et mènent un train de vie fastueux. Le , Claude Dupin acquiert conjointement avec sa belle-mère, Madame de Fontaine, le prestigieux hôtel Lambert sur l'île Saint-Louis pour la somme de 140 000 livres[17]. Le , il achète le magnifique château de Chenonceau au duc de Bourbon pour 130 000 livres. Chaque année, le couple Dupin se rend en automne dans ce cadre illustre de la Touraine. Dès le mois d', ils demeurent avec leur enfant et beau-fils, Louis Claude Dupin, dans l'Hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris[18] et ils possèdent également une maison à Clichy-sur-Seine depuis 1752, où ils passent les mois d'été. Le , le marquisat du Blanc et la châtellenie de Cors, situés aux limites du Berry et du Poitou[19], viennent compléter le patrimoine. Le marquisat du Blanc comprend le château-Naillac et les châteaux de Roche, de Rochefort, de Cors, de Forges, des propriétés, fermes, étangs et terres[20], dont le montant total est de 555 000 livres, soit un coût équivalent à quatre fois l'achat de Chenonceau. Mais des difficultés, à la suite de la saisie des biens de la marquise de Parabère[21], l'ancienne propriétaire, ont conduit à une nouvelle mise sous séquestre des terres du Blanc et il a fallu un décret du Parlement de Paris en date du , confirmé par arrêt du suivant, pour que Claude Dupin soit maintenu dans ses acquisitions[22].
Samuel Bernard meurt le et le règlement de sa succession oblige Claude Dupin à se séparer de l'hôtel Lambert, le suivant.
Le , Monsieur et Madame Dupin prennent possession officiellement de la ville du Blanc, comme le veut la tradition[23] :
« Le cortège officiel se forma. Il y avait loin du rude seigneur féodal, armé et casqué, à l'homme de qualité qu'était Claude Dupin, portant perruque et vêtement de cour. Près de lui se tenait la jolie marquise, trente quatre ans, et ses enfants Monsieur et Madame Dupin de Francueil. Tous les nobles, les gentilshommes du Blanc, les officiers de justice et d'administration, suivaient. Les gens de la ville, placés sur le passage, regardaient. Le Révérend Père les accueillit pour la grand-messe. Après l'office, la visite du monastère suivit. Le Révérend Père s'avança alors vers la jolie marquise et la pria délicatement de ne point accompagner son époux dans la visite de leur maison, le règlement ne leur permettant point.
Madame Dupin répondit avec toute sa grâce : Le plus précieux usage que l'on puisse faire de ses droits est de les rendre agréables à ceux sur qui on a ces droits. Puisqu'il ne lui seyait pas qu'elle entrât dans sa maison, elle ne voulait pas y entrer. »
Après la visite officielle de la cité berrichonne, Claude Dupin promet aux villageois la construction d'un pont sur la Creuse afin de fêter l'événement. Le pont d'origine qui relie les deux villes Basse et Haute du Blanc s'est effondré deux siècles auparavant — en 1530 — à la suite d'une crue. Depuis sa disparition, un bac est établi pour permettre la traversée d'une rive à l'autre. Le droit de passage et « de tenir bateaux » sur la Creuse appartenaient au seigneur et lui rapportaient une rente. Mme de Parabère avait déjà fait une promesse analogue à celle du fermier général en 1722[22].
Mais l'ouvrage fluvial se fait toujours attendre. Plus de trente ans après la déclaration de Claude Dupin — mort en 1769 — les habitants du Blanc intentent un procès à sa veuve, Louise Dupin[22].
En 1774, elle doit tenir en partie la promesse qu'avait faite son mari et fait construire une passerelle en bois sur la rivière. Les citadins Blancois devront s'en contenter. Le pont est finalement édifié au début du XIXe siècle sous l'administration d'Auguste Vallet de Villeneuve, l'un des petits-neveux et héritier de Mme Dupin[22].
Madame Dupin
Monsieur et Madame Dupin occupent une place de premier rang dans le monde de la finance et sont en relation avec l'aristocratie. Si leur prospérité facilite cette ascension sociale, les qualités de Mme Dupin contribuent à cette intégration. Voltaire la surnomme : « la déesse de la beauté et de la musique »[24]. Louise Dupin est en effet célèbre par son charme et son esprit. Elle participe aux écrits de son mari, dont les volumes d'Observations sur l'Esprit des lois, et travaille à ses propres projets : sur les femmes ou l'amitié. Belle, intelligente, fort cultivée, son pouvoir de séduction attire toutes les sympathies. Le plus naturellement du monde, sont venus vers elle, des gens de lettres, des philosophes et des savants. Dans ce cercle et à ses dîners, Mme Dupin sait animer les conversations, mener les débats et élever les discussions. Elle tient à l'hôtel Lambert, comme à Chenonceau ou l'Hôtel de Vins, un salon littéraire et scientifique des plus brillants. Mme Dupin reçoit notamment Voltaire, l'abbé de Saint-Pierre, Fontenelle, Marivaux, Montesquieu, Buffon, Marmontel, Mably, Condillac, Grimm, Bernis, Rousseau, mais aussi les grands noms de la noblesse : la princesse de Rohan, la comtesse de Forcalquier, la maréchale de Mirepoix, la baronne d'Hervey et madame de Brignole. Madame du Deffand est aussi reçue, alors que c'est peut-être la seule à médire de Mme Dupin. Mais ce dénigrement est très certainement motivé par la jalousie : la maîtresse autoritaire du salon de la rue Saint-Dominique admettait difficilement que ses hôtes fréquentent d'autres cénacles que le sien. Au siècle des Lumières, les salons font partie intégrante de la vie sociale des élites et jouent un rôle essentiel dans la diffusion des idées, la contestation sociale et politique.
Louise Dupin est issue d'une famille d'artistes, tous entrés à la Comédie-Française. Le sens du théâtre est, en quelque sorte, inné chez Louise. Elle fait aménager une petite salle de théâtre, à l'extrémité méridionale de la galerie au premier étage du château de Chenonceau et se donne à sa passion. Elle pratique également le mécénat. Féministe, Louise de Fontaine revendique pour les femmes l'instruction, l'accès aux emplois publics et des carrières réservés jusque-là, exclusivement aux hommes.
- Château de Naillac dans le marquisat du Blanc.
- Hôtel Lambert à Paris.
- Hôtel Dupin, rue Plâtrière à Paris.
Jean-Jacques Rousseau
Louise Dupin engage Jean-Jacques Rousseau de 1745 à 1751, comme secrétaire et précepteur de son fils. Mais leur première rencontre est loin d'être idyllique. Rousseau arrive dans la capitale, à l'automne 1741. Il est reçu chez Mme Dupin, rue Plâtrière, en par une lettre de recommandation, afin de présenter une comédie intitulée Narcisse et une notation musicale. Il éprouve d'emblée une vive passion envers la propriétaire des lieux[14] :
« Madame Dupin était encore, quand je la vis pour la première fois, une des plus belles femmes de Paris. Elle me reçut à sa toilette. Elle avait les bras nus, les cheveux épars, son peignoir mal arrangé. Cet abord m'était très nouveau. Ma pauvre tête n'y tint pas. Je me trouble. Je m'égare. Et bref, me voilà épris de Madame Dupin. Mon trouble ne parut pas me nuire auprès d'elle, elle ne s'en aperçut point. Elle accueillit le livre et l'auteur, me parla de mon projet en personne instruite, chanta, s'accompagna au clavecin, me retint à dîner, me fit mettre à table à côté d'elle. Il n'en fallait pas tant pour me rendre fou. Je le devins. »
Jean-Jacques Rousseau par la suite envoie une lettre enflammée à Mme Dupin, qui lui retourne son courrier en exprimant son mépris. Ce qui n'arrête pas pour autant l'écrivain et il faudra l'intervention de Dupin de Francueil pour mettre un terme à ses assiduités. Mais Mme Dupin n'est guère rancunière et quelques mois après ces incidents, elle prend Rousseau à son service et le charge de s'occuper de l'éducation de son fils Jacques-Armand pendant huit jours, dans l'attente d'un nouveau précepteur. Par la suite, les époux Dupin prennent Jean-Jacques Rousseau comme secrétaire à son retour de Venise en 1745, alors qu'il n'est pas encore écrivain et moyennant un modeste salaire.
Louise Dupin souhaite en effet rédiger un ouvrage sur la défense des femmes qui au XVIIIe siècle sont traitées en mineures jusqu'à leur mort[25]. Ce vaste projet remonte à 1740 environ, peu de temps après la vente de l'hôtel Lambert, à laquelle elle s'est vainement opposée[25]. L'impossibilité pour les femmes de pouvoir disposer des biens et de n'avoir pas le droit d'être consultées dans leur administration, serait une des motivations de Louise. La seconde considération et non des moindres, est l'influence de l'abbé de Saint-Pierre qui l'a encouragée dans ce considérable travail[25]. Louise Dupin travaille donc déjà sur son ambitieuse étude depuis cinq ans, quand elle décide d'employer Rousseau. Ses nouvelles missions entre 1745 et 1750, consistent à prendre des notes et faire des recherches pour l'ouvrage de Mme Dupin[25]. Jean-Jacques Rousseau n'a été qu'un exécutant : il écrit sous la dictée de Louise, recopie et met au propre les textes qu'elle relit et corrige[25]. La châtelaine de Chenonceau emprunte à la Bibliothèque du roi, les livres qui servent de références à son entreprise et charge Rousseau d'en rédiger des extraits. Néanmoins, Jean-Jacques Rousseau a permis de donner à l'œuvre de sa bienfaitrice, une ampleur digne d'une encyclopédie et de développer son projet. Pour autant, Rousseau a des conceptions sur les femmes aux antipodes des idées de Madame Dupin, comme le démontre son prochain traité, Émile ou De l'éducation : « L'un doit être actif et fort, l'autre passif et faible : il faut nécessairement que l'un veuille et puisse, il suffit que l'autre résiste peu »[26]. L'ouvrage sur La défense des femmes et l'égalité entre les sexes de Louise Dupin, s'étend sur près de 2 000 pages manuscrites inventoriées, réparties dans 47 chapitres, mais il est resté malheureusement inachevé[25].
Madame Dupin tenait Rousseau presque pour un subalterne et, au dire de Grimm et de Marmontel, elle lui donne congé le jour où elle reçoit des académiciens. Jean-Jacques Rousseau en éprouve de l'amertume mais après avoir quitté son travail de secrétaire en 1751, il gardera toujours de bonnes relations avec la famille Dupin. Madame Dupin apporte une aide financière à son épouse, Marie-Thérèse Le Vasseur (1721-1801) qui met au monde cinq enfants, abandonnés par Rousseau aux Enfants-Trouvés. Quant à Dupin de Francueil, il est lié à Rousseau pour leur passion commune de la musique. Le beau-fils de Madame Dupin s'intéresse à la physique, la chimie et l'histoire naturelle, dans l'espoir d'intégrer l'Académie des sciences et il fait rédiger au philosophe un livre resté inachevé, de vulgarisation scientifique aux institutions de chimie[27].
|
Les années sombres
Le à Paris en l'Église Saint-Sulpice, Jacques-Armand épouse Louise-Alexandrine-Julie de Rochechouart-Pontville[28]. Mais Jacques-Armand est la cause de bien des soucis à ses parents et Jean-Jacques Rousseau. Parmi ses défauts, celui d'être un joueur au point de perdre en une nuit, une très forte somme. Son père est obligé de vendre plusieurs de ses biens en 1750, pour honorer cette dette d'honneur[29]. Les écarts de leur fils unique qui se livre également à des spéculations risquées, se poursuivent. Claude Dupin est contraint de solliciter contre lui, une lettre de cachet et de le faire enfermer en 1762 dans la forteresse de Pierre Encise, sous prétexte de folie. Sa famille décide ensuite de faire expatrier Jacques-Armand le pour ses inconduites, à l'Île de France où il meurt de la fièvre jaune, le . Avant d'embarquer à bord du « Comte d'Artois », navire marchand de la Compagnie des Indes orientales, il aurait confié à sa mère une fille illégitime, Marie-Thérèse Adam [note 9]. Les origines de la naissance de Marie-Thérèse Adam (1755-1836) restent toutefois mystérieuses et Madame Dupin se serait chargée d'élever cette enfant qui deviendra plus tard sa lectrice[35] et son héritière. Elle considère Marie-Thérèse comme sa propre fille et l'a modelée selon sa propre image en lui transmettant sa haute culture ainsi que l'élégance de ses manières. Marie-Thérèse Adam est entièrement dévouée à la châtelaine de Chenonceau et sera à ses côtés jusqu'au dernier moment.
Le , Claude Dupin meurt à Paris. Il laisse une fortune évaluée à plus de deux millions de francs-or[14]. Louis-Claude Dupin de Francueil dénonce le testament de son père, daté du , et se porte héritier pour la moitié des biens. Ils seront partagés à la suite de la liquidation de la succession en 1772, entre Madame Dupin, Dupin de Francueil et Dupin de Rochefort. Ce dernier est le fils unique de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux. Madame Dupin reçoit le domaine de Chenonceau avec son mobilier, le marquisat du Blanc et l'Hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris.
Le jeudi , Claude Sophie Dupin de Rochefort meurt au château de Chenonceau[36], dans sa trente-huitième année. Avec la disparition de son petit-fils, sans postérité, Madame Dupin n'a plus de descendance directe.
Une autre personnalité meurt à Chenonceau, quatre jours avant le petit-fils de Madame Dupin. Il s'agit du baron Frédéric-Auguste de Boden, chambellan du roi de Prusse et ministre plénipotentiaire du prince de Hesse-Cassel. Mais ce familier du salon littéraire de Louise Dupin, est en réalité un espion[37]. Surveillé étroitement par la police parisienne, il fait l'objet d'enquêtes et à des rapports spécifiques[37]. Mme Dupin est-elle au courant des activités réelles de son protégé ? Le baron de Boden s'éteint le au château de Chenonceau où il s'était réfugié[37] et sera inhumé le suivant dans un endroit dédié du cimetière, car ce grand personnage est de confession luthérienne. Même dans la mort et peu importe le rang, il est hors de question de confondre catholiques et protestants. Ces derniers sont encore exclus de la terre dite consacrée et en dépit de l'Édit royal dit « de Tolérance » du , inspiré à Louis XVI par certaines personnalités de confession protestante. Le nouveau curé de Chenonceaux, l'abbé François Lecomte, en poste depuis 1787[38], marqué par l'importance du nombre de décès dans sa paroisse[39] dont deux illustres personnages, inscrit dans l'en-tête du registre paroissial de 1788 : « À mourir Dieu nous aide »[40].
Le 10 août 1792, le peuple s'empare du palais des Tuileries. Voici trois ans que la Révolution française a commencé, mais cette journée historique marque la fin de la monarchie avec l'arrestation de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La France est en guerre depuis le et Paris est menacé par les armées prussiennes qui, après la proclamation du manifeste de Brunswick le , livreraient la capitale à « une exécution militaire et une subversion totale ». Dans ce climat de tension et de violence, des massacres sont perpétrés dans les prisons parisiennes, au début du mois de septembre. C'est dans ce contexte, que Madame Dupin décide de quitter Paris pour Chenonceau. Elle pouvait émigrer comme tant d'autres, dès le lendemain de la prise de la Bastille en 1789, sur les conseils de ses amis. Mais elle choisit de rester en France et préfère se retirer en Touraine au moment où la première Terreur s'abat sur le pays. Le , Mme Dupin s'installe définitivement à Chenonceau[41],[42],[43], en compagnie de son amie, la comtesse de Forcalquier[44], sa nièce Madeleine-Suzanne Dupin de Francueil [note 10], ses petits-neveux René et Auguste Vallet de Villeneuve ainsi que sa gouvernante et lectrice, Marie-Thérèse Adam[43]. Au cours de ces années, Mme Dupin réussit à préserver son château.
|
Le 21 ventôse de l'an II (), son neveu Pierre Armand Vallet de Villeneuve[50], se suicide à la prison de la Conciergerie, à l'âge de 62 ans. Il était le secrétaire du roi, trésorier général de la Ville de Paris et receveur général des Finances à Metz. Condamné par le Tribunal révolutionnaire, sa fin brutale le soustrait à l'échafaud[51]. Louise Dupin recueille ses fils René et Louis, épargnés en raison de leur jeune âge. Dans son testament en date du , Pierre Armand Vallet de Villeneuve lègue 600 livres de rente viagère[52] à la fille illégitime et supposée de Claude Sophie Dupin de Rochefort, décédé en 1788, Marie Claude Sophie Saint-Aubin, née le en la paroisse de Saint-Eustache à Paris [note 11].
Le (5 frimaire An II) Marie-Aurore de Saxe, la seconde épouse de son beau-fils Louis Dupin de Francueil, est incarcérée à la prison de la Bourbe à Paris, puis au couvent des anglaises, rue des Fossés Saint-Victor. Elle est libérée quelques mois plus tard, le (4 fructidor An II). En 1796, le fermier de Madame Dupin, au château de Rochefort dans le département de l'Indre a eu les pieds brûlés par des criminels, surnommés les « Chauffeurs » qui sévissent dans la région[23].
La dame de Chenonceau
Madame Dupin transmet le domaine à son petit-neveu, le comte René, François Vallet de Villeneuve (1777-1863) et son épouse Apolline de Guibert (1776-1852). Chenonceau restera dans la famille de Villeneuve jusqu'en 1864. Les terres du Blanc reviennent au cadet, Auguste Louis Claude Vallet de Villeneuve (1779-1837), époux de la fille du comte Louis-Philippe de Ségur, Louise Antoinette Pauline, Laure de Ségur (1778-1812), et qui sera le trésorier de la Ville de Paris.
Georges Touchard-Lafosse, âgé de dix-sept ans, vient lui rendre visite en 1797 et l'évoque ainsi[61] :
« Elle avait conservé la conversation la plus animée de souvenirs brillants, d'épisodes curieux; son esprit ne paraissait avoir rien perdu ni de sa vivacité ni de sa grâce : c'était un livre du plus séduisant intérêt que ses entretiens. »
L'année suivante, en 1798, Louise Dupin reçoit un jeune homme à l'avenir prometteur, Pierre Bretonneau, étudiant en médecine. Il est le fils de Pierre Bretonneau, maître en chirurgie, médecin de Mme Dupin, et Élisabeth Lecomte. Son oncle est l'abbé François Lecomte, curé de Chenonceaux puis régisseur du château.
Louise Dupin termine sa vie à Chenonceau dans une grande solitude. Lointains sont désormais les jours heureux. Le (30 brumaire An VIII) à cinq heures du matin[62], Mme Dupin s'éteint à l'âge de quatre-vingt-treize ans, dans sa chambre située au rez-de-chaussée sur la façade Ouest du château[63],[64], aujourd'hui appelée Chambre de François Ier. Ses dernières volontés seront respectées[65] :
« J'entends et je veux, après ce qu'on croit la mort et le terme ordinaire pour s'en assurer, être gardée au moins quarante-huit heures de plus ; rester au moment où mes yeux se fermeront placée dans mon lit, visage découvert comme si j'y étais vivante […] De quelque maladie ou accident que je meure, je ne veux point qu'on en cherche la cause […] Je ne veux être touchée et ensevelie que par les femmes seules de ma maison et je désigne Louise Morillon, Henriette Bossé femme Henry et Marie-Anne Chavigny pour me rendre ce dernier service […] Je ne veux absolument être enfermée que dans une boîte de sapin et je charge mes successeurs, quelque part où je meure, de me faire transporter à Chenonceau avec la plus grande simplicité et me placer dans le lieu que je ferai marquer. »
Ce lieu que Mme Dupin a choisi, se situe sur la rive gauche du Cher : « à l'ombre des grands arbres du parc de Francueil, elle dort de son dernier sommeil sous un lourd monument élevé par ses petits-neveux. Dans ce coin solitaire repose, presque oubliée, cette femme admirable qui unissait les qualités du cœur aux élégances de l'esprit »[66].
Une réfutation de L'esprit des lois
Madame Dupin contribue aux écrits de son époux Claude Dupin, auteur notamment en 1749 d'un ouvrage en deux volumes, Réflexions sur quelques parties d'un livre intitulé de L'esprit des lois [note 12], qui réfute les arguments développés par Montesquieu dans son étude De l'esprit des lois, publiée l'année précédente, en 1748. Les autres collaborateurs de Claude et Louise Dupin sont le jésuite Guillaume François Berthier, et peut-être son confrère le Père Plesse[67],[68]. Claude Dupin avait à cœur de défendre la Ferme générale et les financiers attaqués par Montesquieu ainsi que la monarchie, tout en prenant soin de ne pas nommer le philosophe et observant pour lui-même, l'anonymat, en homme prudent et avisé. Une partie de l'ouvrage souhaite aussi prendre la défense des femmes.
Mais Montesquieu bénéficie d'une haute protection, celle de Madame de Pompadour. La favorite du roi Louis XV, ne s'est-elle pas fait représenter dans le tableau de Maurice Quentin de La Tour avec, placé sur une table, l'ouvrage De l'esprit des lois ? La réaction de Montesquieu ne s'est pas fait attendre et il demande à Madame de Pompadour d'intervenir en sa faveur[69],[70],[71],[72].
Grâce à son aide, Montesquieu obtient la suppression de l'édition de Claude Dupin. Mais le livre de Montesquieu est mis à l'Index en 1751 et le pape en interdit la lecture. Le fermier général publie en 1752, une nouvelle version plus modérée en trois volumes : Observations sur un livre intitulé, de l’Esprit des loix et cette critique, bien argumentée, n'a pas connu le sort réservé à la première édition. Il va sans dire que cette confrontation provoque la rupture des relations entre Montesquieu et le couple Dupin.
La défense des femmes
Louise Dupin prend la défense des femmes et elle prône l'égalité entre les sexes avec un réel engagement féministe dans son œuvre inachevée, Des femmes. Observation du préjugé commun sur la différence des sexes [73],[74]. Elle poursuit avec ténacité pendant plus de dix ans — de 1740 à 1751 — ce projet à vocation encyclopédique. Jean-Jacques Rousseau lui vient en aide durant les six années de son secrétariat de 1745 jusqu'au début de 1751. Elle revendique l'égalité physique, intellectuelle et morale entre les deux sexes. Elle réclame pour les femmes l'accès à tous les savoirs et à toutes les professions. Elle veut réformer les mariages dans le sens de l’égalité et propose un contrat de mariage temporaire ou renouvelable. Elle est favorable au mariage des prêtres.
Malgré la présence auprès d'elle de Jean-Jacques Rousseau, Louise Dupin ne préconise pas l'égalité de tous les êtres humains, mais seulement celle des hommes et des femmes. Elle écrit dans son manuscrit du discours préliminaire de l'ouvrage « Des femmes »[75] :
« L'indépendance et la liberté sont un droit naturel qui appartient aux femmes comme aux hommes […] que la raison fait cependant céder et dans les hommes et dans les femmes envers ceux qui exercent sur eux une autorité selon la justice et pour l'avantage commun, mais l'autorité sans bornes et de fantaisie doit révolter tout esprit humain raisonnable ou tout au moins reconnue pour injuste. »
Louise Dupin approuve ainsi la société d'ordre et de la servitude :
« La simple servitude est nécessaire. Elle est utile. C'est un engagement volontaire et sous certaines conditions qu'on est obligé de leur tenir. Leur assujettissement n'a lieu que dans les cas du service mais hors de là, chacun dispose de soi à volonté. »
Son secrétaire, Jean-Jacques Rousseau, ne l'approuve sûrement pas. Le féminisme de Madame Dupin est par essence, aristocratique. Elle oublie ses ancêtres comédiens en même temps que la condition subalterne des femmes du peuple. Son sentiment d'appartenance profonde à la classe aristocratique allait jusqu'à souhaiter une limitation des possibilités d'anoblissement dans son chapitre, De la noblesse et des titres, du même ouvrage[76]. Pas plus que les autres féministes de son époque, Louise Dupin n'envisage une lutte pour changer la société et les mœurs. Son féminisme reste dans le cadre de la philosophie et de la théorie.
La défense de la cause des femmes, domaine qui lui tient particulièrement à cœur, amène Madame Dupin à contester les raisonnements de Montesquieu qui fait preuve en la matière, de misogynie. Rappelons que Montesquieu a fait la cour à Madame Dupin — comme Jean-Jacques Rousseau — et le conflit qui l'oppose à son époux sur la publication De l'esprit des lois, « ait pu inspirer le philosophe à quelque esprit de vengeance que ce soit »[77], ou est-ce à « la rancœur de l'amoureux déçu que l'on doit tant de déclarations hostiles aux femmes »[77] ?
Ce livre de 2 000 pages manuscrites n'a malheureusement jamais été publié de son vivant[78]. Comment expliquer un tel renoncement, alors que l'épouse du fermier général y avait de toute évidence consacré plusieurs années de travail ? Les grandes salonnières du XVIIIe siècle, celles qui se sont imposées dans la durée, étaient-elles trop avisées pour se risquer à l'écriture ?
Olivier Marchal, auteur de deux ouvrages sur Jean-Jacques Rousseau, conforte cette explication[79] :
« À l'instar de Madame Geoffrin voire de Louise d'Épinay, Louise Dupin renonce également à toute prétention au bel esprit ou à l'esprit savant. Elle renonce donc à publier, et aucun de ses ouvrages ne paraîtra de son vivant. À cette époque, que l'on qualifie souvent de féministe, la femme du monde s'expose inévitablement au ridicule lorsqu'elle s'avise de rivaliser avec les hommes dans les domaines les plus sérieux. Pour ne l'avoir pas compris — ou accepté ? —, Madame du Châtelet — qui traduisait alors Newton en français —, fut l'objet des pires moqueries. Moins émancipée, Louise Dupin accepta finalement de s'en tenir à son rôle : celui d'une des plus grandes salonnières du siècle. »
Néanmoins, dès les années 1720, Mme de Lambert s'était engagée à la publication, et son œuvre avait été saluée avec respect et considérée comme digne du plus grand intérêt par ses contemporains. Mais l'un de ses ouvrages, Réflexions nouvelles sur les femmes, par une Dame de la Cour, n'était pas destiné à l'impression. Des amis, auxquels la marquise de Lambert avait transmis ses manuscrits, les firent paraître sans son autorisation. L'écrivaine en fut vivement affligée et se crut déshonorée[80].
Le professeur Jean Buon, auteur d'une biographie sur Louise Dupin en 2013, nous donne son point de vue[81] sur la philosophe qui est restée dans l'ombre des Lumières[82] :
« S'il était permis de porter un jugement, le nôtre serait de partager l'admiration de George Sand pour Madame Dupin (voir le chapitre Littérature) et de regretter qu'elle n'ait pas achevé son travail. En dépit de son sentiment aristocratique, elle avait perçu l'injustice de la société. Elle n'avait pas reculé à braver Montesquieu et à perdre son amitié. Mais, elle avait conservé celle de Voltaire. Bien qu'elle n'ait pas pressenti le talent de Jean-Jacques Rousseau à ses débuts, celui-ci a toujours témoigné de la reconnaissance pour sa bienfaisance, lui qui fut si ingrat envers ses amis. »
Et George Sand nous livre avec vivacité un portrait de son arrière grand-mère par alliance[83] :
« Belle et charmante, simple, forte et calme, madame Dupin finit ses jours à Chenonceaux dans un âge très avancé. La forme de ses écrits est aussi limpide que son âme, aussi délicate, souriante et fraîche que les traits de son visage. Cette forme est sienne, et la correction élégante n'y nuit point à l'originalité. Elle écrit la langue de son temps, mais elle a le tour de Montaigne, le trait de Bayle, et l'on voit que cette belle dame n'a pas craint de secouer la poussière des vieux maîtres. »