Marie de Hongrie (1505-1558)
gouvernante des Pays-Bas espagnols, reine consort de Hongrie et de Bohême, épouse de Louis II de Hongrie / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Marie d'Autriche, plus généralement appelée Marie de Hongrie, archiduchesse d'Autriche, infante d'Espagne et, par son mariage, reine consort de Hongrie et de Bohême, est née le au palais du Coudenberg, à Bruxelles, et morte le à Cigales, en Castille. Elle est l’avant-dernière des six enfants de Philippe le Beau (1478 – 1506), héritier des Habsbourg, et de Jeanne de Castille, dite « Jeanne la Folle » (1479 – 1555).
Marie d'Autriche | ||
Portrait de Marie par Jan Cornelisz Vermeyen. | ||
Titre | ||
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Gouvernante des Pays-Bas espagnols | ||
– (24 ans et 9 mois) |
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Monarque | Charles Quint | |
Prédécesseur | Marguerite d'Autriche | |
Successeur | Emmanuel-Philibert de Savoie | |
Reine consort de Hongrie et de Bohême | ||
– (11 ans, 1 mois et 7 jours) |
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Monarque | Louis II | |
Prédécesseur | Anne de Foix | |
Successeur | Anne Jagellon | |
Biographie | ||
Dynastie | Maison de Habsbourg | |
Nom de naissance | Maria von Österreich | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Bruxelles (Pays-Bas) | |
Date de décès | (à 53 ans) | |
Lieu de décès | Cigales (Espagne) | |
Sépulture | Escurial | |
Père | Philippe Ier de Castille | |
Mère | Jeanne Ire de Castille | |
Fratrie | Éléonore d'Autriche Charles Quint Isabelle d'Autriche Ferdinand Ier Catherine d'Autriche |
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Conjoint | Louis II de Hongrie | |
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Reines consorts de Hongrie et de Bohême Gouverneurs des Pays-Bas espagnols |
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Elle devient reine consort de Hongrie et de Bohême de 1522 à 1526, puis gouvernante des Pays-Bas espagnols de 1531 à 1555.
Elle grandit aux Pays-Bas auprès de sa tante Marguerite d’Autriche. Très jeune, elle est promise en mariage à Louis II de Hongrie mais leur union ne dure que quatre ans en raison de la mort de ce dernier en 1526 sur le champ de bataille contre les Turcs. Comme ils n'ont pas d’enfant, la couronne revient à son frère Ferdinand qu’elle fait élire roi lors de la régence qu’elle exerce avec difficulté en Hongrie. Après son refus de se remarier, son frère, l'empereur Charles Quint, lui demande de le seconder en tant que gouverneure des Pays-Bas, ce qu'elle fait pendant près de 25 ans. « Homme fort » de l’empereur, Marie de Hongrie a à cœur la prospérité des Pays-Bas, mais aussi de seconder ses frères dans les conflits religieux et territoriaux tout en maintenant le prestige des Habsbourg. Charles Quint lui confère une autonomie presque totale sur les Pays-Bas. Marie s’efforce de financer les guerres entreprises par son frère l’empereur spécialement contre la France mais aussi d'assurer la défense du territoire, de rendre des décisions de justice, de faire appliquer les lois sur la religion avec une Inquisition d’État. Elle a aussi pour tâche de s’occuper de l’éducation de ses neveux et nièces.
Passionnée par la chasse qu’elle pratique régulièrement, Marie de Hongrie est également férue d’art : musique, peinture, sculpture, littérature et architecture. Son goût pour les arts la conduit à effectuer de nombreuses commandes pour son compte ou bien celui de sa famille, et elle aime suivre en personne l’évolution des travaux, que ce soit la réalisation d’une statue ou bien la construction de châteaux et de fortifications.
Éprouvée par toutes ses années de gouvernance et sa santé fragile, Marie de Hongrie annonce, lors de l'abdication de Charles Quint en 1555, son désir de le suivre dans sa retraite en Espagne avec leur sœur Éléonore. Elle meurt moins d’un mois après son frère Charles Quint, en octobre 1558.
Naissance et baptême
Marie, archiduchesse d’Autriche et infante de Castille est prénommée ainsi en l’honneur de sa grand-mère paternelle, Marie de Bourgogne.
Elle naît le au palais du Coudenberg, à Bruxelles, entre dix et onze heures du matin[1]. Sa naissance a été très difficile pour la reine Jeanne Ire de Castille dont la vie est mise en danger ; il lui faut un mois pour récupérer de l’accouchement.
Le , elle est baptisée par Nicolas Le Ruistre, l'évêque d'Arras, cinq jours après sa naissance avec le faste dû à son rang. L'empereur Maximilien Ier, son grand-père paternel, s’endette un peu plus pour rendre cette cérémonie des plus luxueuses et en faire un évènement majeur dans la mesure où les cours européennes et la population y sont très sensibles. Une estrade de plus d’une centaine de mètres est construite sur le chemin allant du palais jusqu'à l’église Notre-Dame du Sablon pour que le public, venu en masse, puisse admirer le cortège en tenue d’apparat. Ses marraines sont Madame de Ravenstein et Mlle de Nassau, son parrain est l'empereur Maximilien[2].
Éducation
À la mort de son père en 1506, Marie est élevée avec ses frères et sœurs, à l'exception de Catherine, par sa tante Marguerite d’Autriche alors gouverneure des Pays-Bas. Leur éducation se fait à l’hôtel de Bourgogne de Malines qui se trouve à proximité de la résidence de Marguerite, un hôtel particulier qui prend le nom de « cour de Savoie[3] ».
Marguerite d'Autriche est très présente dans leur éducation. Tout en gardant une certaine distance, elle leur donne une instruction conforme à leur rang et Maximilien, malgré son éloignement, y veille par le biais de nombreuses correspondances. Étant donné sa charge de gouverneur, Marguerite d'Autriche se déplace beaucoup. Elle en profite pour compléter l'éducation de ses neveux et nièces qui l'accompagnent.
Très jeune, Marie apprend à jouer du clavicorde. Son goût pour la musique lui vient tant de sa tante que de son grand-père. Marguerite d'Autriche, en sa qualité de mécène fortunée, sensibilise ses pupilles aux beaux-arts.
Très vite, une cour d'une centaine de courtisans se constitue autour de Marie[N 1],[3]. Cette cour est répartie en quatre pôles d’activité : la chapelle, la chambre, l’hôtel et l’écurie, sous la responsabilité d’une duègne qui est, au début, la même pour les trois sœurs en la personne de Doña Anna de Beaumont. En 1508, Marguerite de Poitiers lui succède pour s'occuper exclusivement de Marie[4].
De 1508 à 1512, les enfants résident aux palais de Bruxelles avec l’empereur Maximilien Ier qui a demandé à les avoir auprès de lui.
À ses huit ans, l’empereur la fait venir à Innsbruck, en Autriche, pour lui donner une éducation allemande en vue de son mariage. En , il dresse un traité matrimonial en la cathédrale Saint-Étienne de Vienne pour unir Marie et Louis Jagellon, et la sœur aînée de ce dernier, Anne, avec Ferdinand. Mais n’ayant pas encore l’âge requis, les futurs époux ne sont réunis qu’en [5].
Physique et personnalité
Apparence et santé
À 19 ans elle est présentée comme ayant les traits fins, avec la mâchoire saillante, les cheveux châtains, les yeux bruns et légèrement globuleux des Habsbourg[6]. Après la mort de son mari, elle décide de s’habiller principalement en noir pour respecter son deuil et montrer son souhait de ne pas se remarier. Avec l’âge son physique change : son visage s’étire, son menton et son front sont plus grands, ses yeux plus globuleux.
Elle semble souffrir de cyclothymie. Elle a même une grande période de dépression de 1532 à 1535. On pourrait peut-être attribuer ses malaises cardiaques à cette maladie car elle ne les évoque que lorsqu’elle entre en conflit avec ses frères[7].
Personnalité
Comme il est de coutume pour une personne de son rang, l’éducation de Marie est prise très au sérieux par son grand-père Maximilien et il a sur elle une influence déterminante. À neuf ans elle parle et écrit le latin tout comme l’allemand. Son goût pour la musique est éveillé par le grand centre de musique polyphonique de Maximilien et son goût de l’étude par l’entourage humaniste de l’université de Vienne.
Pendant sa gouvernance elle est peu appréciée des Flamands car elle lève en permanence des impôts pour le compte de Charles Quint et de ses guerres. Mais la population sous le régime de son successeur, Emmanuel-Philibert de Savoie, se rend compte combien elle se préoccupait alors de sa province, se souciant de son sort et allant jusqu'à apprendre le thiois, le dialecte local. Elle est finalement regrettée par la population, étant considérée comme une administratrice avisée, humaniste, mécène et une lettrée, disciple d'Érasme.
Elle aime le travail d’archive et œuvre sans relâche au point qu’elle rédige elle-même les minutes de ses correspondances[8]. Son intérêt pour la politique et le droit est prouvé par de nombreuses correspondances avec des juristes.
Autoritaire, elle ne se met pourtant jamais en avant, faisant passer ses propres actions pour des ordres de Charles[9] tant et si bien qu’il est difficile de savoir avec exactitude les décisions qui sont prises par Charles, par son conseil ou par elle-même.
Marie de Hongrie entretient des correspondances régulières avec ses frères. D’abord plus proche de Ferdinand, elle se rapproche de Charles à la prise de ses fonctions de gouverneur. Un amour fraternel la lie à son frère Charles ; dans leurs correspondances, elle l’appelle « son tout en ce Monde » et lui « l’exécutrice de ses desseins ». Il la considère comme un « solide second et la clé de toutes actions dans l’Empire ». En plus d’un physique très proche, ils ont un goût commun pour la musique, de la volonté, de la ténacité, de l'endurance et de la force d’âme dans l’adversité. Charles la voit comme une femme fière, vive d’esprit, bavarde, exubérante, directe[10].
Préparation du mariage
Maximilien Ier a une idée précise de sa politique matrimoniale. Il souhaite que Marie serve son dessein de voir la Hongrie rattachée à la couronne. Avant même la naissance de Louis Jagellon, il entame des tractations en vue d’une alliance qui offrirait de nombreux avantages politiques et commerciaux.
En , un accord matrimonial est passé. Louis Jagellon naît en juillet 1506 et le contrat de mariage est signé en [11]. Marie aura une éducation allemande et humaniste[12]. À la suite de l’annonce officielle du mariage, Marie rejoint son grand-père. Il charge Marguerite d'Autriche de constituer son trousseau. Un subside extraordinaire est alors voté par les États de Hollande pour le financer[13].
Lors de son départ pour l’Autriche, une garde de 200 hommes l’escorte en prévision des régions hostiles pour rejoindre Vienne. Il n’est pas à exclure que le duc de Gueldre essaie de prendre un avantage dans ses conflits avec les Habsbourg en s'emparant d'un otage prestigieux en la personne de Marie[13].
De nombreuses incertitudes pèsent sur le futur mariage, car Charles Quint n’est pas favorable à cette union dans la mesure où le pouvoir du roi de Hongrie est mis à mal par les magnats de Hongrie qui accaparent les richesses du Royaume et ont une influence supérieure à celle du roi lui-même[14].
En 1514, Marie est installée au château de Cillierhof, lequel sert d’arsenal et de camp d’entraînement. C’est certainement dans ce camp que Marie prend goût aux affaires militaires[15].
À la fin du congrès de Vienne, le mariage est célébré le dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne par le cardinal-archevêque de Grän, premier prélat de Hongrie[16]. Il s'agit d'un double mariage entre Maximilien qui représente son petit-fils avec Anne Jagellon, et Marie avec Louis Jagellon qu’elle rencontre à cette occasion pour la première fois.
Louis Jagellon repart en Hongrie mais sa sœur Anne Jagellon reste en Autriche où elle est élevée avec Marie pendant cinq ans à Cillierhof[16].
À la suite de la mort de Vladislas IV de Bohême, en , Maximilien craint un soulèvement et décide d’éloigner sa petite-fille. Il l’envoie à Innsbruck[17]. Lors de son séjour, elle participe à de nombreuses chasses avec Maximilien et montre de grandes aptitudes pour cette activité qui devient par la suite une passion telle qu'elle prend l'habitude de chasser presque tous les trois jours, une fois adulte.
Lors de l’annonce de la mort de Maximilien en 1519, Marie écrit à son frère Ferdinand pour se mettre sous ses ordres en tant que nouvel archiduc d'Autriche[18].
Dans la lutte de pouvoir qui suit la mort de Maximilien et dans la mesure où le titre d’empereur est électif, la place de Charles n’est pas assurée. Le mariage de Marie est remis en question par les conseillers de Louis II de Hongrie qui lui proposent de se porter candidat à l’élection et d’annuler son union avec Marie, ce qui a pour conséquence une brouille entre les deux princesses Anne et Marie qui ne s’adressent plus la parole.
Une fois son élection confirmée, et malgré le différend survenu avec Louis II, Charles Quint a à cœur de faire conclure au plus vite le double mariage le . Le mariage est célébré à nouveau, mais Louis étant retenu par la guerre contre les Turcs, c'est un mariage par procuration qui est organisé, Ambrus Sarkany ayant la charge de le représenter[19]. Marie prend la route à la rencontre de son époux. Mais la guerre l’empêche toujours de venir la retrouver. C’est alors que, forte de sa détermination, elle décide de le rejoindre à Presbourg en bateau, malgré les conseils de ses proches.
Les nobles hongrois, hostiles aux Habsbourg, tentent de lui barrer la route : en effet, si le mariage n’est pas consommé, l'annulation serait facile à obtenir en cas de mort du roi sur le champ de bataille. Mais souhaitant le rejoindre au plus tôt, Marie poursuit sa route en bateau vers Buda. Elle finit son périple à cheval, trouvant le voyage fluvial trop long, et rencontre alors Louis pour la seconde fois. À Buda, elle demeure dans un palais royal rénové très récemment, mais sous la coupe d’une cour corrompue. Elle met un point d’honneur à faire rentrer courtisans et seigneurs dans le rang et impose son autorité, ce qui lui vaut le surnom de « l’Allemande »[20].
À l'arrivée de Marie à Presbourg, Georges de Brandebourg entre à son service. Il sera l'un de ses principaux conseillers durant son règne.
Mariage et vie en Hongrie
Le , Marie est couronnée reine consort de Hongrie en l’église Saint-Étienne à Székesfehérvár par l’évêque d’Agram (Zagreb) Simon Erdödy, Marie d’Autriche devient Marie de Hongrie[21].
Le , le mariage définitif est célébré en l’église Matthias de Budapest. Il lui rapporte de nombreux apanages, mais elle ne peut pas en profiter avant trois ans car ses biens sont engagés pour le remboursement d’un emprunt contracté par Vladislas[N 2],[21]. Ces apanages constituent un revenu de 40 000 ducats par an.
Le couple se rend ensuite à Prague afin d’être couronné, le , roi et reine de Bohême sur la place du Palais du Hradčany par l’archevêque d’Olmutz. Marie reçoit de nouveaux apanages.
Lors de son voyage elle essaie en vain de rallier les Tchèques dans la lutte contre les Turcs. Malgré les problèmes du pays, le jeune couple s’épanouit entre parties de chasse, banquets, et bains... et il s’endette malgré les remontrances de l'entourage[21].
Les luttes de pouvoir sont de plus en plus virulentes entre Allemands et nationalistes, et Marie déjoue un Coup d'État en 1525. Les magnats de Hongrie ne supportent pas que ce soit Charles Quint, par l’intermédiaire de Marie, qui dirige le pays en dépit des décisions de Louis[22] : par exemple, Louis fait mettre en prison le chancelier corrompu, Szalkoy, mais Marie le fait sortir aussitôt, déclenchant une contre-réaction ; en représailles, les Hongrois pillent le quartier juif.
En août 1526, lors de la bataille de Mohács qui oppose la Hongrie aux Turcs, Louis II meurt, noyé sous son cheval. Lorsque Marie apprend la nouvelle, elle fuit Buda afin de se protéger du chaos régnant et de l’avance des Turcs. Elle fait le serment de ne pas se remarier. Ferdinand essaie de la convaincre de ne pas rester en Hongrie, mais il s’inquiète à l'idée de laisser le pouvoir vacant. Jean Zapolya se fait couronner roi le et demande à épouser la reine, mais en vain. La Hongrie est scindée en deux puis trois parties lorsque pour contrer Jean Zapolya, Marie fait réunir la Diète à Presbourg pour faire élire, le , son frère Ferdinand, qui lui retire alors ses apanages, pour le compte de sa femme ce qui sera le point de départ de nombreux désaccords entre elle et son frère et contribuera à envenimer les relations entre ces deux parents. Marie se retrouve dans une situation financière difficile[23].
Afin de régler des problèmes en Bohême, Ferdinand part rapidement après son couronnement et laisse la régence à Marie, lui confiant tous les revenus de la couronne, mais dans la mesure où c’est Jean Ier qui détient la majeure partie des terres, la tâche reste difficile. Elle demande donc à être relevée de ses fonctions en invoquant des problèmes de santé, ce qu'elle obtient en 1527. Parce qu'il croit que son deuil est fait, Ferdinand cherche à la remarier dans un premier temps à Jacques V d'Écosse puis au comte palatin Frédéric de Bavière. Mais Marie refuse fermement. Résigné, Ferdinand lui propose de reprendre la régence de la Hongrie et, très mécontent de son refus, il lui retire les revenus de Presbourg, ce qui la met à nouveau dans des difficultés financières[24].
En 1529 lors de la prise de Buda par les Turcs, elle est contrainte de se réfugier à Linz et doit représenter son frère à la Diète à laquelle il ne peut assister[25].
Marie écrit dans une lettre que « Dieu lui a pris celui en qui elle avait mis tout son amour et qu'elle Le prie de lui accorder la grâce qu'il n'y en ait pas d'autre[26]. »
Pouvoir politique
« J'ai trop d'expérience pour ne pas reconnaître qu'il est impossible à une femme d'exercer des fonctions dans la paix et encore moins dans la guerre, principalement si elle est veuve, car la femme, quelle que soit sa qualité n'est jamais crainte ni respectée comme l'homme. »
— Marie de Hongrie
Accession à sa charge de gouverneur
En 1530, Marguerite d’Autriche pense déjà à Marie pour la remplacer dans sa tâche de gouverneure des Pays-Bas espagnols ; elle lui demande de la rejoindre, mais les événements vont se précipiter à cause de sa mort en fin d’année. Charles Quint lui propose la fonction après avoir demandé l’avis de son conseil[27]. Lors de la diète d’Augsbourg Marie de Hongrie accepte de prendre le relais de Marguerite. Charles Quint a entendu les louanges de sa sœur par Ferdinand lors de son règne en Hongrie, lorsqu'elle l'a aidé à récupérer sa couronne hongroise. Cependant, Marie est sans fortune et ne dispose d'aucun appui aux Pays-Bas ; elle reste donc dépendante de son frère[28].
Après quatre mois, elle part pour les Pays-Bas assumer sa nouvelle fonction et pour cela on lui demande de se séparer de sa cour réformiste. Le Marie de Hongrie est présentée aux états généraux et s’installe au palais du Coudenberg de Bruxelles[29],[30].
Le chevalier du Saint-Empire jean Bonnot, Noble Comtois[31] et ancien écuyer de Marguerite d'Autriche, entre au service de Marie de Hongrie comme Maréchal des Logis jusqu'à la démission de cette dernière[32],[33].
Elle démissionnera de cette charge après vingt-quatre ans d'exercice et sera remplacée par Emmanuel-Philibert de Savoie en 1558.
Pouvoir politique confié par Charles à Marie
Charles Quint décide de confier plus de pouvoir à Marie qu’il n'en avait accordé à Marguerite d'Autriche. Directe, Marie n’a pas le don pour charmer son entourage et n’est pas aussi diplomate que Marguerite pour obtenir ce qu’elle souhaite. L'empereur décide donc de la subordonner à sa seule autorité. Elle aura sous ses ordres le Conseil d’État (politique étrangère et intérieur), le Conseil privé (justice) et le Conseil des finances pour l’assister dans sa tâche. Son frère lui confère en outre tous les pouvoirs de décision, ce qui veut dire une autonomie presque totale[34].
Marie de Hongrie peut, en cas d’urgence, prendre des décisions elle-même, sans passer par les conseillers ou les gouverneurs. Elle assiste au Conseil d’État et a le droit de le convoquer[35]. Quand Marguerite d'Autriche devait se plier à la majorité, Marie a la liberté d’organiser les votes et de ne pas suivre la majorité. Charles Quint lui attribue, contrairement à Marguerite, les signets des finances et le droit de signer les lettres closes[36] et ce, dès le début de sa gouvernance[37].
Elle n’a pas le pouvoir de nomination, mais elle sait influencer son frère. Elle fait élire plusieurs seigneurs des Pays-Bas « chevaliers de la Toison d’or »[38]. Lors des nominations, elle invite Charles à renforcer son autorité en tant qu'empereur en ne remettant pas trop de pouvoir entre les mains d’un seul de ses hommes[39].
Malgré l’idée répandue, elle n’est pas la servante aveugle de Charles Quint, car elle outrepasse régulièrement ses décisions. Même si des tensions peuvent apparaître, Charles lui manifeste une grande confiance au point de lui confier dans son testament en 1532 la régence des Pays-Bas en cas de décès. Elle préside même la diète de Spire en l’absence de Charles Quint malade en 1545[40].
Dans ses moments de contrariété, elle sait jouer de ses relations affectives auprès de ses frères ou bien menacer de quitter ses fonctions en raison de son état de santé. Dans sa correspondance avec ses frères elle se dit soumise et faible, mais elle a un caractère bien trempé et elle refusera toujours d’obéir aveuglement ; l’un de ses serviteurs dit d’elle : « on ne plaisante pas avec la reine ».
Politique intérieure
Rôle économique
Marie de Hongrie a très vite compris que le nerf de la guerre est l’argent, et que pour cela il lui faut impérativement que ses territoires prospèrent.
Elle négocie la signature de traités de commerce international[41] ; elle accepte la construction d'écluses pour faciliter le commerce à Tournai[42]. Le elle signe une trêve de trois ans avec Christian III de Danemark, car un embargo maritime empêche le commerce par bateau[43]. À de nombreuses reprises, elle encourage Charles Quint vers la paix afin de préserver les échanges commerciaux indispensables à la région[44].
Marie essaie de maintenir la paix avec les puissances limitrophes tout en organisant, lorsque cela est nécessaire, la sécurité du pays en mettant en place une politique de protection des villes maritimes et des échanges commerciaux. Elle mène des négociations avec les villes, fait lever des fonds pour la guerre, rend des décisions de justice et elle maintient le prestige des Habsbourg grâce au mécénat et à l'organisation de grandes manifestations[45].
Sous la régence de Marguerite d'Autriche la capitale politique était Malines, mais Marie demande de la déplacer à nouveau à Bruxelles.
Implication familiale
À la suite de la mort d’Isabelle d'Autriche en 1526, ses enfants passent sous la tutelle de Charles Quint et de Marie de Hongrie[46]. Marie, tout comme Marguerite d'Autriche autrefois, a pour tâche de s’occuper de l’éducation de ses neveux et nièces (Marguerite de Parme, Jean, Philippe, Dorothée, Christine et autres) mais aussi de concrétiser leur union[47].
En 1533, elle essaie en vain de s'opposer au mariage de sa nièce Christine de Danemark (12 ans) avec François II Sforza en argumentant qu'un mariage contracté si tôt peut être fatal à une jeune fille à peine nubile. En plus d'être attachée aux droits des femmes princières[48], Marie est très attachée à Christine qui partage son goût de la chasse. Après la mort de François II Sforza, Charles Quint souhaite marier Christine à Henri VIII d'Angleterre. Cette fois Marie s'oppose de manière plus ferme et avec succès à ce mariage[49].
Beaucoup plus tard, Marie commande des portraits de Marie Tudor et Philippe II d'Espagne afin de sceller la concrétisation de leur union. Elle envoie à Marie Tudor un portrait de Philippe II réalisé par Le Titien et demande à Antonio Moro de réaliser un portrait de Marie Tudor pour le roi d'Espagne[50].
Autres implications
L’un des projets politiques de Marie de Hongrie est de regrouper en un cercle autonome les Pays-Bas bourguignons et la Westphalie. Ce projet est adopté par Charles Quint avec la création du Cercle de Bourgogne le et des Dix-Sept Provinces le , par la signature de la Pragmatique Sanction.
Dans un contexte de crise religieuse, la régente est grandement impliquée par Charles dans sa politique de lutte contre l’hérésie mais Marie essaie de ramener Charles vers plus de modération afin d’éviter révoltes et fuites des marchands[51].
François Ier en 1534, intrigue auprès des villes hanséatiques qui saisissent les vaisseaux hollandais[52]. En réponse Marie fait de même avec leurs marchandises. Les anabaptistes prennent le contrôle de Münster[53] en réponse Marie envoie des fonds et des munitions à l’évêque de la ville afin de l'aider à la reconquérir[41].
Afin d’éviter les vols et le gaspillage, la reine met en place un système de livres de comptes très précis qui permet de connaître encore aujourd’hui les détails de la vie de la cour et de ses déplacements[54].
En 1551, elle voit venir la trahison de Maurice de Saxe. En effet, au moment où il pactise avec le roi de France Henri II elle suggère à Charles Quint de le mettre à l’écart. À la suite de cette trahison elle recommande à Charles de frapper fort, ce à quoi il se refuse ; elle lui conseille donc de délivrer le Landgrave de Hesse afin de ne pas être prise en tenailles entre la France et ses propres seigneurs[55].
Politique étrangère
Entre la guerre et la paix
Marie joue un rôle considérable dans les guerres de l'empereur son frère. Elle vote des levées de fonds, emprunte, s’occupe du renouvellement des traités de paix et les négocie parfois. Sur 24 ans de gouvernance, elle connaît près de 12 ans de guerre[56]. Son goût pour les choses de la guerre est très marqué dans la mesure où elle s’implique beaucoup dans les préparatifs militaires. Selon un ambassadeur vénitien : « c’est une femme qui tient beaucoup de l’homme, car elle pourvoit aux choses de la guerre et elle en raisonne, ainsi de la fortification des places et de toutes les matières d’état. […] » ou même Brantôme parle d'elle en ces termes : « elle y fit de belles guerres, ores par ses lieutenants ores en personne, toujours à cheval comme une généreuse amazone. »[57] Elle assure l'approvisionnement en hommes et en moyens des armées de son frère. Elle se rend fréquemment sur les fronts pour encourager les troupes et surveiller le commandement[58]. Afin de financer la guerre, Marie se voit obligée de contracter des emprunts à des taux exorbitants allant jusqu'à 12 %. À chaque fois que Charles Quint a besoin d’argent, c’est à Marie de trouver les fonds, ce qui la rend très impopulaire. Faire voter la levée des fonds n’est pas tâche facile et l'empereur la presse constamment d'agir toujours plus vite[59].
Elle finance également une expédition contre le Danemark pour aider Christian II à récupérer sa couronne face à Frédéric Ier, lequel encourage la propagation du luthéranisme[60]. D'autre part, elle participe aux négociations de paix avec l'Écosse[61]. Le renouvellement des traités de paix et de commerce avec la Suède est signé en 1526[62].
S'il est important pour le Royaume et le prestige des Habsbourg de gagner les guerres de Charles, Marie de Hongrie mesure également l'impact des dommages économiques sur ses territoires. En 1547, lasse de supporter presque à elle seule l’effort de guerre, elle menace son frère de démissionner s'il ne renonce pas à ses projets de guerre totale ; ce qu'il fait à court terme. Cela permet à Marie de rembourser les dettes contractées et d’éviter la banqueroute.
Guerre avec la France
En 1536, Marie de Hongrie est chargée d’organiser une campagne militaire en Picardie, dans l'Overijssel et le pays de Groningue[63]. Elle est ensuite à l’origine des trêves signées avec la France le et le (trêve de Crépy-en-Laonnois), à la suite des négociations menées avec François Ier qui la rencontre à plusieurs reprises. Le roi de France connaît l'influence qu'elle a sur l'empereur[64], lequel suit finalement ses conseils dans la recherche d’une alliance avec la France. Marie de Hongrie est aussi de bon conseil dans la guerre contre les Turcs qui sont alliés aux Français.
À Nice, un traité de paix de dix ans est signé, qui permet à Marie de rencontrer de nouveau François Ier à Crèvecœur le , ce qui lui donne l'occasion de découvrir la France.
En 1541, et ce pour la quatrième fois, François Ier prend les armes contre l’Empire, alors que Charles Quint attaque Alger. Le roi de France entre aux Pays-Bas qui sont en partie vidés de leurs troupes. La gouverneure, voyant le péril arriver à ses portes, convoque les états généraux, obtient les moyens de lever 30 000 hommes et 5 000 chevaux et organise la résistance. Les Pays-Bas sont attaqués sur trois fronts par le duc d’Orléans, le duc de Vendôme et Christian III, mais la tentative échoue. Marie de Hongrie demande à Charles Quint de rentrer car elle sait qu’elle ne pourra pas soutenir une autre attaque.
La guerre reprend avec la France qui envahit Metz, Toul, Verdun , et la Lorraine. En réponse Charles Quint assiège Metz. Le , Marie déconseille à son frère d'entreprendre le siège de Metz mais ce dernier préfère se ranger à l'avis du Duc d’Albe. Elle va refuser à son frère les 2 000 couronnes qu'il lui demande dans le but de financer le siège qui s'avère être un échec. De son côté, Marie de Hongrie contre-attaque en Picardie et, après une manœuvre de diversion, le château de Folembray est incendié[65]. En représailles, le nouveau roi de France Henri II pille, saccage et incendie les villes de Florennes, Fosses-la-Ville, Seneffe, Mariembourg, Binche, Trazegnies et Le Rœulx. Lorsqu'il arrive à Mariemont, le , il saccage le domaine et écrit : « souviens-toi de Folembray reine insensée[65] ». La réaction de Marie est double : par courrier elle ne montre pas de réaction et plaint le roi de ne pas savoir maîtriser sa colère et de tomber si bas[66] ; mais lorsqu’elle se rend sur les ruines, elle ne retient pas ses larmes et, bouillant de colère, réclame vengeance[67]. Ses châteaux ne sont pas seulement perdus, mais la région entière est totalement ravagée, ce qui la prive d'une importante source de revenus[67]. Marie n’aura pas sa vengeance car la guerre s’arrête six mois plus tard avec la trêve de Vaucelles le .
Charles Quint ne lui est d'aucun secours, se reposant toujours un peu plus sur Marie pour le seconder.
Politique de défense
Durant sa gouvernance, Marie de Hongrie montre son goût pour les choses de la guerre. Elle occupe dans certains cas des fonctions militaires, comme capitaine général des armées et gouverneure de Brabant, inspecte elle-même les places fortes pour planifier des installations militaires qu’elle surveille par correspondance[68]. Son goût pour les affaires de la guerre est confirmé par sa bibliothèque dans laquelle on trouve les œuvres de Machiavel ou bien de Vitruve[69].
Afin de mieux coordonner la défense des territoires habsbourgeois Marie demande en 1543, à la fin des hostilités qui y ont eu lieu, l'incorporation du duché de Gueldre aux Pays-Bas espagnols[70]. Elle soumet aux états généraux un projet de confédération défensive des provinces afin que tous les territoires soient solidaires. Elle renforce la flotte pour la défense côtière[71], et commande des tournées d’inspection afin de trouver des solutions adaptées mais non onéreuses pour assurer la défense des Pays-Bas. Un système de plus de cinquante phares est mis en place sur 350 km pour communiquer en cas d’alerte[72].
Le , elle signe un traité contre la piraterie avec Jacques V d'Écosse pour la défense des bateaux de commerce des deux pays. En 1543 elle fait renforcer les troupes à Binche, ce qui joue un rôle déterminant dans la protection de la ville lors du siège par les Français, qui échouera. Ces mêmes troupes lui sont enlevées en 1554 pour aller se battre sur d’autres fronts, laissant la ville quasiment sans défense[73].
Pour défendre la Flandre contre la menace française, elle lance une politique de grands travaux militaires : des citadelles, des places fortes, des forts et des bastions tels que Mariembourg, Charlemont et Philippeville en 1555. Elle fait détruire des points stratégiques et met en place la politique de Charles sur la protection des frontières par la fortification, comme le renforcement des défenses de Bruxelles[56],[74].
Révoltes
Marie essaie tant bien que mal de gérer la révolte de Bruxelles (1532) et la rébellion de Gand (1539) contre l’empereur.
Révolte de Bruxelles
En 1532, Marie accorde aux nobles n’appartenant pas aux lignages de Bruxelles le pouvoir de devenir échevins de la ville. Cette mesure n’est pas populaire auprès des échevins en place. Ajoutée aux pillages commis par des bandes armées à la suite de l’augmentation du prix du grain, elle fait qu'une révolte éclate à Bruxelles : des maisons de patriciens sont mises à sac. Marie essaie en vain de les calmer en promettant d’en parler à Charles Quint. Le pouvoir bruxellois tarde à intervenir mais arrête finalement les meneurs[75]. Marie quitte Bruxelles pour gérer le conflit depuis Binche. Charles Quint lui demande d’agir avec fermeté mais l’émeute cesse d’elle-même et des émissaires sont envoyés pour demander grâce. En signe de soumission, ils offrent un faucon blanc coiffé d’un chaperon d’or. En Marie revient à Bruxelles et les bourgeois se présentent pieds nus, vêtus de robes noires, un flambeau à la main. En punition, chaque représentant des métiers est remplacé, la ville perd son droit de grâce et paie une amende de 4 000 carolus d’or.
Révolte de Gand
Ne souhaitant pas payer les sommes réclamées par Charles afin de financer les troupes, certaines villes proposent de lui confier leur milice. Marie accepte d'abord avec regret, mais Gand n’est pas satisfaite, et refuse de mettre sa milice à la disposition de Charles dans la mesure ou Gand est toujours sous le coup des amendes infligées par les ducs de Bourgogne et Maximilien d’Autriche à la suite des rébellions précédentes. Magnanime, elle propose à Gand de ne payer que la moitié mais se heurte à un nouveau refus[76]. Des émeutes éclatent et Marie est contrainte de signer, faute de ressources, la trêve de Bomy le [77].
En 1537, Gand se révolte, et Marie envoie Adrien de Croÿ qui échoue dans une tentative de négociation ; la ville refusant de payer le subside voté, la situation se dégrade très vite. Les émeutiers emprisonnent, torturent et tuent d’anciens magistrats. Ne disposant d’aucun moyen financier pour engager une armée afin d’arrêter la révolte, la reine demande l’aide de Charles Quint, qui, malgré la menace de voir l’émeute s’étendre à d’autres villes, met plusieurs mois à traverser la France[59].
Entre demande de délai et consultation des différentes justices, l’échevinage est renouvelé par moitié sans heurt par la reine[78] mais l’élection des doyens sonne le départ de l’insurrection : Gand fait fermer les portes de la cité, approfondir les douves, et envoie des députés convaincre d’autres villes de se joindre au mouvement[79].
Le , Marie est contrainte de signer la commission qui lui est présentée mais cela ne contente pas les mutins qui veulent leur complète indépendance[80].
Charles Quint et Marie arrivent le avec une armée de 5 000 hommes en un cortège qui met six heures pour entrer dans la ville. Charles Quint prend le temps de la réflexion pour décider d'une sentence qu’il n’annonce qu’en mars. Exécution, humiliation, amende et retrait des privilèges : La colère de l'empereur est telle que, malgré les invitations à la modération, son attitude coupe court à tout autre soulèvement[81].
La question religieuse
La question de la religion est omniprésente à l’esprit de Marie. On lui reconnaît le goût de l’étude des Saintes Écritures mais on lui reproche sa sympathie pour la Réforme ou le luthéranisme et ce bien qu’elle s’en défende. Son éducation humaniste la conduit facilement à s’y intéresser. Elle reste en étroite relation avec des humanistes tels qu’Adrien d’Utrecht et de nombreux professeurs humanistes de l’université de Vienne, ainsi que ceux qui composent sa cour ; cela crée des tensions avec la noblesse, qui est très attachée au catholicisme. Il lui est reproché d’avoir demandé la mise en musique du psaume 37 de Luther par Thomas Stoltzer son maître de chapelle (c'est le premier motet polyphonique de musique sacrée non écrit en latin)[82]. Luther lui dédicace même quatre psaumes en apprenant la nouvelle. Elle est sévèrement réprimandée par Ferdinand : elle répond qu’elle n’est pas responsable des écrits de Luther qui ne lui a pas demandé son avis[82].
Elle sait que sa mission est de renforcer l'autorité de son frère l'empereur mais aussi de lutter contre le protestantisme, malgré ses convictions[83]. Bien qu'en relation avec Luther, elle doit, sous la pression, rompre tout lien avec les protestants et leur retirer les postes clés ; et, de ce fait, se séparer de la moitié de sa cour. Cette démarche lui coûte sur le plan personnel.
En 1530, Charles part en guerre contre l’hérésie avec la mise en place d’une inquisition d’État. L’hérésie devient un crime civil passible de mort ou plus couramment de la confiscation des biens[84]. Le marrane Diego Mendez qui bénéficie pourtant de la protection du roi du Portugal est poursuivi. Mais Marie fait lever l’accusation d’hérésie et lui restitue ses biens. Il est seulement poursuivi pour monopole et doit payer une amende. Au début, la régente fait appliquer les lois sur la religion édictées par Charles Quint, mais sans grande fermeté, laissant une chance de reconversion. Mais ayant failli perdre le contrôle sur Amsterdam, à l'instar de Münster, à cause des anabaptistes, elle devient intransigeante. Elle est tout de même suspectée à plusieurs reprises de protéger les réformistes. En effet son chapelain, étant accusé, réussit à s’enfuir avant son arrestation et se réfugier auprès de la nièce de Marie[84].
Charles Quint et Marie de Hongrie ont le devoir de protéger le catholicisme si bien que lorsque les parents de Guillaume de Nassau, un de leurs plus riches sujets, embrassent la foi luthérienne, Charles et Marie font venir Guillaume aux Pays-Bas pour le mettre sous tutelle et faire en sorte qu’il reste dans le giron de l’Église catholique.
L'inquisition fait peur aux marchands étrangers, ce qui entraîne des problèmes économiques. Marie, contre l'avis du Conseil privé, demande à Charles plus de tolérance envers les Juifs[85]. En 1550, malgré le mécontentement des catholiques les plus fervents, elle appelle son frère à plus de souplesse religieuse, afin de ne pas faire fuir les marchands et de sauver une partie des revenus de la région qui dépend du commerce.
L'abdication de Charles Quint
La succession de Charles Quint s’annonce des plus compliquées. En effet celui-ci souhaite que ce soit son fils Philippe qui prenne sa place à la tête de l’Empire, alors que Ferdinand souhaite que ce soit son propre fils, Maximilien[86]. Les Habsbourg se réunissent en automne 1547 afin d’en débattre à Augsbourg. Marie arrive avec Christine de Danemark le . Cette Diète dure des mois, entre réunions officielles et privées, entrecoupées de bals, banquets et chasses. C’est à cette occasion que Marie rencontre Le Titien et lui commande une série de quatre tableaux, Les damnés[87].
Charles et Ferdinand n’arrivent pas à un accord et Marie qui participe aux tractations sert de médiateur. Elle en profite pour régler ses affaires personnelles : le elle trouve un accord avec Ferdinand pour son apanage hongrois qu’elle cède en échange du versement de sa dot. Elle quitte Augsbourg la semaine suivante[88].
Le , à la suite de la mort de François Ier, Éléonore de Habsbourg quitte la France pour retrouver Marie aux Pays-Bas.
Charles fait venir Philippe d’Espagne et c’est Marie qui l’accueille à son arrivée aux Pays-Bas à Wavre en présence de Christine de Danemark. Le futur Philippe II d'Espagne doit parcourir les dix-sept provinces afin de prêter serment en présence de sa tante et, étant donné qu’ils ont des goûts totalement différents, ils ne s’apprécient guère[89]. Elle organise les Triomphes de Binche, une série de fêtes données en l'honneur de Philippe pour le présenter comme successeur légitime de l'empereur Charles Quint à la noblesse des « Pays d'en Bas ». Le chroniqueur Brantôme écrit « Rien ne fut plus fastueux que les fêtes de Binche ».