Forêt
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Une forêt ou un massif forestier est un écosystème, relativement étendu, constitué principalement d'un peuplement d'arbres, arbustes et arbrisseaux (fruticée), ainsi que de l'ensemble des autres espèces qui lui sont associées et qui vivent en interaction au sein de ce milieu. On distingue quatre grands types de forêts sur Terre : la forêt boréale (ou taïga), la forêt tempérée, la forêt méditerranéenne et la forêt tropicale. La forêt peut être naturelle ou exploitée en sylviculture. Les espèces animales, végétales ainsi que les champignons qui vivent au sein des forêts sont qualifiées d'espèces forestières.
Un boisement de faible étendue est dit bois, boqueteau ou bosquet selon son importance.
Les forêts peuvent être classées en fonction de leur degré d'anthropisation : on distingue ainsi les forêts primaires, les forêts secondaires et les forêts dites urbaines, avec les gradients intermédiaires[5]. Elles peuvent être naturelles ou exploitées par l'homme. Dans ce cas il existe de nombreux types d'exploitation des forêts (sylviculture, ligniculture, agrosylviculture…).
Les forêts sont aussi un milieu de vie et une source de revenus pour l'être humain : au début du XXIe siècle, plus de cinq cent millions de personnes[6], dont plusieurs peuples autochtones, vivent en forêt ou à ses abords. Elles abritent une grande richesse écologique, concentrant 80 % de la biodiversité terrestre mondiale recensée.
L'action de l'Homme dans plusieurs régions de la planète conduit à une destruction ou une surexploitation des forêts. Cela engendre une importante déforestation qui concerne surtout actuellement les forêts tropicales et la taïga. La moitié des forêts de la planète a été détruite au cours du XXe siècle[7]. Il n'y a pas de gouvernance mondiale des forêts, ni de convention internationale, mais l'ONU a mis en place un Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF).
Le terme générique forêt
L'origine du mot forêt est complexe. Il a remplacé à partir du XIIe siècle, sous la forme forest « vaste étendue de terrain peuplée d'arbres »[8], l'ancien français selve, du latin silva, « forêt ». L'anglais forest est un emprunt au français[9],[10], l'allemand Forst, forêt exploitée (vieux haut allemand forst, attesté vers 800)[11] est sans doute également apparenté.
Le mécanisme de cette substitution semble passer par les rois mérovingiens puis carolingiens, sous lesquels le terme de bas latin foresta désignait un territoire à part, dont la jouissance était réservée au roi, les forêts royales. Ces territoires pouvaient aussi bien être des bois, des landes, ou des terres en eau (rivière, étang, lac et même mer), mais étaient généralement non cultivés et réservés à la chasse ou à la pêche.
Ainsi Jacques-Joseph Baudrillart écrit-il en 1825, dans son Dictionnaire général des Eaux et Forêt[12] à l'article « Forêt » : « Nos premiers rois avaient des domaines particuliers, appelés villa regia, ou foreste dominicum, qu'ils faisaient administrer par des officiers désignés sous le nom de juges, auxquels ils recommandaient particulièrement la conservation de leurs forestae, mot générique qui comprenait alors les étangs royaux pour le poisson, en même temps que le bois pour le pâturage. »
On pouvait par exemple parler, sous Charles-le-Chauve, de la foresta des pêches de la Seine. On trouve dans les capitulaires de Charlemagne (747-814) l'expression silva forestis pour désigner des étendues boisées relevant du domaine royal. Les termes foresta, ou silva forestis ont alors valeur juridique, désignant un « territoire soustrait à l'usage général »[13] zone dans laquelle il est défendu de défricher et où la chasse ou la pêche sont gardées. Progressivement, le terme s'est spécialisé pour ne plus désigner que les étendues boisées relevant du roi ou d'un seigneur, tandis que d'après Baudrillart (op. cit.) apparaissait l'expression les eaux et forêts, ou les eaux-forêts, dans un sens proche du sens initial de forestae.
L'origine de foresta est plus controversée. On a longtemps évoqué une origine germanique, par un terme vieux bas francique *forhist non attesté, avec perte du [h] à l'époque mérovingienne *forist, qui serait un dérivé du vieux bas francique *forha « sapin » (cf. allemand Föhre « pin sylvestre », anglais fir « sapin »), le suffixe -ist ayant une valeur collective, d'où le sens de « sapinière, forêt de sapins ». Cette explication est aujourd'hui délaissée, l'origine de foresta semblant bien plutôt romane, mais avec deux hypothèses concurrentes cependant.
Selon une première hypothèse, fondée sur le sens juridique donné à foresta par les mérovingiens et les carolingiens, il proviendrait du latin classique forum (forum puis tribunal)[14]. Bien que favorisée par les ouvrages étymologiques français, aucune forme intermédiaire permettant d'appuyer cette hypothèse n'est cependant donnée.
Une hypothèse alternative beaucoup plus argumentée fait dériver foresta directement du latin foris, « dehors, extérieur »[15] (forum dérivant lui-même de foris) et plus précisément de forestis « ce qui est en dehors, hors de l’enclos » au sens de ce qui est en dehors de là où l’homme vit, où réside le pouvoir[16]. Le grammairien Placidus connaît déjà un adjectif forasticus (« extérieur »)[15] dérivé de foris ; cet adjectif subsiste dans l'italien forastico, le sicilien furestico, l’ancien occitan foresgue (« sauvage », « rude », « rétif »). De plus, l'italien forestiere a le sens d'« étranger, homme du dehors », de même que l'ancien provencal forestiero « qui est en dehors (de la commune), étranger ». L'ancien français forestier avait également le sens d'étranger, et l'italien actuel foresta conserve le sens de « vaste zone inculte, où la végétation, et en particulier les arbres, croissent spontanément ».
Ainsi, le terme foresta aurait pu désigner à l'époque gallo-romaine les espaces restés sauvages, en dehors, à l'extérieur, de ceux mis en valeur par les communautés villageoises (ces derniers contenant aussi des bois aménagés et exploités), les rois et seigneurs francs se réservant par la suite l'usage de ces territoires. On aurait ainsi un croisement de sens intéressant entre foresta « espace sauvage, en dehors du domaine cultivé », et sauvage, de l'ancien français salvage, du latin silvaticus, « forestier ».
Autres mots pour désigner la forêt ou le bois
Le mot gaulois brogilos dérive de broga (« champ »), devenant broglius désignant au IXe siècle un bois humide, clos ou entouré d'une haie. Il a donné breuil du dictionnaire de l'Académie française et des toponymes tels que Breuil ou le Breuil par exemple.
Les Romains appelaient la forêt silva, mais Virgile et Cicéron la nomment nemus (« bois » en latin, qui proviendrait de nēmō, -inis, contraction de ne homo, -inis signifiant « nul homme »). Ce mot figure souvent dans les chartes capétiennes pour désigner des petites zones boisées. Salluste utilisait le terme saltuosus pour désigner un espace boisé. À l'époque romaine les saltuarii ou les silvarum custodes administraient les forêts. Aux époques mérovingienne (481-751) et carolingienne (751-987), le mot saltus désigne fréquemment les zones de bois et landes, plutôt semble-t-il quand elles appartenaient au fisc royal. Le mot nemus ne s'est pas perpétué en gallo-roman et saltus (> ancien français sault) n'a pas survécu en français moderne.
Un autre terme existe en ancien français, il s'agit de gaut (ou gault, guault, dialectes septentrionaux waut, mot masculin). Il peut désigner le bois, la forêt ou le bocage. Il est issu du vieux bas francique *wald « forêt » (cf. vieil anglais weald, allemand Wald « forêt »).
Le terme bois apparaît sous la forme latinisée boscus en latin médiéval en 704 et en français vers 1100 sous sa forme actuelle. Il est issu du vieux bas francique *bŏsk- « buisson » Contrairement au mot forêt, il est sans connotation juridique. Les formes modernes bosc, trouvées dans l'onomastique essentiellement sont d'origine normande et occitane. Forêt et bois ont remplacé tous les termes précédents, ainsi que le terme latin lignum « bois » désignant le matériau (cf. italien legno, espagnol leña).
Une microsylve désigne une forêt de haute altitude (montagne) ou latitude, composée de minuscules arbres (sous-arbrisseaux)[17].
Le monde antique romain oppose ce qui est du « sauvage » (silvaticus) – relatif aux bois – et ce qui est de la civilisation : la cité, la culture, etc[18].
Débat sur la définition
La définition du terme de forêt pour sa classification est variable car elle se réfère à des seuils dont la nature et l'importance varient selon les pays : couvert forestier minimum, surface minimale du peuplement, etc. À l'échelle internationale, la FAO définit les forêts comme des terres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare (5 000 m2) avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à 5 mètres et un couvert forestier de plus de 10 %. Cette définition exclut les terres dont la vocation prédominante est agricole ou urbaine[19]. Par ailleurs l'observation de l'évolution de séries chronologiques continues nécessitent une stabilité des nomenclatures. Comme le montre une étude de la CEE commandée en 1989 la plupart des pays n'ont pas adopté, ni conservé au fil des ans, la même méthode[20].
Pour le géographe, la complexité de l'espace forestier, empêche de l'enfermer dans une approche numérique univoque ; elle concerne le dedans, et le dehors de la forêt, son caractère ancien ou non[21], voire ses marges[22].
Des définitions plus spécifiques sont données par d'autres organisations : le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) utilise 40 % de couverture comme le seuil pour les « forêts fermées » et 10 à 40 % de couverture pour les « forêts ouvertes », tandis que le projet Tropical Ecosystem Environment Observations by Satellite (TREES)[23], fondé en 1991 par la Commission européenne, classifie les surfaces avec plus de 70 % de couverture de canopée comme étant des « forêts denses » et celles avec 40-70 % de couverture comme des « forêts fragmentées ». L'Inventaire forestier national définit la forêt comme « un territoire occupant une superficie d'au moins 50 ares avec des arbres capables d'atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité in situ, un couvert arboré de plus de 10 % et une largeur [de houppier] d’au moins 20 mètres[24]. Les sites momentanément déboisés ou en régénération sont classés comme forêt même si leur couvert est inférieur à 10 % au moment de l’inventaire »[25].
Les chiffres de surface forestière varient donc selon les sources. Ainsi, tout l'Est de la Taïga russe, formé de formations basses de conifères nains, sera, selon les sources, comptabilisé ou non en forêt, ce qui fera varier la surface forestière de plus ou moins 20 %.
Du point de vue botanique, une forêt est une formation végétale, caractérisée par l'importance de la strate arborée, mais qui comporte aussi des arbustes, des plantes basses, des grimpantes et des épiphytes. Plusieurs arbres forestiers vivent en symbiose avec des champignons et d'autres micro-organismes, et beaucoup dépendent d'animaux pour le transport de leur pollen, de leurs graines ou de leurs propagules.
Du point de vue de l'écologie, la forêt est un écosystème complexe et riche, offrant de nombreux habitats à de nombreuses espèces et populations animales, végétales, fongiques et microbiennes entretenant entre elles, pour la plupart, des relations d'interdépendance.
Malgré une apparente évidence, définir la forêt reste donc délicat : où arrêter les limites de hauteur de végétation (une plantation de jeunes pousses est-elle une forêt ?), de superficie minimale (à partir de quelle superficie passe-t-on d'un jardin boisé à un bois puis à une forêt ?), de degré de proximité ou de « sociabilité » des arbres (un terrain portant des arbres distants de plusieurs dizaines de mètres est-il encore une forêt ?) ou de qualité (un boisement monospécifique d'eucalyptus ou de peupliers, de pins ou de sapins d'une même classe d'âge, plantés en alignements stricts est-il une forêt ou une simple culture sylvicole ?).
La plus ancienne forêt fossile qui soit aujourd’hui connue a longtemps été présentée comme celle de Gilboa[32]. Figée par une inondation, cette forêt est mise au jour en 1870 dans l'État de New-York. Son arbre le plus ancien, du genre Archaeopteris, date de 370 millions d'années, et montre aux paléobotanistes que les premières forêts sont assez vite apparues dans l'histoire évolutive des végétaux, 100 millions d'années après l'adaptation des plantes marines à la vie terrestres. La reconstitution de la forêt de Gilboa montre déjà un écosystème complexe avec plusieurs étages de végétation[33].
Pendant les 50 millions d'années qui suivent leur apparition sur Terre, certaines plantes vasculaires terrestres s'affranchissent du milieu aquatique et de la poussée d'Archimède en adoptant un port érigé qui sépare les zones végétatives éclairées des zones d'ancrage et d’absorption dans le sol, ce qui implique la différenciation en organes et en tissu végétal spécialisé. Elles s'équipent ainsi d'un cormus (racines et feuilles) et se diversifient considérablement. La différenciation chez les mousses ne va pas jusqu'à la mise en place de tissus de soutien lignifiés, alors que ce processus est observé chez les fougères qui mettent en place des tissus conducteurs (phloème et xylème avec éléments lignifiés typiques, les trachéides)[34]. Grâce à la lignine, polymère solide, inerte, poreux et difficilement putrescible, ces plantes ligneuses se mettent à supplanter tous les autres concurrents du règne végétal. Alors que les premières plantes terrestres demeurent à la surface du sol, la compétition pour la lumière (source d'énergie nécessaire à la photosynthèse) s'exprime chez tous les groupes de végétaux (fougères arborescentes, prêles, lycopodes, plantes à graines). Cette course à la lumière favorise le développement de plantes ligneuses de plus en plus hautes[35],[36], grâce à la rigidité de leur tronc (tige dont le cœur est constitué de bois, tissu ligneux dont la résistance et l'emploi économique constituent des avantages adaptatifs), et plus particulièrement chez les arbres des forêts dont l'architecture végétale permet de déployer une grande surface feuillue[37].
L'histoire des forêts au Quaternaire est encore mal connue en raison des avancées et reculs des peuplements, imposées par les trois dernières glaciations. Lors des maximums glaciaires, les espèces des forêts tempérées trouvent refuge dans des zones abritées, là où les conditions écologiques locales (températures plus clémentes, hivers moins rigoureux en raison de barrières montagneuses, régions restées humides grâce à la fonte estivale de la calotte et des grands glaciers) permettent leur survie, et sont remplacées dans leur aire d'origine par des espèces végétales de steppes et de toundras. Celles des forêts tropicales subissent une sécheresse importante et trouvent refuge dans des zones d'altitude ou des plaines marécageuses. Ces zones refuges se caractérisent par une diversité génétique plus ou moins importante : dans les milieux favorables, similarité des haplotypes rencontrés intra-refuge mais enrichissement du réservoir génétique par forte divergence génétique inter-refuges liée à l’isolement géographique ; effet de goulot d'étranglement génétique dans les milieux moins favorables, les espèces ligneuses étant marquées par une faible élasticité génétique, d'autant plus si elles se sont spécialisées dans des niches étroites. La reconquête postglaciaire, plus ou moins importante selon le potentiel d'adaptation des espèces ligneuses, correspond à la recolonisation des essences forestières à partir de ces zones, entraînant une redistribution de la végétation en quelques milliers d'années. La vitesse de recolonisation (généralement quelques centaines de mètres par an) varie selon les périodes et régions en fonction du climat, des barrières géographiques (montagnes, mers, déserts) mais aussi de la végétation concurrente. Cette reconquête entraîne un appauvrissement génétique au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la zone refuge, appauvrissement pouvant être contrebalancé par l’apparition de nouvelles mutations dans les zones recolonisées (signal d’expansion)[38].
De nombreux épisodes de déforestation ont marqué l'histoire de la Terre, notamment l'effondrement de la forêt tropicale du Carbonifère, ou la révolution néolithique qui voit les hommes se servir des zones de faible couverture forestière (landes, pelouses, bois clairs, garrigues et maquis) pour étendre les clairières et les prairies, pratiquant pendant plusieurs millénaires, de multiples défrichements par brûlis, de mises en culture ou en pacage[39]. Si la surface totale des forêts tropicales mondiales n'est guère modifiée jusqu'au début du XXe siècle[40], celle des forêts tempérées a été considérablement réduite par les grands défrichements qui s'accélèrent à partir du Moyen Âge, notamment en Europe où la forêt caducifoliée a diminué en surface de manière continue jusqu'au XIXe siècle, et ses différentes caractéristiques — composition en essences, structure, sol — en ont été également grandement modifiées[41]. Dans les régions tempérées chaudes du pourtour méditerranéen où se diffusent la culture des céréales et l'élevage, en provenance du Moyen-Orient, les forêts massivement converties en terre agricole ou dégradées par l'utilisation pastorale, sont réduites en quelques millénaires à la formation de garrigues et de maquis[42].
Les grandes découvertes qui s'étendent du début du XVe siècle jusqu'au début du XVIIe siècle, puis l'âge de la voile (généralement daté entre 1571 et 1862) qui voit l'essor du commerce maritime international et de la guerre navale, mettent le bois au cœur du développement économique de plusieurs puissances maritimes. Ces puissances mettent en place des politiques sylvicoles visant à améliorer la gestion et l'aménagement des forêts pour juguler les pénuries de bois[43]. Au cours du XIXe siècle, la révolution industrielle libère les espaces sylvestres de la pression humaine avec le début de l'exode rural et le remplacement du charbon de bois par le charbon de terre et l'hydro-électricité pour la fourniture d'énergie, permettant à la forêt de s'étendre à nouveau dans toute l'Europe[44]. Le mouvement en faveur de la protection des forêts (en) prend de l'ampleur dans les dernières décennies du XIXe siècle. La gestion durable des forêts est progressivement reconnue à partir des années 1990 dans un contexte de surexploitation des ressources naturelles des forêts d'Amazonie, de l'Afrique équatoriale et de la zone Malaisie/Indonésie en Asie[45].
Structure
De sa lisière (ourlet forestier) à la forêt intérieure, et selon le contexte géo-morpho-écopaysager, un massif boisé est caractérisé par une grande diversité en habitats, en niches écologiques, et surtout par une structuration en hauteur (atteignant plusieurs dizaines de mètres, de la sphère racinaire à la canopée) plus complexe que dans les autres écosystèmes terrestres.
Cette diversité évolue dans le temps et l'espace, au gré de perturbations (naturelles ou anthropiques) selon un pattern et des structures récurrentes, correspondant à un cycle théorique dit « cycle sylvogénétique » (illustré ci-contre, à gauche) :
- verticalement, la forêt possède grossièrement quatre « étages » de végétation qui sont les strates muscinales (mousses), herbacées, arbustives et arborescentes, auxquels il faudrait ajouter les étages souterrains des systèmes racinaires, symbiosés aux mycéliums fongiques ;
- horizontalement, elle comporte de nombreux micro-milieux ou microstations (écosystèmes boisés distincts, au sein d'un même massif forestier) dépendant de facteur abiotiques différents.
- En suivant la flèche du temps, la structure forestière tend à évoluer vers un stade fermé dit climacique, mais qui finit toujours localement par s'ouvrir à la lumière, à la suite d'une perturbation (chablis, feu, inondation, glissement de terrain, etc.), permettant le retour au stade pionnier et aux stades suivants ;
- Le bois mort constitue lui-même un habitat essentiel, irremplaçable pour de nombreuses espèces qui contribuent au recyclage de la nécromasse ligneuse, et à la fertilité des forêts ;
- Les ressources alimentaires sont également abondantes, variant selon l'étage de la forêt : détritus, racines, mousses, lichens, champignons, feuilles, sève élaborée, bois vivant ou mort, fleurs, fruits et graines, nécromasse végétale, animale, fongique…
Forêt primaire et forêt secondaire
Il est courant de distinguer la forêt primaire (forêt naturelle) de la forêt secondaire ou forêt plantée (forêt entièrement ou fortement façonnée par l'homme). La première est considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'intervention humaine y ayant laissé des séquelles importantes ou observables, elle correspond à la végétation naturelle potentielle ; la dernière étant modifiée à la suite du travail des forestiers ou sylviculteurs. Moins de 10 % de la planète est encore couverte de forêts primaires. Ces forêts sont en forte régression, en raison des coupes faites pour l'élevage ou les cultures destinées à nourrir les animaux d'élevages et/ou pour gagner des terres agricoles ou pour l'exploitation commerciale du bois[46].
Superficie
Dans le monde, la forêt - au sens le plus large - couvrait en 2005 environ 30 % des terres émergées.
Selon les définitions retenues, la superficie estimée de la forêt mondiale varie de 2,5 à 6 milliards d'hectares sur la base des chiffres envoyés par les États au début du XXIe siècle[47], l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture estimant la forêt mondiale à presque 4 milliards d'hectares, soit 0,62 ha/habitant. Mais la forêt est mieux préservée sur la ceinture tropicale humide et au nord de la zone tempérée dans l'hémisphère nord. Ailleurs, dans 64 pays abritant un total de 2,0 milliards d'habitants, on compte en 2005 moins de 0,1 hectare de forêt par personne, chiffre qui diminue inéluctablement alors que le taux de population augmente et que la forêt régresse.
Sept pays ou territoires ne possèdent plus aucune forêt et dans 57 autres pays, elles ne couvrent plus que moins de 10 % des terres.
En Europe occidentale, avant l'intégration des pays d'Europe du Nord, le pays le plus boisé était le Luxembourg, avec 34 % de taux de boisement. C'est l'ancien département des Forêts du temps de l'Empire napoléonien. En Lettonie elle couvre 52 % du territoire national[48]. La forêt européenne tend à se reconstituer, mais parfois de façon très artificielle. Elle couvrait au début du XXIe siècle près de 40 % de la superficie européenne, générant près de 3,5 millions d'emplois directs ou indirects selon la filière bois. un Institut forestier européen (EFI, basé en Finlande) impliquant près de 120 organismes dans 37 pays européens, vise à durablement renforcer la filière bois, les politiques forestières et la recherche. L'Union européenne a engagé un Plan d'Action pour l'Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux (FLEGT ; Forest Law Enforcement, Governance and Trade), et une Conférence ministérielle[49] sur la Protection des Forêts en Europe (MCPFE) est prévue à Oslo en 2011.
Les forêts naturelles sont comme toutes les formations végétales conditionnées par un certain nombre de facteurs : la latitude, l'altitude, la nature du sol, le climat[50], les habitats forestiers[51] et « espèces typiques » qu'elles abritent, l'action des animaux, etc. La latitude influence fortement la biodiversité dans les forêts. Celle-ci augmente d'autant plus que l'on s'éloigne des pôles et que l'on se rapproche de l'équateur.
Selon les latitudes, on distingue quatre grands types de forêt eux même subdivisé en plusieurs sous-types :
- forêt boréale ou taïga (forêt de conifères, au nord du 60e parallèle). Au Canada, le terme taïga ne désigne dans le langage courant qu'une des nombreuses écozones de la forêt boréale ;
- forêt tempérée ;
- forêt tempérée sempervirente ;
- forêt tempérée décidue (formée d'arbres à feuilles caduques) ;
- forêt tempérée de résineux ;
- forêt tempérée mixte ;
- forêt méditerranéenne (formée de conifères et de feuillus à feuilles persistantes, un arbre caractéristique : le chêne vert) ;
- forêt tropicale ;
- forêt tropicale humide (ou pluvieuse) sempervirente (toujours verte) ou semi-décidue (une partie des arbres sont à feuilles caduques) ;
- forêt galerie (le long des fleuves) ;
- forêt inondée (Cf. la mangrove formée de palétuviers) ;
- forêt tropicale sèche décidue ou semi-décidue ;
- forêt tropicale de résineux.
Dans beaucoup de pays où l'humanité est présente depuis des siècles, voire des millénaires, la forêt a perdu sa naturalité (environnement).
Les faciès actuels des forêts du Nord-ouest de l'Europe, par exemple, résultent en grande partie de l'influence de l'homme sur le plan :
- de la composition : Colbert avait en France besoin de chênes pour la marine. Dans plusieurs pays, pour bénéficier de subventions et/ou déductions fiscales, il faut planter des essences imposées (Ainsi le Fonds forestier national français a, par exemple, imposé les résineux sur de vastes surfaces après-guerre, en France) ;
- de la superficie : en trois siècles (XVIIIe-XXe), la superficie des forêts françaises a presque doublé (Cf. Forêt de guerre, enrésinement des Landes, enfrichement sur zones d'exode rural, plantations encouragés par le Fonds forestier national…). Mais dans le même temps, dans la moitié ouest du pays, les haies du bocage et les arbres dispersés ou d'alignement reculaient très fortement ;
- de la structure : la forêt française a dû, très longtemps, répondre aux besoins des communautés humaines qui les entouraient : depuis l'Empire romain, les forêts ont souvent été transformées en taillis qui alimentaient les forges, fonderies, boulanges et autres industries en charbon de bois ; le bois d'œuvre provenant souvent d'arbres émondés dans le bocage et les alignements de bords de routes.
En France, ce n'est qu'au XIXe siècle, en 1827, que l'institution d'un code forestier (faisant suite à une longue série d'ordonnances), ainsi que la création d'un corps d'État forestier (l'Administration des Eaux et Forêts) et l'utilisation de plus en plus massive de la houille, en remplacement du charbon de bois, vont permettre aux forêts françaises d'évoluer vers la futaie ; au XXe siècle, les terres libérées par la déprise agricole vont être plantées d'arbres, ou colonisées par des accrues spontanées, offrant respectivement des limites très géométriques à la forêt ou au contraire un faciès plus naturel et exubérant ; - des espèces : une part significative de la forêt française est encore composée d'espèces qui avaient été favorisées en réponse aux besoins des communautés humaines locales (les chênes pour leurs glandées) ou même d'impératifs économiques nationaux, par exemple (des légions d'épicéas et de douglas ont été plantés par le Fonds forestier national, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte d'une balance commerciale déficitaire vis-à-vis des bois d'œuvre et d'industrie résineux).
Classement paysager
- Forêt claire et forêt dense
- Par type d'arbres : aulnaie, chênaie, boulaie, frênaie, ormaie, hêtraie, châtaigneraie, sauçaie, sapinière, pessière, pinède…
Classement patrimonial et écologique
Grâce aux approches phytosociologiques et écologiques, aux forêts modèles canadiennes, des outils d'évaluation qualitative se constituent depuis la fin du XXe siècle. Ils varient selon le contexte géographique ou social (ville, campagne, milieux plus naturels…). Ils permettent de mieux prendre en compte la taille, la qualité et l'intégrité des habitats forestiers dans les plans de gestion, les écolabels forestiers, et parfois dans les lois (directive Habitats en Europe par exemple).
Les critères retenus sont par exemple :
- la superficie forestière (par type et stade de la succession) rapportée à la superficie des terres (en pourcentage) ;
- la superficie des massifs ou aires boisées encore d'un seul tenant (patch, pour l'écologie du paysage) et la connectivité écologique entre les taches[52] ; et l'inverse, c'est-à-dire le degré de fragmentation écologique par les routes est aussi possible, ainsi que le nombre de kilomètres de routes par massif, ou rapporté au linéaire de lisière.
Par exemple, au Canada, un système d'évaluation qualitative des forêts accorde :- trois points aux boisements de plus de 4 ha en ville et de plus de 200 ha ailleurs (sauf îles) ;
- deux points aux surfaces de 2 à 4 ha en ville, et à celles qui couvrent de 20 à 200 ha ailleurs (sauf îles) ;
- un point aux bois de moins de 1 ha en ville et de moins de 20 ha ailleurs ;
- la superficie et la forme des cœurs forestiers.
Dans le système précédent de classement :- trois points aux boisements dont un cœur d'au moins 4 ha est éloigné de plus de 200 m de toute lisière ou bord de route ;
- deux points aux boisements dont un cœur d'au moins 4 ha est éloigné de plus de 150 m de toute lisière ou bord de route ;
- un point aux boisements dont un cœur d'au moins 4 ha est éloigné de plus de 100 m de toute lisière ou bord de route ;
- la connectivité ou la proximité avec d'autres massifs ou structures boisées (⇒ corridors écologiques boisés, gués…) :
- trois points si la distance au boisement le plus proche est de moins de 100 m ;
- deux points si la distance au boisement le plus proche est comprise entre 100 et 250 m ;
- un point si la distance au boisement le plus proche est de plus de 250 m ; (critère également retenu par la ville de Londres) ;
- la présence ou proximité d'eau, et de systèmes hydrographiques naturels (Hydrological Linkages Criteria), avec par exemple :
- un point si le boisement est à plus de 50 m de la berge d'un cours d'eau ou d'une étendue d'eau ;
- deux points si la distance est comprise entre 30 et 50 m ;
- trois points si l'eau est à moins de 30 m de la lisière boisée ou si elle est dans le boisement même ;
- La distance à une zone humide de type tourbière à sphaignes ou roselière vaut de même ;
- la qualité du sol, et de sa biomasse microbienne, sa diversité en nématodes, des vers de terre[53] ainsi qu'en champignons qui jouent un rôle majeur en forêt, en tant que symbiotes des arbres[54].
- la valeur de service écosystémique[55] dont en tant que protection des sols et effet-tampon contre l'érosion et le ruissellement :
Au-dessus de 30 % de pente, la forêt est seule garante de la protection du sol ;
De 15 à 30 % elle joue également une fonction de protection très importante (voir illustration ci-contre) ; - les îles boisées proches du continent ou sur des lacs ou fleuve, si le boisement est naturel ou « proche de la nature » sont également considérées comme de bons refuges pour certaines espèces en raison d'un moindre dérangement. Dans le cas d'îles véritables, les critères d'isolement prennent alors un sens positif, comme dans le cas des inselbergs ; à étudier au cas par cas relativement au contexte. En cas de présence de prédateurs introduits et devenus invasifs, elles peuvent aussi devenir des « puits écologiques » ou « pièges écologiques » ;
- le pourcentage de la forêt en aire protégée (par type, stade de la succession et catégorie de protection en % la superficie forestière totale) ;
- le taux de couvert forestier (par type) déjà converti ou en cours de conversion à d'autres usages (y compris routier) ;
- la superficie et le pourcentage de forêts touchées par une perturbation anthropique et/ou naturelle ;
- la complexité et l'hétérogénéité de la structure forestière ;
- le nombre d'espèces tributaires de la forêt ;
- le pourcentage d'essences indigènes et pourcentage de ces essences qui seraient menacées. Attention, c'est un indicateur relatif au contexte biogéographique. Il n'y a par exemple que trois essences indigènes dans toute l'Islande, contre 7 780 répertoriées en 2005 dans le seul Brésil (sous-espèces non comprises)[56]. De plus, les forêts tropicales comportent beaucoup d'essences, mais quelques-unes sont dominantes. En Afrique de l’Ouest et du Centre, en Asie du Sud et du Sud-Est et en Amérique centrale, on trouve naturellement une très grande diversité d’espèces d’arbres (jusqu'à près de 300 espèces différentes par ha), alors qu'en zone tempérée, boréale ou subsaharienne, les dix espèces d’arbres les plus fréquentes (en volume) concernent au moins 50 % de la biomasse forestière (en volume de bois sur pied).
Les espèces d’arbres les plus rares, surtout celles dont la valeur commerciale est élevée, sont souvent en danger d’extinction pour une partie de leur lignée. La FAO estime qu'en moyenne, 5 % des espèces indigènes d’un pays sont vulnérables, en danger ou en danger critique d’extinction ; - l'état de conservation des espèces tributaires de la forêt ;
- les indicateurs de la variation génétique sont exclus du présent examen car ils exigent normalement des analyses complexes de laboratoire (Namkoong et al., 1996 ; mais voir aussi Jennings et al., 2001) ;
- la présence, la masse, le volume, la qualité (bois durs, tendres, résineux, feuillus) et la répartition du bois mort, l'âge moyen des arbres, la présence de grands carnivores, de castors ou d'une grande richesse en champignons prennent ainsi des significations nouvelles, parfois opposées à celles qui étaient enseignées au siècle précédent en écoles de sylviculture ;
- l'état de pollution de la forêt (comment par exemple, évaluer la qualité de la forêt, qui, dans les zones interdites de Biélorussie se restaure naturellement, mais sur des sols ayant reçu 70 % environ des retombées radioactives de la catastrophe de Tchernobyl ?).
Régimes juridiques
Ils ont beaucoup varié selon les époques et les pays, et varient dans un même pays à la même époque (La forêt peut être communautaire, royale, publique, privée, régionale, communale, etc.).
Il existe de nombreux classements des forêts correspondant à des statuts juridiques différents, avec par exemple pour la forêt française : la Forêt domaniale, la Forêt communale, la Forêt privée, la Forêt de protection ou encore la Réserve biologique domaniale (RBD ; intégrale ou non).
En Allemagne, ce sont :
- Markwald ;
- Landesherrlichkeit ;
- Säkularisierung ;
- Privatwald :
- Hauberg ;
- Waldinteressentenschaft.
- Kommunalwald ;
- Kirchenwald ;
- Landeswald ;
- Bundeswald ;
Aux États-Unis, on différencie le « Timberland » (2/3 de la surface totale enforestée) ouvert à l'exploitation, et le 1/3 restant de la forêt qui en est préservée, jouant le rôle de « tiers sauvage » (Wilderness), dont la vocation de puits de carbone pourrait prendre de l'importance[57].
Au Canada, le classement des forêts se fait grâce à la nature de l'écosystème forestier déterminé par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune qui protègent différents milieux forestiers. Ces territoires sont protégés en vertu de la loi sur les forêts[58]. Il y a 3 types d'écosystèmes forestiers exceptionnels : Les forêts anciennes (77 sites, 191 km2)[59], les forêts rares (30 sites, 26 km2)[60] et les forêts refuges (16 sites, 13 km2)[61].