Monarchie de Juillet
régime gouvernant la France de 1830-1848 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La monarchie de Juillet est le nom donné au régime politique du royaume de France entre 1830 et 1848. Instaurée le après la révolution dite des « Trois Glorieuses » les 27, 28 et 29 juillet 1830, elle succède à la Restauration.
Monarchie de Juillet
–
(17 ans, 6 mois et 15 jours)
Drapeau du royaume de France |
Armoiries du royaume de France |
Hymne | La Parisienne |
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Statut | Monarchie constitutionnelle à régime parlementaire dualiste |
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Texte fondamental | Charte de 1830 |
Capitale | Paris |
Langue(s) | Français |
Religion | Catholicisme |
Monnaie | Franc français |
Instauration de la monarchie de Juillet, fondée sur la Charte de 1830. Louis-Philippe Ier n’est pas sacré roi de France mais proclamé roi des Français | |
22-25 février 1848 | Révolution |
Abdication de Louis-Philippe Ier. Proclamation de la IIe République |
- | Louis-Philippe Ier |
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Chambre haute | Chambre des pairs |
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Chambre basse | Chambre des députés |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
La branche cadette des Bourbons, la maison d’Orléans, accède alors au pouvoir. Louis-Philippe Ier n’est pas sacré roi de France mais intronisé roi des Français. Son règne, commencé avec les barricades de la révolution de 1830, est troublé par plusieurs soulèvements vite maîtrisés, républicains à Paris, légitimiste dans l'Ouest, une tentative avortée de coup d'État bonapartiste à Strasbourg, qui ne remettent guère en cause la paix intérieure. La monarchie de Juillet, qui a été celle d’un seul roi, fait suite à la monarchie dite « conservatrice » que constitue la Restauration entre 1814 et 1830.
Plus libérale que celle qui la précède, elle est marquée par une renonciation à la monarchie absolue de droit divin (absolutisme) et un louvoiement permanent entre les factions parlementaires du « mouvement » et de la « résistance ». Louis-Philippe définit lui-même sa politique comme celle du « juste milieu ». Son régime s'appuie sur un suffrage censitaire élargi, et sur la Garde nationale bourgeoise. Sa politique extérieure en demi-teinte cherche à allier le reflet du prestige napoléonien et le souci de l'équilibre européen. Cependant, il maîtrise mal les bouleversements sociaux nés de l'industrialisation et son règne s’achève en 1848 par d’autres barricades, qui le chassent pour instaurer la Deuxième République.
Le , la Charte de 1814 est révisée. Le préambule rappelant l'Ancien Régime est supprimé. La charte devient un pacte entre la nation et le roi, et cesse d'être une concession de ce dernier. Elle s'inscrit comme un compromis entre les constitutionnels et les républicains. La religion catholique n'est plus religion d'État, la censure de la presse est abolie, le drapeau tricolore rétabli.
Le , Louis-Philippe prête serment à la Charte et est intronisé[1]. C'est le commencement officiel de la monarchie de Juillet[2]. Le 11 août, le premier ministère du règne de Louis-Philippe Ier est formé, rassemblant des ténors de l'opposition constitutionnelle à Charles X, dont Casimir Perier, Laffitte, Molé, le duc de Broglie, Guizot[3]… Le ministère doit répondre à un double objectif : prendre fermement en main la machine administrative et rétablir l'ordre dans la rue, tout en feignant l'enthousiasme pour la cause de la révolution qui vient de triompher. La constitution du ministère associe différentes tendances, dont des membres du Parti du Mouvement et des membres du Parti de la Résistance[3].
Le désordre permanent
Pendant trois mois, l'agitation, entretenue par la presse républicaine et libérale, est permanente. Le gouvernement ne dispose pas des moyens de sévir, d'autant que la Garde nationale est commandée, à partir du 16 août, par le marquis de La Fayette, chef de file des républicains. Louis-Philippe doit donc souffrir les familiarités des « héros de Juillet » qui réclament, selon la formule de La Fayette, « un trône populaire entouré d'institutions républicaines ». Le « roi-citoyen » distribue force poignées de main à la foule ; devant le Palais-Royal, ce sont en permanence des attroupements qui réclament à tout bout de champ Louis-Philippe pour lui faire chanter La Marseillaise, ou La Parisienne de Casimir Delavigne. Dans les salons du faubourg Saint-Germain, les légitimistes s'amusent du manque de dignité de la nouvelle royauté. Ils composent des pochades où Fipp Ier, roi des épiciers, explique à son fils Grand Poulot que la politique consiste à serrer la main du premier venu. Mais, comme l'a bien compris le chansonnier Béranger, le roi joue un rôle de composition et ne tardera pas à jeter le masque ; pour l'attirer au Palais-Royal, on explique à Béranger qu'on peut s'y rendre sans façon et même y porter des bottes : « Bien, bien, répond-il, des bottes aujourd'hui, et des bas de soie dans quinze jours ! »[4].
Les révolutionnaires se retrouvent au sein de clubs populaires, se réclamant des clubs de la révolution de 1789, dont plusieurs prolongent des sociétés secrètes républicaines, par exemple la Société des amis du peuple, installée au manège Pellier, rue Montmartre. On y réclame des réformes politiques ou sociales, et l'on y demande la condamnation à mort des quatre ministres de Charles X qui ont été arrêtés alors qu'ils cherchaient à quitter la France. Le procès des ministres de Charles X va occuper l'opinion jusqu'à leur condamnation, en , à la détention perpétuelle. Les grèves, les manifestations se multiplient et aggravent le marasme économique.
Pour relancer l'activité, le gouvernement fait voter, à l'automne 1830, un crédit de 5 millions pour financer des travaux publics, prioritairement des routes. « Les routes sont la mort-aux-rats de la guerre civile », dit Louis-Philippe à Guizot, qui a les travaux publics dans son portefeuille[5]. Puis, face à la multiplication des faillites et à la montée du chômage, surtout à Paris, le gouvernement propose d'accorder une garantie de l'État aux prêts aux entreprises en difficulté dans une enveloppe de 60 millions ; en définitive, la Chambre vote au début octobre un crédit de 30 millions destiné à des subventions qui profitent surtout à de gros entrepreneurs dévoués au nouveau régime, comme l'imprimeur Firmin Didot.
Le 27 août, la monarchie de Juillet doit affronter le premier d’une longue liste de scandales avec la mort du dernier prince de Condé, retrouvé pendu à l'espagnolette de la fenêtre de sa chambre au château de Saint-Leu. Louis-Philippe et la reine Marie-Amélie sont accusés sans preuve par les légitimistes de l'avoir fait assassiner pour permettre à leur fils, le duc d'Aumale, institué son légataire universel, de mettre la main sur son immense fortune. L'explication la plus communément admise aujourd'hui est que le prince aurait été victime de jeux sexuels un peu poussés avec sa maîtresse, la baronne de Feuchères.
Le renouvellement du personnel politique et administratif
Dans le même temps, le gouvernement épure l'administration de tous les sympathisants légitimistes qui refusent de prêter serment au nouveau régime et à son souverain et les remplace par un personnel nouveau issu de la révolution de Juillet, donnant le signal d'une vaste « course aux places ». Une comédie-vaudeville, La Foire aux places de Jean-François Bayard, est jouée au théâtre du Vaudeville le ; elle montre le chœur des solliciteurs réunis dans l'antichambre d'un ministre : « Qu'on nous place / Et que justice se fasse. / Qu'on nous place / Tous en masse. / Que les placés / Soient chassés ! »[6]. Au ministère de l'Intérieur, Guizot renouvelle toute l'administration préfectorale et les maires des grandes villes[7]. Ses collègues en font de même[7]. Au ministère de la Justice, Dupont de l'Eure, assisté par son secrétaire général, Mérilhou, change la plupart des procureurs généraux. Dans l'armée, le maréchal de Bourmont qui venait de conclure victorieusement l'expédition d'Alger, resté fidèle à Charles X, est remplacé au commandement de la régence d'Alger par Clauzel. On remplace les généraux commandant les régions militaires, les ambassadeurs, les ministres plénipotentiaires, la moitié des membres du Conseil d'État. À la Chambre des députés, un quart environ des sièges (119) sont soumis à réélection en octobre, après démission, refus de serment ou nomination à une fonction publique entraînant, pour l'intéressé, l'obligation de se représenter devant les électeurs. Ces élections partielles sont un succès pour le nouveau régime et une déroute pour les légitimistes.
L'élément le plus notable dans ce renouvellement du personnel politique et administratif est le retour aux affaires de la partie du personnel du Premier Empire qui en avait été écartée sous la Seconde Restauration. Sociologiquement, en dépit de l'élargissement modéré du suffrage censitaire, les élites ne sont guère renouvelées : après la révolution de juillet, souligne l'historien américain David H. Pinkney, « les propriétaires terriens, la classe des fonctionnaires et les gens des professions libérales continuèrent à prédominer dans les postes clefs de l'État comme ils l'avaient fait sous l'Empire et sous la Restauration. En cela, on peut considérer que la Révolution n'avait pas inauguré un quelconque régime nouveau de « grande bourgeoisie » »[8]. La grande différence entre la Restauration et la Monarchie de Juillet, avance Guy Antonetti, « n'a pas tant résidé dans la substitution d'un groupe social à un autre que dans la substitution, à l'intérieur du même groupe social, des tenants d'une mentalité favorable à l'esprit de 89 aux tenants d'une mentalité qui lui était hostile : socialement semblables, idéologiquement différents. 1830 n'a été qu'un changement d'équipe dans le même camp et non un changement de camp »[9].
L’installation symbolique du nouveau régime
Le 29 août, Louis-Philippe passe en revue la Garde nationale de Paris qui l'acclame. « Cela vaut mieux pour moi que le sacre de Reims ! », s'écrie-t-il en embrassant La Fayette. Le 11 octobre, le nouveau régime décide que des récompenses seront accordées à tous les blessés des « Trois Glorieuses » et crée une médaille commémorative pour les combattants de la révolution de Juillet. En octobre, le gouvernement présente un projet de loi destiné à indemniser à concurrence de 7 millions les victimes des journées de juillet (500 orphelins, 500 veuves, 3 850 blessés).
Le 13 août, le roi a décidé que les armes de la maison d'Orléans (de France au lambel d'argent) orneront désormais le sceau de l'État. Les ministres perdent les appellations de Monseigneur et la qualification d’Excellence pour devenir Monsieur le ministre. Le fils aîné du roi est titré duc d'Orléans et prince royal ; les filles et la sœur du roi sont princesses d'Orléans, et non filles de France.
Sont adoptées et promulguées des lois revenant sur des mesures impopulaires prises sous la Restauration. La loi d'amnistie de 1816, qui avait condamné à la proscription les anciens régicides ayant voté la mort de Louis XVI en 1793, est abrogée, à l'exception de son article 4, qui condamne au bannissement les membres de la famille Bonaparte. L'église Sainte-Geneviève est de nouveau retirée au culte catholique le 15 août et retrouve, sous le nom de Panthéon, sa vocation de temple laïc dédié aux gloires de la France. Le 11 octobre, la « loi du sacrilège » de 1825, qui punissait de mort les profanateurs d'hosties consacrées, est abrogée. Ce texte hautement symbolique n'avait d'ailleurs jamais été appliqué.
Une série de restrictions budgétaires frappe l’Église catholique : suppression des 8 000 demi-bourses de 150 francs qui avaient été accordées aux écoles secondaires catholiques (30 septembre), suppression des indemnités versées aux prêtres auxiliaires (13 octobre), suppression des traitements des cardinaux résidentiels (Croÿ, archevêque de Rouen ; Latil, archevêque de Reims ; d'Isoard, archevêque d'Auch ; Rohan-Chabot, archevêque de Besançon), considérés comme dignitaires d'un État étranger (21 octobre), suppression du secours annuel de 5 000 francs accordé depuis 1817 à la Congrégation des pères du Saint-Esprit (27 octobre).
La résistance et le mouvement
Dans l'opinion et à la Chambre des députés, des voix s'élèvent pour demander la fermeture des clubs républicains, foyers d'agitation qui contreviennent à l'article 291 du code pénal, interdisant toute réunion de plus de 20 personnes. Le 25 août, des habitants du quartier commerçant de la rue Montmartre envahissent la salle de la Société des amis du peuple et en dispersent de force les membres. Mais le garde des sceaux, Dupont de l'Eure, et le procureur général de Paris, Bernard, tous deux républicains, refusent de poursuivre les associations révolutionnaires.
Le 25 septembre, répondant à une interpellation à la Chambre sur ce sujet, le ministre de l'Intérieur, Guizot, exprime en revanche la volonté de mettre un terme à l'agitation : « Messieurs, dit Guizot, nous avons fait une révolution, une heureuse, une glorieuse révolution ; mais nous n'avons pas prétendu mettre la France en état révolutionnaire, la maintenir dans le trouble qui accompagne une telle situation ». Il définit l’« état révolutionnaire » : « Toutes les choses sont mises en question ; toutes les prétentions sont indéfinies ; des appels continuels sont faits à la force, à la violence. […] Eh bien ! Messieurs, nous aimons le progrès, nous désirons le mouvement progressif, […] mais le désordre n'est pas le mouvement, le trouble n'est pas le progrès, l'état révolutionnaire n'est pas l'état ascendant de la société »[10]. Le discours, appuyé par celui de Casimir Perier, est bien accueilli à la Chambre, mais celle-ci ne parvient pas à conclure. C'est l'apparition d'un clivage entre deux tendances politiques antagonistes, qui vont structurer la vie politique sous la monarchie de Juillet :
- le parti du mouvement (soutenu par le journal Le National), réformiste et favorable à une politique d'aide aux nationalités ;
- le parti de la résistance (soutenu par le Journal des débats), conservateur et favorable à la paix avec l'Europe.
Le procès des quatre ex-ministres de Charles X arrêtés en août 1830 alors qu'ils tentaient de fuir à l'étranger — Polignac, Chantelauze, Peyronnet et Guernon-Ranville — est la grande affaire politique de l'heure. La gauche exige la tête des ministres, mais Louis-Philippe veut éviter une exécution dont il craint qu'elle ne donne le signal d'une vague de Terreur révolutionnaire qui, emportant la monarchie de Juillet dans une spirale de violence, la conduirait à la guerre avec les puissances européennes. Aussi la Chambre des députés, tout en votant le 27 septembre une résolution de mise en accusation des anciens ministres, adopte le 8 octobre une adresse invitant le roi à présenter un projet abolissant la peine de mort, au moins en matière politique. Cet épisode déclenche une émeute les 17 et 18 octobre : les manifestants marchent sur le fort de Vincennes, où sont détenus les ministres.
Après ces émeutes, Guizot demande la révocation du préfet de la Seine, Odilon Barrot, qui, dans une proclamation aux Parisiens, a qualifié d’« inopportune démarche » l'adresse demandant l'abolition de la peine de mort. Guizot, appuyé par le duc de Broglie, estime qu'un haut fonctionnaire ne saurait critiquer un acte de la Chambre des députés, surtout que celui-ci a été approuvé par le roi et par son gouvernement. Dupont de l'Eure prend le parti de Barrot et menace de démissionner s'il est désavoué. Face à ces désaccords, Jacques Laffitte, principale figure du mouvement, s'offre alors pour coordonner les ministres avec le titre de « président du Conseil ». Aussitôt, Broglie et Guizot, refusant de passer sous la coupe de Laffitte, démissionnent, suivis par Perier, André Dupin, Louis-Mathieu Molé et Joseph-Dominique Louis. Louis-Philippe prend Laffitte au mot et l'appelle à former un nouveau gouvernement le [11].
Le ministère Laffitte
« Si le chef doit être M. Laffitte, confie Louis-Philippe au duc de Broglie, j'y consens pourvu qu'il soit lui-même chargé de choisir ses collègues, et je préviens d'avance que, ne partageant pas son opinion, je ne saurais lui promettre de lui prêter secours »[12]. On ne saurait être plus clair ; pourtant, la formation du cabinet donne lieu à de longues tractations et Laffitte, trompé par les marques d'amitié que lui prodigue le roi, croit que ce dernier lui accorde une véritable confiance.
Le procès des ex-ministres de Charles X se déroule du 15 au 21 décembre devant la Chambre des pairs, cernée par l'émeute qui réclame leur mort. Condamnés à la détention perpétuelle, assortie de la mort civile pour Polignac, les ministres échappent au lynchage grâce à la présence d'esprit du ministre de l'Intérieur, Montalivet, qui parvient à les mettre en sécurité au fort de Vincennes. La Garde nationale maintient le calme dans Paris, affirmant son rôle essentiel de milice bourgeoise du nouveau régime.
L'idéal du juste milieu
Le , la ville de Gaillac envoie à Louis-Philippe une lettre ouverte, déclarant s'en remettre au gouvernement du roi « du soin d’assurer le développement des conquêtes de juillet ». Louis-Philippe répond qu’il faut « éviter tout ce qui pourrait provoquer la guerre » et qu’ainsi « la France pourra jouir en paix des avantages qu’elle a si glorieusement conquis », mais il ajoute : « Toutefois, il faut s’entendre sur ces avantages. Il ne faut pas croire qu’ils consistent dans une extension de toutes les libertés, au-delà des bornes que l'ordre public et l’esprit de nos institutions ont posées. Sans doute la révolution doit porter ses fruits, mais cette expression n’est que trop souvent employée dans un sens qui ne répond ni à l’esprit national, ni aux besoins du siècle, ni au maintien de l’ordre public. C’est pourtant cela qui doit tracer notre marche. Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal. » La formule enchanta les caricaturistes et les humoristes et finit par s’identifier complètement au régime. Cet idéal du juste milieu est précisé par Louis-Philippe en septembre 1833, en réponse à un discours du président du tribunal de commerce de Bernay ; après avoir condamné aussi bien « un passé contraire à la dignité de l’homme et à l’esprit éclairé du siècle » (la monarchie absolue) que « les théories politiques peu compatibles avec nos mœurs et dont nos souvenirs se rappellent encore la malheureuse application » (la république révolutionnaire), le roi indique : « Notre révolution de 1830 a eu pour but la défense de l’ordre légal, et de même qu’elle a triomphé de la violation des lois, de même elle a réduit à l’impuissance ceux qui voulaient nous attirer dans les voies de l’anarchie et du désordre »[13].
La mise en œuvre de réformes promises par la Charte révisée
En manifestant l'importance de la Garde nationale, seule force sur laquelle le gouvernement puisse alors compter pour assurer l'ordre public, cet épisode démontre également le risque qu'il y avait à la laisser aux mains du peu fiable La Fayette. Celui-ci est rapidement poussé à la démission à la faveur d'une réorganisation, ce qui entraîne le départ du gouvernement du garde des sceaux, Dupont de l'Eure. D'autre part, pour éviter de dépendre d'une seule force, Louis-Philippe charge le maréchal Soult, nommé ministre de la Guerre depuis le 17 novembre, de réorganiser sans tarder l'armée de ligne. Celui-ci présente à la Chambre, dès le mois de février 1831, son plan visant à accroître les effectifs de l'armée, à résorber le surencadrement et à assurer l'approvisionnement en armes et en munitions, et fait adopter la loi du créant la Légion étrangère, première d'un important train de réformes militaires. Suivent les lois du sur les pensions militaires, des 21 mars et sur le recrutement de l'armée et sur l'avancement, et du sur l'état des officiers.
Dans le même temps, le gouvernement met en œuvre un certain nombre de réformes réclamées par le parti du mouvement et qui avaient été inscrites à l'article 69 de la Charte révisée : la loi du sur les conseils municipaux rétablit le principe de l'élection et élargit sensiblement la base électorale, avec 2 à 3 millions d'électeurs sur 32,6 millions d'habitants, soit dix fois plus que pour les élections législatives ; la loi du organise la Garde nationale. La loi électorale qui abaisse le cens de l'électorat de 300 à 200 francs de contributions directes et le cens d'éligibilité de 1 000 à 500 francs, engagée le 22 février par Laffitte devant le parlement, ne sera votée qu'après sa chute, le , après deux mois de débat : le nombre d'électeurs passe de moins de 100 000 à 166 000. Un Français sur 170 participe à la vie politique par le biais des élections.
Les émeutes des 14 et 15 février 1831
Les émeutes qui ont lieu à Paris les 14 et vont provoquer la chute du ministère. Elles trouvent leur origine dans la célébration, le 14, d'un service funèbre organisé à Saint-Germain-l'Auxerrois par les légitimistes en mémoire du duc de Berry. La cérémonie religieuse prend en réalité un tour nettement plus politique, celui d'une manifestation en faveur du « comte de Chambord ». Les révolutionnaires y voient une provocation intolérable, envahissent l'église et la mettent à sac. Le lendemain, la foule saccage une nouvelle fois l'archevêché, déjà dévasté lors des « Trois Glorieuses », avant de piller plusieurs églises. Le mouvement s'étend à la province où des séminaires et des palais épiscopaux sont pillés dans plusieurs villes.
Le gouvernement s'abstient de réagir énergiquement. Le préfet de la Seine, Odilon Barrot, le préfet de police, Jean-Jacques Baude, le commandant de la Garde nationale de Paris, le général Mouton, restent passifs. Cette passivité indigne Guizot, mais aussi des républicains comme Armand Carrel qui écrit dans Le National du 16 février : « C'est au peuple qu'on rend compte des arrestations carlistes. Pour calmer l'émeute, on s'humilie devant elle ; on lui jure qu'on est gouverné par elle, qu'on obéit à ses inspirations »[14]. Et quand le gouvernement prend enfin des mesures, c'est pour faire arrêter l'archevêque de Paris, Mgr de Quélen, le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, et d'autres prêtres accusés, avec quelques notables royalistes, de s'être livrés à des provocations[réf. nécessaire].
Pour calmer les esprits, Laffitte, appuyé par le prince royal, propose au roi une étrange parade : supprimer les fleurs de lys sur le sceau de l'État. Louis-Philippe tente de se dérober, mais il finit par signer l'ordonnance du qui substitue aux armes de la maison d'Orléans un écu portant un livre ouvert avec les mots Charte de 1830. Il faut ensuite faire gratter les fleurs de lys sur les carrosses du roi, sur les bâtiments officiels, etc. Louis-Philippe s'est fait violence, mais pour Laffitte, c'est une victoire à la Pyrrhus : de ce jour, le roi est résolu à se débarrasser de lui sans plus attendre.[réf. nécessaire]
La montée de l'agitation condamne au demeurant d'elle-même la politique de laissez-faire du parti du mouvement. À la Chambre, le 19 février, Guizot s'indigne : « On a vu des gouvernements despotiques populaires, quand ils sont habiles, forts, quand ils savent rallier la majorité des intérêts nationaux et se placer dans le mouvement national. Dans les pays libres, le meilleur gouvernement n'est jamais populaire ; il a toujours contre lui des espérances, des mécomptes, des illusions déçues. Il trouve toujours dans la portion de la société la plus remuante […] de quoi le faire paraître impopulaire, même au moment où il est le plus utile. […] Je crois fermement que nous sommes dans la mauvaise direction ; que l'ordre et la liberté chez nous sont en péril et non en progrès. […] J'en étais convaincu il y a trois mois, lorsque, avec mes honorables amis, nous sortîmes du ministère. D'autres hommes, honorables comme nous, sincères comme nous, comme nous dévoués au prince et au pays, en ont jugé autrement. […] Je ne leur demande pas ce qu'ils en pensent aujourd'hui. […] Pour mon compte, je ne crois pas qu'il soit possible de rester dans cette position »[15]. Guizot, vivement approuvé par tous les députés du centre, met Laffitte au défi de dissoudre la Chambre et de se présenter devant les électeurs. Le président du Conseil relève le gant, mais le roi, à qui appartient seul la prérogative de dissolution, préfère temporiser encore quelques jours. En attendant, à la demande de Montalivet, Barrot est remplacé par Taillepied de Bondy à la préfecture de la Seine, tandis que Vivien de Goubert succède à Baude à la préfecture de police.
La chute de Laffitte
Le désordre est permanent dans les rues de Paris. Tout est prétexte à incidents et manifestations. Qui plus est, la situation économique est morose : la rente française à 5 %, qui était au-dessus du pair avant les Trois Glorieuses, est tombée à 94 le , puis à 82 le 12 mars[16]. Le projet de budget pour 1831 présenté par Laffitte présente un déficit réel de 200 millions sur un total de 1 160 millions : le budget « ordinaire » est en équilibre à 960 millions mais s'y ajoutent 200 millions de dépenses extraordinaires non financées.
Enfin décidé à pousser Laffitte à la démission, Louis-Philippe use d'un stratagème. Il se fait remettre par le ministre des Affaires étrangères, Sébastiani, une note du maréchal Maison, ambassadeur de France à Vienne, arrivée à Paris le 4 mars, qui annonce l'imminence d'une intervention militaire autrichienne en Italie. Laffitte apprend l'existence de cette note dans Le Moniteur du 8 mars. Il demande aussitôt des explications à Sébastiani qui doit lui avouer qu'il a agi sur ordre du roi. Laffitte se précipite auprès de Louis-Philippe, qui le reçoit aimablement. Cherchant à amener le roi à se découvrir, Laffitte lui rappelle le programme belliqueux qu'il a développé à la Chambre. Louis-Philippe l'invite à soumettre la question au Conseil des ministres qui, réuni le lendemain, désavoue unanimement Laffitte. La plupart des ministres ont déjà négocié leur maintien dans la nouvelle équipe. Rencontrant La Fayette peu après sa chute, Laffitte se serait entendu dire par celui-ci : « Convenez que vous avez été un grand niais ! – J'en conviens : moi Niais Premier, vous Niais Second, et par ce moyen justice est rendue à tout le monde ! »[17]. Celui-ci n'a plus qu'à démissionner.