Parti national-socialiste des travailleurs allemands
parti politique allemand d'extrême droite, actif entre 1920 et 1945 et dirigé par Adolf Hitler / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (en allemand : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, d'où le sigle NSDAP)[4], souvent nommé simplement « parti national-socialiste » ou « parti nazi », est un ancien parti politique allemand d'extrême droite, nationaliste et antisémite, rattaché à la famille politique du fascisme[5].
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Parti national-socialiste des travailleurs allemands Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei | ||||||||
Logotype officiel. | ||||||||
Présentation | ||||||||
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Führer | Adolf Hitler ( - ) puis ( - ) | |||||||
Fondation | ||||||||
Disparition | ||||||||
Siège | Maison brune, Munich, (Allemagne)[1] | |||||||
Président | Anton Drexler ( - )[2] Alfred Rosenberg ( - ) |
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Ministre du parti | Martin Bormann ( - ) | |||||||
Organe officiel | Völkischer Beobachter | |||||||
Organisation étudiante | Nationalsozialistischer Deutscher Studentenbund | |||||||
Organisation de jeunesse | • Garçons : Jeunesses hitlériennes • Filles : Bund Deutscher Mädel |
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Organisation féminine | Frauenschaft | |||||||
Organisation sportive | Fédération nationale-socialiste pour l'éducation physique | |||||||
Organisations paramilitaires | SA (créée en 1921) SS (créée en 1925) Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps Nationalsozialistisches Fliegerkorps |
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Organisation du travail | Deutsche Arbeitsfront | |||||||
Positionnement | Extrême droite | |||||||
Idéologie | Nazisme | |||||||
Adhérents | Moins de 60 (1920) 8,5 millions (1945)[3] |
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Couleurs | Noir, blanc, rouge (officiellement, couleurs impériales allemandes)[alpha 1] Brun (usuellement) |
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Son nom peut également être traduit Parti national-socialiste ouvrier allemand[6] ou Parti ouvrier allemand national-socialiste[7],[alpha 2]. Le terme « nazi » (abréviation de nationalsozialistisch) est utilisé pour désigner les membres de ce parti ou les partisans de l'idéologie national-socialiste ou « nazisme ».
Fondé en 1920, au début de la république de Weimar, le NSDAP parvient au pouvoir le lorsque son chef, Adolf Hitler, est nommé chancelier du Reich par le président Hindenburg. Il est la seule force politique autorisée dans le Troisième Reich de à la défaite de 1945. Le rôle du parti nazi, auquel beaucoup de fonctionnaires sont tenus d’adhérer, est renforcé par ses organisations spécialisées (Jeunesses hitlériennes, Front du travail, etc.), et surtout par la SS, même si celle-ci n'est pas au sens propre une organisation du parti. Créée en 1925 comme garde personnelle de Hitler, elle devient progressivement, à compter de l’arrivée au pouvoir de Hitler en , un État dans l'État.
À la capitulation de l'Allemagne le , le parti nazi est déclaré illégal et ses dirigeants sont arrêtés, puis jugés au procès de Nuremberg. Le parti y est condamné en tant que personne morale et reconnu comme une organisation criminelle. Les vainqueurs lancent ensuite un processus de dénazification de la société allemande.
Le NSDAP, à l'époque un « groupuscule extrémiste de droite »[8], est apparu en 1920 à Munich. Il est le successeur de l'éphémère DAP (Parti ouvrier allemand) fondé en 1919, très probablement à l'instigation[alpha 3] d'une société occulte munichoise, la société Thulé, dont le but est de protéger des Juifs et des francs-maçons le « sang aryen ». Celle-ci inspire l'usage de symboles comme les runes et la croix gammée et attire des hommes comme Alfred Rosenberg, Hans Frank, Dietrich Eckart et même le moine défroqué Bernhard Stempfle[alpha 4]. Thulé compte une centaine de membres, pour la plupart issus de la bonne société munichoise[10]. La société financera modestement[alpha 5] le jeune Parti ouvrier allemand.
Création
Le , Anton Drexler, serrurier dans un atelier de réparation des Chemins de fer bavarois[12],[13], ainsi que le journaliste sportif Karl Harrer du München-Augsburger Abendzeitung[14],[15], fondent le Parti ouvrier allemand (DAP, pour « Deutsche Arbeiterpartei ») au sein du Cercle politique ouvrier (« Politischer Arbeiterzirkel ») qu'ils avaient eux-mêmes fondé quelques mois auparavant. Dirigé par Harrer, le parti compte à sa création une bonne vingtaine de membres[16]. D'orientation pangermaniste, il se réclame d'un « socialisme germanique » mal défini mais conçu d'emblée comme opposé au marxisme[17]. Parmi les autres membres ayant participé à la création du DAP, on trouve aussi Dietrich Eckart et Gottfried Feder, membres ou associés de la société Thulé[alpha 6],[19]. Le DAP est l'un des nombreux mouvements völkisch[10] à la fois nationalistes, antisémites, anticommunistes et anticapitalistes qui émergent en Allemagne après la défaite du pays à la fin de la Première Guerre mondiale et cherchent à se rallier la classe ouvrière[17]. Il recrute parmi les couches moyennes inférieures. On y prêche la lutte contre la finance internationale et « l'esclavage de l'intérêt ».
Adhésion d'Adolf Hitler au DAP
En , la Bavière sort à peine d'une période révolutionnaire mouvementée, marquée par l'éphémère existence d'une république des conseils et par l'impitoyable répression qui suivit sa chute. Le capitaine Karl Mayr, chef de la propagande du service d'information de la Reichswehr, charge le caporal Hitler et l'adjudant Alois Grillmeier d'une mission de propagande[20] au sein du DAP. Le , Hitler se rend à une réunion du parti en compagnie de l'adjudant Alois Grillmeier ainsi que six autres anciens agents de propagande[21],[22] placés sous les ordres de Karl Mayer. Ce dernier était également attendu à cette réunion, comme l'atteste une note sur la liste de présence[21]. À la fin de cette réunion, Hitler prend la parole à l'improviste pour fustiger la proposition d'un intervenant, favorable à une sécession de la Bavière[23]. Remarqué par Drexler, il adhère au DAP (Deutsche Arbeiterpartei : le Parti ouvrier allemand), probablement aussi sur ordre de ses supérieurs. Une demande d'adhésion de Hitler au Parti socialiste-allemand (« Deutschsozialistische Partei »), autre parti d'extrême droite, avait été rejetée cette même année[24]. Contrairement à ce qu'il prétendra par la suite, Adolf Hitler n'est pas le 7e membre du parti. La carte de membre de Hitler portait le numéro 555[alpha 7] et les premiers numéros ne furent pas attribués dans l'ordre d'arrivée des membres mais, aux alentours vers fin 1919 - début 1920, en suivant l'ordre alphabétique des membres du moment. Ce n'est qu'à partir de la carte no 714 (du ) que les numéros suivent l'ordre chronologique[25]. La seule chose certaine est que Hitler faisait partie des quelque deux cents premiers membres qui rejoignirent le parti avant la fin de l'année 1919[26].
Adolf Hitler, orateur du DAP
Hitler devient vite l'orateur principal du groupuscule. Il a lu la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Il en tire la conclusion que, pour s'adresser aux masses, il ne faut pas argumenter mais séduire et frapper les esprits. Il se distingue par ses discours passionnés, par son refus des discussions et sa répétition des mêmes thèmes[27].
La structure et les thèmes de ses discours ne variaient quasiment jamais[28] : il commençait le plus souvent par comparer la situation de l'Allemagne avant la guerre et sa situation présente, moins réjouissante et dépeinte aussi théâtralement que possible. Il s'attardait ensuite longuement sur les causes de la guerre (dont il attribuait l'origine aux Alliés), la défaite et la révolution, sur l'injustice du traité de Versailles et l'impuissance du gouvernement face aux vexations des vainqueurs de la guerre. Selon Hitler, les « responsables » de tout cela étaient avant tout les Juifs. Inspiré par Feder et sa critique du « capital financier », Hitler s'enflammait alors contre le « grand capital juif international », qui dirigeait la politique de guerre des Alliés, ainsi que contre les « trafiquants » et les « usuriers » juifs qui étaient largement responsables de la misère économique, divisaient la patrie et la faisaient tomber de plus en plus bas. Hitler distinguait ensuite systématiquement les différences insurmontables entre l'Allemagne et les puissances occidentales dominées par « les Juifs ». Si la France était « l'ennemi historique », à cette époque, la Grande-Bretagne représentait à ses yeux « l'adversaire absolu ». D'où l'idée de chercher à coopérer avec la Russie, mais il fallait que ce soit une Russie libérée du « bolchévisme juif » : « notre salut ne vient jamais de l'Ouest. Nous devons chercher à nous rapprocher de la Russie nationale, antisémite. Pas du soviétisme. » Ce motif est présent dans ses discours jusqu’au printemps 1922, probablement sous l'influence du cercle d’immigrants allemands originaires des pays baltes réuni autour d'Alfred Rosenberg et de Max Erwin von Scheubner-Richter, fortement représenté à Munich[29].
Jusqu'en automne 1919, le parti végète et l'auditoire de ses conférences est clairsemé ; les talents oratoires de Hitler attirent l'intérêt d'un public d'une tout autre ampleur. Ainsi, lors de la proclamation du Programme en 25 points du , l'assemblée réunit près de deux mille personnes.[réf. nécessaire]
Adolf Hitler, chef de la propagande du NSDAP
En 1920, Adolf Hitler, chef de propagande du NSDAP, dessine le drapeau du parti (fond rouge, cercle blanc, svastika noir). Dans Mein Kampf, il détaille cet épisode, et notamment son choix du rouge et du noir, couleurs de l'Empire allemand, mais aussi pour ne pas laisser le monopole du rouge au communisme. Il compose aussi les premières affiches du parti[30].
Le , Hitler fait approuver le programme du parti par l'assistance. Le Programme en 25 points, qu'il a rédigé avec Drexler, entend modifier les bases économiques, politiques et sociales de l'Allemagne. Proche du programme du Deutschsozialistische Partei (DSP) publié en 1919, il reprend les idées Völkisch de l'époque en proposant de « réunir tous les Allemands » dans une « Grande Allemagne », d'abroger le traité de Versailles et de Saint-Germain et d'obtenir des colonies. Le programme prône l'interdiction de la nationalité allemande aux Juifs car ils n'étaient pas de « sang allemand » et n'étaient ainsi pas des Volksgenosse (« concitoyens »). Dans un premier temps, l'antisémitisme du programme est dilué dans une xénophobie généralisée à l'encontre des « non-Allemands »[31] : ce sont des « hôtes » selon la législation sur les étrangers et ils ne doivent pas avoir le droit d'occuper une fonction publique ou d'occuper le poste de journaliste. En cas de pénurie alimentaire, ils doivent être expulsés et tous les non-Allemands qui ont immigré depuis le début de la guerre doivent être forcés à quitter le Reich. En chassant les juifs, en démantelant les grands magasins au profit des petits commerçants, en supprimant « l'esclavage des intérêts », en demandant la « suppression du revenu du non travail et de la paresse » et la « confiscation de tous les butins de guerre », en germanisant le droit public, les nazis désignent ainsi des « ennemis » responsables de tous les maux dont souffre le pays. Le programme prévoit aussi de contrôler l'enseignement, lutter contre l'esprit critique et instaurer un pouvoir central fort. Ce programme vise les couches populaires, mais en fait Hitler ne s'intéresse qu'à la partie nationaliste et antisémite[32]. D'un point de vue économique, le programme exige la participation au profit des grandes entreprises, la « municipalisation des grands entrepôts » et leur location à de petits artisans et commerçants, l'arrêt de la « spéculation sur les terres », la peine de mort pour « les auteurs de crimes contre le peuple, les usuriers, les trafiquants, etc. » mais aussi, par exemple, la hausse des pensions pour les personnes âgées. Cela dit, l'économie n'était, semble-t-il, à cette époque, qu'« une chose d'importance secondaire » pour Hitler[33].
Le restera de fait dans les annales du parti comme le jour où le NSDAP fut fondé. Il se proclame « socialiste » mais est violemment anti-marxiste et anti-communiste[34]. L'adhésion proclamée du parti au socialisme est destinée à récupérer l'agitation qui secoue le monde ouvrier depuis la révolution russe en 1917. Le NSDAP reste cependant fondamentalement antisocialiste : « Il y a un discours ouvriériste mais qui reste au stade du discours: quand il s'agit de prendre position dans les conflits sociaux, le parti nazi sera toujours du côté de la répression », note l'historien Johann Chapoutot[35]. Hitler quitte l'armée en . La première section locale non munichoise fut fondée en à Rosenheim, suivie par d'autres à Stuttgart, Dortmund, Starnberg, Tegernsee, Landsberg et Landshut la même année[36]. Entre le mois de janvier et la fin de l'année 1920, le nombre d'adhésions au parti passa de 200 à plus de 2 100[37].
Adolf Hitler prend la tête du NSDAP
En 1921, une épreuve de force s'engage entre le comité du parti, qui veut fusionner avec d'autres partis d'extrême droite, et Hitler, qui ne veut pas d'une fusion sur des bases programmatiques. Hitler sort vainqueur de la confrontation et obtient le pouvoir de nommer seul un comité d'action de trois personnes pour épurer le parti. Il en profite pour évincer Anton Drexler et prend la tête du mouvement. Il s'entoure de quelques fidèles comme Ernst Röhm, Dietrich Eckart, Alfred Rosenberg. Il le réorganise totalement pour en faire un parti de masse, recrutant des cadres, rachetant un journal, le Völkischer Beobachter (grâce à des fonds de l’armée fournis par l'officier Franz von Epp[38]), créant des groupes en dehors de Munich, formant une véritable milice chargée d'assurer l'ordre dans les rassemblements politiques et dans la rue, la Sturmabteilung (« sections d'assaut ») ou SA, dirigée par Ernst Röhm. En 1922, le vocable Führer (« guide ») devient la règle pour désigner Hitler[39]. À cette époque déjà, les manifestations du NSDAP se distinguent par leur violence. Le parti se dote de ses grands symboles : le drapeau rouge déployé lors des défilés, la croix gammée, symbole du renouveau aryen combinée aux couleurs de l'Allemagne impériale : noir, blanc, rouge. En application de leur idéologie officielle, les SA brutalisent leurs adversaires politiques dans la rue[40]. Les 14 et , quatre cents SA dirigés par Hitler lui-même parviennent à faire reculer une manifestation du SPD[41]. Cet épisode confère une aura de supériorité au NSDAP.
Composition du NSDAP dans les premières années
Les membres du parti sont plutôt jeunes (32 ans en moyenne), ont tous un passé dans les organisations völkisch[42]. D'un point de vue sociologique, le parti est composé d'un tiers d'artisans et d'ouvriers qualifiés, de 14,5 % de fonctionnaires et d'employés, de la même proportion de membres des professions libérales, de 13 % de soldats ou d'anciens soldats, de 7 % d'étudiants, de 4 % de boutiquiers et de 2,5 % d'ouvriers non qualifiés[43]. Mais c'est surtout une alliance entre les activistes de la SA et de la bourgeoisie moyenne qui fournit au parti naissant, et à Hitler, leurs premières troupes, malgré les nombreuses divergences qui existent entre ces deux groupes, les premiers souhaitant tout détruire sur leur passage, les seconds aspirant à une réintégration au sein de la société bourgeoise[44]. Cette alliance n'est possible qu'en raison d'une haine commune à l'égard des Juifs et des Prussiens et de la présence de Hitler qui est proche des deux groupes à la fois : il appartient au premier par son passé dans l'armée et les positions développées avant 1923, tout en étant en mesure de se rapprocher du second, surtout à partir de l'échec du putsch de 1923[44].
En 1923, un an après l'assassinat de l'ancien ministre Walther Rathenau par un extrémiste antisémite membre d'un groupe clandestin, le NSDAP compte 55 000 membres et les SA 30 000 hommes[45]. La violence politique est dès le départ une marque de fabrique du parti. Les militants du NSDAP n'hésitant pas à « faire le coup de poing » et à commettre des meurtres (le journaliste Hugo Bettauer, comme tant d'autres, est assassiné en 1925, à Vienne, par un membre du NSDAP).
En , à la suite de l'occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges et de l'effondrement du mark, Adolf Hitler profite de l'émoi des Allemands et tente de renverser le gouvernement de Bavière le . Les militants du NSDAP font irruption dans une grande brasserie où 3 000 responsables, bourgeois et membres des professions libérales sont réunis pour écouter les trois principaux dirigeants du Land. Hitler, revolver au poing, entraîne les dirigeants bavarois dans une arrière-salle et leur intime l'ordre de lui céder le pouvoir[46]. Après la fuite des hommes politiques, la police met fin au putsch de la Brasserie dans le sang. Dès le lendemain, le NSDAP est interdit. Hitler est jugé puis condamné à cinq ans de prison et incarcéré durant treize mois. La propagande du Troisième Reich fera plus tard de ce jour un événement historique. Le deviendra le jour anniversaire du parti.
Refonte du programme politique
Alors qu'il est emprisonné, Hitler tire la conclusion que c'est par le jeu politique qu'il parviendra à prendre le pouvoir[47]. Il profite de son emprisonnement pour rédiger la première partie de Mein Kampf, à la fois autobiographie et ouvrage de théorie politique. Il bénéficie d'une libération anticipée le .
Le , paraît le premier volume de Mein Kampf (« Mon combat »). Le second sort le . À sa parution, le livre ne connaît qu'un succès modeste : jusqu'en 1929, seuls 23 000 exemplaires du premier volume et 13 000 du second sont vendus. Après 1930, le tirage augmente fortement : jusqu'en 1935, il s'en vend 1,5 million exemplaires. À partir de 1936, il devient le cadeau de mariage de l'État aux couples allemands. On estime son tirage à près de 10 millions d'exemplaires jusqu'en 1945, auxquels s'ajoutent les traductions, autorisées ou non, en seize langues étrangères. Cependant Mein Kampf reste peu lu par les Allemands[48]. Hitler y expose d'une façon très crue et très directe une conception du monde fondée sur la lutte des races, sa vision du monde, Weltanschauung, fondée sur la conquête du Lebensraum (l'« espace vital ») de la nation allemande aux dépens des Slaves, l'idéal pangermaniste, l'antisémitisme et l'antichristianisme[49]. Il annonce aux Allemands « une paix garantie par l'épée victorieuse d'un peuple de maîtres qui mettra le monde entier au service d'une civilisation supérieure ». Mais Hitler sait laisser de côté ses idées les plus violentes pour se consacrer à son premier objectif, la conquête du pouvoir par les voies légales. De ce fait, ses propos, lors des réunions publiques, ressemblent à ce que pense l'Allemand moyen, la passion et la conviction en plus[50].
Dans le même temps, le programme de 1920, déclaré inviolable, est progressivement mis de côté, à la fois par Hitler qui ne souhaite pas se lier les mains par un programme trop précis[51] et par le parti, lorsque des propositions de lois sont votées dans les parlements, le Reichstag ou les chambres des États fédérés[52]. De plus, l'organisation de groupes d'adhérents par professions ou catégories sociales contribue à brouiller le message politique du parti, à masquer l'absence de programme politique précis pour le Reich dans son ensemble derrière la formule de défense du Reich, un certain nombre de distinctions symboliques entre les militants et l'usage de formules destinées à renforcer le sentiment de camaraderie au sein de la communauté du parti[53].
Division
Alors que Hitler est emprisonné, le parti éclate en deux tendances, la NS-Freiheitsbewegung dans le Nord de l'Allemagne dirigé par Gregor Strasser et Erich Ludendorff, la Grossdeutsche Volksgemeinschaft dans le Sud, dirigée par Hermann Esser et Julius Streicher. Chacune de ces tendances renvoie en réalité à un recrutement spécifique dans le Reich : la tendance regroupée autour de Strasser, Goebbels et Muchow (en), est urbaine, socialisante, révolutionnaire, tentée par une alliance avec le KPD, alors que la tendance regroupée autour d’Esser et Streicher est populiste, raciste, rurale et opposée aux évolutions de la société industrielle[42]. En 1925, le débat sur l'expropriation des familles princières menace de faire éclater le parti : en effet, malgré la présence de Feder, les dirigeants du nord du Reich, Strasser, Goebbels, Kaufmann, Hildebrandt, Koch, Kerrl et Rust sont favorables à l'expropriation[54].
Le , Hitler refonde le NSDAP, mais il doit lutter contre l'aile gauche des frères Strasser qui se sont efforcés de noyauter la SA dirigée par Röhm.
Pour se protéger, il s'entoure d'une garde rapprochée de fidèles, la SS (Schutzstaffel, « escadron de protection »). Elle est à cette époque soumise à la SA dont elle forme l'élite.
L'élection présidentielle de 1925, pour la première fois au suffrage universel direct, ne permet pas à Adolf Hitler encore sous interdit judiciaire et n'ayant pas la nationalité allemande, de se présenter. Le NSDAP propose la candidature d'Erich Ludendorff, qui ne recueille au premier tour que 1,1 % des voix et se discrédite complètement.
Remise en ordre de bataille
Hitler s'efforce de réorganiser le NSDAP de manière à contrôler tout ce qui se passe dans le parti. Cette réorganisation se manifeste de plusieurs manières : refonte des circonscriptions du parti, reprise en main de l'appareil, grande souplesse de l'appareil et création de structures pour chaque électorat potentiel et mise en place d'un cérémonial axé sur le culte au Führer.
Il installe des gauleiters dans chaque division administrative du parti, le Gau lui-même divisé en districts, les Kreise. Cette organisation est basée sur les circonscriptions électorales du Reich. Au sommet, il existe deux organismes : les PO I (organisation politique no 1) et le PO II (organisation politique no 2). Elles ont comme mission de séparer le pouvoir en place et de former un « gouvernement fantôme » avec des sections correspondant aux différents ministères[55]. Le parti comporte alors 27 000 membres divisés en 607 groupements locaux dont la moitié en Bavière.
La reprise en main de l'appareil du parti se fait selon deux axes : l'élimination des concurrents potentiels et la création d'un entourage personnellement lié au Führer et exerçant les responsabilités au sein du parti. Les deux concurrents les plus importants du groupe de Munich, qui entoure Hitler, sont Gregor et Otto Strasser. Organisateurs, ils font progresser les effectifs dans les régions industrielles du Nord-Ouest, défendant l'idée que le nazisme constitue la voie allemande du socialisme[56]. Ils professent un nationalisme anticapitaliste que partage aussi Joseph Goebbels qui les soutient à l'époque. Mais, en , lors de la tentative de réconciliation sous les auspices de Streicher, dans son fief de Bamberg, les nazis du Nord du Reich, emmenés par Strasser, font leur soumission[57].
En , sorti victorieux des luttes internes, Hitler obtient le pouvoir de désigner seul les membres dirigeants du parti. Il parvient à s'attacher Goebbels qu'il envoie à Berlin avec la mission de discipliner les SA. Le congrès de Weimar de juillet 1926, prévu par les statuts, fournit l'occasion de l'affirmation du lien entre les membres du parti et le Führer et de l'évocation du souvenir sanglant du putsch de la Brasserie[58]. On y inaugure le serment de fidélité par le toucher du drapeau du , qui « bénit » les drapeaux, et le salut fasciste. Lors du congrès de Nuremberg de 1927, le décorum du NSDAP se met en place. Hitler, en chemise brune, occupe une position centrale. Le parti militarisé défile au milieu d'un déploiement de drapeaux donnant une impression de force.
Si le parti donne une impression de force, c'est aussi en raison de la lutte extrême que les instances centrales laissent se développer en son sein. En effet, pour Hitler, un chef, à quelque échelon que ce soit, a conquis sa place et doit être en mesure de la défendre contre les prétentions d'autres membres du mouvement ; selon cette logique inspirée du darwinisme social, seuls les plus féroces et les plus efficaces parviennent à se maintenir longtemps à leur poste dans cette lutte constante[59]. L'absence de programme précis est cachée par le mythe du Führer. Celui-ci exalte surtout la communauté du peuple uni, Volksgemeinschaft, sous la direction du chef. Il cherche avant tout à provoquer une communion avec son auditoire[60]. Les thèmes antisémites et anti-internationalistes sont toujours très présents. Au sein du parti, Gregor Strasser développe les associations socio-professionnelles : étudiants, médecins, instituteurs, femmes… En 1929, il existe une structure d'accueil pour chaque catégorie de citoyens. Cela permet au NSDAP de conquérir une partie du monde paysan et un grand nombre d'étudiants issus de la classe moyenne très antisémite[61]. Cette conquête de pans de plus en plus importants de la population est masquée par l'absence de succès électoraux : le parti compte en 1928 178 000 adhérents (il en comptait 25 000 en 1925), répartis dans l'ensemble de la société, fournissant les cadres pour l'expansion future[62].
Dans le même temps, l'aile nordiste du parti, défaite en 1925-1926, obtient qu'une réflexion soit organisée autour de l'opportunité de l'organisation de syndicats nazis : en 1928, Adolf Wagner est nommé référent pour les problèmes syndicaux[63], et Goebbels reconnaît l'existence de syndicats nationaux-socialistes au congrès de Berlin au mois de juillet[64]. Au congrès de Nuremberg en 1929, les cellules d'entreprises sont fédérées dans une organisation spécifique, mais leur propagande est limitée en raison de l'absence de fonds envoyés depuis Munich[64].
Aux élections générales de 1928, le NSDAP obtient seulement 800 000 voix représentant 2,6 % du corps électoral, ce qui lui vaut douze sièges au Reichstag. Cela ne représente que huit fois le nombre d'adhérents[65]. Bien que recrutant dans toutes les couches, le parti attire surtout les classes moyennes indépendantes et les petits-bourgeois[65].
La montée du nazisme est due à la conjonction des deux crises, l'une politique et l'autre économique. En , la gauche a fortement progressé en Allemagne, entraînant l'accession au pouvoir du socialiste Hermann Müller. Sa présence est insupportable aux ultra-conservateurs comme le président Hindenburg qui va soutenir la campagne des nationalistes et des nationaux-socialistes contre le plan Young, pourtant un beau succès diplomatique. En novembre-, Hindenburg va même jusqu'à financer des rassemblements politiques de Hitler contre le plan qui prévoit le rééchelonnement du paiement des réparations[66]. L'activisme du parti national-socialiste attire une importante clientèle électorale. À elle seule, la campagne contre le plan Young apporte 20 000 nouveaux adhérents au NSDAP. Un des slogans du NSDAP est à ce moment : « Du travail et du pain »[67]. Les nationaux-socialistes obtiennent quelques succès aux élections régionales de 1929[68]. Au printemps 1930, le parti compte 200 000 membres.
Au même moment, la crise économique de 1929 prive l'Allemagne et l'Autriche des capitaux américains investis après-guerre. Ceci provoque la faillite du système bancaire allemand et la chute de la production industrielle. En , il y a six millions de chômeurs à 100 % et 8 millions de chômeurs partiels. La politique menée par Brüning, baisse de l'allocation chômage et des allocations sociales, entraîne une sévère déflation qui favorise la radicalisation politique[69]. En 1931 l'économie allemande chute de 7,7 %, en 1932 de 7,5 %[70]. Des historiens et économistes (Maury Klein (en), Daniel Cohen, Joseph Stiglitz, entre autres) expliquent que le krach boursier de Wall Street en 1929 eut un impact majeur sur la jeune démocratie allemande : le retrait des capitaux américains d’Allemagne, qui soutenaient alors une économie allemande balbutiante, a déclenché une crise économique terrible, poussant la classe moyenne dans la misère et laissant un espace politique libre pour le parti nazi[71].
Les premiers succès du parti sont locaux et localisés dans les régions rurales et arriérées du Reich, la Thuringe, pays marqué par le travail à domicile et le chômage : Wilhelm Frick est élu au parlement, exerce des responsabilités et se place dans son action en réaction à la modernisation des années 1920, dont Weimar avait été l'un des centres, politiques et artistiques[72].
Josef Goebbels et Walter Darré sont chargés de la propagande aux élections de 1930. Darré, chargé du milieu rural, fait campagne sur les thèmes de la défense et de la propriété agricole, de l'aide de l'État à la production et au soutien des prix[40]. Aux élections générales de , le NSDAP obtient 6,4 millions de voix, grâce à une poussée dans le monde paysan, représentant 18,3 % du corps électoral et remporte 107 sièges au Reichstag. Il recueille son meilleur score dans les campagnes protestantes en Prusse, Schleswig-Holstein, dans les villages protestants de Franconie et de Bade[73]. Hitler affirme en septembre 1930 qu'il compte arriver au pouvoir par le suffrage universel, et il ajoute : « Alors nous construirons l'État tel que nous le souhaitons[74]. » Mais les SA réclament de l'action. Sous l'impulsion de leur chef Stennes, les SA de Berlin se révoltent contre l'abandon du volet social du NSDAP. Les SS, dirigés par Heinrich Himmler, circonscrivent la rébellion et commencent à assurer la police interne. Ils répriment une autre révolte de SA au nord du pays. Cela permet à Hitler de se donner une image de chef modéré, soucieux de contenir ses troupes. Contre la politique d'austérité de Brüning, les nationalistes (des associations d'anciens combattants, des agrariens, quelques hommes d'affaires, etc.) et les nationaux-socialistes se rassemblent en octobre 1931 dans le Front de Harzburg, faisant de Hitler un personnage de premier plan[69]. Hitler, soucieux de respectabilité, a depuis 1926 désavoué la partie « anticapitaliste » des 25 points du programme de 1920. Mais il n'obtient que peu de succès auprès des grands capitalistes. Les quelques ralliements d'industriels sont toujours individuels avant 1933. C'est le cas de Fritz Thyssen, d'Emil Kirdorf (en) et de Friedrich Flick[33]. Du côté des banquiers, il faut noter le ralliement d'Emil Georg von Stauss (en) et de Kurt von Schroeder qui prend en main le programme économique du parti[75]. Le ralliement de Hjalmar Schacht, qui avait jugulé l'hyperinflation en 1924, vers 1930, est certainement le plus prestigieux[76]. Ces ralliements entraînent une refonte des orientations du parti, et donc un risque de perte de contrôle du parti par Hitler et par le groupe de Munich[53] : pour éviter cet écueil, généré par la contradiction entre les aspirations de la base du parti, et les souhaits de ses bailleurs de fonds, Hitler s'appuie sur la SA, radicalise son discours, exploite politiquement la composition du cabinet Papen, le cabinet des Barons et lance le parti dans un rapprochement avec les communistes lors la grève des transports berlinois de 1932[53].
Au fil des mois de l'année 1930 et de l'année 1931, marqués par la montée du chômage, la paupérisation de pans de plus en plus importants de la population, le parti connaît des succès électoraux de plus en plus nombreux, liés en partie à l'élargissement de la base du parti, qui ne s'opère pas partout sur les mêmes bases ; ainsi dans les régions proches de la frontière polonaise, marquées par un fort nationalisme, son essor se fait aux dépens des conservateurs[72], dans les régions centrales du Reich, ce sont les petits propriétaires qui passent du vote conservateur ou libéral au vote nazi[72].
Début 1932, le parti compte 1,5 million d'adhérents, dont 350 000 SA et SS qui multiplient les exactions et les démonstrations de force. Les batailles de rue contre les communistes se multiplient. En 1931, elles font 300 morts pour la seule Prusse. Les Jeunesses hitlériennes de leur côté enrôlent plus de 107 956 jeunes[réf. nécessaire]. En 1931, le Zentrum, le parti catholique, pense pouvoir amadouer les nationaux-socialistes en associant Hitler au pouvoir. Le président Hindenburg reçoit même celui-ci le pour lui proposer un poste[77]. En vain. Le Führer refuse les seconds rôles. Le succès du parti entraîne une lente mutation sociale de ses adhérents. La proportion d'ouvriers augmente par la suite de la création du syndicat « Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation » (NSBO) qui compte 100 000 membres en 1932[74]. Ceux-ci restent cependant sous-représentés par rapport à la petite bourgeoisie. Les jeunes, surtout ceux issus des classes moyennes qui n'ont jamais intégré le monde du travail, affluent vers le NSDAP, mais le parti se définit surtout comme un parti de trentenaires[78]. Quant à l'électorat, il est beaucoup plus important dans les régions protestantes du Nord et de l'Est que dans l'Ouest et le Sud catholiques, dans les campagnes et les petites villes, les banlieues petit-bourgeoises que dans les centres urbains et les banlieues ouvrières[79]. En 1933, un protestant sur deux vote national-socialiste, un catholique sur trois[80] ; toutes choses égales par ailleurs, les protestants sont au moins deux fois et demi plus enclins à voter pour les nazis que les catholiques, ce qui s'explique notamment par l’attitude offensive à l'égard des nazis de la hiérarchie catholique, très liée au Zentrum[81]. La répartition par âge et par catégorie socio-professionnelle varie d'une région à l'autre voire d'une ville à l'autre et dépend des particularismes locaux[82]. En réalité, ces succès doivent beaucoup au fait que le NSDAP promet tout à tout le monde, donc rien à personne, tout en renvoyant à plus tard, c'est-à-dire après la prise du pouvoir, les mesures concrètes à mettre en œuvre une fois cet objectif atteint[83].
Le Hitler obtient la nationalité allemande, et à l’élection présidentielle de mars-avril, il obtient 13 418 517 voix au second tour, représentant 36,7 % du corps électoral, mais il est battu par le maréchal Hindenburg. Aussitôt après les élections, un décret-loi du chancelier Heinrich Brüning interdit les SA et les SS. Mais Brüning qui dirige le gouvernement depuis s'est fait beaucoup d'ennemis à droite, car il s'appuie sur le SPD pour gouverner. Schleicher rencontre Hitler et conclut un accord avec lui. Le NSDAP ne s'oppose pas à un cabinet sans Brüning. En échange, le Reichstag est dissous et les SS et SA sont de nouveau autorisés[84]. La campagne électorale qui s'ensuit est extrêmement violente. Entre le et le , les combats de rue font 99 morts rien qu'en Prusse. Le à Altona (Hambourg), a lieu un affrontement dont le bilan est terrible : 17 morts et 100 blessés à cause des violences nationales-socialistes[85]. Les élections du donnent au NSDAP 37,3 % des voix. Papen et Schleicher proposent aux nationaux-socialistes deux ministères, mais Hitler réclame la chancellerie. De ce fait, les SA multiplient leurs violences[86]. Un décret-loi instaure alors la peine de mort pour les auteurs de violences de rue mortelles. Lorsqu'un mineur communiste est piétiné à mort par neuf SA, ils sont condamnés à mort. Hitler réclame leur libération. Finalement graciés, ils ne feront que quelques mois de prison[87]. Hitler dicte désormais sa loi au pouvoir légitime.
Dès sa réunion, le Reichstag s'en prend au nouveau chancelier von Papen et l'oblige à dissoudre de nouveau l'assemblée et à procéder à de nouvelles élections. À ce moment-là, le parti national-socialiste est traversé par des courants contradictoires. Hitler, soutenu par Goebbels, réclame le pouvoir pour le seul NSDAP. Gregor Strasser milite pour une participation à un gouvernement selon les conditions d'Hindenburg et von Papen[87]. Il cherche aussi à établir sur le parti une structure hiérarchique pour contrôler les gauleiters. Mais cette démarche va à l'encontre des intérêts de Hitler qui, grâce à son charisme, contrôle personnellement les responsables régionaux. Pendant la campagne électorale, a lieu un événement improbable. Les communistes et les nationaux-socialistes s'unissent pour faire grève dans les tramways berlinois, s'opposant ainsi aux syndicats et au SPD qui appellent au travail. Cette alliance incroyable montre que l'union des partis de gauche est impossible en Allemagne même pour contrer la menace d'extrême-droite. À l'automne 1932, les nationaux-socialistes mènent une campagne très violente avec, entre autres, des thèmes anticapitalistes, populistes et proagrairiens. Les grands patrons inquiets proposent une union de toutes les forces nationalistes sauf les nationaux-socialistes[76].
Les élections générales de novembre marquent un recul du NSDAP avec ses 11,74 millions de voix, soit 33,1 % du corps électoral. Les nationaux-socialistes perdent deux millions de voix[88]. Les partis communiste et socialiste dépassent le NSDAP de plus de 1,5 million de voix, mais ils sont divisés. Les caisses du parti national-socialiste sont vides. Le recul aux élections de novembre le laisse dans un certain désarroi. Le nouveau chancelier Schleicher tente de faire éclater le parti en proposant à Gregor Strasser le poste de vice-chancelier[89]. Mais soumis à la pression de Goebbels, Strasser quitte le parti national-socialiste en dénonçant la politique de Hitler.
Après les élections de novembre, Hitler sait que pour arriver au pouvoir, il doit pactiser avec les milieux d'affaires, très insatisfaits des politiques menées par les chanceliers successifs. Au cours de l'année 1932, il a acquis une certaine respectabilité auprès des grands patrons qu'il a rencontrés à Düsseldorf le grâce à Schroeder. Il bénéficie aussi des intrigues de von Papen, mécontent d'avoir été écarté du pouvoir par Schleicher, et qui espère revenir aux affaires dans le sillage de Hitler. Les deux hommes se rencontrent à deux reprises les 4 et . Hindenburg est hostile à la nomination de Hitler comme chancelier, mais une coterie fait pression sur le président pour qu'il remplace Schleicher par le chef des nationaux-socialistes. Hindenburg finit par demander à von Papen de clarifier la situation politique. Celui-ci propose un gouvernement avec Hitler comme chancelier. Il assure le vieux président que Hitler sera neutralisé par les ministres conservateurs. Le , après une dernière intrigue de von Papen, Hitler devient chancelier[90]. Le soutien des milieux financiers et patronaux à Hitler avant 1933 est discuté[91] ; il est avéré par la suite[92].
Propagande et culture
Pour les militants du NSDAP, Hitler est le rédempteur de l'Allemagne. Ils s'efforcent dans leurs actions d'en convaincre les électeurs. Les défilés dans les rues, les rassemblements politiques sont de plus en plus ritualisés.
Joseph Goebbels, responsable de la propagande nazie, est l'un des maîtres d'œuvre des succès électoraux. Il parvient à mythifier le militant nazi en le transformant en héros prêt à donner sa vie pour la cause. Pour exemple, le cas du SA Horst Wessel : au cours d'une rixe pour une prostituée, ce dernier est tué par un communiste et Goebbels en fait un martyr du national-socialisme. Alors que le SA se débat encore entre la vie et la mort dans un hôpital de Berlin, Goebbels fait publier de ses nouvelles deux fois par semaine dans l'organe de presse local du NSDAP. Il organise même le , un rassemblement de plus de 10 000 personnes. À la fin de la réunion, la foule entonne un chant écrit par le SA blessé, le Horst-Wessel-Lied qui deviendra l'hymne du parti et le deuxième hymne national allemand. Lors de l'enterrement de Wessel, des milliers de sympathisants font le salut hitlérien au passage du cercueil. Goebbels fait ainsi de Wessel un preux chevalier des temps modernes[93].
Lors de l'élection de 1930, les nationaux-socialistes n'ont pas encore accès à la radio et la presse nationale. Goebbels compense ce handicap en inondant le pays de tracts, d'affiches, de journaux distribués par les SA. En 1932, pour la campagne présidentielle, les nationaux-socialistes collent près d'un million d'affiches à travers toute l'Allemagne. Huit millions de tracts et douze millions de journaux sont distribués[94]. Dans les régions isolées, des voitures tapissées d'affiches du NSDAP sillonnent les routes tandis que des haut-parleurs scandent les slogans nationaux-socialistes. Les réunions électorales sont aussi un moyen très efficace de propager les thèmes nationaux-socialistes. En 1932, il s'en tient 300 par jour pendant la campagne. La mise en scène soignée : multiplications des drapeaux rouge et blanc avec des croix gammées, chants, uniformes, parades de SA, fanfares, lumières des torches, donnent à la foule un sentiment d'unité et de force qui emporte l'adhésion[94]. Pour donner à Hitler une image moderne, Goebbels affrète un avion qui transporte Hitler, candidat à la présidentielle, de rassemblements en rassemblements avec comme slogan : « Le Führer au-dessus de l'Allemagne »[95].
À partir de 1929, le NSDAP sous l'inspiration de Goebbels s'en prend aux intellectuels et aux artistes jugés « néfastes » pour l'Allemagne. Les étudiants nationaux-socialistes, pourtant minoritaires dans les universités, dressent des listes d'enseignants juifs, comme les étudiants nazis de Göttingen[78], entretiennent une agitation constante et peu réprimée. Ils empêchent les professeurs juifs ou libéraux de faire cours. Les présidents d'université en viennent à en renvoyer certains dans l'espoir que les agitateurs nationaux-socialistes laissent enfin l'université en paix. Les spectacles, théâtres, cinémas ou cabarets jugés contraires à « l'honneur allemand » sont régulièrement perturbés par les SA. Ils finissent par être retirés de l'affiche par les directeurs de salle[96]. Les journaux du NSDAP publient des listes noires d'artistes ou d'écrivains en leur promettant un châtiment exemplaire le jour où Hitler arrivera au pouvoir (parmi les plus menacés : Kurt Tucholsky, Erich Kästner, Bertolt Brecht, Erwin Piscator, Vassily Kandinsky, Ossietsky…). En 1929, Wilhelm Frick devient ministre de l'Instruction publique du Land de Thuringe dans un gouvernement de coalition de droite mené par Erwin Baum (de). Il fait interdire les œuvres des artistes honnis par le national-socialisme. Mais son action suscite une telle réprobation qu'il est obligé de démissionner au bout de quelques semaines. En fait, entre 1929 et 1933, les campagnes d'intimidation sont bien plus efficaces qu'une censure directe[97].
Financement
En France, en , le député Paul Faure intervint vivement à la Chambre des députés en accusant le groupe Creusot-Schneider d’aider au réarmement allemand, au moyen de ses implantations en Tchécoslovaquie et en Hongrie, tandis qu’un de ses associés aux Pays-Bas drainait des fonds pour le NSDAP[98]. Fritz Thyssen verse un million de marks au parti en 1931, mais parce qu'il finance tous les partis sans distinction. En 1932, sur les plusieurs millions qu'il verse aux différents partis, le NSDAP en reçoit 3 % contre 8 % aux partis de droite, 6 % à ceux de gauche et 83 % aux partis du centre[99]. Plusieurs auteurs ont évoqué la parution aux Pays-Bas d’un opuscule sous le pseudonyme de Sydney Warburg, De Geldbronnen van het nationaal-sozialism: drie gesprenken met Hitler (« les ressources du national-socialisme, trois conversations avec Hitler ») et traitant des ressources financières du nazisme en 1929, 1931 et 1933, apparemment rédigé par un infiltré et désignant des bailleurs de fonds liés à la haute-finance américaine[98]. Le NSDAP bénéficie aussi de l'appui financier de l'industriel Emil Kirdorf et de l'ancien président de la Reichsbank Hjalmar Schacht[100].