Ordre de Saint-Jean de Jérusalem
ordre religieux catholique hospitalier et militaire (1099-1799) / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Ne doit pas être confondu avec Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem ou Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte.
« La Religion » autre nom de l'Ordre principalement dans la marine de l'Ordre. Pour le roman qui évoque l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, voir La Religion (roman)
L’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, appelé aussi ordre des Hospitaliers, est un ordre religieux catholique hospitalier et militaire qui a existé de l'époque des croisades jusqu'au début du XIXe siècle. Il est généralement connu, dès le XIIe siècle, sous le nom d’Ordo Hospitalis Sancti Johannis Hierosolymitani.
Ordre de Saint-Jean de Jérusalem | |
Armoiries utilisées à partir de 1153. | |
Ordre de droit pontifical | |
---|---|
Approbation pontificale | par bulle de Pascal II |
Institut | Ordre monastique |
Type | Ordre hospitalier et militaire |
Spiritualité | Christianisme |
Règle | de saint Augustin et de saint Benoît |
But | accueil, défense et soins des pèlerins. Police des mers contre les Ottomans |
Structure et histoire | |
Fondation | vers 1070 à Jérusalem |
Fondateur | Frère Gérard |
Abréviation | O.S.Io.Hieros |
Autres noms | La Religion Ordo Hospitalis Sancti Johannis Hierosolymitani Ordre de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem |
Fin | 1789/1801 |
Patron | Saint Jean |
Liste des ordres religieux |
L'origine de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem remonterait à la fin du XIe siècle dans l'établissement des marchands amalfitains à Jérusalem[A 1] et la création d'hôpitaux, d'abord à Jérusalem, puis en Terre sainte, d'où son nom d'ordre des « Hospitaliers ». À la suite de la dévolution des biens de l'ordre du Temple, il va s'enrichir, posséder des établissements, prieurés et commanderies dans toute l'Europe catholique[A 2]. À l'instar des Templiers, il assume rapidement une fonction militaire pour défendre les pèlerins qu'il accueille et soigne sur les chemins de Jérusalem, puis pour combattre les Sarrasins aux côtés des Francs de Terre sainte[A 3],[n 1].
Après l'expulsion des Croisés de Terre sainte (1291), l'Ordre s'installe à Chypre[A 4] avant de conquérir l'île de Rhodes (1310)[A 5] et de devenir une puissance maritime pour continuer à être le rempart de la chrétienté contre les Sarrasins[A 6]. À la suite de la disparition de l'ordre du Temple en 1314, les Hospitaliers reçoivent les biens des Templiers[A 7], ce qui fait d'eux l'ordre le plus puissant de la chrétienté.
Expulsé de Rhodes en 1523 par la conquête turque[A 8], l'Ordre s'installe à Malte en 1530, dont il est considéré comme le souverain par décision de Charles Quint[A 9]. Avec sa flotte maritime de guerre, l'Ordre se transforme en une puissance politique qui prend de plus en plus d'importance en Méditerranée centrale jusqu'à la bataille de Lépante (1571)[A 10] et jusqu'aux premiers traités des royaumes d'Europe avec les Ottomans. Après quoi, il se consacre surtout à des opérations de guerre de course[A 11] pratiquant des « razzias sans gloire »[1], l'esclavage et faisant des prisonniers dans la guerre de course pour négocier leur rachat[2],[3], permettant un développement économique de l'île[4],[2],[3],[5]. Il transforme Malte en magasins d'échanges du commerce méditerranéen avec une quarantaine reconnue dans tous les ports de Méditerranée.
En France, la Révolution va bouleverser un équilibre fragile : l'Ordre sert au commerce français et doit donc être préservé pour cela. Il est d'abord considéré comme une puissance étrangère au sens de l'article 17 du décret de confiscation des biens du clergé et des ordres religieux des 23 et [C 1]. Le , la Législative décréta l'urgence, l'avant-dernier jour de la session avant la Convention nationale et la veille de Valmy, c'est le décret de Vincens-Plauchut, qui décide de la mise sous séquestre et la vente de tous les biens de l'Ordre[C 2].
En 1798, le général Bonaparte sur la route de l'Égypte, prend Malte et expulse le grand maître et les Hospitaliers de l'archipel maltais au nom de la République française[C 3],[A 12]. Le [6], il y abolit également l'esclavage des musulmans, des Juifs et des chrétiens détenus principalement par les Hospitaliers, dont celui des bonnivagli (personnes mises en servitude pour dettes)[7],[8],[2]. L'Ordre qui s'était placé sous la protection de Paul Ier de Russie, voit une majorité de ses Hospitaliers s'exiler à Saint-Pétersbourg où ils élisent le tzar comme grand maître en 1798[A 13].
Mais avec l'abdication du grand-maître Ferdinand de Hompesch en 1799 et la mort de Paul Ier en 1801, s'ouvre pour l'Ordre une période noire qui ira jusqu'à sa chute[9], son éclatement[C 4] ou une survivance improbable[10] en ordres concurrents. En plus des ordres historiques issus de la scission protestante comme le très vénérable ordre de Saint-Jean, son principal successeur catholique est l'ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, fondé officiellement en 1961.
À la différence des Bénédictins ou des ordres mendiants, les ordres militaires ne se sont intéressés qu'assez tard à leur histoire. À l'origine les textes historiques se limitent à l'obituaire, qui incorpore progressivement à partir du XIVe siècle des détails sur la vie des membres de l'Ordre, mais aussi des développements légendaires. Il a été un temps où les Hospitaliers faisaient remonter leurs origines aux bibliques Maccabées[11]. Il ne faut pas oublier Guillaume de Tyr et ses continuateurs dont les textes publiés au milieu du XVIe siècle sont traduits en italien en 1562. En relatant les croisades, ils peignent aussi une histoire des Hospitaliers[12].
Les premiers textes à caractère historique émanant des Hospitaliers sont l’œuvre de Guillermo de Santo Stefano (en), commandeur de Chypre. Il est le premier à faire une recension des textes législatifs de l'Ordre[n 2] et vers 1303, il entreprend une compilation qui regroupe la règle et les statuts de l'Ordre, une chronologie des grands maîtres, un recueil des décisions disciplinaires, les Miracula et une étude critique sur les origines de l'Hôpital, l’Exordium Hospitalis[13].
Confronté à des critiques extérieures, ou plus simplement pour valoriser ses actions et encourager les donations, l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem va susciter des annales. Au milieu du XVe siècle, Melchiore Bandini, chancelier de l'Hôpital, est l'auteur d'un ouvrage perdu depuis, mais dont, au XVIe siècle, Giacomo Bosio (1544-1617) a encore la mémoire[14].
La Descriptio obsidionis Rhodie urbis de Guillaume Caoursin, est un texte au service de la propagande de l'ordre ; il connaît un grand succès et les éditions et traductions se multiplient entre 1480 et 1483[15].
Un document intéressant pour l'histoire des ordres militaires est un texte écrit vers la fin du XVe siècle par un frère de l'ordre Teutonique, la Chronik der vier Orden von Jerusalem. Cette chronique met en lumière, dans sa première partie, l'origine hiérosolymitaine des ordres militaires ainsi que des chanoines du Saint-Sépulcre. Si l'origine des Teutoniques et des Chanoines est quelque peu anticipée, celle des Templiers et des Hospitaliers est relativement bien cernée[16].
Heindrich Pantaleon (1522-1627) publie, à Bâle en 1581, une première histoire basée sur les archives de l'ordre : Militaris ordinis Johannitorum, Rhodiorum aut Melitensium equitum rerum memorabilium [...] pro republica christiana [...] gestarum ad praesentem usque 1581 annum. Mais l’œuvre majeure de cette période est l’Istoria della sacra Religione et illustrissima militia de San Giovanni Gerosolimitano que Bosio publie en trois volumes à Rome entre 1594 et 1602. L’Istoria de Bosio est traduite en français et complétée par un frère de l'Ordre, Anne de Nabérat, publiée en 1629 à la demande du grand maître Alof de Wignacourt. Bosio et Nabérat font un récit narratif et clairement réclamé comme hagiographique. Malgré cela, ce texte est d'une grande valeur historique, Bosio s'appuie sur des sources incontestables[12].
En 1726 parait l’œuvre de l'abbé de Vertot. Il a, précédemment à l'écriture, fait la recension de toutes les sources alors disponibles. S'il doit à Giacomo Bosio, il utilise les sources regroupées par François Pithou (1544-1624), par Jacques Bongars, Jacques de Vitry, Marin Sanudo, mais aussi Guillaume de Tyr, Heindrich Pantaleon, Bosio et son continuateur Bartolomeo dal Pozzo[12].
Avec Joseph Delaville Le Roulx, l'histoire des Hospitaliers se veut plus scientifique. Il fait un énorme travail de documentation : il publie en quatre volumes entre 1894 et 1906 près de 5 000 documents ayant trait aux deux premiers siècles de l'histoire de l'Ordre, Cartulaire général de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1100-1310)[17]. Ses deux volumes Les Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, publié en 1904, et Les Hospitaliers à Rhodes jusqu'à la mort de Philibert de Naillac, publié en 1913, se présentent comme un travail érudit et de qualité[18].
Le XXe siècle voit l'explosion d'une histoire parcellaire faite de monographies très spécialisées et/ou circonscrites localement ou temporellement. Il faut attendre le travail de synthèse de Jonathan Riley-Smith avec The Knights of St John in Jérusalem and Cyprius (1150-1310) publié en 1967 pour voir apparaître un nouveau travail historique sur les Hospitaliers : Riley-Smith avec Hospitalers, The History of the Order of St John en 1999 ou Helen Nicholson (en) avec The Knights Hospitaller en 2001. En dépit des sources existantes à Malte, sources souvent inédites, restent quand même des lacunes pour la période rhodienne, malgré les nombreux articles définitifs d'Anthony Luttrell regroupés en cinq volumes The Hospitallers in Cyprius, Rhodes, Greece and the West, 1291-1440 (1978), Latin Greece, the Hospitallers and the Crusades, 1291-1440 (1982), The Hopitallers of Rhodes and their Mediterranean World (1992), The Hospitaller State on Rhodes and in Western Provinces (1999) et Studies on the Hospitallers after 1306. Rhodes and the West (2007)[19]. de l'activité religieuse ou politique de l'Ordre ou avec le recueil d'articles de Victor Mallia-Milanes dans Hospitaller Malta, 1530-1798 (1993). L'importance de l'esclavage dans le système économique hospitalier a longtemps été minimisée voire occultée par les historiens[20],[D 1]. De nombreux travaux récents, en particulier de chercheurs français, permettent de lui redonner toute son importance dans l'histoire de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte, notamment à travers les travaux d'Anne Brogini[21].
Au XXIe siècle, s'ouvre avec le travail de Judith Bronstein The Hospitallers and the Holy Land. Financing the Latin East, 1187-1274 (2005) un champ d'études encore largement ignoré : les aspects économiques de l'Ordre qui « pratiquait la banque et l'usure », et qui devait financer ses activités sur « le front » par ses ressources financières et ses activités terriennes « à l'arrière » pour reprendre les expressions d'Alain Demurger[22]. Il est aussi possible de citer sur ce sujet l'étude d'Alain Blondy L'Ordre de Malte au XVIIIe siècle, Des dernières splendeurs à la ruine (2002) où est introduit la notion d'éclatement de l'Ordre. D'autres champs d'études sont aussi récemment abordés comme ceux de l'activité sociale des frères de l'Ordre avec Carmen Depasquale La vie intellectuelle et culturelles des chevaliers français à Malte au XVIIe siècle (2010) ou, plus généralement, Alain Blondy Parfum de Cour, gourmandise de rois. Le commerce des oranges entre Malte et la France au XVIIIe siècle (2003), ou encore Thomas Freller Malta, The Order of St John (2010). Enfin, le travail d'un universitaire, Alain Demurger, qui s'était intéressé jusque là aux Templiers, et qui jette un regard moderne sur l'Ordre à son origine avec Les Hospitaliers. De Jérusalem à Rhodes. 1050-1317 (2013). Il cite dans sa préface ses trois inspirateurs, Joseph Delaville Le Roulx, Jonathan Riley-Smith et un auteur peu cité Alain Beltjens qui a pourtant produit une œuvre mais à compte d'auteur Aux origines de l'ordre de Malte. De la fondation de l'Hôpital de Jérusalem à sa transformation en ordre militaire. (1995)[B 1].
On ne peut terminer sans citer la somme académique que représente le dictionnaire Prier et Combattre. Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge sous la direction de Nicole Bériou et Philippe Josserand qui regroupe la contribution de près de 240 collaborateurs et auteurs de 25 pays au travers de 1 128 entrées, travail de plus de cinq années et dont la majeure partie concerne l'Ordre[23].
S'il est une chose difficile à déterminer, c'est le nom de cet Ordre. Comme le signale Alain Demurger dans l'avant-propos de son livre sur les Hospitaliers : « On trouve souvent utilisée, dans les titres des ouvrages [et pas seulement dans les ouvrages anciens] consacrés à l'histoire de l'ordre de l’Hôpital, l'expression de « chevaliers hospitaliers », de « chevaliers de l'Hôpital » ou de « chevaliers de Saint-Jean » [...]. Cette expression n'est pas conforme à la réalité et à l'histoire des premiers siècles de l'Ordre »[B 2]. Si l'expression de chevalier est apparue dès l'origine dans le nom de l'ordre du Temple, ce n'est pas le cas pour l'ordre de l'Hôpital ; ses membres étaient et seront toujours des « frères » éventuellement des « frères chevaliers ». L'ordre de l'Hôpital était avant tout un ordre hospitalier, le premier et le dernier ordre hospitalier. Son couvent s'appelait Ordo Hospitalis Sancti Johannis Hierosolymitani la « sainte maison de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem » et la titulature du supérieur de l'ordre : l'« Humble maître de la sainte maison de l'Hôpital de Jérusalem et gardien des pauvres du Christ »[B 2].
Dans les sources primaires, à Malte où se trouve la partie des archives la plus importante, mais aussi partout ailleurs où l'Ordre avait des intérêts, dans tous les textes de l'Ordre, émis, reçus ou envoyés, et qui nous sont parvenus, les appellations de l'Ordre ne sont pas fixées : La Religion[C 5], L'Hospital[B 3], Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem[C 6], ordre de l'Hôpital[B 2], ordre des Hospitaliers, ordre des Hospitaliers de Saint-Jean, ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, ordre des chevaliers hospitaliers, ordres des chevaliers de Rhodes, ordre des chevaliers de Malte, ordre de Saint-Jean, ordre de Saint-Jean de Jérusalem[C 5], etc. Et cela dans toutes les langues pratiquées par l'Ordre, en latin ou en langues vulgaires comme le français, l'italien, l'espagnol, l'allemand, l'anglais, etc.
Toutes ces appellations étaient aux yeux de leurs auteurs suffisantes dès qu'il ne pouvait pas y avoir confusion avec d'autres ordres. S'il est des textes qui doivent recevoir une attention particulière, ce sont les règles de l'Ordre, statuts, usances et esgards car ces documents ont la volonté de produire un effet normatif. Mais là encore c'est la diversité qui règne. Ayant perdu Jérusalem et s'installant là où il voulait ou là où il pouvait, l'Ordre ne changera pas de nom, il sera toujours « de Jérusalem »[B 4].
Les sources secondaires suivent la même diversité d'expressions, ce n'est que ces dernières années, avec la renaissances des études historiques sur les ordres hospitaliers et/ou militaires que l'on voit se détacher un consensus entre les auteurs. Il semble que la synthèse de Jurgen Sarnowsky de 2009 prévaut avec deux expressions : « ordre de l’Hôpital » et « ordre de Saint-Jean de Jérusalem »[24],[n 3]. « L'Hôpital » ou « L'Hospital » a aussi ses représentants[n 4],[B 5]. Une expression ancienne survit dans un secteur de l'activité de l'Ordre, la marine, où l'expression « La Religion »[n 5] est courante[25].
Pour les noms des membres de l'Ordre, cela paraît plus consensuel avec l'expression « Hospitaliers »[26] qui a tendance à prendre la place de « frère » ou « frère hospitalier »[B 6] ou de sa version ancienne « Fra' ». Pour les chevaliers, les expressions de « chevalier de l'Hôpital » ou « chevalier hospitalier »[27], avec leurs variantes « chevalier de Rhodes » et « chevalier de Malte », existent, même si Demurger les conteste[B 6].