Femme artiste
femmes dans les arts à travers l'histoire / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Une femme artiste — une artiste — est une expression qui renvoie à un fait sociologique relativement récent.
Si, dès l'Antiquité, les femmes se virent intuitivement associées à la production d'objets artistiques et à de nombreuses disciplines dites classiques comme la peinture, la sculpture, la gravure, ou l’architecture, elles sont restées plus ou moins marginalisées ou peu considérées. Travaillant souvent dans l'anonymat à l'instar de leurs homologues masculins, la plupart restèrent cantonnées à des activités artisanales comme le textile. Rares furent celles qui purent s'affirmer dans d'autres domaines et accéder à une reconnaissance, et surtout au statut de créatrice, de « femme artiste ». Des exceptions existent cependant, notamment au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, où, en Europe, apparaissent de fortes personnalités que l'histoire de l'art a très tôt reconnu comme telles.
La place des femmes dans l'histoire de l'art, leur autorité, doit bien entendu être relativisée en fonction des systèmes culturels, d'un point de vue ethnologique et anthropologique. L'étude de l'évolution du statut de femme artiste permet un éclairage sur le monde contemporain, mais également une relecture du passé.
Ces différences statutaires entre hommes et femmes artistes se sont progressivement réduites à partir du milieu du XIXe siècle, avec l'invention de la photographie et l'émergence de femmes photographes amateures et professionnelles, comme Geneviève Élisabeth Disdéri dès 1846, l'ouverture des écoles d'art (élève et professeur femme), du marché de l'art (galeriste, experte, mécène, collectionneuse, etc.), puis, au XXe siècle, avec l'affirmation de l'égalitarisme, du féminisme, dans les années 1960, l'émergence des arts plastiques puis 1970, quand émergèrent les premières artistes féministes militantes et les études de genre.
Qui veut tracer les contours d'une histoire des femmes dans l'art se heurte à plusieurs problèmes :
- l'absence de données biographiques ;
- l'anonymat des créatrices ;
- la dégradation de certaines productions ;
- l'abandon du nom de jeune-fille ;
- la réappropriation du travail féminin par les hommes.
Vide biographique
Ce constat est flagrant, puisque pour de nombreuses époques allant de l'Antiquité et jusqu’à nos jours, et ce, en dépit de citations nominales dans quelques essais, la recherche se confronte à une pénurie en données biographiques sur les artistes de sexe féminin. Cette absence de sources biographiques et bibliographiques secondaires et tertiaires est d'autant plus criante pour les biographies féminines que ces femmes ne représentent historiquement qu'une minorité parmi les artistes. Toutefois, les femmes, même si elles ont pu être minoritaires, ont toujours été à l'origine de créations artistiques[1].
Anonymat
L'anonymat, qui n'est pas un état propre aux femmes artistes et artisans, est également l'un des plus grands problèmes posés aux historiens. Les femmes étaient souvent victimes de discrimination dans tous les domaines artistiques où les productions n'étaient pas signées, tels le tissage, la broderie ou encore la fabrication de dentelle. Au cours du haut Moyen Âge, l'enluminure des manuscrits était une activité à laquelle se consacraient aussi bien les moines que les nonnes. Bien que quelques noms d'artistes aient percé au cours de cette époque (par exemple : Guda, Anastaise, Bourgot, Claricia, Diemode, Ende), la très vaste majorité des enlumineuses reste inconnue. Ainsi, aucune information n'est disponible pour des pans entiers d'artistes.
Au Moyen Âge et à la Renaissance, de nombreuses femmes artistes travaillent dans des ateliers, sous la direction d'hommes, souvent sous celle de leur propre père ou frère ; il n'existe à ce jour aucune trace de femmes à la tête d'un atelier avant la fin du XIXe siècle. Les productions des ateliers étaient signées par le maître, pour signifier une qualité de la production, et non pour individualiser l'œuvre : il est donc difficile de différencier les productions des différent(e)s artistes d'un même atelier.
Dégradations
À la lumière de ces activités de travail du textile et des manuscrits, un autre problème est mis en exergue : celui de la longévité de la production. Ces productions artistiques sont en effet réalisées dans des matériaux possédant une extrême sensibilité aux éléments extérieurs, comme la lumière, la température ou la moisissure. À cela s'ajoute l'utilisation de ces productions, objets vestimentaires et pratiques, minés par l'usure et les dégâts humains. Ceci explique l'infime partie des textiles et des manuscrits produits par des femmes encore à notre disposition.
Identité du nom : vers une individuation
Un autre problème est l'abandon du nom de naissance au moment du mariage : cela complexifie les recherches, notamment lorsqu'une œuvre d'origine inconnue est signée du nom de famille et d'une simple initiale pour le prénom. De plus, les ouvrages de référence sur les artistes ne permettent des recherches que par le nom de famille, et non par le prénom.
La définition précise de l'identité est pourtant au cœur du concept occidental du « génie artistique », dont les créations devraient pouvoir être clairement cadrées, individualisées et étudiées par rapport aux créations d'autres artistes. Il n'en demeure pas moins que lorsqu'il s'agit de retracer le parcours d'une femme artiste, même les données biographiques les plus anecdotiques peuvent induire en erreur. Ainsi, on peut affirmer que Jane Frank est née en 1918, alors qu'en réalité, c'est Jane Schenthal (Jane Frank ne « naîtra » que 20 ans plus tard, en se mariant) : si l'on se base sur le nom de famille, les recherches deviennent un vrai parcours du combattant. Ainsi, la perte du nom de jeune fille au moment du mariage, alliée à un système de recherches historiques basé sur le nom de famille, engendre une mutation de l'identité des femmes en tant que classe sociale, et embrouille les recherches sur les femmes artistes en tant qu'individus particuliers.
Réappropriation
Aux XVIIIe et XIXe siècles, on a pu assister à une réappropriation du travail artistique des femmes par les hommes. Certains marchands sans scrupules allèrent même jusqu'à fausser des signatures, comme dans le cas de certaines peintures exécutées par Judith Leyster, malhonnêtement attribuées à Frans Hals. À l'inverse, au XXe siècle, l'empressement à acquérir des peintures de femmes conduisit à attribuer à tort quelques œuvres à des femmes peintres.
XXe siècle et légitimité en tant qu'artistes en Occident
Bien que les femmes aient longtemps fait partie des actrices du monde de l'art, souvent reconnues en tant que modèles, muses, mécènes, commanditaires ou collectionneuses, la possibilité d'un statut d'artiste à l'égal de celui des hommes a eu du mal à être reconnu jusqu'aux années 1960 (au moins en ce qui concerne la France)[2]. En 1950, un ouvrage de référence dans son domaine d'étude, Histoire de l'art, d'Ernst Gombrich, présente une unique femme artiste pour son édition allemande et aucune dans les éditions française et anglaise[3]. Progressivement, les institutions culturelles telles que les musées ont donné de la place aux artistes femmes dans les expositions[2].
« Pourquoi n'y a-t-il pas de grandes femmes artistes ? »
À partir des années 1970, plusieurs scientifiques recherchent et remettent en lumière les femmes artistes,; certains intient aussi des expositions artistiques présentant leurs œuvres[3].
En 1971, l'historienne de l'art Linda Nochlin, dans un article publié dans la revue d'art américaine Artnews, lance un défi aux historiens de l'art classiques et féministes, en lâchant la question : « Pourquoi n'y a-t-il pas de grandes femmes artistes ? ». Nochlin rejette tout d'abord le présupposé d'une absence ou d'une quasi absence des femmes dans l'histoire de l'art à cause d'un défaut de « génie artistique », mais n'est pas non plus partisane de la position féministe d'une invisibilité des femmes dans les ouvrages d'histoire de l'art provoquée par un biais sexiste de la discipline.
Pour Nochlin, la présence moindre des femmes dans l'histoire de l'art s'explique par le fait que celles-ci se sont simplement vues écartées de l'apprentissage et de la pratique de l'art pour des raisons historiques et culturelles. Néanmoins, bien qu'en Europe, depuis les temps les plus anciens jusqu'à la période contemporaine, les arts visuels eussent été en très large majorité le fait des hommes, les femmes ont bel et bien joué un rôle dans la production artistique.
Au cours des dernières décennies, les historiens de l'art, à commencer par Griselda Pollock, ont tenté de redécouvrir les biographies des femmes artistes, de signaler leur contribution magistrale à l'art moderne et postmoderne et de les incorporer à l'histoire de l'art. En 2006, le livre Women Artists at the Millennium, issu de la conférence « Pourquoi n'y a-t-il pas de grandes femmes artistes ? — 30 ans après » (université de Princeton, 1999) montre le changement obtenu depuis les années 1970.