Pukapuka (îles Cook)
Pukapuka Danger island (en) | ||
Carte de Pukapuka | ||
Géographie | ||
---|---|---|
Pays | ![]() |
|
Archipel | Îles Cook du Nord | |
Localisation | Océan Pacifique | |
Coordonnées | 10° 52′ 59″ S, 165° 58′ 59″ O | |
Superficie | 3 km2 | |
Géologie | Atoll | |
Administration | ||
Démographie | ||
Population | 507 hab. (2006) | |
Densité | 169 hab./km2 | |
Plus grande ville | Roto | |
Autres informations | ||
Site officiel | www.cookislands.org.uk/pukapuka.htm | |
Géolocalisation sur la carte : Îles Cook
| ||
modifier ![]() |
Pukapuka est un atoll des îles Cook situé à 1324 kilomètres au Nord-Ouest de Rarotonga. De forme triangulaire dont chaque côté fait un peu près 10 kilomètres, il est constitué de trois îles principales où se concentrent la population : Pukapuka (également appelé Ware) au Nord, Motu Ko au Sud et Motu Kotawa à l’ouest ainsi que d’une multitude d’îlots coralliens inhabités. La superficie de ses terres émergées représente environ 3 km2. Pukapuka est également appelé
Nukuloa qui signifie « la grande île ».
Traditions orales
Comme l’ensemble des îles Cook, Pukapuka est riche d’une abondante littérature orale retraçant entre autres l’histoire de l’atoll. Il existe plusieurs versions quant au peuplement original de l’île. Celles-ci peuvent parfois différer bien que l’on y retrouve certains éléments communs. Ci-dessous deux exemples publiés.
Récit publié par William Wyatt Gill
Ce récit publié par le Journal of the Polynesian Society en 1912 sous le titre « E tuatua no te tupuanga o te tangata mua ki Pukapuka » (récit sur l'installation premiers habitants de Pukapuka) est extrait des papiers personnels du Révérend William Wyatt Gill, daté du 22 octobre 1877. William Wyatt Gill était un missionnaire de la London Missionary Society, en poste à Mangaia de 1852 à 1872. Ce récit fut recueilli par un des évangélistes d'Aitutaki installés sur place à partir de 1857 mais dont Gill ne nous révèle pas le nom. De même, aucune information ne nous est donnée sur le narrateur original. Le texte fut publié en maori des îles Cook (dans sa variante rarotongienne et non en langue de Pukapuka) accompagné d’une traduction anglaise.
« Voici leur histoire. Matariki fut celui qui créa la Terre et le Ciel (…) . Il était un atua[1] et le fils de Tamaei, qui était venu de Tonga. Sa mère était un « vatu », c'est-à-dire un rocher (…) Il (Matariki) fut celui qui fonda les 'kainga'[2] qui s’appelaient Muriutu, Matanga, Angari-pure, Akovika, Amaunga, et Aronga. (…)
L’ariki était de Muriutu et s’appelait Akau te vaka. Son règne fut heureux et paisible. Il n’y avait pas de cannibalisme[3] ni de guerre. (…)Cela dura jusqu’au règne de Akamora. Voici le récit de cette époque. Akamora était détesté par son clan[4], car il était aimé de sa petite-fille appelée Akovika. Il l’avait choisie pour lui succéder après sa mort. La fonction de la jeune fille était de nettoyer la tête de l’Ariki et de lui arracher les cheveux gris[5]. Lorsqu’elle fut adulte, il décida de lui léguer la chefferie car elle l’aimait. Akamora dit à Akovika, ‘Tu dois être l’Ariki’. Akovika lui répondit, 'Ce n’est pas conforme'[6]. Elle alla alors voir son père, appelé Kui, qui était le chef d’Angari Pure. Kui était un homme 'sage'[7]. Kui dit à sa fille, « le titre (d’ariki) sera mien »[8]. Cela mit en colère tous les hommes du pays qui projetèrent de le tuer.(…) Leur plan était de ramasser des milliers de frondes de cocotiers[9] dans toute l’île. Un homme était particulièrement habile[10] à cela et d’une grande force. C’était un guerrier du nom de Veru. À lui tout seul, il ramassa d’un coup une centaine de frondes de cocotier. Ils se préparèrent ensuite à faire la guerre, en fourbissant leurs armes : des « tao », des « kaio », des « koko » et des « poatu »[11]
(Le jour de l’investiture arriva). Akamora alla au marae tenant à la main une unique fronde de cocotier qu’il déposa sur la natte, geste par lequel il confiait le pouvoir à sa petite-fille. (…) Bientôt tous les hommes déposèrent à leur tour leurs frondes de cocotier sur celle d’Akamora[12](…) Une fois fait, Akamora dit à sa petite-fille, 'il reste encore une fronde à déposer et le titre d’Ariki t’appartiendra'. C’était au tour de Kui de déposer sa fronde de cocotier. Tous les hommes du pays avaient déjà fait leur offrande et tous étaient armés. Kui agita sa lance et grimpa sur le marae. Il se rendit du côté du marae où se trouvait le rivage et laissa tomber sa fronde de cocotier dans l’eau. Le marae se mit alors à trembler. Il perça ensuite le tas de fronde de cocotier avec sa lance. Le ciel se mit à s’assombrir. Tout le monde avait peur. Toutes les frondes de cocotier au-dessus de celle d’Akamora avaient disparu. Son mana s’était envolé et sa petite fille était désormais l’Ariki.(…). Le peuple dit à Kui, “Pars aux Samoa !”. Kui accepta et dit, 'j’irai'."
La suite du récit narre les aventures de Kui aux Samoa où il sera finalement tué.
Le récit de Ura
Ce récit également publié dans le Journal of the Polynesian Society, sous le titre «E Tuatua teia na Ura, e tangata bukabuka aia»[13] (récit de Ura, un homme de Pukapuka) fut recueilli en mai 1904 par J.J.K. Hutchin également missionnaire de la LMS, auprès d’un certain Ura, alors qu’il accompagnait Walter Edward Gudgeon le résident Magistrat des îles Cook dans une tournée sur l’atoll.
" Pukapuka était un rocher[14] dans l’océan. Un atua du nom de Tamaye vivait sur ce rocher, il en était le gardien. Il pensait que ce rocher ne servait à rien. Mais soudain, le rocher s’ouvrit et un homme du nom de Uyo apparut. Il vit qu’il n’y avait pas de lieux habités[15] Il créa (organisa) alors le pays et y installa des hommes. Sa femme était de Tonga et s’appelait Te Vao-pupu. Son fils s’appelait Tu muri vaka et leur fille te Mata kiate.
Aux temps anciens, deux guerriers arrivèrent de Tonga, l’un s’appelait Tokaipore et l’autre Tauperoa. Ils s’installèrent sur l’île et tuèrent (soumirent) ses habitants. Ils répartirent ensuite les gens dans trois districts. L’un s’appelait Avarua ou Tiporo, un autre Te Awea ou Panauri et le troisième Takanumi ou Urekava. En ce temps-là poussaient sur l’île le kumara (patate douce), le repo taro[16] et l’arrow-root[17],[18](…)
Aux temps anciens, Nukuroa[19] était une terre bien plus grande et il y avait beaucoup plus d’habitants qu’aujourd’hui. Mais il y a eu un déluge[20] qui a noyé une grande partie de l’île. Le lagon intérieur était jusqu'alors alors plus petit (qu'aujourd'hui). S’il y a eu un déluge, c’est parce que les gens pratiquaient l’adultère[21]et à cause de leur impiété[22] envers les dieux[23]. (…) Il y avait une fille de chef qui était mauvaise. Elle ne couchait pas avec son homme et allait partout en disant qu’il commettait l’adultère, elle disait partout que les dieux étaient mauvais. Cela les mit en colère et c’est la raison pour laquelle, ils provoquèrent le déluge[24]
Les gens disent qu’ils descendent de lignées de femmes. La tribu la plus ancienne était appelé Te Ua Ruru et ils descendent d’une ancêtre appelée Te Raio. La seconde tribu s’appelle Te Mango. La troisième Te Uira et la quatrième Te Kati. "
Sources archéologiques
Selon l’archéologie, Pukapuka aurait été habité dès le IVe siècle avant notre ère. Des os de chiens datant de cette époque ont en effet été retrouvés. Ces ossements diffèrent des squelettes des chiens d’Asie du Sud-est et se rapprocheraient de ceux du dingo australien. Certains archéologues en ont émis l'hypothèse d’un peuplement ancien de l’île par des aborigènes[25]. Néanmoins les ossements humains les plus anciens retrouvés à ce jour, seraient plus tardifs puisque datés au carbone 14 aux alentours de l’an 400 apr. J.-C.[26]
Culture
L'atoll fut le lieu où vécut l'écrivain-voyageur américain Robert Dean Frisbie (1896-1948) qui sur les conseils de Charles Nordhoff et James Norman Hall, rencontrés à Tahiti, écrivit de nombreux ouvrages dans lesquels il décrit sa vie à Puka Puka de 1920 à 1930 — pour « échapper à la plus petite clameur du monde civilisé[29] »—, dont son premier livre The Book of Puka-Puka publié en 1929. Sur l'atoll, il rencontre une Polynésienne, Ngatokorua, qui deviendra sa femme et la mère de ses cinq enfants.
Le 25 juin 1932, Fred Rebell, navigateur solitaire qui traverse l’océan Pacifique sur un petit voilier, y fait escale. Il y est accueilli par Goeffrey Henry[30], "Maori instruit et fort aimable", "maitre d'école, hydrographe, postier, juge, douanier, capitaine de port et officier de santé" qui est en fonction depuis 6 ans. Il lui raconte qu'en 1914 un raz de marée avait submergé l'ile dont le point culminant ne dépasse pas 1,50m au dessus du niveau de la mer, détruisant toutes les habitations, sans faire immédiatement de victimes. La fièvre typhoïde qui s'en était suivie du fait de la pollution des eaux avait en revanche été meurtrière[31].
Notes et références
- Terme généralement traduit comme « dieu » et qui désigne plus précisément des ancêtres divinisés
- Gill traduit ce terme par village, il est en réalité ici fait référence au premier partage des terres
- Kai tangata en maori
- Kopu tangata
- Cette histoire de cheveux gris semble récurrente sur Pukapuka. Ainsi selon Ernest et Pearl Beaglehole, un couple d'anthropologue américains qui publièrent une étude sur l'île en 1938, il existait un tapu sur les graisses et certains organes internes des tortues. Celui qui en consommait tombait malade et voyait ses cheveux devenir gris (Beaglehole, E. and Beaglehole, p. 1938. Ethnology of Pukapuka. Bernice P. Bishop Museum Bulletin)
- E ke !
- Gill traduit « vave » par « sage » (wise) et plus loin « habile » (able), ce qui est assez surprenant, « vave » signifiant, « vite », « rapide ». Peut-être faut-il comprendre et comme semble le confirmer la suite du récit, qu’il s’agirait plutôt d’un homme pressé, ambitieux ?
- Il est probable qu’il était celui qui devait normalement succéder à Akamora
- Nikau
- Traduit également par vave
- Il s’agit de différents types d’armes (lance, casse tête…)
- Par ce geste, ils reconnaissaient Akovika en tant qu’Ariki
- JPS, Volume 13, No. 3, September 1904, p. 175-176
- Kaoa, litt. patate de corail
- Turanga
- Hutchin traduit ce terme par canne à sucre. Il s’agit sans doute du taro géant des marais ou taro des atolls dont l’autre nom maori est puraka
- manioc polynésien ou pia)
- Note de Hutchin, « Le kumara pousse toujours aujourd’hui mais sans tubercules, la canne à sucre pousse lorsqu’elle est plantée dans les tarodières, mais il n’y a pas d’arrow root. »
- Ancien nom de Pukapuka
- deluvi
- Akaturi, littéralement « adultère », « fornication », "faire l'amour. À noter que Hutchin qui était missionnaire traduit ce terme par « wicked » (mauvais, méchant)
- takinga kino, litt. Mauvais comportement
- Le terme utilisé ici n’est pas atua mais idolo, emprunt à l’anglais « idole »
- Ce deluvi (déluge) outre qu’il fait référence à la Bible ce qui est assez classique de la tradition orale polynésienne recueillie à l’époque missionnaire, symbolise sans doute également un conflit de succession ou une guerre inter-tribale. Toutefois certains archéologues l’ont interprété comme le passage d’un tsunami ou d'une marée cyclonique, ce qui est également possible
- G. Clark (1998): Prehistoric contact between Australia and Polynesia: the Pukapuka dog re-examined. International Journal of Osteoarchaeology 8(2): 116-122.
- An archaeological survey of Pukapuka Atoll, 1985 (preliminary report) / Masashi Chikamori & Shunji Yoshida.
- (Beaglehole, E. and Beaglehole, p. 1938. Ethnology of Pukapuka. Bernice P. Bishop Museum Bulletin
- Mémoires du Capitaine Péron, Tome 1, p. 277-282. Paris. 1824.
- My Tahiti, Robert Dean Frisbie, éd. Doubleday, 1937, chap.1.
- Goeffrey Henry est le père de Sir Alfred Roy Henry, leader du mouvement d'indépendance dans les iles Cook
- Fred Rebell (trad. de l'anglais), Seul sur les flots, Paris, Arthaud, , 233 p. (ISBN 978-2-08-139861-0), p. 141
Text is available under the CC BY-SA 4.0 license; additional terms may apply.
Images, videos and audio are available under their respective licenses.