Réforme protestante
mouvement de transformation du christianisme occidental initié par Martin Luther en 1517 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La Réforme protestante ou « la Réforme », amorcée au XVIe siècle, est le mouvement de transformation du christianisme qui s’étend de la fin du Moyen Âge jusqu’au début du XVIIe siècle et entend revenir aux sources et à la forme première du christianisme. Elle a été représentée par des acteurs de nature diverse : théologiens, prédicateurs, rois, princes, bourgeois, paysans, intellectuels… La Réforme avait des motivations religieuses, politiques et économiques et elle a transformé en profondeur les sociétés européennes et les cultures soumises à l’influence de l’Europe, notamment en Amérique du Nord et dans une moindre mesure l'Amérique du Sud et l'Asie.
Née de débats autour du salut et du rôle de l'Église catholique, elle correspond en partie à l’expression d’une culture alors marquée par une profonde angoisse face à la vie éternelle[1]. Elle renvoie aussi à la critique de l'Église romaine et de son commerce des indulgences. Encore assez proche du catholicisme à ses débuts, la Réforme tend à s’en éloigner de plus en plus et rejette de manière grandissante le culte des saints, le culte de la Vierge et participe à une activité iconoclaste importante.
Apparue dans un contexte de diffusion de l’écrit et d’alphabétisation grandissante, la Réforme renvoie à l’apparition d’une nouvelle culture venant des milieux bourgeois et instruits qui ont bénéficié d’une bonne formation à travers les universités fondées au Moyen Âge par les princes et l’Église catholique. Les réformateurs profitent de l'essor de l'imprimerie pour faire circuler la Bible en langues vernaculaires (notamment l'allemand après la première traduction réalisée par Luther). La volonté de revenir au texte de la Bible devient ainsi une des principales motivations des réformateurs, guidés par le principe du Sola scriptura (« par l’Écriture seule ») théorisé par les premiers réformateurs protestants autour de Martin Luther.
La Réforme a aussi un caractère politique. C'est un moyen pour les princes allemands d'affirmer leur indépendance face au Saint-Empire romain germanique. Pour les autres monarques, il s'agit de récuser l'autorité de la papauté ou pour les populations de pouvoir se révolter face à un souverain mal accepté comme en Écosse et aux Pays-Bas espagnols. La Réforme se traduit au XVIe siècle par de nombreux conflits, entre l'empereur Habsbourg et les princes allemands, mais aussi par des guerres de Religion en France, en Angleterre et en Écosse.
En ce qui concerne ses origines, on peut considérer que le représente son point de départ, même si elle a connu des précédents dès la fin du Moyen Âge. Martin Luther, alors moine catholique, fait connaître ses 95 thèses à Wittemberg. Les idées de la foi réformée se répandent dans le Saint-Empire notamment en 1522 grâce à Ulrich Zwingli, curé à Zurich, et quasi simultanément grâce à Matthieu Zell et Martin Bucer à Strasbourg, puis, plus tard par Jean Calvin à Paris, Strasbourg et Genève. La Réforme touche alors la majeure partie de l'Europe du Nord-Ouest. Les tentatives de conciliation avec l'Église catholique ayant échoué, la situation aboutit à une scission. La Contre-Réforme catholique engagée à l'issue du concile de Trente ne permet qu'une reconquête partielle des populations passées au protestantisme. Comme date de fin de la Réforme au sens étroit, on peut proposer 1555 et la paix d'Augsbourg, 1563 qui marque la clôture du concile de Trente, ou 1648 qui constitue la fin de la guerre de Trente Ans et l'apparition de l'ordre politique et confessionnel de l'âge classique.
Signification de « réforme » et « protestant »
Le terme latin reformatio désigne tout au long du Moyen Âge un retour à un ordre passé idéalisé. Il s’agit au travers de ce processus de réforme de revenir à une époque passée vue comme un modèle. C’est tantôt l’Empire romain qui est vu comme un idéal politique auquel il faudrait revenir comme l'attestent les projets de restauration de l’Empire sous Charlemagne ou sous Otton Ier. Plus particulièrement, la reformatio a pour but de redonner sa « forme » ou son « aspect » d'origine à l'Église chrétienne[2] (re-formare). Ceci implique des actions dans le domaine de la liturgie, de l’attribution des charges ecclésiastiques, du retour aux langues sacrées – notamment le latin, mais aussi le grec et l’hébreu. La réforme correspond ainsi de manière générale à un projet de restauration et de retour aux origines du christianisme.
La réforme grégorienne représente le premier grand mouvement de réforme des Églises occidentales. Il a été suivi d'autres tentatives de réforme à la fin du Moyen Âge notamment face au grand schisme d’Occident[3]. La Réforme avec « R » majuscule désigne plus spécifiquement la Réforme protestante. Les paysans révoltés lors de la guerre des paysans reprenaient le terme traditionnel de reformatio. On le trouve en revanche rarement chez Luther, Zwingli ou Calvin. Depuis le milieu du XVIe siècle, il est devenu courant de désigner comme réformateurs ces théologiens. La Paix de Westphalie a introduit en 1648 le terme ius reformandi, et réformé est devenu une auto-désignation confessionnelle[4].
Concernant le terme « protestant », il désigne d'abord le fait de protester c'est-à-dire de témoigner de sa foi. Diarmaid MacCulloch écrit ainsi : « L'un des usages les plus curieux est le développement du mot "protestant". À l'origine, il était lié à une occasion spécifique, en 1529, lorsque, lors de la Diète (assemblée impériale) du Saint-Empire romain germanique tenue dans la ville de Spire, le groupe de princes et de villes qui soutenaient les programmes de réforme promus par Martin Luther et Huldrych Zwingli s'est retrouvé en minorité de vote : pour rester solidaires, ils ont publié une "Protestatio", affirmant les convictions réformatrices qu'ils partageaient. L'étiquette "protestant" a ensuite fait partie de la politique allemande ou impériale pendant des décennies et n'a pas eu de référence plus large que cela (...) Ce n'est qu'un peu plus tard que le mot a acquis une référence plus large[5]. »
Approches historiographiques
Interprétations anciennes
Les approches historiographiques ont évolué de manière sensible depuis le XIXe siècle. Sous l'influence notamment de l'historien protestant Ranke, le Moyen Âge et en particulier le XVe siècle qui précède la Réforme représentait une période de déclin de la religion et de stagnation de l'Église que les Réformateurs auraient remis en cause[6],[7].
La recherche historiographique sur la Réforme a été dominée en effet à partir du XIXe siècle par une lecture confessionnelle, voire a été influencée par les idées nationalistes[8]. Les pays soumis aux idées de la Réforme ont développé une historiographie souvent spécifique liée aux expériences collectives faites par les protestants et par leur perception du catholicisme[9]. On peut distinguer deux grandes tendances. D'un côté, les pays où le protestantisme est majoritaire - Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, États-Unis - et dans lesquels a longtemps prédominé une vision triomphaliste de la Réforme comme un progrès sur le supposé obscurantisme médiéval, au risque de céder à des préjugés anticatholiques. D'un autre côté, dans les territoires où les protestants sont demeurés minoritaires et ont été persécutés - en France au premier chef et dans une moindre mesure en Italie - une historiographie insistant sur le caractère minoritaire, les persécutions et la volonté de se légitimer face à une culture majoritairement catholique a dominé[10].
Au Royaume-Uni notamment, la conception whig de l'histoire du passage du christianisme médiéval au protestantisme anglican moderne a été assimilé au passage vers une ère d'indépendance nationale pour l'Angleterre, de puissance et d'indépendance face aux puissances françaises dominantes aux XVIe et XVIIe siècles[11]. Les caractéristiques de l'historiographie Whig telles que définies incluent une interprétation de l'histoire comme une progression vers l'état présent et tout spécialement vers le constitutionnalisme britannique[12]. L'accent mis sur un progrès tenu pour inévitable conduit à la croyance en une causalité téléologique qui ne conduit pas l'historien à étudier réellement les causes du changement historique, mais leur finalité et leur conséquence[13].
Les historiens allemands notamment ont défendu une vision héroïque de la Réforme comme un combat entre la foi protestante incarnant la modernité et l’Église catholique conservatrice, ce qui correspondait à une tendance anticatholique caractéristique de l'Allemagne et du Kulturkampf de cette époque[8]. La Contre-Réforme catholique initiée par le Concile de Trente a été ainsi réduite à une simple réaction à la Réforme protestante.
En France, les historiens protestants du XIXe siècle ont voulu montrer, quant à eux, que la Réforme n'était pas exclusivement d'origine germanique, mais qu'elle avait des antécédents en France[9]. Cela a amené ces auteurs à étudier par exemple les Vaudois et les cathares et à chercher des prédécesseurs français à la Réforme calviniste afin de montrer que le protestantisme s'inscrivait dans une histoire nationale[9]. De plus, l'historiographie de la Réforme française a souvent insisté sur le caractère minoritaire du protestantisme en France, sur les persécutions qu'il a subies et dont les symboles les plus connus sont la nuit de la Saint Barthélémy et les dragonnades alors que dans les pays majoritairement protestants, la Réforme incarne un tournant dans l'affirmation de l'identité nationale[14].
Réforme et modernité
Un des débats majeurs autour de l'historiographie de la Réforme tient à son rôle dans l'apparition de la sécularisation de l'ordre social et politique. Selon Olivier Christin, les traités de paix entre catholiques et protestants dès le XVIe siècle ont contribué à faire apparaître un ordre politique non plus fondé sur la religion, mais sur un droit et la volonté de créer une communauté permettant une première forme d'autonomisation du politique[15]. Le Traité de Westphalie conclu en 1648 en particulier a été vu ainsi comme le symbole du basculement vers un ordre international post-religieux, car fondé sur la puissance pure, sur la reconnaissance de l'indépendance du politique par rapport au religieux et l'acceptation d'un système international pluraliste caractérisé par la co-existence de plusieurs confessions chrétiennes[16].
Cette idée de l'entrée dans un nouvel ordre indépendant de la religion fait écho à des débats structurants dans le domaine des sciences sociales. Le sociologue Max Weber a ainsi contribué à diffuser l'idée que la naissance du protestantisme a été à l'origine du développement de l'individualisme et du capitalisme moderne[17]. Selon Olivier Christin et Yves Krumenacker, il est dangereux de postuler le caractère moderne du protestantisme car cela risque de mener à des analyses téléologiques[18]. Des chercheurs ont cherché dans la Réforme ce qui annonce la laïcité, le capitalisme, l’émancipation des femmes ou la démocratie, mais au risque de l'anachronisme[19]. Le risque selon ces chercheurs serait de croire que le protestantisme possédait déjà au XVIe siècle les qualités qu’il a à notre époque. Christin et Krumenacker ajoutent ainsi : « D’une manière générale, les « sciences religieuses » ont longtemps été marquées par une lecture weberienne et libérale du religieux, qui a fait du rejet des moyens magiques, puis rituels, de communication avec la Transcendance mais aussi de l’intériorisation de la piété et de l’exercice de celle-ci les moteurs de la modernisation, l’histoire du religieux trouvant son point d’aboutissement dans un vaste processus de désenchantement du monde et de naissance du sujet moderne »[18].
Tendances de la recherche moderne
La recherche moderne intègre la réforme protestante dans un cadre plus général s'étendant de la réforme grégorienne à la guerre de Trente Ans[8]. Cela a amené à une extension et à une compréhension de la Réforme dans le contexte des premières tentatives de réforme de l’Église latine au Moyen Âge et en intégrant la Contre-Réforme catholique[20]. Les progrès de la recherche historique et les évolutions du dialogue œcuménique entre chrétiens ont amené à considérer la Réforme protestante et la Contre-Réforme catholique comme un continuum en opposition voire en conflit, mais aussi en dialogue[21]. Des historiens intègrent aussi la Contre-Réforme dans l'étude de la Réforme et parlent des Réformes au pluriel afin d'intégrer les mouvements catholiques de transformation de l'Église romaine[22],[23],[24]. Pierre Chaunu évoque ainsi la nécessité de prendre en compte pas moins de quatre réformes : la réforme grégorienne inséparable selon Chaunu de la redécouverte d'Aristote au XIIIe siècle, la réforme protestante, la Contre-Réforme catholique et la réforme protestante des anabaptistes et des protestants hétérodoxes (unitariens par exemple)[25]. On peut néanmoins étendre la Réforme jusqu'à 1700, ce qui permet d'intégrer les guerres civiles anglaises, le Traité de Westphalie et les débuts de la pensée scientifique[26].
En ce qui concerne la périodisation de la Réforme protestante en tant que telle, on peut distinguer deux grands groupes : les luthériens et les calvinistes qui représentent la Réforme magistérielle centrée sur l'étude des textes et l'existence d'une Église relativement structurée d'une part et les anabaptistes, représentant d'une vision du christianisme fondée sur l'Esprit Saint et récusant la hiérarchie religieuse et politique. Roland Bainton a ainsi inventé en 1941 le terme « aile gauche de la Réforme » (left wing of the Reformation) pour désigner des groupes comme les anabaptistes parce qu'ils étaient prêts à une rupture plus radicale avec la tradition. En raison des connotations politiques trompeuses, George Huntston Williams proposa pour ces groupes le terme de Réforme radicale, qui s'est largement imposé parmi les historiens[27]. De plus, depuis le milieu du XXe siècle, le terme de «seconde Réforme » s'est imposé pour désigner le développement d'Églises réformées, lié avant tout au nom de Calvin. Il exprime cependant mal le fait que la Réforme suisse n'a pas commencé après la Réforme de Wittenberg, mais à peu près en même temps que celle-ci[28].
La délimitation de la Réforme dans l'espace s'est étendue, sous l'influence des évolutions de la science historique. Plus récemment, la recherche a privilégié une approche mondiale de la Réforme comme un ensemble de mouvements de transformations du christianisme voire de religions non-chrétiennes autour du XVIe siècle. Cela a abouti notamment à mieux étudier la diffusion de la foi chrétienne en Amérique du Sud à partir de l'époque des Grandes découvertes. Diarmaid MacCulloch avance ainsi : « l'histoire de la Réforme du XVIe siècle ne concerne pas seulement le petit continent européen. Au moment même où la culture commune de l'Europe latine et chrétienne s'effondrait, les Européens établissaient leur pouvoir dans les Amériques et sur les côtes d'Asie et d'Afrique ; toutes leurs divisions religieuses s'y sont donc reproduites »[29].
En ce qui concerne les objets d'étude, la recherche sur la Réforme a évolué de manière sensible. Après l'étude des figures célèbres de la Réforme - Luther, Zwingli, Calvin entre autres - l'histoire moderne remet en cause cette approche par les « grands hommes » pour une approche par le bas centrée sur l'étude des sociétés et des mouvements collectifs[29]. Ceci ne revient pas à nier l'importance de ces théologiens, mais plutôt à étendre le champ de l'investigation[29]. Cette évolution apparaît dès les années 1950 sous l'influence de l’École des Annales soucieuse d'examiner les pratiques collectives en examinant les pratiques religieuses, la foi populaire ou les représentations collectives[30]. Thomas Kaufmann avance ainsi : « Depuis les années 1960, les impulsions les plus significatives de la part de l’histoire de l’Église à propos de l’histoire de la Réforme concernent, d’une part, une nouvelle évaluation de la théologie, de l’Église, de la piété et de la culture du Moyen Âge tardif et, d’autre part, une ouverture aux perspectives de l’histoire sociale et, en particulier, l’utilisation de ses méthodes pour la considération de la Réforme urbaine. Ces impulsions (…) proviennent avant tout de l’histoire culturelle et institutionnelle, c’est-à-dire de l’évolution des méthodes en sciences historiques »[31].
Concepts de la recherche moderne
Confessionnalisation
L'historiographie moderne insiste sur la notion de confessionnalisation depuis les travaux de Schilling (de) et Moeller[32]. La confessionnalisation désigne le processus de renforcement et de création d'une identité collective par les confessions chrétiennes à partir de la Réforme protestante. Il s'agit d'un processus initié par les autorités politiques, religieuses et par les individus eux-mêmes. La confessionnalisation vise à renforcer le sentiment d'appartenance à une même communauté et à créer un sentiment d'appartenance collective en rejetant certaines croyances de l'autre camp ou en cherchant à l'imiter, mais dans le cadre d'une compétition mimétique[33]. La notion de confessionnalisation a permis l'extension de la recherche sur la Réforme au-delà du seul XVIe siècle en permettant d'étudier aussi les conséquences de la Réforme du XVIe siècle jusque dans la formation des identités collectives au XVIIe siècle[34]. Ces recherches ont sensibilisé les chercheurs au rapport entretenu entre histoire confessionnelle et construction de l’État. Elles ont attiré l'attention sur certains parallèles entre les trois grandes confessions modernes : le luthéranisme, la réforme calviniste et le catholicisme apparu après le Concile de Trente[32].
Le rapport à la Vierge Marie représente un exemple de confessionnalisation. Martin Luther aux débuts de la Réforme acceptait encore une certaine forme de culte marial et a écrit des textes théologiques sur la Vierge Marie. Néanmoins, la seconde génération des Réformateurs autour de Jean Calvin a rejeté cette vision des choses tandis qu'à partir du XVIIe siècle, plusieurs États catholiques - France, Bavière, Pologne - ont fait de la Vierge leur sainte patronne notamment pour se distinguer des protestants[34].
Guerres et paix de religion
L'étude de la Réforme protestante a été longtemps liée à l'idée de violence et de guerre de religion. Mais plusieurs historiens insistent ainsi sur le potentiel de pacification et sur la capacité à établir de nouvelles formes de compromis au sein de la société malgré les différends religieux[7]. Bernd Moeller prend ainsi comme point de départ l’auto-compréhension des communautés urbaines soumises aux divergences entre catholiques et protestants qu’il interprétait comme une sorte de développement proto-démocratique dans le Saint Empire. Il retrouve les premières tendances qui conduisirent à une approche de la chose publique soucieuse d'apaiser les conflits confessionnels[35].
En ce qui concerne le Saint Empire, mais aussi la France, Olivier Christin insiste sur la « paix de religion ». Par cette expression, il entend prendre le contre-pied de l'historiographie traditionnelle qui insiste sur les guerres de religion. Pour Christin, les contemporains de la Réforme ont été au contraire capables de construire un nouvel ordre fondé sur le droit et la loi commune, tout en étant animés par un esprit chrétien de réconciliation[36]. Il insiste notamment sur les paix de Cappel pour les cantons suisses en 1531, la paix d’Augsbourg pour le Saint Empire en 1555 et sur l’édit d’Amboise en France en 1563[37]. Une « conversion juridique et judiciaire du conflit » aurait permis une pacification de la société[15].
De nouvelles pratiques pour faire naître la paix y compris au plan international ont alors vu le jour selon Nicolas Offenstadt entre autres, et dont le symbole demeure le Traité de Westphalie signé en 1648 et fondé sur de nouvelles pratiques sociales de conciliation, de négociation et de création d'un ordre juridique souvent qualifié de « laïc » ou de « moderne » car affranchi jusqu'à un certain point de l'influence de la religion[38].
Une historiographie déséquilibrée
Selon Olivier Chaline, la recherche sur la Réforme reste marquée par un déséquilibre profond qui amène le catholicisme français du XVIe siècle à être moins étudié que le protestantisme. Il écrit ainsi : « Or l’Église dans toutes ses dimensions demeure insuffisamment connue des historiens au moment où elle affronte une crise, à la fois interne et externe, sans précédent. Il est aussi insatisfaisant d’en faire un pur conservatisme subissant les assauts des éléments dynamiques qui se sont retournés contre elle que de considérer que l’éclatement de la chrétienté latine ferait apparaître des confessions dont l’une, le catholicisme, prétendrait (plutôt indûment) à la continuité historique avec l’avant-Réforme (…). Le poids de l’historiographie dominante fait que l’entreprise d’une minorité pour imposer, tantôt par la force tantôt par la persuasion, avec ou sans l’autorité royale, sa conception du christianisme à l’ensemble de la population, semble tout à fait normale et légitime »[39].
Chronologie de la Réforme
- 1507 : Guillaume Briçonnet accueille à Meaux Jacques Lefèvre d'Étaples qu’il fréquente depuis 1505.
- 1515-1516 : Martin Luther donne un cours sur l'épître de Paul aux Romains.
- 1516 : Ulrich Zwingli rencontre Érasme et l'imprimeur Froben à Bâle.
- 1517 : Martin Luther publie ses 95 thèses.
- 1520 :
- Martin Luther publie ses principaux écrits réformateurs :
- La Papauté de Rome ;
- L'Appel à la noblesse chrétienne de la nation allemande pour l'amélioration de l'ordre chrétien ;
- De la captivité babylonienne de l'Église ;
- La Liberté chrétienne.
- : bulle Exsurge Domine de Léon X en réponse aux 95 thèses.
- Martin Luther publie ses principaux écrits réformateurs :
- 1521 :
- : bulle Decet Romanum Pontificem de Léon X qui excommunie Luther ;
- l'empereur Charles Quint promulgue l'édit de Worms pour interdire le luthéranisme. Il prononce la mise au ban de Martin Luther et de ses partisans, interdit la diffusion et la lecture de ses écrits (ainsi que de tout autre écrit suspect d'hérésie) ;
- les thèses de Martin Luther sont condamnées par La Sorbonne ;
- le cénacle de Meaux, expérience évangélique, est fondé à la demande de l'évêque de Meaux Guillaume Briçonnet par son vicaire et ami Jacques Lefèvre d'Étaples ; il comprend le futur réformateur Guillaume Farel.
- 1522 :
- les publications d’Ulrich Zwingli le font connaître en dehors de Zurich ;
- Martin Luther publie la traduction en allemand du Nouveau Testament.
- 1523 :
- Jacques Lefèvre d'Étaples publie la traduction en français du Nouveau Testament à partir de la Vulgate ;
- Zurich est le premier canton suisse à passer à la réforme, grâce à Ulrich Zwingli.
- 1524 : Martin Bucer met en place un culte réformé à Strasbourg (l'Alsace fait partie du Saint-Empire romain germanique).
- 1528 : Jacques Lefèvre d'Étaples publie la traduction en français de l'Ancien Testament à partir de la Vulgate.
- 1529 : Bâle passe à la Réforme. Glaris, Berne, Bienne, Schaffhouse et Saint-Gall suivent. « Protestation » des princes luthériens lors de la seconde Diète de Spire. La république de Mulhouse adopte la réforme inspirée par Ulrich Zwingli (puis par la suite par Jean Calvin) comme unique doctrine d'État.
- 1530 :
- présentation de la confession d'Augsbourg, texte fondateur du luthéranisme ;
- Meaux devient la première paroisse protestante organisée de France.
- 1531 : les cantons suisses catholiques attaquent les Zurichois et les battent. Zwingli est tué. La Bible de Zurich traduite par Zwingli est publiée par Christian Froschauer.
- 1532 : au synode de Chanforan, l’église vaudoise fusionne avec les églises réformées. Jean Calvin, converti en 1531, commence à prêcher dans Paris.
- 1533 : discours de Nicolas Cop, recteur de la Sorbonne, écrit par Calvin. Scandale. Exil de Calvin.
- 1534 :
- Martin Luther publie la traduction en allemand de l'Ancien Testament ;
- Affaire des Placards ; la politique royale française devient répressive.
- 1536 :
- Calvin publie à Bâle l'Institution de la religion chrétienne, sans mention de la prédestination.
- Calvin s’installe à Genève où la Réforme vient d'être adoptée.
- 1537 : Confession de foi calviniste
- 1538 : Calvin, banni de Genève en 1538, s'installe à Strasbourg, où il collabore avec Martin Bucer et enseigne dans le collège humaniste nouvellement créé.
- 1541 : Calvin revient à Genève et y installe une république calviniste dans la ville.
- 1542 : création de l'Inquisition romaine par Paul III.
- 1545 :
- ouverture du concile de Trente ;
- le massacre de Mérindol, lors duquel 3 000 Vaudois du Luberon meurent, déclenche l’émoi et une enquête royale.
- 1546 : mort de Martin Luther.
- 1552 : Jean Calvin publie De la prédestination éternelle de Dieu.
- 1555 () : la paix d'Augsbourg est signée ; elle donne une existence légale aux villes ou aux États luthériens dans l'Empire.
- 1561 : colloque de Poissy, tentative de conciliation entre théologiens catholiques et protestants français ; le colloque échoue sur la question de la transsubstantiation.
- 1562 :
- Jean Calvin publie La Congrégation sur l'élection éternelle ;
- massacre d'un rassemblement de Huguenots à Wassy ; début des guerres de religion en France.
- Trente-neuf articles établissant l'Anglicanisme.
- 1563 : fin du concile de Trente.
- 1572 : massacre de la Saint-Barthélemy.
- 1598 : Édit de Nantes, fin des guerres de religion en France.
- 1618 : début de la guerre de Trente Ans.
- 1629 : Paix d'Alès.
- 1648 :
- fin de la guerre de Trente Ans,
- fondation de la Religious Society of Friends (Société religieuse des Amis) dont les membres sont connus sous le nom de quakers.
- 1685 : édit de Fontainebleau, révocation de l'édit de Nantes (1685)
- 1787 : édit de Versailles, droit pour les non-catholiques d'avoir un état civil.
- 1789 : Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, liberté religieuse reconnue par l'article 10.
- 1795 : décret du 21 février 1795 établissant un régime de séparation des églises et de l'État et reconnaissant la liberté des cultes.
Les précurseurs de la Réforme: Valdo, Wyclif et Hus
Très tôt, les Réformateurs ont cherché des préfigurateurs ou des ancêtres afin de légitimer leur entreprise de transformation du christianisme en Occident : ils ont alors privilégié principalement Wyclif, Vaudès et Hus[40].
Ces trois personnalités peuvent être vues comme des préfigurateurs de la Réforme protestante non pas tant au niveau des idées théologiques[40] que par leur volonté de réformer l’Église, le fait qu’ils aient traduit la Bible en langue vernaculaire, leur position minoritaire et par les persécutions qu’ils ont pu subir – les deux premiers points anticipant en partie la situation des protestants en France et en Italie notamment. Il s’agit de Pierre Valdo le fondateur du mouvement des Pauvres de Lyon, John Wyclif, un universitaire anglais, Jan Hus, un théologien tchèque brûlé en 1415 à Constance.
Frappé de la mort subite de l’un de ses amis dans une réunion de plaisir, Vaudès décida, vers 1170, de renoncer au monde, abandonnant femme et enfants et de travailler désormais uniquement à son salut, se conformant ainsi à la « parabole du jeune homme riche » (16-30 Matthieu 19, 16-30)[41]. Il se consacre à la prédication de l’Évangile sans être prêtre. Il demande et finance la traduction d'extraits de l’Évangile[42]. Il créa un mouvement laïc, les Pauvres de Lyon, radical dans son choix de simplicité, des « hommes nus qui suivent un christ nu »[43]. C'est sous son impulsion que plusieurs livres de la Bible sont traduits en francoprovençal[44] vers 1180, que naît un engouement populaire pour la lecture et la propagation de la Bible en langue populaire et non plus en latin. En cela Vaudès est un précurseur de la Réforme. De même, il est précurseur de la réforme en proposant que les laïcs soient prédicateurs de l'évangile, tout croyant seul face à Dieu pouvant porter le message.
En 1179, Vaudès et un de ses disciples se rendent à Rome. Ils furent bien accueillis par le pape Alexandre III, mais plus fraîchement par la Curie. Ils durent expliquer des points qui faisaient alors débat au sein de l'Église comme le sacerdoce universel, l'évangile en langue vulgaire, une plus grande pauvreté de l'Institution. Vaudès et ses amis ne furent pas pris au sérieux, un « comité » auquel participait Walter Map, représentant du roi d'Angleterre Henri II, les questionna sur des points précis de théologie où ils furent incapables de répondre[45]. La rencontre n'aboutit donc à rien, et Vaudès et ses disciples d'abord vus avec méfiance sont condamnés au concile Latran III de cette même année mais non encore excommuniés.
Ils furent ensuite chassés de la ville[Note 1]. Persécutés, Vaudès et ses disciples s'installèrent dans les hautes vallées du Piémont, puis, en France, dans le Luberon : l'Église vaudoise est née. Excommuniés par le Concile de Vérone en 1184, sa doctrine fut condamnée par le Concile de Latran en 1215.
Un autre des plus anciens précurseurs de la Réforme est l'anglais John Wyclif. À travers ses premiers écrits apparaît l'idée que Dieu exerce son droit sur les biens terrestres par l'intermédiaire du pape. Les rois sont donc soumis à l’autorité du pape. Selon lui, la véritable Église est l'Église des chrétiens, les membres de la hiérarchie et le pape lui-même, mais sans que personne soit supérieur aux autres. Le pape dirige mais n'est pas plus saint qu'un autre chrétien. Cette affirmation nouvelle remet ainsi en cause la place de la hiérarchie dans l'Église. Wyclif traduit également la Vulgate en ancien anglais et reconnaît aux autorités laïques le droit de percevoir les revenus ecclésiastiques en 1381, ce qui choque beaucoup les membres du clergé anglais très attachés à leurs prérogatives pécuniaires. Il pense que les Écritures doivent être la seule source de foi même s'il pense que les pères de l'Église peuvent aider à son interprétation. Il est condamné en 1376 et 1379. Son ennemi Guillaume de Courtenay, devenu archevêque de Cantorbéry, convoque à Londres trois synodes en 1392, qui condamnent formellement Wyclif et ses partisans. Il meurt isolé, mais est enterré en terre chrétienne. Le Concile de Constance (1414-1418) renouvelle la condamnation de ses écrits, de même que le pape Martin V qui publie deux mois avant la fin du concile la bulle Inter cunctas () contenant les quarante-cinq articles condamnés de Wyclif. À sa suite, les Lollards poussent le peuple à la révolte contre les évêques qui s'enrichissent grâce à leur position religieuse. Henri IV d'Angleterre sévit contre ce qu'il considère comme une hérésie majeure et une atteinte à son pouvoir absolu[46]. Les idées de Wyclif restent cantonnées à l’Angleterre.
Le second principal moment de réforme de l’Église vient du concile de Constance et de Bâle qui expriment des tentatives pour réformer l'Église afin de sortir du Grand schisme d’Occident. Ils portent sur le gouvernement de l'Église, sur le rapport aux hussites et sur les essais de réconciliation avec l'Église orthodoxe.
Le concile de Constance est convoqué à Constance par l'empereur Sigismond Ier et par l'antipape Jean XXIII, et présidé par le cardinal Jean Allarmet de Brogny. S'il met fin au grand schisme d'Occident, il déclare hérétiques les réformateurs John Wyclif, Jan Hus et Jérôme de Prague, et condamne ces deux derniers à être livrés au bras séculier. Ils furent brûlés vifs par ordre de l'empereur Sigismond. Le concile de Constance (1414-1418) a résolu la crise du Grand Schisme d'Occident. Par son décret Frequens du , il s’est déclaré institution permanente de l’Église, devant se réunir périodiquement et chargé du contrôle de la papauté[47].
En Bohême et Moravie, Jan Hus oppose la richesse corruptrice à la pauvreté évangélique. Pour lui, l'Évangile est la seule règle infaillible et suffisante de la foi, et tout homme a le droit de l'étudier pour son propre compte. De plus les prétentions religieuses d'Hus se doublent de prétentions nationalistes. Il lutte pour que les Tchèques soient maîtres en leur patrie. Pour les Tchèques, Hus est le premier grand héros de la nation tchèque. En 1412, il lance des réquisitoires brûlants contre les indulgences dont la vente doit financer la guerre de Jean XXIII contre Ladislas de Naples. Il est frappé d'une excommunication majeure, et la ville d'interdit s'il y séjourne. Il écrit des traités de théologie. En 1414, il se rend au concile de Constance muni d'un laissez-passer de l'empereur Sigismond. Là, il refuse d’abjurer ses « erreurs ». Ses écrits sont réduits en cendre et lui aussi brûlé comme hérétique le . Il est aussitôt considéré par le peuple tchèque comme un martyr et un saint. La défenestration de Prague du , marque le début de l'insurrection des hussites qui, durant dix-huit ans, tiennent tête aux cinq croisades que l'Europe envoie à l'appel du pape et de Sigismond pour écraser les « hérétiques ». Les Compactata de Bâle (1433) accordent finalement aux Tchèques la communion sous les deux espèces et la lecture en tchèque de l'Épître et de l'Évangile. Mais deux Églises issues de la prédication de Hus subsistent en Bohême au XVIe siècle : l'église Ultramontaine et la Communion des frères de la foi[48].
Le second principal Concile visant la réforme de l’Église au XVe siècle est le Concile de Bâle. L'affaire de la réformation est ainsi renvoyée à ce concile[49]. Le concile de Bâle est marqué par la victoire temporaire du conciliarisme. Le , le concile de Bâle s’affirme en effet supérieur au pape et confirme le décret Frequens rendu à Constance. Le , Eugène IV, prétextant une faible participation, dissout le concile de Bâle. Le pape finit par avoir le dernier mot et retrouve la direction complète de l'Église romaine.
Facteurs expliquant la Réforme
De nombreux facteurs religieux et politiques expliquent la Réforme[50].
Une des explications courantes à la Réforme protestante consiste à supposer que l’Église catholique aurait été décadente à la fin du Moyen Âge. Or, cette opposition entre décadence et réforme, déclin et redressement, qui s'enracine en fin de compte dans les jugements des contemporains de la Réforme, est réfutée si on considère de manière impartiale le XVe et le début du XVIe siècle. Comme beaucoup de réformateurs avant ou après eux, les réformateurs justifient les innovations qu’ils introduisent en se référant aux sources supposées du christianisme et à la notion de décadence qui les avait rendues nécessaires[51].
Facteurs politiques
Les facteurs politiques jouent un rôle dans l'apparition de la Réforme protestante. Le développement des États se heurte à la puissance temporelle de l'Église. Depuis le Haut Moyen Âge, les princes cherchent à intervenir dans le choix des membres du Haut-clergé, évêques, abbés. En effet, les postes ecclésiastiques sont liés à des bénéfices. Celui qui contrôle l'élection du prélat contrôle indirectement le bénéfice[52]. L'autorité universelle du pape, proclamée par Grégoire VII depuis 1075 et surtout la réforme grégorienne qui vise à redonner son indépendance à l’Église romaine par rapport au pouvoir laïc, se heurte à l'autorité grandissante du souverain notamment dans le Saint Empire et dans le Royaume de France. Mais sur le plan strictement politique, l’autorité de l’Église est déclinante en particulier depuis que les rois français ont obtenu le transfert de la papauté vers Avignon.
L’Église possède néanmoins encore une forme importante de pouvoir. Elle détient des monastères, dirige même des États dans le Saint Empire et soumet les monarques à un contrôle religieux significatif. Les rois protestent de plus contre les sorties d'argent de leur royaume vers Rome, argent dont ils ont le plus grand besoin pour leurs guerres ou pour affermir leur pouvoir. Ainsi en Angleterre, les taxes prélevées pour les bénéfices vacants sont d'un montant cinq fois plus élevé que les revenus du roi[53]. Le pape édicte aussi des bulles, lois valables dans toute la chrétienté. Il peut aussi demander aux princes de lever des troupes par l'intermédiaire de bulles de croisades, cependant de moins en moins suivies d'effets. Les souverains réclament le contrôle des ordres religieux, le droit absolu de légiférer dans leurs États, de lever l'impôt ou des troupes et de rendre justice[52].
Causes économiques
À partir du milieu du XVe siècle, le pouvoir d'achat s'amenuise face à l'arrivée massive d'or venant d'Amérique, ce qui provoque une inflation généralisée en Europe. Les nobles regardent donc du côté des immenses biens fonciers de l'Église, soit le plus souvent 20 à 30 % des terres cultivables[54]. De plus, l'Église continue à condamner l'usure. Or, les banquiers sont particulièrement nombreux dans le Saint Empire romain germanique. Nobles et banquiers sont ainsi moins attachés à l'Église catholique[54].
Causes religieuses
Les idées religieuses se transforment aussi. À côté de la multiplication de ces pratiques, la Bible, proclamée en latin lors des messes, n'est accessible aux fidèles qu'à travers les commentaires des clercs, d'où il s'ensuit une perte de sens. Certains humanistes contribuent à la diffusion d'idées nouvelles. Ils développent l'exégèse biblique. Le texte originel de la Bible se trouve ainsi restauré. La naissance de l'imprimerie permet la diffusion d'éditions de bibles en langue vernaculaire. Ce contact direct habitue le lecteur à avoir une relation personnelle avec les textes saints et à réfléchir par lui-même sur leur signification[55]. Mais ce qui affaiblit le plus l'Église catholique, c'est la perte de la sacralité. Les fidèles voient trop de fils de prêtres devenir prêtres, trop de clercs s'enrichir aux dépens des laïcs, trop d'évêques vivant comme des grands seigneurs[52].
La devotio moderna joue un rôle central dans l'apparition de la Réforme. Elle est un mouvement spirituel né au XIVe siècle aux Pays-Bas ; animée par les frères et les sœurs de la Vie évangélique, elle essaie de prendre en compte les aspirations des fidèles. C'est une méthode de piété personnelle et individuelle faite de l'imitation de Jésus-Christ, d'un examen de conscience et de prières[56]. De plus l'idée de réforme traverse bien des milieux dans bien des États. En Allemagne, L'empereur Maximilien veut utiliser l'idée de réforme contre le saint Père pour réaliser autour de lui l'unité nationale. Après avoir fait diffuser le Recueil des plaintes de la Nation germanique contre Rome, il charge l'humaniste Jacques Amyot de rassembler les observations des Allemands sur l'Église et le clergé catholique[57]. La plupart des ordres religieux cherchent de leur côté à rétablir les règles monastiques dans leur dureté originelle. Jérôme Savonarole parvient à prendre le pouvoir à Florence[57].
De plus, la réforme protestante correspond à une attente de nature spirituelle venant d'une partie de la chrétienté et en particulier des premiers réformateurs protestants[50]. Depuis le XIVe siècle et la grande peste, les fidèles vivent encore plus dans la crainte de la damnation éternelle. Les thèmes fantastiques de cette époque, danses macabres peintes dans les églises, livres millénaristes en sont les témoins[50]. La dévotion populaire se développe alors. Le but est de gagner son paradis sur la terre même au prix d'un séjour au purgatoire[58]. À la fin du XVe siècle, les indulgences sont un moyen répandu pour réduire le nombre des années passées par une âme au purgatoire après sa mort. Ainsi, l'électeur de Saxe, Frédéric le Sage, futur protecteur de Martin Luther, possède 17 443 reliques, censées lui épargner 128 000 années de purgatoire[55]. Mais les indulgences sont ensuite vendues[55]. La peur de la mort et de l'enfer contribue au développement du culte marial, du culte des saints, des reliques, des pèlerinages, des processions, et la pratique des indulgences.
Les vices du clergé ont été vus comme une des principales causes de la Réforme : la contradiction entre les principes revendiqués par l'Église catholique et la réalité (prêtres et moines qui vivent publiquement en concubinage). Néanmoins, des tentatives de réforme de l'Église avaient eu lieu dès la fin du Moyen Âge, mais sans succès. Les conciles du XVe siècle ne peuvent prendre de décision efficace tant l'autorité du pape est affaiblie.