Régime de Vichy
régime politique de la France au cours de la Seconde Guerre mondiale, entre juillet 1940 et août 1944 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Le nom de régime de Vichy désigne le régime politique autoritaire et collaborationniste instauré en France durant la Seconde Guerre mondiale. De nature traditionaliste, xénophobe et antisémite, ce régime avait à sa tête le maréchal Philippe Pétain, secondé par le chef du gouvernement Pierre Laval en 1940 et de 1942 à 1944, avec un intérim de l'amiral François Darlan. Le régime de Vichy a assuré le gouvernement de la France du au pendant la deuxième guerre mondiale et durant l’occupation du pays par le Troisième Reich[1]. Le régime est ainsi dénommé car le gouvernement siégeait à Vichy[3], située en zone libre.
Régime de Vichy
–
(4 ans, 1 mois et 10 jours)
Drapeau officiel. |
Emblème officieux. |
Devise | Travail, Famille, Patrie |
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Hymne | La Marseillaise[N 1] |
- État français
- État français, zone d'occupation militaire allemande
- Protectorats français
(légende en cliquant sur l'image).
Statut | Gouvernement provisoire[N 2] de type dictatorial. |
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Texte fondamental | Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 |
Capitale | Vichy |
Langue(s) | Français |
Religion | Catholicisme |
Monnaie | Franc |
Armistice. | |
Pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain. | |
Pierre Laval nommé chef du gouvernement. | |
Occupation de la zone libre. | |
[1] | Départ de Pétain, fin effective du régime. |
1940–1944 | Philippe Pétain |
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1940 | Pierre Laval |
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1940–1941 | Pierre-Étienne Flandin |
1941–1942 | François Darlan |
1940-1942 | Philippe Pétain |
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1942–1944 | Pierre Laval |
Chambre unique | Conseil national |
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Entités précédentes :
Entités suivantes :
- Gouvernement provisoire de la République française
- Commission gouvernementale de Sigmaringen[2] (gouvernement de Vichy en exil)
- Occupation japonaise de l'Indochine (1940)
- Thaïlande (Province de Battambang, Province de Siem Reap, Province de Champassak, Province de Sayaboury)
(1941)
Après le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain, le , par l’Assemblée nationale (réunion de la Chambre des députés et du Sénat), la mention « République française » disparaît des actes officiels ; le régime est dès lors désigné sous le nom d’« État français »[4]. Du fait de son aspect particulier dans l’histoire de France, de son absence de légitimité[5] et du caractère générique de son nom officiel, le régime est le plus souvent désigné sous les appellations « régime de Vichy », « gouvernement de Vichy », « France de Vichy » ou simplement par métonymie « Vichy ». Un projet de constitution signé par Pétain le , prévoyant que le chef de l'État porte le titre de président de la République, n'a jamais été promulgué.
Les Allemands, qui occupent d’abord le Nord et l’Ouest du territoire national et, à partir du , avec les Italiens, la métropole tout entière, laissent l’administration française sous l’autorité d’un gouvernement français installé à Vichy, dans le sud-est de l'Allier, et dirigé par Pétain. Nommé le , en pleine débâcle, président du Conseil par le président Albert Lebrun, Pétain se substitue en juillet 1940 au président de la République, qui, bien que n'ayant pas démissionné de son mandat, se retire de la fonction[6], Pétain se nommant lui-même « chef de l’État français »[7], puis met en œuvre une politique de collaboration avec les nazis et instaure des lois antisémites.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette collaboration prend plusieurs formes : coopération économique, arrestations de résistants, de francs-maçons, d'ecclésiastiques catholiques, et d'opposants politiques (notamment communistes), rafles de Juifs français et étrangers, réfugiés en France avec la montée du nazisme dans les années 1930, sur le territoire métropolitain, remis aux Allemands et déportés vers les camps d'extermination nazis. Sur le plan militaire, le régime n’est pas un allié officiel du Troisième Reich mais le sixième gouvernement Laval reconnaît la Légion des volontaires français (LVF) comme une association d’utilité publique[8] et contribue aussi à l’effort de guerre allemand au moyen de la collaboration de son industrie militaire. Il fournit en outre à l’occupant une force armée supplétive de répression en métropole, avec la Milice française, responsable d'exactions meurtrières sur tout le territoire. Au regard du peu de troupes d'occupation allemandes réparties sur un territoire aussi grand que la France, l'ordre nazi n'aurait pu s'exercer sans la totale implication de toute la machine étatique, policière et administrative française alors sous les ordres du régime de Vichy, ce qui reste un exemple unique dans les pays d'Europe occupés.
Considérant que la République française n’a jamais cessé d’exister, le général de Gaulle déclare le régime de Vichy « illégitime, nul et non avenu » à la Libération à l'été 1944. La responsabilité de l'État français dans la persécution et la déportation des Juifs durant l'occupation n'est reconnue qu'en 1995 par Jacques Chirac.
Deux gouvernements (Daladier et Reynaud) vont se succéder pour laisser place le au gouvernement de Pétain qui met fin à la Troisième République le et instaure le régime de Vichy le . Entretemps, l'appel du 18 Juin du général de Gaulle crée la France libre.
Gouvernement Daladier : drôle de guerre
En réponse à l'invasion de la Pologne par les troupes d'Adolf Hitler, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre au IIIe Reich. Adoptant alors une stratégie défensive, les deux alliés n'engagent pas le combat contre l'Allemagne alors qu'une grande partie de la Wehrmacht est déployée en Pologne, face à des troupes polonaises qui se défendent avec acharnement. Les Français restent donc derrière la ligne Maginot et temporisent, en espérant pouvoir s'appuyer sur un blocus maritime, comme celui qui contribua à l'effondrement allemand en 1918. C'est la « drôle de guerre » qui causa la mort d'environ 3 000 militaires français des 3 armes (terre-mer-air). Mais à la suite de la guerre d'Hiver contre la Finlande lancée par l’URSS, et de la non-intervention de la France, le cinquième gouvernement Daladier est renversé le . Paul Reynaud est nommé président du Conseil et ministre des Affaires étrangères le .
Gouvernement Reynaud : invasion allemande et défaite
Grâce à sa victoire à l'Est et au pacte germano-soviétique, Hitler a les mains libres pour pouvoir mettre toutes ses forces en ordre de bataille vers l'ouest. Le , il envahit les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique. Le commandement français s'y attendait et lance ses troupes à la défense de la Belgique, comme prévu. Utilisant à plein les concepts novateurs de 1918 des Français, ignorés par leur propre commandement (choc et rapidité, binôme char-avion, concentration), le fer de lance de l'armée allemande (une dizaine de divisions blindées) traverse le massif des Ardennes, jugé impénétrable par les généraux français (et donc mal défendu, et mal soutenu lorsque l'attaque apparut évidente) et encercle du sud vers le nord l'armée franco-britannique engagée en Belgique.
Début juin, défendue autour de Dunkerque par quelques divisions françaises qui se sacrifient, la British Expeditionary Force regagne la Grande-Bretagne lors de l'opération Dynamo. Le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux le . Les réfugiés qui fuient la Belgique et le Nord de la France sont alors rejoints par deux millions de réfugiés de la région parisienne. Selon l'historien Jean-Pierre Azéma, entre le et le , au moins six millions de Français abandonnent leur domicile. Participant à l'« exode de 1940 », ils se retrouvent sur les routes sous les attaques de la Luftwaffe, et ruinent la logistique militaire française. La bataille de France est perdue, en dépit de la résistance héroïque de nombreuses unités. La campagne militaire cause 120 000 morts côté français (100 000 militaires et 20 000 civils) et 40 000 militaires côté allemand. Les troupes du Reich font 1 800 000 prisonniers (600 000 entre le et le et 1 200 000 entre le 18 et le ), dont 1 500 000 resteront en captivité en Allemagne.
Le , Mussolini, allié d'Hitler, déclare la guerre à la France (sa démarche étant qualifiée de « coup de poignard dans le dos »[9],[10],[11]), mais ne parvient pas à faire avancer ses troupes à travers les Alpes bien défendues par l'armée des Alpes du général Olry. Franco, sollicité, mais prudent, refuse d'entrer en guerre contre la France, même lorsque l'effondrement français est patent.
C'est la panique en France dans le monde politique et militaire. Certains veulent poursuivre la lutte alors que d'autres veulent demander l'armistice, en violation de l'engagement interallié du . À la dernière réunion du Conseil suprême interallié du , à Tours, Reynaud, démoralisé, demande à Churchill de délier la France de son engagement à ne pas signer de paix séparée : Churchill, après discussion avec son cabinet dans le jardin[12], répond sans la moindre équivoque par la négative[13],[14],[15]. Il réaffirme que l'Angleterre se battra jusqu'au bout tout en faisant preuve, selon de Gaulle, d'une "compréhension apitoyée"[16].
Paul Reynaud, bien qu'étant pour la poursuite de la guerre, n'agit pas de manière ferme. Pourtant appuyé sans réserve par le ministre de la Marine et des Colonies, le ministre de l'Armement et le sous-secrétaire d’État à la Guerre Charles de Gaulle, et soutenu de façon relative par le président de la République Albert Lebrun, la majorité du Conseil des ministres et quelques militaires, il ne parvient pas à constituer un « cabinet de guerre » à l'anglaise.
C'est le deuxième camp, soutenu par le général Weygand, Philippe Pétain, Pierre Laval et l'amiral Darlan, qui l'emporte. Le général de Gaulle, partisan de la poursuite de la guerre, rejoint Londres pour chercher du soutien auprès des Britanniques. D'autres personnalités, surtout des intellectuels comme André Breton, Marcel Duchamp, Darius Milhaud, Marc Chagall, Jules Romains, Claude Lévi-Strauss et Jean Perrin pour ne citer que quelques-uns des plus célèbres, se réfugient en Amérique. Le président du Conseil Paul Reynaud, qui voulait continuer la lutte, choisit finalement de démissionner le .
Le président de la République Albert Lebrun nomme alors le maréchal Pétain président du Conseil.
Gouvernement Pétain : demande d'armistice
Le , après un bref séjour à Tours, le maréchal Pétain reforme son gouvernement à Bordeaux, puis annonce à la radio que la France doit cesser le combat et demander l'armistice. Le lendemain, le général de Gaulle prononce depuis Londres son « appel du 18 Juin » devenu célèbre (mais passé relativement inaperçu dans le chaos ambiant). Le mouvement de la France libre s'organise au Royaume-Uni avec d'autres volontaires français. Voir : France libre – Chronologie de la France libre.
Le , la délégation française doit aller signer l'armistice, dans la clairière de Rethondes, dans la voiture de chemin de fer qui avait servi de cadre à l'armistice de la Première Guerre mondiale et devant le monument qui évoquait l'« orgueil criminel de l'Empire allemand vaincu par les peuples qu'il voulait asservir ». Hitler fait ensuite exploser le monument devant les caméras. Quant à la voiture de chemin de fer, elle est envoyée en Allemagne, où elle sera détruite en 1945[17]. L'Allemagne entend ainsi effacer la défaite de la Première Guerre mondiale et humilier la France.
Les conditions de l'armistice sont motivées par les préoccupations d'Hitler à cette époque. Il faut bien sûr empêcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais à court terme, il faut veiller à ce que sa flotte ne rejoigne pas le Royaume-Uni qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien, ni la neutralité bienveillante espagnole, Franco ne voulant pas engager l'Espagne dans un conflit, après 3 ans de guerre civile. Ce sont toutes ces considérations complexes qui vont déterminer le contenu de la convention d'armistice, un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes[18] :
- Les prisonniers de guerre (plus de 1,5 million d'hommes) restent en captivité jusqu'à la signature d'un accord de paix.
- La moitié nord, ainsi que la côte atlantique, passent sous occupation allemande : c'est la zone occupée, qui couvre à peu près les trois cinquièmes du territoire. Le reste constitue la zone libre (c'est-à-dire « non occupée »), essentiellement au sud de la Loire. Les deux zones sont séparées par la ligne de démarcation, frontière intérieure surveillée par l'occupant et les forces de l'ordre françaises.
- La France doit pourvoir à l'entretien de l'armée d'occupation. Il s'avéra que le montant de ces indemnités allait être fixé de façon quasi-discrétionnaire par les Allemands, et leur montant s'élèvera, en moyenne, à 400 millions de francs par jour.
- Dans la zone libre, l'armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées.
- La souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire y compris l'Alsace et la Moselle (mais l'Allemagne annexe de fait l'ancien Reichsland sans tenir compte des protestations secrètes adressées par le gouvernement de Vichy) : cette souveraineté s'exerce donc théoriquement en zone occupée, mais dans celle-ci, il est stipulé que l'Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante »[18], ce qui implique que l'administration française doit collaborer avec elle d'une « manière correcte »[18].
- L'Empire colonial français reste également sous l'autorité du gouvernement français.
- Les bâtiments de la flotte de guerre française rejoignent leurs bases navales du temps de paix, Cherbourg, Brest et Lorient se trouvant en zone occupée. (« La désignation de ces ports sera faite d'après les bases navales des navires en temps de paix »).
- La France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol.
Selon Winston Churchill, la France du régime de Vichy reste indépendante de l'Allemagne. Les décisions politiques internationales ne sont prises que par le régime de Vichy et celui-ci ne suit pas l'Allemagne nazie dans les guerres contre le Royaume-Uni et l'URSS : la France de Pétain est en effet théoriquement neutre dans cette guerre une fois l'armistice signé. De plus, l'armée française de la zone libre et des colonies n'est pas dépendante de l'Allemagne nazie, et le gouvernement est français (ce sont les parlementaires français qui ont désigné Pétain comme chef du gouvernement provisoire) et n'est pas sous contrôle allemand. Pour Churchill, c'est donc une erreur de qualifier le régime de Vichy d'État satellite de l'Allemagne. Ce n'est évidemment pas non plus un État satellite de l'Italie fasciste pour les raisons précédentes[19].
Le choix d'Hitler de laisser à la France vaincue son Empire colonial peut paraître aujourd'hui tout à fait singulier. À l'époque, dans une lettre au Duce, Hitler a justifié ce choix (ainsi que celui de maintenir une zone non occupée), par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte à continuer la guerre à partir de ses colonies, la marine allemande n'étant pas en mesure de conquérir ces vastes territoires, et l'envoi de troupes dans des contrées éloignées n'entrant pas dans la stratégie d'Hitler. Dans les faits, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française, de la Polynésie française (alors désignée sous le nom d'Établissements français de l’Océanie) et de la Nouvelle-Calédonie, les colonies françaises ne se rallieront ni à de Gaulle ni aux Alliés dans les mois qui suivront l'armistice.
De son côté, Churchill, face au risque de voir la flotte française rejoindre ses bases navales maintenant occupées par l'ennemi, conformément aux conventions d'armistice, dépêche le une escadre britannique pour sommer l'escadre française de Mers el-Kébir de se joindre à elle, ou de rejoindre les Antilles françaises[20]. L'amiral français Marcel Gensoul rejeta l'ultimatum, sans informer Vichy de toutes les possibilités ouvertes par celui-ci, dont celle de rejoindre les Antilles françaises pour se mettre à l'abri des Allemands. Il s'ensuivit un combat naval à Mers el-Kébir, au cours duquel le bâtiment de ligne Bretagne sera coulé et deux autres, le Dunkerque et la Provence, mis hors de combat, ainsi que le contre-torpilleur Mogador. Ce combat coûta la vie à 1 297 marins français. Sur les 6 bâtiments de ligne de la Marine Nationale, il n'en reste plus que trois en état de combattre : Le Richelieu, le Strasbourg et la Lorraine.
En outre, l'Italie bien que revendiquant l'ancien comté de Nice et la Savoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter d'une partie de Menton et de Fontan (ses seules prises de guerre). Les autres territoires revendiqués (dont la Corse) ne seront occupés par l'armée italienne qu'ultérieurement, le , lors de l'invasion de la zone libre.
Installation
Après avoir passé une quinzaine de jours à Bordeaux, le gouvernement quitte la ville le et rejoint Clermont-Ferrand (les Allemands sont à Bordeaux depuis quelques jours et la ville est située en zone occupée depuis la signature de l'armistice). Mais la ville de Clermont-Ferrand ne donne pas satisfaction car le gouvernement doit s'éparpiller dans d'autres villes alentour, faute de structure d'accueil suffisante. Pétain doit se résoudre à ce que le nouveau gouvernement et l'Assemblée nationale se transfèrent à Vichy dès les premiers jours de juillet. La ville a été choisie car elle est politiquement calme et qu'elle dispose de grandes capacités hôtelières tout en étant bien reliée à Paris. Une propagande est mise en place, destinée à justifier les choix politiques dont celui de la nouvelle « capitale ». Le culte de la personnalité du maréchal, appelé aussi « maréchalisme » en est le principal moteur.
Le , une proposition de révision de la Constitution, permettant d'attribuer les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, président du Conseil, est soumise à l'Assemblée nationale. Celle-ci réunit les députés et les sénateurs, et siège pour l'occasion dans la salle de l'opéra du Grand Casino de Vichy. Elle comprend ainsi théoriquement 907 parlementaires, mais 649 suffrages seulement sont exprimés, dont cinquante sept députés et vingt-trois sénateurs qui votent « non », et vingt autres parlementaires qui s'abstiennent (dont trois après demande de rectification de leur vote), soit 572 voix en faveur de la révision. La séance est présidée par Jules Jeanneney.
Le texte adopté était :
« Article unique.
L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie.
Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État[21],[22]. »
La nouvelle constitution, signée par le maréchal Pétain, ne fut jamais promulguée[23], le chef de l'État n'édictant que douze actes constitutionnels entre 1940 et 1942 sur la base de la loi constitutionnelle de 1940, pour organiser provisoirement le régime de l'État français. Le projet de Constitution prévoyait de conserver pour le chef de l'État le titre de président de la République[24].
Durant l'Occupation, le Parlement ne fut pas dissous, mais Sénat et Chambre des députés furent « ajournés jusqu'à nouvel ordre », seul le chef de l'État pouvant les réunir[25] : dans les faits, ils furent remplacés par le Conseil national mis en place le [26].
Les puissances étrangères, dont les États-Unis[27] et l'URSS[28],[29], prennent acte de ces changements et dépêchent leurs représentations diplomatiques à Vichy ; à ce moment, le général de Gaulle n'a encore d'autre légitimité que sa conscience, le soutien officieux du gouvernement britannique à partir du et l'enthousiasme d'une poignée de Français libres, que le régime de Vichy considère comme des « rebelles, traîtres et séditieux ». Lorsque la guerre prend une tournure plus favorable aux Alliés, les gaullistes commencent à se faire admettre comme représentants légitimes de la France. Après leur entrée en guerre, le , les Soviétiques reconnaissent le Comité national français le [28]. Le Comité français de Libération nationale est reconnu par les Alliés le [28]. Les Américains n'admettent pleinement l'autorité de Charles de Gaulle qu'après le débarquement de Normandie du .
Controverse sur les fondements juridiques du régime
La question de savoir si, derrière ce changement d'appellation, l'« État français » est la même personnalité de droit public et international que la République française, reste encore controversée. En effet, deux thèses s'opposent.
- selon l'une, l'« État français » est la même personnalité de droit public et international que la République française, parce que c'est le Parlement qui a investi le maréchal Pétain du pouvoir de former un gouvernement et de demander l'armistice : à l'appui de cette thèse, ses tenants rappellent que jusqu'à fin 1944, les ambassades des États étrangers dialoguaient toutes avec le gouvernement Pétain et non avec la « France libre » ;
- selon l'autre, pendant les quatre années d'occupation, la continuité historique et juridique de l'État français revient à la « France libre », au Conseil de défense de l'Empire, au Comité national français, au Comité français de Libération nationale (reconnu par les Alliés le ) et au Gouvernement provisoire de la République française : à l'appui de cette thèse, ses tenants rappellent qu'en 1940, le Parlement qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain ne s'est pas réuni librement et régulièrement, mais sous la pression de la panique provoquée par la défaite militaire.
L'Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental tranche toutefois la question juridique et réaffirme ainsi que « La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister » et « Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou règlementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française ». L'Ordonnance organise en outre le retour à la légalité et à l'ordre républicain.
Cependant, certains actes comme le discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 au Vélodrome d'Hiver reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation vers l'Allemagne de Juifs français au cours de l'occupation du pays par les nazis, constituent une rupture avec la doctrine gaullienne, suivie avant lui par tous les présidents de la Quatrième et de la Cinquième République, qui ont rejeté une telle reconnaissance au motif que le régime de Vichy, sous la direction duquel ces exactions ont été menées, n'était pas l'autorité politique légitime de la France (cette autorité étant incarnée par le général de Gaulle, chef de la France libre[30]).