Révolte des cipayes
guerre pour l'indépendance de l'Inde par les peuples et les États de l'Inde contre la Compagnie des Indes orientales et la Couronne britannique, de 1857 à 1859 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La révolte des cipayes est un soulèvement populaire qui a lieu en Inde en 1857 contre la Compagnie britannique des Indes orientales. Il est également appelé première guerre d'indépendance indienne ou rébellion indienne de 1857.
Date | 10 mai 1857 - 1859 |
---|---|
Lieu | Inde[1] |
Issue |
Écrasement de la révolte Effondrement de l'Empire moghol Fin de la domination de la Compagnie britannique des Indes orientales Prise de contrôle par la Couronne britannique. |
Changements territoriaux | Le Raj britannique est créé à partir des territoires de la Compagnie britannique des Indes orientales. |
Empire moghol Cipayes rebelles de la Compagnie britannique des Indes orientales 7 États princiers Factions de Gwalior
|
Armée britannique Cipayes loyaux de la Compagnie britannique des Indes orientales Irréguliers indiens et réguliers de la BEIC. Volontaires britanniques et européens levés dans la Présidence du Bengale |
Bahadur Shah II Nana Sahib Bakht Khan Lakshmî Bâî Tatya Tope Begum Hazrat Mahal |
Commandants en chefs : George Anson (jusqu'en mai 1857) Sir Patrick Grant Sir Colin Campbell (à partir d'août 1857) Jang Bahadur[2] |
Au moins 800 000 morts parmi la population[3] |
La révolte commença par une mutinerie des cipayes de l'armée de la Compagnie le 10 mai 1857 dans la ville de Meerut. Cela entraîna un soulèvement populaire dans le nord et le centre de l'Inde. Les principaux combats eurent lieu dans les États actuels de l'Uttar Pradesh, du Bihar, dans le Nord du Madhya Pradesh et dans la région de Delhi[4]. La rébellion menaça grandement le pouvoir de la Compagnie dans la région[5] et ne fut écrasée qu'avec la chute de Gwalior le 20 juin 1858[4].
Les autres régions contrôlées par la Compagnie comme la province du Bengale et les présidences de Bombay et de Madras restèrent relativement calmes[4]. Dans le Pendjab, les princes sikhs fournirent des soldats et du ravitaillement à la Compagnie[4]. Les grands États princiers comme Hyderabad, Mysore, Travancore et le Cachemire ainsi que le Rajasthan ne rejoignirent pas la rébellion[6].
Dans certaines régions, comme à Ayodhya, la rébellion prit la forme d'une révolte populaire contre la présence européenne[7]. Les chefs de la rébellion comme Lakshmî Bâî devinrent les héros du mouvement pour l'indépendance de l'Inde un siècle plus tard[4] ; cependant, ils ne disposaient d'aucune idéologie cohérente en vue de créer un nouvel ordre social[8]. La rébellion mena à la dissolution de la Compagnie britannique des Indes orientales en 1858 et força les Britanniques à réorganiser l'armée, le système financier et l'administration en Inde[9]. L'Inde fut donc gouvernée directement par la couronne britannique au sein du nouveau Raj britannique[6].
La Compagnie britannique des Indes orientales administrait certains territoires côtiers et les comptoirs commerciaux depuis le XVIIe siècle, mais sa victoire lors de la bataille de Plassey en 1757 marqua le début d'un contrôle plus ferme de l'Inde orientale. Cette victoire fut renforcée par la bataille de Buxar (dans le Bihar) en 1764, avec la défaite de l'empereur moghol Shah Alam II.
Ce dernier accorda à la Compagnie le droit de « collecter les impôts » des provinces du Bengale, du Bihar et de l'Orissa. La Compagnie étendit rapidement son contrôle sur de vastes territoires au sud de la rivière Narmada, et autour de ses comptoirs de Bombay et de Madras, après les guerres anglo-mysores (1766-1799) et les guerres anglo-marathes (1772-1818). L'expansion ne se fit pas sans résistance. En 1806, la mutinerie de Vellore fut déclenchée par l'introduction de nouveaux uniformes, ce qui mécontenta les cipayes hindous et musulmans[10].
Au début du XIXe siècle, le gouverneur général Wellesley entama deux décennies d'expansion accélérée des territoires de la Compagnie[11]. Cela fut réalisé par des alliances forcées entre la Compagnie et les gouvernants locaux, ou par des annexions militaires. Les alliances créèrent les États princiers des Indes avec à leur tête les maharajas hindous et les nababs musulmans. Le Pendjab, la province de la Frontière-du-Nord-Ouest et le Cachemire furent annexés après la seconde guerre anglo-sikhe en 1849 ; cependant, le Cachemire fut immédiatement vendu à la dynastie Dogra de Jammu lors du traité d'Amritsar de 1846, et il devint un État princier. Les disputes territoriales entre le Népal et l'Inde britannique s'aggravèrent après 1801, et provoquèrent la guerre anglo-népalaise de 1814-1816, qui amena les Gurkhas sous influence britannique. En 1854, la province de Berar fut annexée ainsi que l'État d'Oudh, deux ans plus tard. Au milieu du XIXe siècle, la Compagnie gouvernait directement ou indirectement la plus grande partie de l'Inde.
La révolte de 1857 ne fut pas la conséquence d'un unique événement, mais d'une succession de plusieurs événements, qui, à la fin, déclenchèrent le soulèvement.
Le terme de cipayes a été introduit par Dupleix dans les Indes françaises 30 ans plus tôt, entre Pondichéry, les Indes du sud et Chandernagor.
Ce terme de « cipayes » désigne les soldats indiens, hindous et musulmans. Juste avant la rébellion, il y avait 238 000 Indiens et 45 000[12] Britanniques au sein de l'armée en Inde. Les forces étaient divisées entre trois armées présidentielles, celles de Bombay, de Madras et du Bengale. L'armée du Bengale recrutait principalement parmi les hautes castes comme les rajputs et les brahmanes dont la plupart venaient de l'Awadh (près de Lucknow) et du Bihar et réduisit encore le recrutement parmi les basses castes en 1855.
Par contraste, les armées de Madras et de Bombay recrutaient indifféremment parmi les différentes castes[13]. La domination des hautes castes dans l'armée du Bengale a joué un rôle dans les premières mutineries qui menèrent à la rébellion. Ainsi, le rôle joué par le système des castes devint si important que les hommes n'étaient plus « choisis sur la base des qualités essentielles du soldat (forme physique, courage, force ou docilité) mais sur leur appartenance à une certaine caste ».
En 1772, lorsque Warren Hastings fut nommé gouverneur général, l'une de ses premières initiatives fut d'augmenter la taille de l'armée de la Compagnie. Comme les soldats disponibles, ou cipayes du Bengale, avaient combattu contre les Britanniques lors des batailles de Plassey et de Buxar, ils étaient considérés comme suspects par les Britanniques. Hastings dut donc recruter plus à l'ouest, au sein des hautes castes rurales des rajputs et des brahmanes de l'Awadh et du Bihar. Cette pratique continua au cours des 75 années suivantes. Cependant, afin d'anticiper les frictions sociales, la Compagnie prit la peine d'adapter ses pratiques militaires à la culture locale. Par conséquent, ces soldats mangeaient dans des bâtiments séparés, étaient dispensés du service à l'étranger (les voyages en mer pouvant leur faire perdre leur statut de caste (varna) selon le tabou du Kala pani) et l'armée reconnut officiellement les fêtes hindoues. Cette reconnaissance du statut des hautes castes rendait cependant le gouvernement vulnérable à des protestations, voire à des mutineries, si les cipayes détectaient une transgression de leurs prérogatives[14].
Il a été suggéré qu'après l'annexion d'Oudh par la Compagnie en 1856, de nombreux cipayes furent inquiétés par la perte de leur statut, en tant que noblesse terrienne, dans les administrations de l'État, et par l'augmentation prévisible des taxes que l'annexion laissait augurer[15]. De plus, la présence de missionnaires convainquit les hindous et les musulmans que la Compagnie prévoyait une conversion à grande échelle des Indiens[16]. Cependant, dans les années 1830, des évangéliques comme William Carey et William Wilberforce avaient réussi à faire passer des réformes sociales comme l'abolition du Satī, sans que l'allégeance des cipayes ne soit remise en question[15].
En revanche, des changements dans les termes du service militaire ont pu créer du ressentiment. Avec les victoires de la Compagnie des Indes orientales et son expansion, les soldats allaient non seulement devoir servir dans des régions moins familières (comme la Birmanie lors des guerres anglo-birmanes en 1856), mais ils allaient devoir le faire sans toucher la prime de service à l'étranger, qu'ils obtenaient auparavant[17].
Une autre inquiétude provenait d'une nouvelle loi qui privait les cipayes d'une retraite après la fin de leur service ; si cette décision ne s'appliquait qu'aux nouvelles recrues, les vétérans s'inquiétaient d'une possible rétroactivité de la loi. De plus, les soldats de l'armée du Bengale étaient moins bien payés que leurs homologues des armées de Madras et de Bombay, ce qui aggrava la question des retraites[18].
Une cause majeure de mécontentement, qui émergea dix mois avant le déclenchement de la révolte, fut la loi sur l'enrôlement du 25 juillet 1856. Comme il avait été dit auparavant, les soldats de l'armée du Bengale étaient exemptés de service outre-mer, et ils ne combattaient que dans les territoires qu'ils pouvaient rallier à pied. Cette situation fut jugée anormale par le gouverneur général des Indes James Broun-Ramsay, car les cipayes des armées de Madras et de Bombay avaient déjà accepté une obligation de servir outre-mer si cela était nécessaire. Ainsi, le fardeau des troupes pour le service actif en Birmanie (facilement accessible uniquement par la mer) et en Chine retombait de manière disproportionnée sur les deux petites armées présidentielles. La loi signée par le successeur de Ramsay, Charles Canning, imposa aux nouvelles recrues de l'armée du Bengale d'accepter un engagement concernant le service outre-mer. Cependant, les vétérans craignaient que cette loi ne devienne rétroactive[19].
D'autres griefs portaient sur la question des promotions, fondées sur l'ancienneté, ce qui, avec le nombre croissant d'officiers européens[18], rendait la promotion très lente, et de nombreux officiers indiens n'obtenaient un grade élevé que lorsqu'ils étaient trop vieux pour pouvoir l'exercer[20].
Cartouches lubrifiées
Le déclencheur final fut l'introduction de la munition du nouveau fusil Enfield Modèle 1853 : d'après le règlement britannique, les soldats devaient déchirer les cartouches en papier avec les dents pour mettre de la poudre dans le canon avant d'y mettre la balle. Cette cartouche était lubrifiée avec du suif (graisse de porc ou de bœuf) pour la protéger de l'humidité et faciliter la descente de la balle dans le canon.
Or ce suif était considéré comme impur par les musulmans et les hindous[21], le porc étant un animal haram interdit de consommation aux musulmans et le bœuf étant un animal sacré de la tradition hindoue. Au moins un officiel britannique pointa les problèmes que cela pouvait engendrer :
« À moins de prouver que la graisse utilisée dans ces cartouches n'est pas de nature à offenser ou à interférer avec les croyances des castes, il serait opportun de ne pas les fournir aux corps autochtones[22]. »
— Kim A. Wagner, The great fear of 1857: rumours, conspiracies and the making of the Indian Mutiny
Cependant, en août 1856, la production des cartouches lubrifiées commença à Fort William, Calcutta. La graisse incorporait du suif, fourni par la firme indienne Gangadarh Banerji & Co. Ces cartouches n'étaient destinées qu'aux troupes européennes, mais les rumeurs concernant la lubrification des munitions avec de la graisse animale se répandirent rapidement.
Le 27 janvier, le colonel Richard Birch ordonna que toutes les cartouches devaient être livrées sans graisse et que les cipayes pouvaient les lubrifier avec le mélange « qui leur convient »[23]. Une modification fut également menée sur les exercices de tir pour permettre aux cipayes d'ouvrir la cartouche avec les doigts. Cependant, cela convainquit simplement les soldats que les rumeurs étaient vraies, et que leurs craintes étaient justifiées.
Agitation populaire
Les causes du soulèvement populaire sont également variées.
Les rebelles se divisaient en trois groupes : la noblesse féodale, les propriétaires terriens appelés taluqdars et les paysans. La noblesse, dont une grande partie avait perdu ses titres après la doctrine de préemption, qui refusait de reconnaître les enfants adoptés comme héritiers légitimes, s'inquiétait de l'interférence de la Compagnie dans le système traditionnel de succession. Les chefs rebelles comme Nânâ Sâhib et la Rani de Jhansi appartenaient à cette catégorie ; la dernière en particulier était prête à accepter la domination britannique si son fils adoptif était reconnu comme son successeur légitime[24]. Dans d'autres régions de l'Inde centrale, comme à Indore et à Sagar, où de telles pertes de privilèges n'avaient pas eu lieu, les princes restèrent loyaux à la Compagnie, même dans les zones où les cipayes s'étaient soulevés[25]. Les taluqdars avaient, quant à eux, perdu la moitié de leurs possessions foncières en faveur des paysans, après la réforme agraire qui suivit l'annexion d'Oudh. Avec le développement de la rébellion, les taluqdars réoccupèrent rapidement les terres qu'ils avaient perdues, et, paradoxalement, en partie du fait de la tradition et des liens féodaux, ils ne rencontrèrent pas une forte opposition de la part des paysans, au grand regret des Britanniques[26].
Il a également été avancé que les lourds impôts britanniques, dans certaines régions, ont poussé de nombreuses familles soit à perdre leurs terres soit à s'endetter lourdement auprès de prêteurs, ce qui fournit une raison supplémentaire pour se révolter[27]. La révolte populaire fut inégale suivant les régions. Ainsi, le prospère district de Muzaffarnagar, pourtant proche de Meerut, resta calme tout au long de la révolte[28].
- Charles Canning, le gouverneur général des Indes durant la révolte.
- Lord Dalhousie, le gouverneur général des Indes de 1848 à 1856 qui mit en place la doctrine de préemption.
- Lakshmî Bâî, Rânî de Jhânsi, l'un des principaux chefs de la révolte qui avait perdu son royaume du fait de la doctrine de préemption.
- Muhammad Bahâdur Shâh, le dernier empereur moghol. Il fut couronné empereur d'Inde par les cipayes puis déposé par les Britanniques qui l'exilèrent en Birmanie.
La vieille aristocratie, qui voyait son pouvoir s'éroder, forma le noyau dur de la résistance. Avec la doctrine de préemption, selon laquelle les terres d'un seigneur féodal devenaient la possession de la Compagnie s'il n'avait pas d'héritier mâle légitime et non adopté, la Compagnie avait annexé de nombreux États. L'adoption d'un héritier par un propriétaire terrien sans enfants faisait partie des coutumes indiennes, mais la Compagnie ignora cette tradition. La noblesse, les propriétaires féodaux et les armées royales se retrouvèrent sans emploi et humiliés par l'expansionnisme britannique.
Les joyaux de la famille royale de Nagpur furent par exemple vendus aux enchères à Calcutta, ce qui fut considéré comme un profond manque de respect par l'aristocratie indienne. Lord Dalhousie, le gouverneur général de l'Inde, avait demandé à l'empereur moghol Muhammad Bahâdur Shâh et à ses héritiers de quitter le Fort rouge, le palais de Delhi. Par la suite, son successeur Lord Canning annonça que les successeurs de Bahâdur Shâh ne seraient même pas autorisés à porter le titre de « roi ».
Le système judiciaire était considéré comme profondément injuste par les Indiens. Ainsi, le rapport officiel East India (Torture) 1855-1857, présenté devant la Chambre des communes en 1857, révélait que les officiers de la Compagnie pouvaient multiplier les appels s'ils étaient reconnus coupables de brutalité ou de crimes envers les Indiens.
L'armée du Bengale
Chacune des trois « Présidences » créées par la Compagnie pour gérer l'Inde possédait sa propre armée. Celle de la présidence du Bengale était la plus grande. À la différence des deux autres, elle recrutait massivement parmi les hindous des hautes castes (et les musulmans aisés). Les musulmans formaient un large pourcentage des unités irrégulières de l'armée du Bengale (en), tandis que les hindous se retrouvaient principalement dans les unités régulières. Les cipayes étaient donc plus concernés par les inquiétudes des membres de la société traditionnelle indienne. Dans les premières années de la domination de la Compagnie, celle-ci tolérait et encourageait même les privilèges et les traditions au sein de l'armée du Bengale, qui recrutait ses soldats réguliers presque exclusivement parmi les Brahmanes et les Rajputs propriétaires terriens des régions du Bihar et de l'Awadh. Ces soldats s'appelaient Purbiyas. Lorsque ces coutumes et privilèges furent menacés par la modernisation des régimes de Calcutta, à partir des années 1840, les cipayes s'étaient habitués à un statut rituel très élevé et étaient extrêmement sensibles aux suggestions selon lesquelles leur caste pourrait être polluée[29].
Les cipayes devinrent également mécontents de nombreux aspects de la vie militaire. Leur paye était relativement faible et après l'annexion de l'Awadh et du Pendjab, les soldats ne recevaient plus de primes (batta ou bhatta) pour leurs services dans ces régions, car celles-ci n'étaient plus considérées comme des « missions à l'étranger ». Les jeunes officiers européens étaient de moins en moins appréciés par leurs soldats, qu'ils traitaient souvent avec manque de respect et racisme. De plus, des officiers évangéliques de l'armée de la Compagnie avaient entrepris de prêcher auprès des cipayes pour les convertir au christianisme[30]. En 1856, la Compagnie introduisit une nouvelle loi sur l'enrôlement qui permettait en théorie d'envoyer les unités de l'armée du Bengale combattre à l'extérieur de l'Inde. Bien que cette décision ne s'appliquât qu'aux nouvelles recrues, les cipayes craignaient qu'elle ne devienne rétroactive et qu'ils soient contraints de voyager par mer, ce qui leur aurait fait perdre leur statut de caste (voir Kala pani).
Mangal Pandey
Le 29 mars 1857, à Barrackpore près de Calcutta, Mangal Pandey, âgé de 29 ans et soldat du 34e régiment d'infanterie du Bengale, s'insurgea contre les récentes actions de la Compagnie et se rendit sur le terrain de parade pour inciter les autres soldats à se mutiner. Lorsque le lieutenant Baugh vint sur place pour s'informer sur la mutinerie, Pandey lui tira dessus mais toucha son cheval[31]. Le général John Hearsey se rendit alors sur le terrain et avança par la suite que Mangal Pandey se trouvait dans une sorte de « frénésie religieuse ». Il ordonna à un groupe de cinq cipayes de l'arrêter, mais ceux-ci refusèrent[31],[32].
Après avoir échoué à inciter ses camarades à le rejoindre dans une mutinerie, Mangal Pandey tenta de se suicider en plaçant son mousquet contre sa poitrine et en actionnant la détente avec son orteil. Il ne fit que se blesser et fut jugé devant une cour martiale le 6 avril et pendu deux jours plus tard. Le régiment entier fut dissous, ce qui fut considéré comme très dur et très injuste par les autres unités.
Avril 1857
Au cours du mois d'avril, il y eut des émeutes à Âgrâ, Allahabad et Ambala. À Ambala, qui abritait un large cantonnement militaire, où plusieurs unités avaient été rassemblées pour l'entraînement annuel au tir, il devint clair pour le commandant en chef de l'armée du Bengale, le général Anson, que des incidents liés à la graisse des cartouches allaient apparaître. En dépit des objections du gouverneur général, il annula l'entraînement au mousquet et mit en place un nouvel entraînement, où les soldats devaient ouvrir les cartouches avec les doigts, au lieu de leurs dents. Cependant, il ne fit pas de cet entraînement l'entraînement standard dans toute l'armée du Bengale, et, au lieu de rester à Ambala pour calmer ou réprimer les troubles potentiels, il partit pour Simla, la paisible « station de montagne » où de nombreux officiers supérieurs passaient l'été.
S'il n'y eut pas de révolte importante à Ambala, les incendies criminels se multiplièrent à la fin du mois d'avril. Les bâtiments des casernes (principalement celles abritant les soldats utilisant les cartouches Enfield) et les logements des officiers européens furent particulièrement visés[33].
Meerut et Delhi
Meerut
Meerut était un autre grand cantonnement militaire. 2 357 cipayes indiens, 2 038 soldats britanniques et 12 canons y étaient stationnés. La ville était également celle avec la plus grande concentration de troupes britanniques en Inde[34].
Même si l'état d'agitation au sein de l'armée du Bengale était connue, le dur colonel George Carmichael-Smyth du 3e régiment de cavalerie légère du Bengale ordonna le 24 avril à 90 de ses hommes de réaliser une parade et des exercices de tir. Tous, à l'exception de cinq hommes, refusèrent les cartouches Enfield et ils furent jugés le 9 mai par une cour martiale et condamnés à 10 ans de travaux forcés. Onze soldats parmi les plus jeunes furent condamnés à cinq ans d'emprisonnement. L'ensemble de la garnison dut être présente lorsque les condamnés furent dégradés et enchaînés. Alors qu'ils marchaient vers la prison, les soldats admonestèrent leurs camarades qui ne les avaient pas soutenus.
Le lendemain était un dimanche, et quelques soldats indiens avertirent les officiers européens en repos qu'une action en force allait être menée pour libérer les soldats emprisonnés, mais les officiers supérieurs ne prirent aucune décision. La ville de Meerut était au bord de l'insurrection avec de violentes manifestations près du bazar, et plusieurs bâtiments furent incendiés. Dans la soirée, la plupart des officiers se préparaient à aller à l'église tandis que les soldats européens étaient en repos.
Les troupes indiennes, menées par le 3e régiment de cavalerie légère du Bengale, déclenchèrent le soulèvement. Les officiers européens qui tentèrent d'apaiser la révolte furent tués par leurs propres hommes. Les quartiers des occidentaux furent également attaqués, tandis que les soldats (de repos) dans le bazar furent tués par la foule. Environ 50 civils indiens (principalement des serviteurs des officiers occidentaux et des convertis au christianisme) furent également tués par les cipayes[35].
Dans la ville de Meerut, le Kotwal (gardien du fort) Dhan Singh Gurjar ouvrit les portes de la prison[36]. Un total de 50 occidentaux (dont des femmes et des enfants) furent tués à Meerut par les cipayes et la foule[37] le soir du 10 mai[38]. Les cipayes libérèrent les 85 soldats prisonniers, ainsi que 800 autres prisonniers[38].
Certains cipayes (essentiellement issus du 1er régiment d'infanterie du Bengale) escortèrent les officiers britanniques les plus respectés et leurs familles en lieu sûr, avant de rejoindre la révolte[39]. D'autres officiers s'échappèrent vers Rampur, où ils furent accueillis par le Nawab.
Les officiers supérieurs de la Compagnie, en particulier le major général Hewitt (alors âgé de 70 ans et malade), furent lents à réagir. Les troupes britanniques se mobilisèrent, mais elles ne reçurent aucun ordre et restèrent juste pour garder le quartier général et les armureries. Le matin suivant, lorsqu'elles arrivèrent à Meerut, la ville était calme et les rebelles étaient partis en direction de Delhi.
L'historien britannique Philip Mason note qu'il était évident que la plupart des cipayes de Meerut allaient partir pour Delhi dans la nuit du 10 mai. Delhi était une ville puissamment fortifiée, à seulement 60 km. C'était également l'ancienne capitale et la résidence de l'empereur moghol d'alors. De plus, il n'y avait pas là-bas de garnison britannique, contrairement à Meerut[34].
Delhi
Dans la matinée du 11 mai, les premiers éléments du 3e régiment de cavalerie atteignirent Delhi. Ils appelèrent le roi à les rejoindre. Bahadur Shah ne fit rien à ce moment, mais d'autres furent plus rapides à rejoindre le soulèvement. Les cipayes, menés par Chaudhry Daya Ram, détruisirent la résidence du représentant britannique Theophilus Metcalfe[36],[40][réf. non conforme]. Les Européens et les Indiens convertis furent tués par les cipayes et les émeutiers[41].
Il y avait trois bataillons d'infanterie du Bengale, stationnés dans ou à proximité de la ville. Certains détachements rejoignirent rapidement la révolte, tandis que d'autres restèrent à l'écart, mais ils refusèrent d'attaquer les rebelles. Dans l'après-midi, une puissante explosion eut lieu et elle fut ressentie à plusieurs kilomètres.
Craignant que l'arsenal, qui contenait un large stock d'armes et de munitions, ne tombe aux mains des rebelles, les neuf officiers britanniques présents ouvrirent le feu sur leurs propres hommes. Lorsque la résistance devint sans espoir, ils firent sauter l'arsenal. Six des neuf officiers survécurent à l'explosion, mais celle-ci fit de très nombreuses victimes dans les rues et les maisons alentour[42]. Cet événement acheva de convaincre les cipayes les plus réticents, stationnés autour de la ville. Quelques armes purent cependant être récupérées dans les ruines de l'arsenal et un magasin à 3 km à l'extérieur de Delhi contenant 3 000 barils de poudre fut pris sans résistance.
De nombreux fugitifs européens civils et militaires se regroupèrent à la Flagstaff Tower au nord de Delhi et envoyèrent des télégrammes décrivant la situation aux autres bases britanniques. Lorsqu'il devint évident que l'aide attendue de Meerut ne viendrait pas, ils se mirent en marche vers Karnal. Certains furent aidés par les villageois, mais d'autres furent volés ou tués.
Le jour suivant, Bahadur Shah tint sa première réunion officielle depuis plusieurs années, à laquelle assistèrent de nombreux cipayes excités. L'empereur moghol s'inquiétait de la tournure des événements, mais il accepta finalement de donner son soutien à la révolte. Le 16 mai, environ 50 Européens auraient été exécutés par les serviteurs du roi sous un figuier, dans une cour à l'extérieur du palais[43],[44].
Les nouvelles des événements à Delhi se propagèrent rapidement et entraînèrent des émeutes dans de nombreux districts. Dans de nombreux cas, le comportement des autorités civiles et militaires britanniques aggrava la situation. Apprenant la chute de Delhi par télégraphe, de nombreux administrateurs de la Compagnie fuirent et se hâtèrent vers des lieux sûrs. À Âgrâ, à 260 km de Delhi, près de 6 000 non-combattants convergèrent vers le fort de la ville[45]. Leur fuite précipita le soulèvement dans les zones désertées, tandis que ceux qui restèrent sur place ne purent rien faire pour enrayer l'évolution des choses.
Les autorités militaires réagirent de manière désordonnée. Certains officiers gardaient confiance dans leurs cipayes, mais d'autres tentèrent de les désarmer, pour prévenir toute potentielle mutinerie. À Benarès et à Allahabad, les désarmements furent mal conduits, sans respect, et entraînèrent des révoltes locales[46]. En dépit de la taille grandissante du soulèvement, les rebelles manquaient eux aussi d'unité. Tandis que Muhammad Bahâdur Shâh voulait monter sur le trône impérial, d'autres factions préféraient voir des dirigeants marathes gouverner et les Awadhis voulaient conserver une autonomie locale.
Il y eut des appels au jihad[47] lancés par des chefs musulmans comme Maulana Fazl-e-Haq Khairabadi ou le millénariste Ahmedullah Shah, ce qui poussa les Britanniques à croire que les musulmans étaient la faction dominante dans la révolte. L'empereur moghol Bahadur Shah résista à ces appels, car il craignait une violence inter-communautaire. À Awadh, les musulmans sunnites ne voulaient pas voir un retour de la domination chiite et refusèrent de rejoindre, ce qu'ils percevaient comme une rébellion chiite. Cependant, certains musulmans comme l'Aga Khan restèrent fidèles aux Britanniques. Ces derniers le récompensèrent en reconnaissant formellement son titre.
Les sikhs et les pachtounes du Pendjab et de la province de la Frontière-du-Nord-Ouest soutinrent les Britanniques et les aidèrent à reprendre Delhi[48],[49]. Certains historiens ont avancé l'hypothèse que les sikhs voulaient se venger de l'annexion du Pendjab huit ans auparavant, menée par la Compagnie et les Purabias (« orientaux ») comme les biharis et ceux des provinces d'Âgrâ et Oudh, qui formaient le gros des armées de la Compagnie lors des première et seconde guerres anglo-sikhes.
En 1857, l'armée du Bengale comptait 86 000 hommes dont 12 000 Européens, 16 000 sikhs et 1 500 gurkhas, sur un total de 311 000 Indiens, 40 160 Européens et 5 362 officiers pour l'ensemble de l'Inde[50]. 54 des 75 régiments réguliers de l'armée du Bengale se rebellèrent, même si certains furent immédiatement battus. Les 21 régiments restants furent dissous pour prévenir une possible mutinerie. Au total, seuls 12 des régiments d'infanterie du Bengale survécurent et furent incorporés dans la nouvelle armée indienne[51]. Les 10 régiments de la cavalerie légère du Bengale se mutinèrent.
L'armée du Bengale comprenait également 29 régiments irréguliers de cavalerie et 42 d'infanterie. Ceux-ci étaient principalement formés par des hommes de l'État récemment annexé d'Awadh, et ils se mutinèrent en masse. Un autre large contingent de Gwalior se souleva également, même si les dirigeants de l'État restèrent aux côtés des Britanniques. Les autres unités irrégulières étaient composées de soldats provenant d'horizons différents, et ils étaient moins affectés par l'agitation de la société indienne.
Les Gurkhas, les Sikhs et les irréguliers du Pendjab, récemment annexés, restèrent largement fidèles aux Britanniques[52],[53].
Le 1er avril 1858, le nombre de soldats indiens fidèles à la Compagnie dans l'armée du Bengale s'élevait à 80 053[54],[55]. Ce chiffre incluait un grand nombre de soldats hâtivement mobilisés dans le Pendjab et la Province de la Frontière-du-Nord-Ouest, après le déclenchement de l'insurrection.
Dans l'armée de Bombay, il n'y eut que trois mutineries sur ses 29 régiments tandis que l'armée de Madras ne vit aucune mutinerie, même si certains de ses 52 régiments refusèrent de servir dans le Bengale[56]. De même, la plus grande partie du sud de l'Inde resta calme et ne connut que quelques incidents sporadiques. La plupart des États ne prirent pas part au conflit, car de nombreux États de la région étaient gouvernés par les Nizams d'Hyderabad (en) ou par la monarchie de Mysore et n'étaient donc pas directement sous la domination britannique.