Serbe
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Cet article concerne la langue serbe. Pour le peuple serbe, voir Serbes.
Le serbe (en alphabet cyrillique serbe cрпски, en alphabet latin serbe : srpski, prononcé /sr̩̂pskiː/) est l’une des variétés standard, utilisée par les Serbes, de la langue serbo-croate[2], et désignée par certains linguistes « diasystème slave du centre-sud »[3], štokavski jezik « langue chtokavienne »[4], standardni novoštokavski « néochtokavien standard »[5] ou BCMS (bosnien-croate-monténégrin-serbe)[6].
Serbe српски / srpski | |
Pays | Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Croatie, Slovénie, Macédoine du Nord, Roumanie, Hongrie et diaspora serbe |
---|---|
Nombre de locuteurs | 8 à 9 millions[1] |
Nom des locuteurs | serbophones |
Typologie | SVO + ordre libre, flexionnelle, accusative, accentuelle, à accent de hauteur |
Classification par famille | |
Statut officiel | |
Langue officielle | Serbie Bosnie-Herzégovine Monténégro (coofficielle) Kosovo (coofficielle) |
Régi par | Odbor za standardizaciju srpskog jezika |
Codes de langue | |
IETF | sr
|
ISO 639-1 | sr
|
ISO 639-2 | srp
|
ISO 639-3 | srp
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Étendue | langue individuelle |
Type | langue vivante |
Linguasphere | 53-AAA-g
|
Glottolog | serb1264
|
Échantillon | |
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français)
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Du point de vue de la sociolinguistique, c’est une langue standardisée pluricentrique[7] commune aux Serbes, aux Croates, aux Bosniaques et aux Monténégrins, ayant pour base son dialecte chtokavien, ses autres variétés standard étant le croate, le bosnien et le monténégrin[8].
La standardisation du serbe actuel fut commencée par Vuk Stefanović Karadžić au début du XIXe siècle, partiellement en accord avec les lettrés Croates qui œuvraient à la standardisation de leur langue littéraire[9]. Il en a résulté un standard peu différent de celui du croate, notamment par l’alphabet cyrillique réformé par Karadžić et son orthographe pratiquement phonémique. Cet alphabet a reçu son correspondant latin exact proposé par le Croate Ljudevit Gaj, adopté ultérieurement par le standard serbe à côté du cyrillique. Après la désintégration de la Yougoslavie, le serbe est devenu officiel avec l’appellation « langue serbe »[10], et de sa norme s’occupent l’Institut de la langue serbe, ainsi que le Comité pour la standardisation de la langue serbe[11].
Le serbe est utilisé non seulement par les Serbes de Serbie, mais aussi par les minorités nationales serbes des pays voisins de la Serbie, ainsi que par les nombreux Serbes émigrés en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord et en Australie.
Le nombre de locuteurs de serbe est estimé entre 8 et 9 millions[1]. Les données ci-dessous ne reflètent le nombre de locuteurs de serbe que si c’est explicitement mentionné, vu que la plupart des statistiques se réfèrent aux personnes d’ethnie serbe ou provenant de Serbie. Parmi ceux-ci on ne peut pas savoir combien parlent effectivement le serbe. On ne sait pas non plus, concernant les personnes résidant en dehors de la Serbie, combien s’y sont établies définitivement et combien y séjournent provisoirement. De plus, dans certains pays, les statistiques ne distinguent pas le serbe du serbo-croate.
La distribution de la population serbe dans le monde est la suivante :
Pays | Nombre de personnes | Statut des personnes | Année |
---|---|---|---|
Serbie[12] | 6 330 919 | de langue maternelle serbe | 2011[13] |
Bosnie-Herzégovine | 1 264 526[14] | d’ethnie serbe | 2015[15] |
Monténégro | 265 895 | de langue maternelle serbe | 2011[16] |
Allemagne | 155 306 | citoyens de Serbie inscrits au Registre central des étrangers | 2011[17] |
Croatie | 186 633 | d’ethnie serbe[18] | 2011 |
52 879 | de langue maternelle serbe[19] | ||
Autriche | 134 679 | nées en Serbie | 2015[20] |
États-Unis | 70 260 | parlant serbe à la maison | 2013[21] |
Australie | 55 116 | parlant serbe à la maison | 2011[22] |
Italie | 31 342 | citoyens de Serbie | 2022[23] |
Canada | 58 470 | de langue maternelle serbe | 2011[24] |
Slovénie | 38 964 | d’ethnie serbe | 2002[25] |
Macédoine du Nord | 35 939 | d’ethnie serbe | 2002[26] |
Roumanie | 20 377 | de langue maternelle serbe | 2011[27] |
Hongrie | 10 038 | d’ethnie serbe, de langue maternelle serbe ou parlant serbe en famille et avec les amis | 2011[28] |
Slovaquie | 698 | d’ethnie serbe | 2011[29] |
Le serbe est la langue officielle en Serbie, au Kosovo[30], en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro[31]. Il est également une langue minoritaire reconnue, c’est-à-dire officiellement utilisable (dans des conditions différentes de pays à pays), en Croatie[32], en Macédoine du Nord, en Roumanie[33], en Hongrie[34], en Slovaquie[35] et en Tchéquie.
Le serbe standard se fonde sur le dialecte chtokavien (štokavski) du diasystème slave du centre-sud, dialecte parlé dans la plus grande partie de la Serbie, ainsi que par les Serbes de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro. Le même dialecte est parlé par la plupart des Croates, par les Bosniaques et par les Monténégrins[36].
Certains linguistes[37] considèrent comme serbe un dialecte appelé torlakien (torlački), proche du bulgare et du macédonien, notamment par la perte de la déclinaison des noms et des adjectifs.
L’une des divisions du chtokavien est faite en trois groupes de dialectes, sur la base de la façon dont a évolué le son ĕ du vieux-slave transcrit par la lettre ѣ, appelée « yat ».
- Dans les dialectes ékaviens (ekavski), parlés dans le centre, l’est et le sud de la Serbie, le « yat » a donné e (prononcé « é »), par exemple dans les mots čovek « homme » (être humain) et reka « rivière ».
- Les dialectes (i)jékaviens [(i)jekavski], parlés dans l’ouest de la Serbie et dans sa région de Raška, au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine, se caractérisent par l’évolution de « yat » en je (prononcé « yé ») dans certains mots (čovjek) et en ije (prononcé « iyé ») dans d’autres : rijeka.
- Pour les dialectes ikaviens (ikavski), c’est l’évolution de « yat » en i qui est spécifique (čovik, rika). Ils se limitent à quelques petites zones limitrophes de ceux qui présentent le même phénomène sur le territoire du croate.
Le torlakien est inclus dans une autre division du serbe, qui comprend cinq groupes de parlers: de Voïvodine-Šumadija, de Herzégovine de l’Est, de Zeta-Lovćen, de Kosovo-Resava et de Prizren-Timok. C’est ce dernier qui correspond au torlakien[38].
Le stardard admet les prononciations ékavienne et (i)jékavienne, ainsi que leur transcription, sans admettre la prononciation ikavienne, ni la variante torlakienne. La grande majorité des médias de masse serbes est ékavienne.
L’histoire du serbe est étroitement liée aux débuts et au développement de la littérature en cette langue[39].
Les premiers documents pouvant être considérés comme de langue serbe sont écrits en alphabet cyrillique et datent des XIe – XIIe siècles. Le plus important est Miroslavljevo jevanđelje Évangile de Miroslav[40]. Il y a deux procès qui commencent : d’un côté, la langue parlée évolue d’une façon spontanée et des dialectes prennent naissance, d’un autre côté, les lettrés s’ingénient à standardiser la langue. La langue littéraire serbe a en fait été sujette à plusieurs standardisations.
Premières standardisations
La première standardisation a lieu au début du XIIIe siècle, sous le règne du premier roi serbe, Stefan Ier Nemanjić. Elle est effectuée par le frère du roi, Rastko Nemanjić (plus connu sous le nom de Saint Sava, fondateur de l’église orthodoxe serbe autocéphale), autour de l’année 1220. À cette époque-là, la langue serbe écrite commence à s’éloigner du slavon d'église utilisé jusqu’alors, reflétant les modifications phonétiques qui s’étaient produites par rapport à cette langue. La variété ainsi créée est appelée langue slavo-serbe, notée en écriture nommée de Raška. Du point de vue langagier, l’ouvrage le plus significatif de Saint Sava est le Karejski tipik (le Typikon de Karyès). Dušanov zakonik (le Code de Dušan), écrit dans les années 1349-1354, utilise la même langue.
La réforme linguistique suivante se produit sous le règne de Stefan Lazarević, autour de l’année 1400. Elle est effectuée au monastère de Manasija située au bord de la rivière Resava, sous la direction du lettré bulgare Constantin le Philosophe. La réforme de l’école de Resava est archaïsante et influencée par le grec. En fait, elle rapproche le standard serbe du standard bulgare. Des œuvres parues dans cette variété de langue sont, par exemple, Slovo Ljubve (la Parole de l’amour) (1409) de Stefan Lazarević et Žitija despota Stefana Lazarevića (Vie du despote Stefan Lazarević) (1433) de Constantin le Philosophe.
Entre les XVIe et XVIIIe siècles, époque la plus dure de la domination ottomane, la littérature serbe décline considérablement. Le seul vestige remarquable de la culture serbe médiévale survit au monastère de Beočin, grâce aux moines copistes de manuscrits qui s’y réfugient pour échapper aux Turcs, en venant du monastère de Rača. Parmi eux se distingue Gavril Stefanović Venclović (1680-1749), caractérisé par un curieux bilinguisme. En effet, il écrit les livres religieux selon les normes de l’école de Resava, mais ses sermons dans la langue du peuple.
Entre 1680 et 1690, un grand nombre de Serbes se réfugient de la Serbie sous domination turque dans l’empire d'Autriche, surtout dans le Banat, sous la direction du patriarche Arsenije III Čarnojević (en serbe actuel Crnojević). Les Autrichiens essayent de convertir les Serbes au catholicisme et en même temps de leur imposer une langue slave du sud unitaire, basée sur le croate s’épanouissant à l’époque en Dalmatie, en Bosnie et en Slavonie. Ils essayent aussi de remplacer l’écriture cyrillique utilisée dans les écoles des Serbes par l’écriture en alphabet latin. Ces tentatives sont perçues par les Serbes comme des atteintes à leur identité religieuse et nationale, et le clergé serbe demande l’aide du tsar Pierre Ier de Russie, qui leur envoie des livres et des maîtres d’école. Pensant, de façon erronée, que la variante russe du slavon est plus ancienne que la variante serbe de la même langue, le clergé adopte la première. Celle-ci continue à être la langue liturgique de l’église orthodoxe serbe au XXIe siècle. Influencée par la langue liturgique, la langue de la littérature séculière de l’époque est un mélange d’éléments des parlers de Voïvodine, de la variante russe du slavon et de la langue russe.
Réforme de Vuk Karadžić
Dans la première moitié du XIXe siècle, avec l’aide de philologues éminents de l’époque, tels les frères Grimm, et du pouvoir autrichien (représenté par le linguiste slovène Jernej Kopitar), Vuk Stefanović Karadžić entreprend une réforme profonde du standard de la langue serbe. Il jette les bases de la langue littéraire serbe actuelle par son Dictionnaire serbe publié pour la première fois en 1818 (mais largement répandu seulement par son édition de 1852), sa traduction du Nouveau Testament et par d’autres ouvrages. La base de ce standard est le parler de Karadžić, chtokavien à prononciation ijékavienne de l’Herzégovine de l’Est, parlée également en Serbie du Sud-ouest.
Sous l’influence du romantisme d’Europe de l'Ouest, Karadžić recommande la poésie populaire pour modèle de la langue littéraire et rejette les normes russifiantes, qui ne correspondent pas au système phonémique et à la structure grammaticale du serbe. Dans le même temps, il simplifie l’orthographe le plus possible, en lui appliquant le principe phonologique.
La réforme de Karadžić est influencée par la littérature croate aussi. D’ailleurs, son activité est approximativement contemporaine de la standardisation du croate, effectuée toujours à partir du dialecte chtokavien à prononciation ijékavienne. Plus encore, il y a des mises en commun entre les élaborateurs des deux standards, par exemple par le biais de l’« Accord de Vienne » signé en 1850 par sept intellectuels croates et serbes (parmi lesquels Vuk Karadžić), à l’initiative du linguiste slovène Franc Miklošič.
Par la suite, la prononciation ékavienne de la bourgeoisie de Voïvodine et de Serbie est aussi incluse dans le standard, devenant prédominante mais n’excluant pas la prononciation ijékavienne. En 1868, le standard de Karadžić devient officiel en Serbie.
De la standardisation au XXIe siècle
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le domaine linguistique interfère avec le domaine politique, la relation entre serbe et croate oscillant d’une époque à l’autre entre l’idée d’une langue unique et celle de deux langues à part, en fonction des événements historiques que leurs locuteurs traversent.
Au milieu du XIXe siècle, les Serbes commencent à utiliser l’alphabet latin croate à côté de l’alphabet cyrillique. Đura Daničić commence à rédiger dans cet alphabet légèrement modifié ce que sera le Dictionnaire de l’Académie yougoslave des sciences et des arts, achevé seulement dans les années 1970.
Le rapprochement entre serbe et croate continue après la Première Guerre mondiale, cette fois dans le cadre du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, devenu plus tard le Royaume de Yougoslavie, sous l’égide de la Serbie, pays vainqueur dans la guerre. L’idée de la langue serbo-croate est de plus en plus soutenue par les autorités de Belgrade.
Dans la Yougoslavie communiste d’après la Seconde Guerre mondiale, la promotion de la langue serbo-croate et les tentatives d’estomper les différences entre le serbe et le croate deviennent les composantes d’une politique linguistique officielle, ce qui ressort de l’« Accord de Novi Sad » de 1954, signé par vingt-cinq linguistes et écrivains, dix-huit serbes et sept croates. On y stipule que la langue commune des Serbes, des Croates, des Monténégrins et des Bosniaques est le serbo-croate, que l’on peut aussi appeler croato-serbe, ayant deux variétés littéraires, le serbe et le croate. Par le même accord, on décide de publier un dictionnaire commun.
Dans cette période, le serbe s’éloigne en partie de la langue devenue « rurale » de Karadžić. À la suite du procès d’urbanisation, il se répand ce qu’on appelle le « style de Belgrade ».
À la suite de la désintégration de la Yougoslavie, le serbe et le croate s’éloignent de nouveau l’un de l’autre. En serbe, cela se manifeste, par exemple, par la réapparition, dans la langue littéraire, de certains éléments de la langue de l’église, et la constitution de la Serbie stipule que la langue officielle de l’État est le serbe écrit avec l’alphabet cyrillique[10]. Cependant, l’alphabet latin reste d’usage courant.
En 1997 est créé le Comité pour la standardisation de la langue serbe, qui œuvre pour le remplacement du standard du serbo-croate, mais sans pratiquer le purisme envers les mots croates, qu’il traite comme des emprunts[41]. Dans le même temps, il soutient l’utilisation de l’alphabet cyrillique, mise en danger par celle de l’alphabet latin, et promeut le remplacement des emprunts de plus en plus nombreux à l’anglais par des mots serbes[42].
Cette section traite de manière succincte des principaux aspects phonologiques, phonétiques et prosodiques de la langue serbe[43].
Voyelles
Le serbe a cinq phonèmes vocaliques :
Consonnes
Le serbe dispose de 25 consonnes :
Remarques :
- R entre deux consonnes ou en début de mot peut constituer un sommet de syllabe, comme les voyelles, par exemple dans prst « doigt » et rvanje « combat ». Cette consonne se comporte de la même façon dans les emprunts au français qui, dans cette langue se terminent en consonne + re : žanr « genre », masakr « massacre ».
- La consonne /n/ se réalise [ŋ] devant une consonne vélaire : Anka, tango.
Correspondance graphie–prononciation
Lettre n° | Alphabet cyrillique | Alphabet latin | Transcription phonétique | Prononcée à peu près comme dans |
---|---|---|---|---|
1 | A, a | A, a | [a] | arc |
2 | Б, б | B, b | [b] | bon |
3 | В, в | V, v | [ʋ] | voix |
4 | Г, г | G, g | [g] | gare |
5 | Д, д | D, d | [d] | donner |
6 | Ђ, ђ | Đ, đ | [d͡ʑ] | diable (d mouillé) |
7 | E, e | E, e | [e] | étang |
8 | Ж, ж | Ž, ž | [ʒ] | jour |
9 | З, з | Z, z | [z] | zèle |
10 | И, и | I, i | [i] | idée |
11 | J, j | J, j | [j] | yaourt |
12 | К, к | K, k | [k] | kilo |
13 | Л, л | L, l | [l] | lac |
14 | Љ, љ | Lj, lj | [ʎ] | lien (l mouillé) |
15 | М, м | M, m | [m] | mal |
16 | Н, н | N, n | [n] | nage |
17 | Њ, њ | Nj, nj | [ɲ] | indigné |
18 | O, o | O, o | [o] | orange |
19 | П, п | P, p | [p] | pas |
20 | Р, p | R, r | [r] | rare (r roulé) |
21 | C, c | S, s | [s] | sac |
22 | T, т | T, t | [t] | tour |
23 | Ћ, ћ | Ć, ć | [t͡ɕ] | tien (t mouillé) |
24 | У, y | U, u | [u] | ourlet |
25 | Ф, ф | F, f | [f] | film |
26 | X, x | H, h | [x] | entre le h aspiré de « hahaha ! » et le j espagnol de Juan |
27 | Ц, ц | C, c | [t͡s] | tsigane |
28 | Ч, ч | Č, č | [t͡ʃ] | tchèque |
29 | Џ, џ | DŽ, dž | [d͡ʒ] | l’anglais gin |
30 | Ш, ш | Š, š | [ʃ] | chat |
Remarques:
- La lettre v ne transcrit pas la correspondante voisée de la consonne labio-dentale fricative sourde /f/, mais la consonne spirante labio-dentale /ʋ/, neutre du point de vue du voisement. En effet, elle ne passe pas à [f] devant les consonnes sourdes (exemple : ovca [oʋt͡sa] « brebis »), et devant elle, les consonnes peuvent être sourdes ou voisées : tvoje « ton, le tien » (neutre), dvoje « deux ».
- Le serbe s’écrit traditionnellement avec l’alphabet cyrillique adapté de façon que chaque lettre corresponde à un seul son. Cet alphabet est utilisé dans tous les documents officiels de Serbie et de la République serbe de Bosnie. L’alphabet latin avec des diacritiques rend certains sons par des groupes de deux lettres. Son emploi est majoritaire dans les écrits non officiels et il progresse[41]. Par exemple, parmi les quotidiens nationaux, deux seulement sont écrits en cyrillique, la plupart étant en alphabet latin[48].
- L’orthographe serbe est fondée sur le principe phonémique, qui va jusqu’à transcrire les noms propres étrangers, non seulement en cyrillique, mais aussi en alphabet latin, tels qu’ils se prononcent en serbe. Par exemple, « Shakespeare » s’écrit Шекспир ou Šekspir[48]. Il y a cependant quelques exceptions à ce principe (voir la section suivante).
Modifications phonétiques
Assimilation de consonnes
Lorsque deux consonnes, l’une sourde et l’autre voisée, arrivent en contact par ajout d’une désinence ou d’un autre suffixe à un mot, ou bien par la formation d’un mot composé, la première consonne devient pareille à la seconde du point de vue du voisement (assimilation régressive). Ainsi[49] :
les consonnes sonores | b, | g, | d, | đ, | z, | ž, | dž | deviennent | |
les consonnes sourdes | p, | k, | t, | ć, | s, | š, | č, | et vice-versa. |
Exemples :
- consonne voisée > consonne sourde : de rob « esclave » on forme, en y ajoutant le suffixe -stvo, le nom ropstvo « esclavage » ;
- consonne sourde > consonne voisée : s Bogom « avec Dieu > zbogom « adieu ».
Il y a aussi des assimilations qui consistent en le changement du lieu d’articulation des consonnes. Par exemple s passe à š devant les consonnes ć, dž, č, đ, lj et nj : paziti « faire attention » > pažljiv « attentif », nositi « porter » > nošnja « habillement ». De même, n passe à m devant b: stan « logement, habitation » > stambeni « relatif à l’habitation » (adjectif).
Conformément au principe phonémique de la graphie serbe, les assimilations sont en général rendues par écrit, mais il y a des exceptions. C’est le cas, par exemple, de consonnes en fin de mot : Šef [ˈʃeːv] bi voleo da radimo. « Le chef aimerait que nous travaillions », Ostao je bez [bes] kaputa « Il est resté sans manteau »), entre les préfixes terminés en d et les mots commençant par s (predsednik ['pretsednik] « président »), dans des mots étrangers dérivés avec des préfixes serbes (podtekst ['pottekst] « sous-texte ») et dans des emprunts relativement récents : dragstor ['drakstor] « drugstore ».
Chute de consonnes
Lorsque, à l’occasion de la dérivation, de la composition ou de la flexion, il y a deux consonnes identiques qui arrivent en contact, en général il n’en reste qu’une seule. L’identité se crée souvent par assimilation. Exemples :
- entre un préfixe et un mot : bez stida « sans honte » > *besstidan[50] > bestidan « éhonté, sans vergogne » ;
- entre les éléments d’un mot composé : pet « cinq » + deset « dix » > *peddeset > pedeset « cinquante » ;
- entre un mot et un suffixe : Rus « Russe » + -ski > *russki > ruski « russe » (adjectif), vest « (information) nouvelle » + -nik > vesnik « messager » ;
- à l’ajout d’une désinence : otac « père » + -a > *otca > oca « du père ».
Il existe aussi des chutes de consonnes non marquées par écrit, généralement dans des dérivés relativement récents :
- avec un préfixe serbe : preddržavni ['predrʒavni] « pré-étatique » ;
- avec un préfixe étranger : transsibirski ['transibirski] « transsibérien » ;
- avec un suffixe serbe : azbest + -ni > azbestni ['azbesni] « en asbeste ».
Palatalisations
Certaines consonnes terminant la forme du cas nominatif d’un nom ou se trouvant à la fin du radical d’un verbe se palatalisent, c’est-à-dire que leur lieu d’articulation migre vers la région palatale de la bouche sous l’influence d’une voyelle commençant une désinence ou un autre suffixe. Les cas les plus fréquents :
- K, g et h devant e deviennent palato-alvéolaires[51] :
- k > č – vojnik « soldat » > vojniče! (vocatif) « (Eh!) le soldat ! »
- g > ž – drug « camarade » > druže!
- h > š – duh « âme » > duše!
- Les mêmes consonnes deviennent alvéolaires devant un i[51] :
- k > c – radnik « ouvrier » > radnici « ouvriers »
- g > z – snaga « force » > snazi « à la force » (datif)
- h > s – siromah « pauvre » > siromasi « pauvres »
- La palatalisation devant j (prononcé comme « y » dans « yeux ») s’appelle aussi mouillure. Elle fait que :
- d et t deviennent alvéolo-palatales : d > đ, t > ć
- l et n changent en palatales : l > lj, n > nj
- z et s se transforment en palato-alvéolaires : z > ž, s > š
Quelques exemples de mouillure : tvrd « dur » > tvrđi « plus dure », ljut « furieux » > ljući « plus furieux », brz « rapide » > brži « plus rapide ».
Alternance l ~ o
Au cours de l’histoire de la langue serbe, [l] a évolué en [o] dans certains cas, mais à certaines formes grammaticale, [o] repasse à [l].
C’est, par exemple, le cas des noms et des adjectifs qualificatifs terminés en -ao ou -eo (posao « travail », veseo « gai ») et des adjectifs verbaux actifs (radio « travaillé »). Cet o redevient l s’il n’est plus en position finale : posla « du travail », le génitif du nom ; vesela « gaie », le féminin de l’adjectif qualificatif ; radila, le féminin de l’adjectif verbal actif).
Cet alternance se produit également à l’intérieur de certains mots, par exemple dans ceux dérivés avec le suffixe d’agent -lac. L se conserve seulement au nominatif singulier et au génitif pluriel, passant à o aux autres formes casuelles : nosilac « porteur », nosilaca « des porteurs », mais nosioca « du porteur », nosioci « porteurs », etc.
Alternance a ~ ∅ (appelée nepostojano a « a labile »)
En général, entre les consonnes de groupes en fin de mot inhabituels pour le serbe, on intercale un a, par exemple au nominatif singulier des noms et des adjectifs masculins, dont la désinence est ∅, pour éviter que le mot se termine en un tel groupe de consonnes. Un tel mot est borac « combattant ». Au cours de la flexion, a disparaît aux formes auxquelles la prononciation du groupe de consonnes est facilitée par une voyelle qui le suit. Ainsi, le génitif et l’accusatif singulier de ce mot est borca « du combattant ».
A labile apparaît également entre certaines prépositions et des mots avec lesquels elles formeraient un mot phonétique qui commencerait par un groupe de consonnes difficiles à prononcer. Ainsi, par exemple, la préposition s « avec » a la forme sa devant un mot comme škola : sa školom « avec l’école ».
A apparaît aussi pour différencier des formes casuelles, à savoir le nominatif singulier des noms féminins au radical terminé en un groupe de consonnes d’avec leur génitif pluriel (sestra « sœur » – sestara « des sœurs ») et le génitif singulier d’avec le génitif pluriel des masculins qui ont a au nominatif singulier (boraca « des combattants ») ou de ceux d’origine étrangère terminés en deux consonnes au nominatif singulier : student – studenta « de l’étudiant » – studenata « des étudiants ».
Voyelles supplémentaires en fin de mot
Certains mots ont des formes alternatives, l’une terminée en consonne, l’autre avec une voyelle ajoutée :
- des adverbes de temps : kad(a) « quand » ;
- la conjonction nek(a) « que » ;
- la forme de génitif masculin des adjectifs, des pronoms et des numéraux : dobrog(a) « du bon », mog(a) « du mien », svakog(a) « de chacun », jednog(a) « d’un ».
- la forme de datif-locatif masculin singulier des précédents :
- e ajoutée à la variante de désinence -om : dobrom(e) « au bon », o dobrom(e) « au sujet du bon » ;
- u ajoutée à la variante de désinence -em: vašem(u) « au vôtre ».
La voyelle finale est facultative dans les deux premiers cas, mais devient parfois obligatoire dans les autres, à savoir au datif-locatif masculin singulier des adjectifs substantivés et des pronoms qui peuvent être utilisés en tant qu’adjectifs pronominaux aussi : Obraćam se dobrim ljudima, a ne lošima « Je m’adresse aux gens bons, non aux méchants », U jednim slučajevima uspeva, u drugima ne « Dans certains cas, ça réussit, dans d’autres non ».
Dissimilation de voyelle
La désinence du cas instrumental singulier des noms masculins a deux variantes, -om et -em. La variante -om est présente après les consonnes finales de radical autres que c, z, č, dž, š, ž, ć, đ, nj, j et lj, par exemple dans sa čovekom « avec l’homme ». La variante -em est normalement employée après les consonnes finales de radical mentionnées (par exemple dans bičem « avec le fouet », s mišem « avec la souris », spanaćem « aux épinards », s kraljem « avec le roi »), mais si devant la consonne finale il y a la voyelle e, il se produit généralement la dissimilation de l’e de la désinence, qui passe à o, dans des mots comme mesecom « avec la lune », s Bečom « avec Vienne » s koledžom « avec le collège », s muzejom « avec le musée ».
Accentuation
L’accent qui frappe l’une des voyelles d’un mot a un double caractère en serbe. C’est un accent d’intensité, c’est-à-dire la voyelle en cause est prononcée avec plus de force que les autres (comme en français), mais aussi tonique (ou musical), la voyelle accentuée étant prononcée un ton plus haut ou plus bas que les autres.
Il y a quatre sortes d’accent, des combinaisons entre le caractère descendant ou ascendant et la durée de la voyelle (longue ou courte). Leurs signes conventionnels sont ceux des exemples ci-dessous[52].
- accent long descendant : pîvo « bière » ;
- accent long montant : písati « écrire » ;
- accent court descendant : vȅtar « vent » ;
- accent court montant : òtac « père ».
L’accent n’est marqué à l’écrit que dans les ouvrages de linguistique, dans les manuels et les dictionnaires, ainsi que pour éviter la confusion non évitable par le contexte entre mots qui diffèrent uniquement par le caractère ou la place de l’accent, comme grâd « ville » et grȁd « grêle » (précipitations). L’accent peut aussi différencier des formes grammaticales d’un même mot : ȉmena « du nom » (génitif singulier) – imèna « noms » (nominatif pluriel) – iménā « des noms » (génitif pluriel) (voir aussi Déclinaison des adjectifs).
Concernant la place et le caractère de l’accent, il y a les règles suivantes :
- Dans les mots polysyllabiques, l’accent peut frapper n’importe quelle syllabe, sauf la dernière, règle qui s’applique également aux mots étrangers. Ainsi, les mots français ont en serbe l’accent sur l’avant-dernière syllabe : Marsej « Marseille » se prononce ['mar.sej].
- L’accent des mots monosyllabique ne peut être que descendant, court (kȍnj « cheval ») ou long : znâm « je sais ».
- Dans le cas des mots polysyllabiques, seule la première syllabe peut porter un accent descendant.
Les voyelles non accentuées peuvent également être longues ou courtes. Les longues sont notées, sauf dans les écrits ordinaires, par un macron ¯ (žèna « femme » – žénā « des femmes », le génitif pluriel du nom). Une syllabe longue non accentuée ne peut se trouver qu’après une syllabe accentuée.
Certains mots ne peuvent être accentués. C’est la plupart des mots-outils clitiques. En serbe, la particule interrogative li « est-ce que », les pronoms personnels conjoints (par exemple ga « le », mi « me »), le pronom réfléchi se, les formes brèves des verbes auxiliaires, par exemple celui du futur, ću, sont enclitiques (placés après un mot accentué), alors que les prépositions monosyllabiques et certaines bisyllabiques, certaines conjonctions monosyllabiques, le mot négatif ne sont proclitiques (placés devant un mot accentué). Du point de vue de l’accentuation, les enclitiques et les proclitiques forment un seul mot avec le précédent et le suivant, respectivement.
Dans certains cas, l’accent peut passer sur le proclitique :
- sur les prépositions devant le pronom personnel ja « moi » au cas instrumental : sȁ mnom « avec moi » ;
- sur le mot négatif, aux formes verbales à accent descendant sur la première syllabe : dâm « je donne » – nè dām « je ne donne pas ».