Société des Nations
organisation intergouvernementale, prédécesseur des Nations Unies / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Pour les articles homonymes, voir SDN.
La Société des Nations (SDN ou SdN[1]) était une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919, et dissoute en 1946. Ce même traité est élaboré au cours de la conférence de paix de Paris, pendant laquelle est signé le Covenant ou le Pacte qui établit la SDN, afin de préserver la paix en Europe après la fin de la Première Guerre mondiale. Basée à Genève, dans le palais Wilson puis le palais des Nations[2], elle est remplacée en 1945 par l’Organisation des Nations unies, qui reprend un certain nombre de ses agences. Le principal promoteur de la SDN est le président des États-Unis Woodrow Wilson. Le dernier des dits Quatorze points de Wilson de qui préconise une association des nations constitue la base politique officielle. Toutefois, le Sénat américain, en s’opposant à la ratification du Traité de Versailles, vote contre l’adhésion à la Société des Nations et les États-Unis n’en font pas partie.
League of Nations
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En plus d'être un traité de libre-échange affirmé dans les trois premiers des Quatorze points de Wilson[3], les objectifs de la SDN comportent le désarmement, la prévention des guerres au travers du principe de sécurité collective, la résolution des conflits par la négociation, et l’amélioration globale de la qualité de vie.
L'approche diplomatique qui préside à la création de la Société représente un changement fondamental par rapport à la pensée des siècles précédents, en prônant la négociation collective à l'encontre de la diplomatie secrète honnie par le président américain. Cependant, la Société n’a pas de force armée « en propre » et, de ce fait, dépend des grandes puissances pour l’application de ses résolutions, que ce soit les sanctions économiques ou la mise à disposition de troupes en cas de besoin. Les pays concernés sont peu disposés à intervenir. Benito Mussolini déclare ainsi : « la Société des Nations est très efficace quand les moineaux crient, mais plus du tout quand les aigles attaquent ». Dans l’entre-deux-guerres, trois pays (l’Allemagne nazie, ainsi que le Japon en 1933, et l'Italie en 1937) quittent la SDN.
Après de nombreux succès notables et quelques échecs particuliers dans les années 1920, la Société des Nations est totalement incapable de prévenir les agressions des pays de l’Axe dans les années 1930.
Malgré le règlement pacifique de tensions et conflits mineurs (dans les îles Åland, en Albanie, en Autriche et Hongrie, en Haute-Silésie, à Memel, en Grèce face à la Bulgarie, en Sarre, à Mossoul, dans le sandjak d’Alexandrette, au Liberia, entre la Colombie et le Pérou), la SDN est considérée comme un échec, car elle ne parvient à enrayer ni la guerre civile espagnole, ni l’agression italienne contre l’Éthiopie, ni l'impérialisme japonais, ni l'annexion de l'Autriche par Hitler, ni la crise des Sudètes, ni enfin les menaces allemandes contre la Pologne, c'est-à-dire l'ensemble des crises internationales qui préludent au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. De plus, sa gestion de certaines colonies par des puissances européennes sous le format de mandat posera des problèmes dont les effets seront effectifs jusqu'à nos jours, notamment au Rwanda et au Proche-Orient.
Fin de la guerre
En 1917, les Allemands, sachant l’arrivée des troupes américaines proche, décident de concentrer leurs efforts à l’ouest, pour gagner la guerre avant que les renforts alliés ne débarquent. En , le général allemand Erich Ludendorff attaque la Picardie et ouvre une brèche entre les armées française et britannique. Les alliés créent pour la première fois un commandement unique confié le 26 mars au maréchal Ferdinand Foch. En mai, les Allemands parviennent jusqu’à la Marne et menacent Paris, mais Ludendorff ne peut pas profiter de ce succès, faute de réserves. Les troupes des États-Unis ont donc le temps de débarquer et contribuent à repousser les Allemands. Les Italiens obtiennent en 1918 la capitulation de l’Autriche, alors que les troupes alliées réunies à Salonique forcent la Bulgarie puis l’Empire ottoman à demander l’armistice. L’Allemagne capitule le .
Les pertes humaines de la guerre sont impressionnantes, dix millions d’hommes perdent la vie durant le conflit. La malnutrition et les épidémies causent également la perte d’un nombre important de vies civiles et militaires. Les dégâts matériels sont également énormes : de nombreuses villes et bourgades, notamment en France, sont affectées par les bombardements, et parfois rayées de la carte. La production industrielle a chuté : l’Allemagne et la France sont les deux pays les plus touchés avec une baisse par rapport à 1913 de respectivement 39 % et 38 %.
Traité de Versailles
Le traité de Versailles met fin à la Première Guerre mondiale. Il est signé le au château de Versailles entre l’Allemagne et les Alliés. Bien que cette conférence réunisse 27 États (vaincus exclus et, en réalité, 32, le Royaume-Uni parlant au nom du Canada, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Inde), les travaux sont dominés par une sorte de directoire de quatre membres : Georges Clemenceau pour la France, David Lloyd George pour le Royaume-Uni, Vittorio Emanuele Orlando pour l’Italie et Woodrow Wilson pour les États-Unis.
Les sanctions prises sont extrêmement dures pour les vaincus :
- démilitarisation des environs du Rhin ;
- dissolution de l'Autriche-Hongrie ;
- reconstitution de la Pologne, au détriment notamment de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie ;
- perte des colonies au profit des vainqueurs ;
- responsabilité totale des dégâts de la guerre et devoir de remboursement ;
- occupation de certains territoires allemands par les Alliés ;
- restitution de l’Alsace-Lorraine à la France et détachement de la Sarre qui est soumise pour 15 ans au contrôle du conseil de la SDN.
Au moment de définir les nouvelles frontières de l’Europe, les États-Unis et le Royaume-Uni refusent d’accéder à la demande des Français de créer une barrière militaire sur le Rhin, pour éviter une hégémonie française sur le continent. De plus, ces deux pays sont convaincus que l’Europe ne peut se reconstruire efficacement sans une Allemagne forte. C’est pourquoi ils tentent de modérer les énormes exigences de la France. Pour éviter la création de cette barrière, les États-Unis et le Royaume-Uni proposent de signer avec la France un traité de défense commune en cas d’agression allemande, ce qui signifie que la France recevrait immédiatement l’aide militaire de ces pays. Clemenceau accepte cette proposition, mais le Congrès américain refuse de ratifier le traité de Versailles.
L’Allemagne étant extrêmement insatisfaite des dispositions du traité, les Français jugent bon de se protéger d’une autre manière. Ils vont alors constituer une petite entente avec la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie pour remplacer le soutien inexistant des États-Unis et du Royaume-Uni.
Origines
Aux XVIIIe et XIXe siècles, des sociétés pour la paix se créent à New York, Londres et Genève. En 1892, on crée à Berne le Bureau international de la paix qui reçoit le prix Nobel de la paix en 1910.
Les prémices de la Société des Nations furent, à bien des égards, les conférences internationales de paix de La Haye de 1899 et 1907 (dont Léon Bourgeois, dans Pour la Société des nations, attribue l'instigation au tsar Nicolas II) qui aboutissent à la création de la Cour d'arbitrage international de La Haye. La « Confédération des États de la Haye », comme l’a appelée le pacifiste néo-kantien Walther Schücking, formait une alliance universelle dont le but était le désarmement et le règlement pacifique des conflits par l’arbitrage. Ces deux axes étant issus à chaque fois d'une des commissions instaurées lors de la conférence et présidées par Léon Bourgeois ; axes considérés initialement comme mineurs aux yeux des puissances instigatrices de la conférence. Le concept d’une communauté paisible des nations avait été précédemment décrit dans l’ouvrage d’Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle (1795). À la suite de l’échec de ces conférences (une troisième avait été prévue pour 1915), l’idée de la Société de Nations fut initiée par le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères britannique Edward Grey et reprise avec enthousiasme par le président des États-Unis démocrate Woodrow Wilson et son conseiller, le colonel Edward M. House qui y voyaient un moyen de prévenir un nouveau bain de sang comparable à celui de la Première Guerre mondiale, la « guerre pour mettre fin à la guerre ».
La création de la SDN fut également l'objet des « Quatorze points de Wilson », en particulier le dernier : « Une association globale de nations doit être formée par des engagements spécifiques garantissant une indépendance politique et une intégrité territoriale mutuelle identique à tous les pays grands ou petits. »[4]
Les participants à la conférence de paix de Paris acceptèrent la proposition de créer une Société des Nations (en anglais : League of Nations, en allemand : Völkerbund) le .
Le projet est achevé le . Le , on choisit Genève comme siège de l’organisation. Ce choix est justifié par le rayonnement international acquis par la cité au cours des siècles et son appartenance à la Suisse (pays neutre).
La Convention définissant la Société de Nations fut ébauchée par une commission spéciale, la création de la SDN étant prévue dans la partie 1 du Traité de Versailles signé le . Initialement, la Charte fut signée par 44 États, dont 31 avaient pris part à la guerre du côté de la Triple-Entente ou la rejoignirent durant le conflit. Malgré les efforts de Wilson pour créer et promouvoir la SDN — pour lesquels il reçut le Prix Nobel de la paix en 1919 —, les États-Unis ne ratifièrent jamais la Charte, ni ne la rejoignirent plus tard à la suite de l’opposition du Sénat des États-Unis, et particulièrement de celle de républicains influents comme Henry Cabot Lodge du Massachusetts et William E. Borah de l’Idaho, en conjonction avec le refus d’un compromis par Wilson.
La Société tint sa première réunion à Londres le . Son premier geste fut de ratifier le traité de Versailles, terminant ainsi officiellement la Première Guerre mondiale. Les instances dirigeantes de la SDN se sont déplacées à Genève le . La première Assemblée générale y fut tenue le avec les représentants de 41 nations. Son premier président est le Belge Paul Hymans. Le Français Léon Bourgeois fut le président de la première réunion du Conseil (le ). Il reçut le Prix Nobel de la Paix en 1920.
David Kennedy a étudié la SDN au travers de textes savants la concernant, des traités qui la créèrent, et des votes lors des sessions plénières. Kennedy suggère que la Société fut un moment unique où les affaires internationales étaient « institutionnalisées », par opposition aux méthodes légales et politiques d’avant la Première Guerre mondiale[5].
Rôle des États-Unis
Dans un programme en quatorze points, le président américain Woodrow Wilson propose la création d’une Société des Nations qui doit garantir la paix mondiale[6]. Le projet est relativement mal accueilli en France à cause de la modération des États-Unis envers les nations vaincues lors de l’élaboration du traité de Versailles. Cependant, le président du Conseil Georges Clemenceau accepte d’adhérer à la Société, car il comprend que, de cette manière, il obtient le consentement des États-Unis sur ses exigences envers l’Allemagne. Wilson essuie un grave échec lorsque le Congrès américain refuse d’adhérer à la SDN par tradition isolationniste vis-à-vis de l’Europe[7]. Les États-Unis n'en seront jamais membres[8].
Quatorze points de Wilson
- fin de la diplomatie secrète
- liberté de navigation sur les mers
- suppression des barrières économiques et égalité commerciale pour toutes les nations
- réduction des armements
- arrangement sur les questions coloniales en tenant compte des intérêts des populations concernées
- évacuation de la Russie et possibilité pour les Russes de choisir librement leur gouvernement
- évacuation et restauration de la Belgique
- libération du territoire français et retour de l’Alsace-Lorraine à la France
- rectification des frontières italiennes selon le principe des nationalités
- autonomie des peuples d’Autriche-Hongrie
- évacuation de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro ; libre accès à la mer pour la Serbie
- autonomie des peuples non-turcs de l’Empire ottoman ; liberté de passage dans les détroits vers la mer Noire
- création d’une Pologne indépendante avec accès à la mer
- création d’une association des nations pour garantir l’indépendance et les frontières des États
Négociations sur « l'égalité des races »
La délégation japonaise défend l'inscription du principe de « l'égalité des races » dans le pacte de la SDN mais doit faire face à la ferme opposition de l'Australie, et dans une moindre mesure des États-Unis et du Royaume-Uni. Tout au long des débats, la presse américaine et britannique critique vivement le Japon, accusé de vouloir faciliter l’émigration de ses ressortissants[9].
Au contraire, ces discussions suscitent l'espoir des populations subissant des mesures de discrimination ou de ségrégation raciale, notamment afro-américaine. L’intellectuel noir américain William Edward Burghardt Du Bois considère le Japon comme un acteur de la revanche des peuples de couleur : « Étant donné que les Africains noirs, les Indiens bruns et les Japonais jaunes se battent pour la France et l’Angleterre, il serait possible qu’ils sortent de ce désordre sanglant avec une nouvelle idée de l’égalité essentielle des hommes »[9].
Pourtant, souligne l'historienne Matsunuma Miho, « l’objectif du Japon n’est pas de réaliser l’égalité de toutes les races. Son gouvernement craint surtout qu’un statut inférieur assigné à ses ressortissants ne désavantage sa position dans le futur ordre international. » Les ressortissants japonais subissant des mesures discriminatoires humiliantes aux États-Unis, au Canada et en Australie. En outre, le Japon pratique lui-même une politique de discrimination et de répression à l'égard des Chinois et des Coréens, dont les manifestations indépendantistes de sont écrasées[9].
L'échec de l'initiative provoque au Japon une grande colère populaire et une rancœur à l'égard de l'Occident, en particulier des Anglo-Saxons[9].
Le pacte de la Société des Nations est rédigé du au à l'Hôtel de Crillon à Paris pendant la conférence de la paix de 1919. Il règle les rapports entre les États membres.
La SDN a trois buts fondamentaux :
- faire respecter le droit international, avec la CPJI (Cour permanente de justice internationale)
- abolir la diplomatie secrète,
- résoudre les conflits par arbitrage.
Les 26 articles qui composent le Pacte définissent les fonctions des quatre organes principaux :
- l’Assemblée réunit les représentants des États membres pour débattre des questions relatives à la paix dans le monde, ainsi que l’admission de nouveaux membres (l’Allemagne n’est admise qu’en 1926). Elle contrôle également le budget de l’organisation.
- le Conseil est composé de quatre membres permanents initialement, à savoir le Royaume-Uni, la France, l’Italie, le Japon, rejoints par l'Allemagne en 1926, ainsi que de neuf membres non-permanents. Le conseil a les mêmes droits que l’assemblée. Il s’occupe aussi de différentes tâches dans lesquelles l’assemblée n’a qu’un pouvoir limité (mandats, minorités, etc.).
- le Secrétariat est l’auxiliaire de l’assemblée. Il est dirigé par un secrétaire général qui contrôle plusieurs sections ainsi que le personnel (670 personnes venant de 51 pays en 1930).
- la Cour permanente internationale de justice de la Haye, créée en 1922, doit juger des affaires qui lui sont soumises et généralement issues de la guerre.
Toute action de la SDN devait être autorisée par un vote unanime du Conseil et un vote majoritaire de l’Assemblée.
La Société regroupe à l’origine 45 pays, dont 26 non-européens. Par la suite, le nombre de pays membres passe temporairement à 60 ( à ).
Secrétariat et Assemblée
Le personnel du secrétariat était responsable de préparer l’ordre du jour pour le Conseil et l’Assemblée et d’éditer les comptes-rendus des réunions et rapports sur les sujets courants, agissant en fait comme des fonctionnaires de la Société. Le secrétariat est organisé en sections et emploie plusieurs centaines de collaborateurs et experts.
Secrétaires généraux de la Société des nations (1919-1946)
- 1919-1933 : Sir Eric Drummond, Royaume-Uni.
- 1933–1940 : Joseph Avenol, France.
- 1940-1946 : Seán Lester, Irlande.
Chaque État membre était représenté et disposait d’un vote à l’Assemblée (bien que tous les États n’avaient pas forcément de représentant permanent à Genève). L’Assemblée tenait ses sessions une fois par an en septembre.
Présidents de l’assemblée générale de la Société (1920-1946)
- France, Léon Bourgeois, 1920
- Belgique, Paul Hymans, 1920-1921
- Pays-Bas, Herman Adriaan van Karnebeek, 1921-1922
- Chili, Agustin Edwards, 1922-1923
- Cuba, Cosme de la Torriente y Peraza, 1923-1924
- Suisse, Giuseppe Motta, 1924-1925
- Canada, Raoul Dandurand, 1925-1926
- Portugal, Augusto de Vasconcelos 1926-1926
- Yougoslavie, Momčilo Ninčić, 1926-1927
- Uruguay, Alberto Guani, 1927-1928
- Danemark, Herluf Zahle, 1928-1929
- Salvador, José Gustavo Guerrero, 1929-1930
- Roumanie, Nicolae Titulescu, 1930-1932
- Belgique, Paul Hymans, (2e fois) 1932-1933
- Afrique du Sud, Charles Theodore Te Water, 1933-1934
- Suède, Rickard Sandler, 1934
- Mexique, Francisco Castillo Nájera, 1934-1935
- Tchécoslovaquie, Edvard Beneš, 1935-1936
- Argentine, Carlos Saavedra Lamas, 1936-1937
- Turquie, Tevfik Rüştü Aras, 1937-1937
- Raj britannique, Aga Khan III 1937-1938
- Irlande, Éamon de Valera, 1938-1939
- Norvège, Joachim Hambro, 1939-1946
Conseil
Le Conseil de la Société des Nations avait autorité pour traiter de toute question affectant la paix du monde. Sa composition fut d’abord de quatre membres permanents (le Royaume-Uni, la France, l’Italie et le Japon) et quatre membres non permanents, élus par l’Assemblée générale pour une période de trois ans. Les quatre premiers membres non permanents étaient la Belgique, le Brésil, la Grèce et l’Espagne. Les États-Unis, étaient censés être le cinquième membre permanent, mais le sénat des États-Unis, dominé par les Républicains après les élections de 1918, vota contre la ratification du traité de Versailles, empêchant de ce fait la participation du pays à la SDN, et traduisant la tentation isolationniste des Américains.
La composition initiale du Conseil fut ensuite modifiée à de nombreuses reprises. Le nombre de membres non permanents fut d’abord porté à six (le ), puis à neuf (le ). La république de Weimar rejoignit également la Société et devint le cinquième membre permanent du Conseil, portant le nombre total de membres à quinze. Plus tard, quand l’Allemagne et le Japon quittèrent la Société, le nombre de membres non permanents fut finalement augmenté de neuf à onze. En moyenne, le Conseil se réunissait cinq fois par an, sans compter les sessions extraordinaires. Cent sept sessions publiques eurent lieu entre 1920 et 1939.
Autres organes
La SDN supervisait la Cour permanente internationale de justice et diverses autres agences et commissions créées pour traiter des problèmes internationaux prégnants. On y trouvait la Commission de contrôle des armes à feu, l’Organisation de la santé, l’Organisation internationale du travail, la Commission des Mandats, le bureau central permanent de l’opium, la Commission pour les réfugiés, et la Commission de l’esclavage. Alors que la Société elle-même est souvent stigmatisée pour ses échecs, plusieurs de ses agences et commissions ont eu des succès notables dans l’exercice de leurs mandats respectifs.
Commission de désarmement
La Commission obtint l’accord initial de la France, l’Italie (l'économiste V. Pareto en est le représentant), le Japon et la Grande-Bretagne afin de limiter la taille de leurs marines de guerre respectives. Néanmoins, le Royaume-Uni refusa de signer le traité de désarmement de 1923, et le pacte Briand-Kellogg, facilité par la commission en 1928, échoua dans son objectif de bannir la guerre. Enfin, la Commission n’a pas réussi à stopper le réarmement de l’Allemagne (qui obtient, en , le principe d'égalité des droits en matière d'armement, et rétablit en 1935 le service militaire obligatoire), de l’Italie et du Japon durant les années 1930. Le Japon quitte la SDN en 1933, deux ans après avoir envahi la Mandchourie.
Organisation sanitaire (Commission de la santé d'hygiène et OIHP)
L'« Organisation de la santé » de la Société des Nations était un montage complexe articulant une Commission de la santé d'hygiène[11],[12] propre à la SDN, fondé en 1923, et des relations complexes avec l'Office international d'hygiène publique (OIHP) crée avant la SDN, en 1907, et héritier des Conférences sanitaires internationales[13].
L'Organisation de la santé visait, entre autres, à éradiquer la lèpre, la malaria et la fièvre jaune, les deux derniers en lançant une campagne internationale d’extermination des moustiques. L’Organisation réussit également à éviter qu’une épidémie de typhus se développât en Europe grâce à une intervention précoce en Union soviétique. Un grand nombre d'activités pratiques demeuraient néanmoins effectuées par l'OIHP[12].
Commission des Mandats
La Commission supervisa les territoires Mandats de la SDN. Elle organisa aussi des référendums dans les territoires contestés afin que leurs résidents puissent décider du pays qu’ils voulaient rejoindre ; le plus célèbre fut celui de la Sarre en 1935.
Organisation internationale de travail
Cet organe fut dirigé par le Français Albert Thomas. Il réussit à faire interdire l’ajout de plomb dans la peinture, et convainquit un certain nombre de pays d’adopter une loi des 8 heures de travail quotidien et de quarante-huit heures hebdomadaires. Il travailla également à l’abolition du travail des enfants, à améliorer le droit des femmes au travail, et à rendre les armateurs responsables pour les accidents impliquant des marins.
Commission consultative du trafic de l'opium (1921-1924) puis Commission consultative du trafic de l'opium et autres drogues nuisibles (1924-1940)
Créée en 1920 lors de la première assemblée générale de Société des nations, la Commission consultative du trafic de l'opium était chargée de poursuivre la politique internationale des drogues telle qu'elle avait été initiée par la Convention internationale de l'opium signée à La Haye en 1912. Sa première réunion eut lieu en 1921 et elle siégea sans discontinuer jusqu'en 1940. C'est en son sein que furent discutées et élaborées les conventions internationales sur les drogues adoptées durant l'entre-deux-guerres. Elle contribua ainsi grandement à l'édification du contrôle international des drogues tel qu'il existe toujours au début du XXIe siècle, en créant un marché légal des drogues destinées aux seules fins médicales et scientifiques[14].
Commission des réfugiés
Dirigée par Fridtjof Nansen, la Commission surveilla le rapatriement et, si nécessaire le relogement, de 400 000 réfugiés et ex-prisonniers de guerre, dont la plupart avaient échoué en Russie à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle établit des camps en Turquie en 1922 pour traiter un afflux de réfugiés dans le pays et ainsi participer à la prévention des maladies et de la famine. Elle établit également le passeport Nansen comme moyen d’identification des personnes apatrides.
Commission de l’esclavage
La Commission chercha à éradiquer l’esclavage et la traite des esclaves dans le monde, combattit la prostitution forcée et le trafic de stupéfiants particulièrement celui de l’opium. Elle réussit à faire émanciper 200 000 esclaves en Sierra Leone et organisa des raids contre les trafiquants d’esclaves afin de stopper la pratique du travail forcé en Afrique. Elle réussit également à ramener le taux de mortalité des ouvriers construisant le chemin de fer du Tanganyika de 55 % à 4 %. Dans d’autres régions du monde, la Commission recueillit des témoignages sur le trafic d’esclaves, la prostitution et le trafic de drogue dans une tentative de surveillance de ces questions.
Commission internationale de coopération intellectuelle (CICI)
L’instance de la CICI, fondée en 1921, a pour fonction de promouvoir les conditions favorables à la paix internationale. Il s’agit de développer l’esprit critique des individus grâce à l’éducation afin que cela puisse leur permettre d’agir de manière saine et responsable. La CICI, qui rassemble en son sein plusieurs intellectuels du monde entier, a comme premier président le philosophe Henri Bergson. Cette instance de concertation disparaît lors de la Seconde Guerre mondiale et réapparaît en 1946 sous une forme nouvelle, celle de l’UNESCO.
Plusieurs de ces institutions furent transférées aux Nations unies après la Seconde Guerre mondiale. En plus de l’Organisation Internationale du Travail, la Cour internationale de justice permanente devint la Cour internationale de justice (CIJ), et l’Organisation de la santé fut réorganisée en Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pays membres
La Société de nations avait 42 membres fondateurs ; 16 d’entre eux quittèrent ou se retirèrent de l’organisation. Le royaume de Yougoslavie fut le seul, parmi les membres fondateurs, à quitter la Société et à y revenir, restant ensuite membre jusqu’à la fin. L’année de la fondation, six autres États la rejoignirent ; seuls deux d’entre eux y participèrent jusqu’au bout. Par la suite, 15 autres pays devinrent membres, dont seulement deux le furent jusqu’à la fin. L’Égypte fut le dernier pays membre en 1937. L’Union soviétique fut exclue de la Société le , cinq ans après son adhésion le . L’Irak fut le seul membre à être également un Mandat de la Société des Nations. L’Irak devint membre en 1932.
Symboles
La Société des Nations n’eut jamais ni drapeau officiel, ni logo. Des propositions furent présentées dans les débuts de la SDN afin d’adopter un symbole officiel, mais les États membres ne tombèrent jamais d’accord.
Néanmoins, les organismes de la Société utilisèrent, le cas échéant, divers drapeaux et logos pour leurs besoins propres. Un concours international fut organisé en 1929 afin de trouver un concept, qui là encore n’a pas conduit à un symbole. Une des raisons de cet échec a peut-être été la crainte par des États membres que la puissance de cette organisation supranationale eût pu surpasser la leur. Finalement, en 1939, un emblème semi-officiel vit le jour : deux étoiles à cinq pointes au centre d’un pentagone bleu. Le pentagone et les étoiles devaient représenter symboliquement les cinq continents et les cinq races[15] de l’humanité. Le drapeau comprenait, respectivement en haut et en bas, les noms anglais (League of Nations) et français (Société des Nations). Ce drapeau fut notamment, déployé sur le bâtiment de la Foire internationale de New York 1939-1940.
Siège
Langues officielles
Les langues officielles étaient le français et l’anglais. Au début des années 1920, il fut proposé d’adopter l’espéranto comme langue de travail[16],[17]. Treize délégués de pays incluant ensemble près de la moitié de la population mondiale et une large majorité de la population des pays de la SDN acceptèrent la proposition contre un seul, le délégué français Gabriel Hanotaux qui mit son véto. Hanotaux n’appréciait pas le fait que le français perde sa position de langue de la diplomatie et voyait dans l’espéranto une menace. Deux ans après, la Société recommandait que ses États membres incluent l’espéranto dans leurs programmes d’éducation.
« Mandats » de la SDN
Les territoires sous mandat de la SDN, ou « Mandats », furent créés sous le couvert de l’Article 22 des engagements de la Société des Nations. Ces territoires étaient d’anciennes colonies de l’Empire allemand et provinces de l’Empire ottoman.
Il y avait trois classes de mandats[18].
Mandat « A »
C’étaient des territoires « ayant atteint un stade de développement suffisant pour qu’ils puissent être identifiés, à titre provisoire, comme nations indépendantes et pouvant recevoir des conseils et aides par un « Mandataire », jusqu’au moment où ils pourraient se diriger seuls. Les souhaits de ces communautés doivent être une considération principale dans la sélection du mandataire ». Ces territoires faisaient principalement partie de l’ex-Empire ottoman.
Mandat « B »
C’étaient des territoires qui « étaient à un stade où le mandataire devait être responsable de l’administration du territoire dans les conditions qui garantissent :
- La liberté de conscience et la liberté religieuse ;
- Le maintien de l’ordre social et de l’ordre moral ;
- La prohibition des abus tels que le commerce des esclaves, le trafic d’armes et le trafic d’alcool ;
- La prévention de l’établissement de fortifications ou bases militaires et navales et de la formation militaire des indigènes pour autre chose que des objectifs politiques et la défense de territoire ;
- Des opportunités égales d’échanges et de commerce avec les autres membres de la SDN. »
Mandat « C »
C’étaient des territoires « qui, en raison de la faible densité de leur population, ou leur petite taille, ou leur éloignement des centres de la civilisation, ou de leur contiguïté géographique du territoire d’un Mandataire, et autres circonstances, peuvent être mieux administrées selon les lois du mandataire. »
Les territoires étaient régis par des délégations de pouvoir, à l’image de ce qui se passait pour le Royaume-Uni en Palestine (British Mandate of Palestine) et en Afrique du Sud (Union de l’Afrique du Sud), jusqu’à ce que ces territoires soient capables de s’auto-administrer.
Il y avait quatorze mandats gérés par six mandataires : Royaume-Uni, France, Belgique, Nouvelle-Zélande, Australie et Japon. En pratique, les territoires sous mandat étaient traités comme des colonies et des critiques les dénoncèrent comme des prises de guerre. À l’exception de l’Irak, qui rejoignit la Société le , ces territoires ne purent gagner leur indépendance avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, processus qui ne se termina qu’en 1990. À la suite de la dissolution de la SDN, la plupart des mandats restants passèrent sous le contrôle des Nations unies sous l’appellation de United Nations Trust Territories.
En plus des mandats, la Société des Nations administra elle-même la Sarre pendant 15 ans, avant qu’elle soit rétrocédée au Troisième Reich à la suite d'un plébiscite, et la ville libre de Dantzig (Gdańsk, Pologne) du au .
La SDN fut généralement accusée d’avoir failli à sa mission. Cependant, elle eut des succès significatifs dans un certain nombre de territoires.
Îles Åland
Les Åland représentent un ensemble d’à peu près 6 500 îles situées à mi-distance de la Suède et de la Finlande. Les habitants sont exclusivement de langue suédoise, bien que la Finlande – alors sous domination Russe – en obtînt la souveraineté au début des années 1900. À compter de 1917, la plupart des résidents souhaitèrent que les îles deviennent une région suédoise. La Finlande, devenue indépendante, s’y opposa. Le gouvernement suédois souleva la question devant la SDN en 1921. Après une réflexion approfondie, la Société jugea, le , que les îles devaient être finlandaises tout en disposant d’un gouvernement autonome, évitant une guerre potentielle entre les deux pays.
Albanie
La frontière entre l’Albanie et le royaume de Yougoslavie était restée sujet de controverse après la conférence de paix de Paris en 1919, les forces yougoslaves occupant une partie du territoire albanais. Après des affrontements avec les tribus albanaises, les forces yougoslaves pénétrèrent plus avant les territoires. La Société envoya une commission composée de représentants des divers pouvoirs régionaux. La commission statua en faveur de l’Albanie et les forces yougoslaves se retirèrent en 1921, non sans avoir protesté. La guerre fut à nouveau évitée.
Autriche et Hongrie
À la suite de la Première Guerre mondiale, l’Autriche et la Hongrie durent faire face à une banqueroute résultant du démantèlement de leur territoire et des très importantes réparations de guerre qu’elles durent payer. La Société mit en place des prêts pour les deux nations et envoya des commissaires pour en surveiller la dépense. Dans le cas autrichien, elle déploya une aide internationale de grande ampleur, et poussa Vienne à réformer son système économique pour stabiliser son budget. Ces actions mirent l’Autriche et la Hongrie sur la voie du rétablissement économique.
Haute-Silésie
Le traité de Versailles avait demandé qu’un référendum fût organisé en Haute-Silésie afin de déterminer si le territoire devrait être rattaché à la république de Weimar (Allemagne) ou à la république de Pologne. Une répression brutale et la discrimination contre les Polonais amenèrent à des émeutes et par la suite aux deux premiers soulèvements en Silésie (1919 et 1920). Lors du référendum, approximativement 59,6 % des voix (autour de 500 000 personnes) furent favorables au rattachement à l’Allemagne. Ce résultat conduisit au troisième soulèvement en 1921. La SDN fut invitée à régler la question. En 1922, une enquête de six semaines constata que le territoire devrait être découpé en deux. La décision fut acceptée par les deux camps et par la majorité des habitants.
Memel
La ville portuaire de Memel (maintenant Klaipėda) et la région avoisinante du territoire de Memel furent placées sous le contrôle de la SDN à la fin de la Première Guerre mondiale et fut gouvernée par un général français pendant trois ans. Bien que la population fût majoritairement allemande, le gouvernement lituanien revendiqua le territoire et ses troupes l’envahirent en 1923. La Société choisit de céder le territoire entourant Memel à la Lituanie, mais déclara que le port devrait rester zone internationale, ce qu’accepta la Lituanie. Cette décision pourrait être vue comme un échec (la SDN ayant réagi passivement à l’utilisation de la force), mais le règlement de la question sans grande effusion de sang significative fut un résultat favorable de la Société.
Différend gréco-bulgare
Après un incident de frontière entre sentinelles grecques et bulgares en 1925, les troupes grecques envahirent leur voisine. La Bulgarie ordonna à ses troupes de n’offrir qu’une résistance symbolique, faisant confiance à la Société pour régler le conflit. La SDN a en effet condamné l’invasion grecque, et réclamé à la fois le retrait des troupes grecques et une compensation à la Bulgarie. La Grèce s’y est conformée, mais s’est plainte de la disparité de traitement avec l’Italie (voir plus loin : l’incident de Corfou).
Sarre
La Sarre était une province formée de parties de territoire de la Prusse et du Palatinat rhénan. Elle fut créée et placée sous le contrôle de la SDN après le Traité de Versailles. Un plébiscite (référendum) devait être organisé après quinze ans pour déterminer si la région devait appartenir à l’Allemagne ou à la France. À ce référendum, organisé en 1935, 90,3 % des votes furent favorables au retour de la Sarre à l’Allemagne.
Mossoul
La Société a résolu en 1926 un conflit entre l’Irak et la Turquie à propos du contrôle de l’ancienne province ottomane de Mossoul. Selon le Royaume-Uni, qui avait reçu de la Société un Mandat « A » sur l’Irak en 1920 et de ce fait représentait l’Irak pour ses affaires étrangères, Mossoul avait appartenu à l’Irak. D’un autre côté, la république turque nouvellement créée revendiquait la province comme son centre historique.
Un comité de trois personnes fut envoyé par la SDN dans la région en 1924 afin d’étudier ce cas et recommanda, en 1925, que la région fût rattachée à l’Irak, sous la condition que le Royaume-Uni conservât son mandat sur l’Irak pour une période de 25 années afin d’assurer les droits autonomes de la population kurde.
Le Conseil de la Société des Nations adopta la proposition et décida le d’attribuer Mossoul à l’Irak. Bien que la Turquie eût accepté l’arbitrage de la Société dans le Traité de Lausanne de 1923, elle rejeta sa décision. Toutefois, les Britanniques, l’Irak et la Turquie signèrent un traité le qui, dans ses grandes lignes, reprenait la décision du Conseil de la SDN, attribuant également Mossoul à l’Irak.
Sandjak d'Alexandrette
Sous la supervision de la SDN, le sandjak d’Alexandrette avait été dévolu au mandat français de Syrie. Après de nombreux troubles et contestations entre la minorité turque et la Syrie, une résolution de la Société pousse la France, mandataire, à accorder en son autonomie. Rebaptisé Hatay, le sandjak proclama son indépendance et fonda la république de Hatay en , après les élections du mois précédent. Elle fut plus tard annexée par la Turquie en 1939.
Liberia
À la suite de rumeurs de travail forcé au Liberia, pays africain indépendant, la Société lança une enquête à ce sujet, en particulier concernant les allégations de travail forcé dans les plantations gigantesques de caoutchouc de Firestone dans le pays. En 1930, un rapport de la Société impliqua de nombreux fonctionnaires du gouvernement dans la vente de main-d’œuvre, conduisant à la démission du président Charles D. B. King, de son vice-président et nombreux autres fonctionnaires du gouvernement. La SDN poursuivit en menaçant d’établir une tutelle sur le Liberia à moins que des réformes soient réalisées, ce qui devint l’objectif principal du président Edwin Barclay.
Guerre colombo-péruvienne de 1932-1933
La guerre colombo-péruvienne, survenue entre 1932 et 1933, est un contentieux territorial concernant le « trapèze » de Léticia, zone d’une superficie de 10 000 km2, située en Colombie. Après de violents affrontements, c'est la médiation de la Société des Nations qui mit fin au conflit et conduit les deux parties à signer un traité de paix.
Autres succès
La SDN combattit[Comment ?] également le trafic international d’opium et l’esclavage sexuel et aida à soulager la situation difficile des réfugiés, spécialement en Turquie en 1926. Une de ses innovations dans le domaine fut la création, en 1922, du passeport Nansen, qui fut la première carte d’identité internationalement reconnue pour les réfugiés apatrides. Beaucoup des succès de la Société ont été réalisés par ses diverses agences et commissions.
Sur le long terme, la SDN fut un échec. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale fut la cause immédiate de sa disparition, mais beaucoup d’autres raisons, plus fondamentales, préexistaient.
La Société, comme aujourd’hui les Nations unies, ne disposait pas de force armée en propre et dépendait des grandes puissances pour faire appliquer ses résolutions, ce qu’elles n’ont jamais été très disposées à faire. Les sanctions économiques, qui étaient la mesure la plus grave que la Société pouvait décider - juste avant l’option militaire - étaient difficiles à imposer et eurent peu d’impact sur les pays visés car ceux-ci pouvaient continuer à commercer avec des pays n’appartenant pas à la SDN. Le problème est illustré dans le passage suivant :
« Concernant les sanctions militaires prévues au titre du paragraphe 2 de l’Article 16, il n’y a pas d’obligation légale à les appliquer… s’il existe un devoir politique et moral incombant aux États, ici encore, il n’y a pas d’obligations les concernant[19]. »
Les deux membres les plus importants de la Société, la Grande-Bretagne et la France, étaient réticents à user de sanctions et encore plus réticents au recours à l’action armée au nom de la Société. Si tôt après la fin de la Première Guerre mondiale, les populations et les gouvernements des deux pays étaient pacifistes. Les conservateurs britanniques étaient particulièrement tièdes vis-à-vis du rôle de la SDN et préféraient, quand ils étaient au gouvernement, négocier des traités sans la participation de l’organisation. Finalement, la Grande-Bretagne et la France abandonnèrent toutes deux le concept de Sécurité collective en faveur de celui d’apaisement face au développement du militarisme montant en Allemagne sous Adolf Hitler.
La représentativité de la Société a toujours été un problème. Bien qu’il eût été prévu d’inclure toutes les nations, beaucoup ne s’y joignirent jamais, ou leur participation fut de courte durée. En , pendant les débuts de la SDN, l’Allemagne ne fut pas immédiatement admise à en faire partie, à cause d’un fort ressentiment envers ce pays après la Première Guerre mondiale. Une faiblesse clé vint de la non-participation des États-Unis ce qui supprimait une bonne partie de son pouvoir potentiel. Bien que le président américain Woodrow Wilson eut été un acteur majeur dans de la création de la Société, le Sénat des États-Unis refusa d'abord, de manière tactique, des amendements, le , puis, sur le fond, le , l'adhésion américaine à la SDN[20].
La Société fut encore plus affaiblie quand certaines des principales puissances la quittèrent dans les années 1930. Le Japon, membre permanent du Conseil, se retira en 1933[21] après que la SDN eut exprimé son opposition à la conquête de la Mandchourie par le Japon. L’Italie, également membre permanent du Conseil, s’est retirée en 1937. La Société avait accepté l’Allemagne en 1926, la considérant pays "ami de la paix", mais Adolf Hitler l’en fit sortir quand il arriva au pouvoir en 1933.
Une autre des grandes nations, l’Union soviétique, ne fut membre qu’entre 1934, quand elle rejoignit la SDN par antagonisme avec l’Allemagne (démissionnaire l’année précédente), et le , quand elle fut exclue pour son agression envers la Finlande. Lors de l’exclusion de l’Union soviétique, la Société viola ses propres règles. En effet, seuls 7 des 15 membres votèrent pour l’exclusion (Grande-Bretagne, France, Belgique, Bolivie, Égypte, Union sud-africaine et République dominicaine), ce qui ne représentait pas la majorité des votes requise par la Charte. Trois de ces membres avaient été nommés au Conseil la veille du vote (Union sud-africaine, Bolivie et Égypte)[22]. Après cet événement, la Société cessa de prendre des actions significatives jusqu'à sa dissolution en 1946[23].
La neutralité de la Société eut tendance à passer pour de l’indécision. La SDN exigeait un vote unanime des neuf membres (plus tard quinze) du Conseil pour acter une résolution, ce qui rendait lent et difficile la mise en place d'une action efficace. Quelques-unes de ces décisions exigeaient également le consentement unanime de l’Assemblée, c’est-à-dire, de tous les membres de la SDN.
Une autre faiblesse importante fut qu’elle prétendait à représenter toutes les nations, mais que la plupart des membres protégeaient leurs propres intérêts nationaux et ne s’engagèrent pas vraiment pour la SDN et ses buts. La réticence de l’ensemble des membres à employer l’option militaire l’a clairement démontré. Si la Société avait fait preuve de plus de résolution au moment de sa création, les pays, les gouvernements et les dictateurs auraient pu être plus circonspects au moment de risquer sa colère pendant les années qui suivirent. Ces manques furent, en partie, causes du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Par ailleurs, la recommandation de la Société de désarmement de la Grande-Bretagne et de la France (et d’autres membres) concomitante à la préconisation d’établir une sécurité collective montrait que paradoxalement la SDN se privait des seuls réels moyens qui auraient pu établir son autorité, à savoir des moyens militaires à même d'imposer le droit international dans l’ensemble du monde. Pour ses membres, les engagements envers la SDN présentaient le risque que les États soient entraînés dans des désaccords internationaux qui n’auraient pas directement concerné leurs intérêts nationaux respectifs.
Le , à la suite de l’échec des efforts de la SDN pour empêcher l’Italie de déclencher une guerre de conquête en Abyssinie, le Premier ministre du Royaume-Uni Stanley Baldwin déclara à la Chambre des communes (Royaume-Uni) que la sécurité collective « fut un échec total en raison de l’hésitation de presque toutes les nations européennes de procéder à des sanctions militaires. […] Si l’action collective doit être une réalité et pas uniquement un concept, elle signifie non seulement que chaque pays doit être prêt pour la guerre, mais également doit être prêt à la faire immédiatement ».