Vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain
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Le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain est un vote de l'Assemblée nationale (réunion du Parlement composé de la Chambre des députés et du Sénat) convoquée à Vichy (Allier) le par le président de la République française Albert Lebrun, à la demande du président du Conseil Philippe Pétain, maréchal de France, conformément au conseil des ministres du 4 juillet. Quelques jours avant, l'armistice du 22 juin 1940 avait été signé à Rethondes, après la défaite de la France contre l'Allemagne nazie.
Vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain | ||
Date | ||
---|---|---|
Lieu | Assemblée nationale (France) | |
L'Assemblée nationale siégeant dans le théâtre du Grand Casino de Vichy, le . | ||
Chef de l’État désigné | Philippe Pétain | |
Résultats du vote | Pour : 569 voix (85 %) Contre : 80 voix (12 %) Abstention : 20 voix (3 %) |
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Après des votes successifs, à la quasi-unanimité, du principe de la révision constitutionnelle par la Chambre des députés et le Sénat le 9 juillet, l'Assemblée nationale vote, à une très forte majorité, la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 donnant « tout pouvoir au gouvernement de la République […] de promulguer […] une nouvelle constitution de l'État français [qui] devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie ». Ce vote met un terme à la Troisième République et institue l’« État français », dit régime de Vichy qui s'engage dans la voie de la collaboration avec le Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale et l'occupation.
Le scrutin a lieu dans le contexte de l'écrasement des armées alliées au cours de la bataille de France. L'armée anglaise ayant rembarqué à Dunkerque tandis que les Allemands s'enfoncent vers le Sud, le gouvernement Paul Reynaud se retrouve devant le choix, soit de continuer la guerre depuis la Corse et les colonies, soit de demander un armistice.
Le , Paul Reynaud ayant démissionné, le président de la République, Albert Lebrun, nomme à la tête du gouvernement le maréchal Pétain, vainqueur de la guerre de 1914-1918, âgé de 84 ans. Celui-ci forme son gouvernement et décide de demander l'armistice, qui est signé le en forêt de Compiègne.
La France étant alors partagée en plusieurs zones occupées ou interdites et la majorité des hommes étant soit prisonniers en Allemagne soit exilés, il n'est pas opportun d'organiser des élections, d'autant plus que les lois constitutionnelles (« Constitution ») de la IIIe République n'accordent pas le droit de vote aux femmes. Pierre Laval, ministre de la Justice, manœuvre pour que les parlementaires accordent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Le 9 juillet, conformément aux lois constitutionnelles de 1875, les chambres se réunissent séparément et déclarent, par 395 voix contre trois pour la Chambre des députés, et par 229 voix contre une pour le Sénat, « qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles »[1]. Les trois députés s'opposant au principe d'une révision sont Jean Biondi, Léon Roche (tous deux SFIO) et Alfred Margaine (radical), auxquels s'ajoute le marquis Pierre de Chambrun (sénateur non-inscrit)[2].
Voir le compte rendu intégral de la séance sur le site internet de l’Assemblée nationale[3].
Le , l'Assemblée nationale — formée selon la Constitution de la Troisième République par la réunion de la Chambre des députés et du Sénat — se réunit dans le théâtre du Grand Casino de Vichy[4],[5]. La Chambre des députés est issue des élections législatives du qui avaient vu la victoire du Front populaire, mais les députés communistes sont empêchés de siéger, et le Sénat s'était opposé au Front populaire.
Le , les parlementaires inscrits étaient au nombre de 846 (544 députés et 302 sénateurs)[6] sur les 907 députés et sénateurs inscrits en 1939[7]. Seuls 670 (sur les 907 parlementaires) prennent part au vote[7] (426 députés et 244 sénateurs[6]), en effet, 176 parlementaires sont absents[6] dont 27 sont à ce moment-là en mer, embarqués le du port du Verdon[8] en aval de Bordeaux, vers Casablanca sur le paquebot Massilia (26 députés et un sénateur)[6],[8] ainsi que « 17 parlementaires décédés et un grand nombre se trouvant, à cause de la guerre, dans l'impossibilité de rejoindre Vichy ou ne souhaitant pas s'y rendre »[7]. 61 parlementaires communistes (60 députés et un sénateur) ne peuvent siéger : depuis le , ils sont déchus de leur mandat[6] à la suite du pacte germano-soviétique[7],[5] et du décret-loi d'Édouard Daladier du interdisant le Parti communiste (72 députés communistes avaient été élus en 1936).
La séance est présidée par le président du Sénat, Jules Jeanneney (qui ne prend pas part au vote en raison de sa fonction). 20 autres parlementaires s'abstiennent (12 députés et 8 sénateurs dont trois après une demande de rectification de leur vote).
Sur 649 suffrages exprimés[6],[9] :
- 80 parlementaires (57 députés et 23 sénateurs) votent « non » ;
- 569 approuvent (357 députés et 212 sénateurs) (soit 87,67 % des suffrages exprimés).
Les 649 suffrages exprimés représentent 71,55 % des 907 parlementaires que comptaient les deux chambres au début de 1940 et les voix « pour » représentent 62,73 %, soit la majorité absolue, exigée par la Constitution de la Troisième République.
Inscrits | Votants | Votes exprimés | Majorité absolue | Pour l'adoption | Contre l'adoption | Abstention |
---|---|---|---|---|---|---|
846 (544 députés et 302 sénateurs) | 669 | 649 | 325 | 569 | 80 | 20 |
Le texte adopté est le suivant :
« Article unique. — L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie.
Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées.
La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État.
Fait à Vichy, le 10 juillet 1940
Par le Président de la République,
Albert Lebrun
Le maréchal de France,
président du conseil,
Philippe Pétain[10] »
Le texte n'entraîne pas explicitement la dissolution des Chambres. Il ne s'agit pas non plus d'une motion d'abrogation des lois constitutionnelles de 1875 ayant établi la Troisième République.
Le texte n'entraîne pas la fin explicite de la présidence de la République. Le Président en exercice, Albert Lebrun, refuse toute démission mais se retire finalement. De fait, il est démis de ses fonctions et remplacé par le « chef de l'État », le maréchal Pétain.
Pour Henry Rousso et Éric Conan, il est inexact de soutenir que ce serait « la Chambre du Front populaire » qui aurait accordé les « pleins pouvoirs » en raison, d'une part, de l'évolution politique advenue depuis 1936 et d'autre part, de la présence des sénateurs (212 « pour » sur les 235 votants) et enfin de l'absence de nombreux parlementaires[11] :
« […] il faut rejeter le slogan selon lequel c'est « la chambre du Front populaire » qui a sabordé la République, cliché véhiculé depuis longtemps par l'extrême-droite pour dédouaner le régime pétainiste et repris récemment par ceux qui affirment que les crimes de Vichy doivent être assumés par la République, celle-ci ayant eu sa part dans l'avènement du nouveau régime. Cette assertion, souvent répétée au cours des polémiques de 1992, est inexacte (même si elle recèle une part de vérité dans la mesure où il n'y eut pas d'élection législative entre le et le ). Elle sous-estime d'abord l'évolution politique entre 1936 et 1940, la fragilité de la coalition des radicaux, des socialistes et des communistes ou encore les fractures engendrées en 1938 par la crise de Munich. Surtout, elle fait fi de la présence, au Casino de Vichy, de 245 sénateurs qui, pour le moins, n'avaient guère été favorables, dans leur immense majorité, au Front populaire, puisque c'est le Sénat qui avait fait chuter le premier gouvernement Blum. Ensuite, il faut rappeler que, sur un effectif de 907 députés et sénateurs en 1939, seuls 670 étaient présents à Vichy[11]. […] »
Selon Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka :
« On affirme régulièrement que la République a été bradée par la chambre du Front populaire. Il faut apporter deux correctifs à cette assertion le plus souvent malveillante : tout comme les parlementaires du Massilia, les députés communistes étaient absents, exclus à la suite du pacte germano-soviétique ; et, surtout, l'« Assemblée nationale » comprenait les sénateurs qui, par deux fois, avaient fait tomber Blum[5]. »
Simon Epstein écrit :
« Olivier Wieviorka, dans un autre ouvrage [Les Orphelins de la République. Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945). Paris, Le Seuil, 2001], par ailleurs fort intéressant, poussera l’émotion jusqu’à décerner un brevet d’héroïsme républicain à la gauche, laquelle, « dans son ensemble, a offert une résistance certaine aux pleins pouvoirs ». Il ajoute que « la référence jacobine et républicaine a pu jouer, incitant le parti du mouvement à refuser et la défaite, et la déchéance de la IIIe République ». La phrase élogieuse est certes assortie d’un correctif indiquant que « cette opposition ne doit pourtant pas être surestimée puisque les trois quarts des élus se sont in fine inclinés le 10 juillet 1940 », mais la logique de Wieviorka est difficile à saisir. Quand la droite (qui n’est pas antifasciste) vote massivement les pleins pouvoirs, elle s’abandonne en un « plébiscite unanime ». Quand la gauche (qui était antifasciste, et même bruyamment) vote à 75% les pleins pouvoirs à Pétain, elle se dresse en une « résistance certaine »… Wieviorka s’offre ainsi un luxe rare : il surestime l’opposition de la gauche à Pétain, tout en indiquant qu’on aurait tort de surestimer cette opposition [op. cité, p. 124-125]. La réalité, on le sait, est moins exaltante : 36 parlementaires de la SFIO votent contre Pétain, mais 90 parlementaires de la même SFIO votent pour le même Pétain, au Casino de Vichy. Le groupe SFIO résiste mieux que les autres groupes parlementaires, c’est vrai, et cela doit être dit, mais sa « résistance » est toute relative. Dans leur grande majorité (90 contre 36) les socialistes ont voté, comme les autres, comme l’ensemble des antifascistes du Front populaire, comme les partis du centre et de droite, la fin la République. [12]. »
Concernant l'attitude des parlementaires issus du Front populaire :
- Léon Blum a eu ce commentaire :
« Tel camarade qui, à mon entrée dans la salle, s'était précipité vers moi la main tendue, m'évitait visiblement au bout d'une heure. […] De moment en moment, je me voyais plus seul, je me sentais plus suspect. Il ne surnageait plus que quelques débris intacts à la surface de la cuve dissolvante. […] Le sentiment cruel de ma solitude ne m'avait pas trompé ; j'avais bien eu raison de me juger désormais comme un étranger, comme un suspect au sein de mon propre parti[13]. »
- Vincent Auriol a eu ce commentaire :
« Voici Léon Blum. Quelques rares et fidèles amis autour de lui. Où sont les 175 parlementaires socialistes ? Quelques-uns sans doute n'ont pu venir... mais les autres ? […] Sur 150 députés et 17 sénateurs socialistes nous ne sommes que trente-six fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès[14]. »
En ce qui concerne les députés communistes, Simon Esptein avance l'analyse suivante : « Les communistes ayant dénoncé le pacte germano-soviétique sont là et ils votent en majorité pour Pétain. Quant aux autres, ceux qui sont restés fidèles à la nouvelle ligne du parti, ils soutiennent le pacte et sont en phase défaitiste révolutionnaire aiguë, ils sont hostiles à tout effort de résistance nationale […] ce n'est certainement pas sur eux, en juillet 1940, qu'on pouvait compter pour défendre une République dont ils dénonçaient, depuis l'automne 1939, le caractère impérialiste, belliciste et bourgeois »[15].
Selon l'historien Gilles Candar, 73 des 80 parlementaires ayant voté contre étaient des élus de gauche[16]. Concernant l'origine des opposants, Simon Epstein cite Daniel Mayer : « Les socialistes représentaient un pourcentage relativement important du total des opposants dira Daniel Mayer, mais il précisera aussitôt, dans la même phrase, qu'il s'agissait d'un pourcentage infime en face de la composition du parti socialiste »[14], ainsi que Vincent Auriol : « Les 80 opposants appartiennent à toutes les tendances politiques du Parlement et du pays. Tous les partis ont leurs renégats et leurs traîtres »[14].
Parmi ceux qui votèrent non, on trouve une sur-représentation de descendants de dynasties politiques pro-démocratie, c'est-à-dire de dynasties dont le fondateur soutenait déjà les idéaux démocratiques. Jean Lacroix, Pierre-Guillaume Méon et Kim Oosterlinck (2019) estiment que ces dynastes pro-démocratie ont eu une probabilité de 9,6 à 15,1 % plus élevée que les autres parlementaires de s'opposer au texte[17].
Parmi ceux qui votèrent non[18], Vincent Badie est célèbre pour s’être écrié après le vote « Vive la République quand même ! »[6]. Robert Aron attribue cette exclamation à Marcel Astier, sénateur de l'Ardèche[19].